C'est l'histoire d'un drôle de ministère et d'un drôle de ministre : Kéba-Dabo. Imaginez un ministère ayant pour objet de « procéder aux désencombrements humains ». C'est-à-dire d'éloigner de la Ville mendiants et autres parasites indésirables, histoire de ne pas nuire à la tranquillité des touristes et de ne surtout pas porter atteinte au nouvel essor économique de la ville en question. La mission fixée à Kéba-Dabo par son chef est simple : plus un seul mendiant ne doit désormais traîner dans les rues. Et Kéba-Dabo d'obtempérer et de parvenir à ses fins.
Seulement les mendiants n'en sont pas moins des hommes aussi. Et un beau jour, à bout d'humiliation, ils refusent l'os dans le potage et décident de se mettre en grève. Et un mendiant en grève, c'est tout simplement un mendiant qui refuse de continuer à mendier. Résultat, la vie sociale du pays s'en trouve chamboulée en grand ! Tout le talent, la finesse inventive d'Aminata Sow Fall, doublée d'une capacité d'observation peu commune s'illustre là. Les nantis, les pansus, les repus, forts marris, n'ont plus personne à qui adresser leurs prières. Plus personne non plus à qui faire des dons et attirer ainsi sur eux, comme en récompense, les bienfaits de la réussite.
Avec un humour décapant, non dénué d'une gravité lucide, c'est à une véritable satyre des riches et des puissants que se livre Aminata Sow Fall. Ceux qui n'ont pas de bouches, les humbles, les déshérités, retrouvent grâce à sa plume le visage de l'honneur et de la dignité. Qu'elle en soit louée !
Le cinquième roman d'aminata sow fall, le jujubier du patriarche, nous plonge dans la complexe mémoire africaine, tissée autour d'un chat, le chant qui célèbre les lignées des héros antiques, des bâtisseurs et des grands guerriers.
L'enjeu de la mémoire c'est la place qui revient aujourd'hui à chacun au sein de la société. mais le tissage peut aussi être déchiré par l'intrusion du monde " moderne " qui suit les indépendances.
Un foisonnement de personnages, de temps, de castes, et partout, toujours, les mots qui figent ou qui brisent. narrations et dialogues, paroles de griots, de femmes, de chefs nous emmènent en procession jusqu'au jujubier du patriarche oú devra s'accomplir la renaissance.
Chroniques d'une famille et d'une cour, festins de la détresse, nous plongent au coeur de vies en proie aux absurdités que provoquent les changements économiques et sociaux, trop rapides pour le temps d'une vie humaine.
Puisant dans la mémoire complexe du chant africain, aminata sow fall veut " changer la croyance selon laquelle la nourriture et les biens matériels sont seuls nécessaires à la survie, et mettre en évidence l'importance de la créativité et des besoins spirituels. ils sont même plus importants que les biens matériels, qui ne suffisent pas à fonder la dignité d'un être humain ".
Au Sénégal, trois familles partagent une cour. Cette cour est un véritable Eden où ils partagent les repas, des joies et les peines, les longues discussions et les récits des ancêtres. Quand la famine frappe, les familles se dispersent et les enfants grandissent avec le lointain souvenir de leur paradis perdu. Et le temps passe. Mais peu à peu ces mêmes enfants se retrouveront et parviendront à recréer une nouvelle cour commune, une nouvelle île édénique remplie d'espoirs. Avec ce conte résolument moral, Aminata Sow Fall exalte les valeurs simples et la richesse des coeurs. Elle affirme haut la nécessité de rebâtir nos sociétés sur un modèle d'entraide et de partage, de sincérité et de courage.