Un roman qui offre un corps de langage à la sensibilité de l'intériorité, à tout ce qui dit en ne se disant pas. La nuit des choses décline, en différents moments de conscience, la trame d'une histoire décousue, d'une détresse qui s'enracine, d'un amour échoué. C'est le roman d'une relation née à distance, d'un rapprochement inattenduâ??; une histoire vécue dans l'ardeur d'une affinité sensible aussitôt pressentie, d'une passion éprouvée, mais bientôt trahie, et qui se délite alors dans une autre distance : celle du silence. Une chape de brume recouvre à mesure les choses, nourrie par un dialogue déchiré avec l'homme qui se tient au loin sans jamais s'effacer vraiment. Le personnage féminin se voit abandonné à la confusion de questions jamais refermées, qui l'envahissent et l'emprisonnent lentement. L'obscurité de l'incompréhension se tisse.
«Si tu étais si attaché à ta carte d'ouvrier, c'est sans doute parce que tu étais un homme sans titre. Toi qui es né dépossédé, de tout titre de propriété comme de citoyenneté, tu n'auras connu que des titres de transport et de résidence. Le titre en latin veut dire l'inscription. Et si tu étais bien inscrit quelque part en tout petit, ce n'était hélas que pour t'effacer. Tu as figuré sur l'interminable liste des hommes à broyer au travail, comme tant d'autres avant toi à malaxer dans les tranchées.»En lisant Misère de la Kabylie, reportage publié par Camus en 1939, Xavier Le Clerc découvre dans quelles conditions de dénuement son père a grandi. L'auteur retrace le parcours de cet homme courageux, si longtemps absent et mutique, arrivé d'Algérie en 1962, embauché comme manoeuvre à la Société métallurgique de Normandie. Ce témoignage captivant est un cri de révolte contre l'injustice et la misère organisée, mais il laisse aussi entendre une voix apaisée qui invite à réfléchir sur les notions d'identité et d'intégration.
Après ses études de droit, Jonathan décide de regagner ses montagnes dans l'arrière-pays et de garder des moutons. Mais l'amour et la mort s'en mêlent.
D'abord, le corps d'un de ses amis, un alpiniste renommé, est retrouvé sur un glacier et tout semble indiquer qu'il a été assassiné. Militant écologiste, le jeune homme dénonçait un scandale sur la pollution des fonds marins. Puis Jonathan fait la rencontre de Léna, une jeune humanitaire en rébellion contre son père, un homme d'affaires véreux.
Il décide alors de quitter son enclave et ses bêtes pour la Côte et ses casinos. Devenu croupier, il découvre l'envers du décor paradisiaque du littoral.
Avec cet itinéraire d'un jeune berger captivé par les lumières de la ville, entre impunité et humiliation, Olivier Weber esquisse une ample fresque de la corruption sur la Côte d'Azur aux allures de roman noir.
De petits débris flottent et se déplacent dans le vitré projetant parfois des formes sur la rétine. Ce que l'oeil perçoit est l'ombre de ces corps flottants. Comme dans un cosmos, certains se satellisent et s'agrègent. J'ai vécu mon adolescence à Phnom Penh de 1967 à 1970. J'en ai si peu de souvenirs que j'ai laissé toute la place à ces traces, des ombres projetées. En résille, des silhouettes apparaissent, font signe, celles des parents, de mes camarades de lycée, d'un grand amour. Celles aussi auxquelles la violence de l'Histoire nous attache.Ici, à Paris, le temps est blême, c'est l'hiver, il est 17 heures, il fait huit degrés. Là-bas, à Phnom Penh, la nuit est totale, il est 23 heures et il fait vingt-six degrés. J'ai voulu écrire dans les deux fuseaux horaires, dans les deux latitudes. Écrire au crépuscule qui est avant tout la survivance de la lumière après le coucher du soleil.J. S.
Décembre 2017, banlieue de Lyon. Samuel Vidouble retrouve sa famille maternelle le temps d'un dîner de Hanoukkah haut en tohu-bohu et récits bariolés de leur Algérie, de la prise de Constantine en 1837 à l'exode de 1962. En regardant se consumer les bougies du chandelier, seul objet casé dans la petite valise de Mamie Baya à son arrivée en France et sujet de nombreux fantasmes du roman familial - il aurait appartenu à la Kahina, une reine juive berbère -, il décide de faire le voyage, et s'envole pour Constantine. Il espère aussi retrouver Djamila, qu'il a connue à Paris, la nuit des attentats, et qui est partie faire la Révolution pour en finir avec l'Algérie de Bouteflika.
Passé et présent s'entrelacent au long de ses errances dans les rues de Constantine, aussi bien qu'à Guelma et Annaba, retrouvant les lieux où sa grand-mère s'est mariée, où son grand-père s'est suicidé, où sa mère est née, où sa tante s'est embarquée pour Marseille. De retour en France, il ne cesse d'interroger les femmes de sa famille, celles à qui revient d'allumer les neuf bougies, pour élucider le mystère du chandelier.
Au fil de leurs souvenirs, il comprend ce qui le lie à l'Algérie et ce qui lie toutes ces générations de femmes que l'histoire aurait effacées s'il n'y avait des romans pour les venger. Derrière les identités multiples, légendaires, réelles ou revendiquées - passé berbère, religion juive, langue arabe, citoyenneté française -, c'est l'appartenance à une communauté géographique qui se dessine : le vrai pays de ces Orientales, c'est la Méditerranée, la Méditerranée des exilés d'hier et d'aujourd'hui, la Méditerranée d'Homère et d'Albert Cohen, d'Ibn Khaldun et d'Albert Camus.
Dans ce grand livre de rires et de larmes qui tient à la fois de la quête initiatique, du récit des origines, de la saga familiale et du roman d'amour, Emmanuel Ruben réinvente et magnifie son pays des ancêtres.