L'absence qui me tient lieu de souffle recommence à tomber sur les papiers comme de la neige. La nuit apparaît. J'écris aussi loin que possible de moi.
Au plus près de la terre et du poids des éléments, le parcours d'André du Bouchet se révèle en tous points exemplaire. Il est le poète qui nomme les choses par leur nom et leur espace, qui restitue l'attention, la dignité et cette part de silence essentiel que les discours ont avili. Farouche est sa présence au monde, scrupuleuse et tranchée, comme si l'être tout entier s'impliquait sans réserve dans un combat volontaire, une exigence, une ascèse.
La traversée de ses livres impose un mouvement violent, comme celui d'une faux qui ouvre la voie à une respiration plus vive. D'où cet ajour toujours renaissant dans la trame de ses textes, brèche imposée au souffle pour qu'il ne mente pas, écart creusé dans la ténèbre pour que perdure un reste de lumière.
« C'est au prix de longues recherches et de multiples tâtonnements qu'André du Bouchet a inventé un dispositif typographique inédit, qui prolonge et renouvelle les tentatives de Mallarmé et de Reverdy. C'est grâce à cet espacement du texte, qui déploie les énoncés sur la page de façon toujours plus audacieuse et en même temps très rigoureuse, qu'il a trouvé sa voix en poésie, et la voie qui lui a permis de retrouver dans les mots la relation perdue avec le monde. Les blancs, qui occupent une si large place dans ses recueils, ne sont pas pour Du Bouchet des vides, mais "le lieu du vif" : ils ajourent et aèrent le poème, qu'ils ouvrent sur son dehors.
Un des aboutissements de cette démarche poétique singulière est, sans nul doute, Ici en deux, paru en 1986. Ce qui s'exprime dans ce recueil, c'est à la fois le désir d'une totale coïncidence avec le monde, et la conscience d'un écart irréductible. Cette alliance paradoxale est depuis toujours au coeur de la réflexion et de la pratique d'André du Bouchet : c'est une faille qui lui a livré accès à la poésie, et c'est elle qui donne à ce livre sa forme et son unité. On la retrouve à chaque page, dans le rapport du poète au monde et aux langues. Dès le titre du recueil s'inscrit ce paradoxe d'une relation au proche qui suppose sa mise à distance, une scission interne qui éloigne l'ici de lui-même, en le dédoublant. » Michel Collot.
Ce livre recueille tous les essais sur la poésie publiés par André du Bouchet entre 1949 à 1959, devenus le plus souvent inaccessibles, ainsi qu'une vingtaine d'essais inédits, le plus souvent écrits ou ébauchés dans le cadre du C.N.R.S. où le poète fut chercheur entre 1954 et 1957. Ils sont consacrés à Scève, Hugo, Baudelaire, mais aussi à des poètes contemporains (Reverdy, Char, Ponge) ou étrangers (Hölderlin, Joyce et Pasternak).
Ce livre vient compléter le rassemblement d'écrits dispersés du poète entrepris au Bruit du temps par Clément Layet en 2011, avec les essais sur la poésie d'Aveuglante et banale et les carnets d'Une lampe dans la lumière aride: il présente d'une part les écrits sur l'art publiés du vivant de l'auteur mais non repris dans ses livres, de l'autre des textes dont la publication n'a pas abouti ou n'a pas été envisagée par André du Bouchet.
Il donne une part importante à ses premiers écrits, dont certains datent de la période de son séjour à Harvard et de ses rencontres avec les historiens de l'art Pierre Schneider et surtout Georges Duthuit. Les textes sur Géricault, Delacroix, Jongkind ou Vuillard viennent battre en brèche l'idée selon laquelle le poète n'aurait écrit que sur des peintres vivants (et essentiellement Giacometti et Tal Coat). Quant aux peintre contemporains, ce livre permet aussi de se faire une idée plus complète des nombreux artistes dont André du Bouchet a suivi, soit ponctuellement, soit dans la durée le travail et auxquels il a donné un texte à l'occasion d'une exposition. Ce sont Joan Miro, André Masson, Jean Hélion, Jean-Paul Riopelle, Miklos Bokor, Geneviève Asse, Jack Ottaviano, Nicolas de Staël. Tal Coat et Giacometti sont aussi présents, mais à travers des avant-textes de livres publiés et des inédits retrouvés dans les brouillons du poète. L'ensemble de ces textes, remarquablement présentés et édités par omas Augais, montre la cohérence d'une ré exion sur l'art marquée par le refus - d'où le titre en apparence paradoxal choisi pour ce recueil - de toute la tradition occidentale fondé sur la perspective, auquel il s'agit de substituer un espace ouvert, qui abolit la radicale distinction entre le sujet et l'objet de la peinture.
omas Augais, qui enseigne actuellement à l'université de Fribourg, est l'auteur d'une thèse intitulée Trait pour trait, Alberto Giacometti et les écrivains par voltes et faces d'ateliers, soutenue en 2009.
Ce livre reproduit une grande part des carnets que le poète André du Bouchet tint presque quotidiennement entre 1949 et 1955. Une période d'intense création poétique, dans la proximité de Ponge et de Reverdy, durant laquelle il découvre ce qui deviendra sa propre voix. Sous la plume du jeune homme qui rêve de devenir poète, on voit, en l'espace de seulement quelques mois, la métamorphose s'opérer. La marche a remplacé le rêve.
Par sa nervosité de trait, par le dépouillement de son écriture, profondément enracinée dans la réalité la plus élémentaire, incluant le vide dans sa progression, l'oeuvre de Du Bouchet se rapproche de celle de Giacometti, son ami fraternel. Cet ouvrage, entre le poème et l'essai, est une évocation du sculpteur au travail dans son atelier, une puissante réflexion sur la création artistique.
Ce recueil des entretiens qu'André du Bouchet donna à Alain Veinstein, de 1979 à 2000, le dernier ayant été enregistré quelques mois avant sa mort, eurent pour destination (à l'exception de deux d'entre eux publiés dans " L'Autre journal " et " Libération ") différentes émissions de France Culture : " Les Nuits magnétiques ", " Poésie ininterrompue ", " Surpris par la nuit ", " Du jour au lendemain "...
C'est ici pour la première fois que nous donnons leur retranscription. André du Bouchet parlait avec Alain Veinstein sans souci des circonstances particulières de l'enregistrement - reconnaissable entre toutes, les lecteurs peuvent aujourd'hui retrouver sa voix.
Qui aurait pu imaginer l'intérêt d'André du Bouchet pour Victor Hugo ? Leurs démarches poétiques, apparemment, s'opposent radicalement. Pourtant, l'auteur de L'Emportement du muet a montré à deux reprises, dans les années 50, qu'il était un lecteur de Victor Hugo. En 1951, dans la revue Critique, il a mis en évidence la plénitude de l'oeuvre à partir de sa fragmentation et de son inachèvement. En 1956, chez GLM, il a publié à cinq cents exemplaires une anthologie de l'oeuvre de l'auteur de La Légende des siècles, qui est l'une des plus intenses illustrations de ce que peut être l'art de la lecture. Ce volume réunit pour la première fois ces deux textes jusqu'à présent introuvables.