Un trajet invraisemblable, un personnage mythique, un héros comme Samson ou Goliath, monstres de force, abattus finalement par un caillou ou par une femme.
« Si un chien rencontre un chat - par hasard, ou tout simplement par probabilité, parce qu'il y a tant de chiens et de chats sur un même territoire qu'ils ne peuvent pas, à la fin, ne pas se croiser ; si deux hommes, deux espèces contraires, sans histoire commune, sans langage familier, se trouvent par fatalité face à face - non pas dans la foule ni en pleine lumière, car la foule et la lumière dissimulent les visages et les natures, mais sur un terrain neutre et désert, plat, silencieux, où l'on se voit de loin, où l'on s'entend marcher, un lieu qui interdit l'indifférence, ou le détour, ou la fuite ; lorsqu'ils s'arrêtent l'un en face de l'autre, il n'existe rien d'autre entre eux que de l'hostilité - qui n'est pas un sentiment, mais un acte, un acte d'ennemis, un acte de guerre sans motif. » (B.-M. K.) Dans la solitude des champs de coton est paru en 1986.
« Combat de nègre et de chiens ne parle pas, en tout cas, de l'Afrique et des Noirs - je ne suis pas un auteur africain -, elle ne raconte ni le néocolonialisme ni la question raciale. Elle n'émet certainement aucun avis.
Elle parle simplement d'un lieu
« Le jeune homme que fait parler Koltès, jeune frère de Rimbaud et de Genet, tente de retenir, en usant de tous les mots dont il dispose, un inconnu qu'il a abordé dans la rue un soir où il était seul, seul à en mourir. Il parle, il parle aussi frénétiquement qu'il ferait l'amour, il crie son univers : ces banlieues où l'on traîne sans travailler et où pourtant l'usine guette, ces rues où l'on cherche un être ou une chambre pour une nuit, ou un fragment de nuit, où l'on se cogne à des loubards partant à la chasse aux ratons, aux pédés, un univers nocturne où il est l'étranger, l'orphelin, et qu'il fuit en se cognant partout dans sa difficulté d'être et sa fureur de vivre. » (Gilles Sandier, Le Matin) La Nuit juste avant les forêts est paru aux Éditions de Minuit en 1988.
« Dans une ville de province à l'est de la France, au début des années soixante, Mathilde Serpenoise retrouve la maison familiale qu'elle a quittée quinze ans auparavant. Revenant d'Algérie avec bagages et enfants, elle est violemment accueillie par son frère qui l'accuse de fuir la guerre et de revendiquer son héritage.
Une bourgeoisie qui se dispute obstinément comme des paysans qui se souviennent éternellement des conflits de village sans en connaître l'origine et qui connaissent chaque borne de leur terrain malgré les ventes, les hypothèques et les abandons ancestraux. » Bernard-Marie Koltès Cet ouvrage est paru en 1988. La pièce a été créée au théâtre du Rond-Point, à Paris, le 28 septembre 1988, dans une mise en scène de Patrice Chéreau, avec Jacqueline Maillan et Michel Piccoli.
Cent ans d'histoire de la famille Serpenoise est un court texte de Koltès initialement paru dans Le Républicain lorrain en octobre 1988, et repris dans la présente édition en 2006.
« Un homme voudrait mourir. Il prévoit de se jeter dans le fleuve, dans un endroit désert, et, parce qu'il craint de flotter, il dit : « Je mettrai deux lourdes pierres dans les poches de ma veste ; ainsi, mon corps collera au fond comme un pneu dégonflé de camion, personne n'y verra rien. » Il se fait conduire (dans sa Jaguar, qu'il ne sait pas conduire lui-même), sur l'autre rive du fleuve, dans un quartier abandonné, près d'un hangar abandonné, dans une nuit plus noire qu'une nuit ordinaire, et il dit à celle qui l'a conduit : « Voilà, c'est ici, vous pouvez rentrer chez vous. » Il traverse le hangar, avance sur la jetée, met deux pierres dans les poches de sa veste, se jette à l'eau en disant : « Et voilà » ; et, avec de l'eau sale et des coquillages plein la bouche, il disparaît au fond du fleuve comme le pneu dégonflé d'un camion.
Quelqu'un, qu'il ne connaît pas, plonge derrière lui et le repêche. Trempé, grelottant, il se fâche et dit : « Qui vous a autorisé à me repêcher ? » Puis, en regardant autour de lui, il se met à avoir peur : « Qu'est-ce que vous me voulez ? » En voulant repartir, il s'aperçoit que sa voiture est toujours là, qu'on a mis le moteur hors d'usage, qu'on a crevé les pneus. Il dit : « Qu'est-ce que vous me voulez, exactement ? »» Bernard-Marie Koltès
« Voici l'ensemble des entretiens accordés par Bernard-Marie Koltès à la presse écrite. Si ce recueil d'entretiens n'est pas un livre de Koltès, il lui appartient bien, cependant, pour en avoir relu et corrigé bon nombre d'entre eux. Ils sont bien sa voix, son humeur. À ce titre, nous nous garderons ici de tout commentaire. Passé les rapports complexes qu'il entretint avec le théâtre et dont il y aurait tant à dire, il faut bien noter cependant comment, ainsi rassemblés, ces entretiens constituent une autobiographie involontaire de Koltès ; autobiographie à l'évidence lacunaire, volontairement lacunaire et intéressante comme telle. On peut rêver à une biographie de Koltès, à son intérêt s'agissant de lui, et le lisant attentivement, n'y a-t-il pas comme une incongruité ? Faulkner qu'il admirait tant écrivait : `` C'est mon ambition d'être en tant qu'individu, aboli, rayé de l'Histoire ; de laisser celle-ci intacte, sans reste, sinon des livres imprimés ; il y a trente ans j'aurais dû être assez clairvoyant pour ne pas les signer, comme certains élisabéthains.
Mon but, mon épitaphe : il a fait des livres et il est mort. '' »
Cette pièce, écrite en 1976-77 et parue en 1995, s'inspire des nouvelles de l'écrivain américain J. D. Salinger.
« Dans L'Héritage, il y a une maison, froide, posée dans des champs nus qu'il faut traverser pour atteindre la ville. Dans la maison, il y a une famille, bourgeoise, riche à crouler sous les domestiques. Et dans une pièce, il y a un cadavre, celui du père. Dehors, il fait nuit. Il fera nuit toute la pièce. Koltès était un solaire à l'âme d'oiseau nocturne. Il a donné au fils de L'Héritage un nom insensé d'Indien à la Claudel, Pahiquial. Pahiquial a une mère, Anne-Agathe, un ami efféminé, Ariée, une "fiancée", Thérèse, et un désir de funambule qui danserait sur des braises. Une âme en feu, la haine du monde, l'envie féroce de tout jeter - l'héritage, la maison, la famille - pour se perdre dans la jungle de villes par lui imaginées. Pahiquial est fragile, Koltès incendiaire. Ses mots impolis, parfois insupportables, surgissent d'une nuit du refus qui deviendra gracieuse, dans ses pièces suivantes. » (Brigitte Salino, Le Monde) L'Héritage, écrit en 1972, est paru en 1998.
Deux soeurs, Barba et Félice, et deux garçons, Cassius et Chabanne, sont les héros fragiles d'une sorte de mythologie de notre temps ; la fuite se prolonge, jusqu'au coeur de la ville, parmi les passants, les familles, les voisins, la police et les chats.
Métaphores de la vie de tous les jours, ils jouent ensemble jusque dans la mort le ballet cruel et silencieux des amours impossibles.
La Fuite à cheval très loin dans la ville a été publié en 1984.
Il s'agit du songe d'un personnage qu'on ne connaîtra pas, mais qui subit et agit dans son rêve sous les traits et le nom de Dantale.
Deux figures occupent la plus grande partie de son esprit, tandis que d'autres passent, comme des contradictions de son corps en sommeil - les unes précises, certaines presque fugitives.
Deux éléments déterminent le rêve autant que le texte et la nature des personnages : la lumière d'une part (sa forme et son intensité), d'autre part la hauteur ou la profondeur qu'occupent les visions dans le cerveau endormi.
Bernard-Marie Koltès a écrit Récits Morts au début de 1973, pour Le Théâtre du Quai. Les répétitions commencèrent en février et la première représentation fut donnée à Strasbourg, le 27 avril.
Pendant les représentations, l'auteur projeta un plan de tournage pour le film qu'il voulait réaliser à partir de la pièce : les effets escomptés au théâtre ne le satisfaisaient pas. En juin, il s'installa à La Valette, près d'Abreschviller dans les Vosges, pour écrire et commencer les repérages. Puis il parcourut les Vosges alsaciennes, du nord au sud, visita les ruines des châteaux médiévaux, fit un voyage à Dunkerque et, finalement, le film fut tourné au cours de l'été. C'est La Nuit perdue.
Le Jour des meurtres dans l'histoire d'Hamlet est une adaptation. Bernard-Marie Koltès avait lu Shakespeare à partir de 1969 dans l'édition d'Oxford (1965), puis dans plusieurs traductions, en particulier celle de François -Victor Hugo (Editions Rencontre, 1969) qu'il avait lue dans son intégralité.
Mais en 1974, pour écrire ce « condensé » de l'oeuvre originale, il choisit la traduction d'Yves Bonnefoy, publiée au Mercure de France (1962, 1988) et également dans la collection « Folio » chez Gallimard. Les emprunts à cette traduction sont fragmentaires : cependant, l'auteur a utilisé ce texte comme principe de son travail. On les retrouvera disséminés dans toute l'oeuvre. Bernard-Marie Koltès est né en 1948. Il est mort en 1989.
Ce Prologue d'un roman inachevé date de 1986. Son écriture a été interrompue par le théâtre : Tabataba, Dans la solitude des champs de coton et Roberto Zucco. Bernard-Marie Koltès souhaitait reprendre ce roman après Roberto Zucco.
Ce texte est suivi de deux nouvelles écrites en 1978 au Nicaragua et au Guatémala et de quelques textes courts : Out (Le coup dans la gueule ; Capoiera ; Jeet-Kune-Do ; Last, last dragon ; Le coup fantôme) - Home - Douze notes prises au Nord.
Cette pièce transposée d'Enfance de Gorki est le premier écrit pour le théâtre que Bernard-Marie Koltès a mis en scène et interprété (Alexis), en 1970, à Strasbourg avec sa troupe du Théâtre du Quai.
Le texte est paru en 1998.
La Marche est une pièce qui date de 1970 et qui a été inspirée à Bernard-Marie Koltès par la traduction d'Henri Meschonnic du Cantique des cantiques paru chez Gallimard sous le titre Le Chant des chants.
Très marqué par Dostoïevski dont, à cette époque, il lit Les Frères Karamazov et Souvenirs de la maison des morts, Bernard-Marie Koltès écrit Procès ivre en 1971, qu'il met en scène à Strasbourg avec le Théâtre du Quai.
Procès ivre est paru en 2001.
Passionné de cinéma, Bernard-Marie Koltès se nourrissait de films, plus en amateur qu'en cinéphile. Il a été formé autant par le cinéma que par la littérature. Son univers était constitué aussi bien par Dostoïevski, Faulkner et Conrad que par Huston, Scorsese et Antonioni.
Il a écrit plusieurs scénarios, pour la plupart disparus, dont le dernier, Nickel Stuff, en 1984, qu'il voulait tourner à Londres, en noir et blanc, avec John Travolta et Robert De Niro. Mais il y renonça : ayant été invité sur quelques tournages de film, il fut convaincu de ne jamais se laisser embarquer dans une affaire aussi compliquée.
B-M Koltès (Traduction de Hector Poullet) Le Clézio (Traduction de R. Confiant) L'histoire : un jeune homme discute avec sa soeur aînée dans une cour tout en s'occupant de sa moto ; reproches sur les comportements de l'un et de l'autre, discussion sur la vie, l'amour, les hommes et les femmes de leur village. Un débat de cette nature entre un frère et une soeur, exprimant sans retenue des sentiments personnels est tout à fait improbable. Le fait de l'exprimer en créole nous oblige à nous pénétrer de réalités et de sentiments qui ne nous sont pas habituels et de ce fait nous ouvre davantage aux autres. Si bien qu'il me semble aujourd'hui fondamental, pour notre société, de passer par le moule de la langue pour élargir nos horizons et ainsi rompre l'alternative, dans laquelle les fondamentalistes de tout bord voudraient nous enfermer et qui consiste à vouloir que nous soyons ou créole natif-natal, ou français hexagonal.
Hector Poullet Même en choisissant les expressions guadeloupéennes les plus basilectales, on n'arrive pas toujours à trouver le bon terme et il faut alors puiser dans les langues soeurs que sont les créoles martiniquais, guyanais, dominiquais ou saint-lucien. Je l'ai fait avec modération. Là encore, le contexte permet à l'auditeur de comprendre le mot inconnu.
A mon avis, un tel travail n'a de sens que s'il poursuit un double objectif, montrer la beauté du texte de Le Clézio, montrer la force et la beauté de la langue créole.
Raphaël Confiant
Passé les rapports complexes que bernard-marie koltès entretint avec le théâtre, l'ensemble des entretiens qu'il a accordés à la presse écrite constituent une autobiographie involontaire de koltès ; autobiographie à l'évidence lacunaire, volontairement lacunaire et intéressante comme telle.
Alain prique.
* Roberto Zucco : cette pièce, achevée à l'automne 1988, a été créée à la Schaubühne, à Berlin en avril 1990, puis en France, au Théâtre National Populaire de Villeurbanne, le 5 décembre 1991, dans une mise en scène de Bruno Boëglin.
* Tabataba écrit en 1986 compte trois personnages : Maïmouna, Petit Abou et Harley Davidson, la moto qui est à l'origine des propos échangés par la soeur et le frère.
* Coco [Coco Chanel et sa servante Consuelo] : en 1988, après Roberto Zucco, Bernard-Marie Koltès avait plusieurs projets d'écriture restés à l'état d'esquisses. L'un de ces projets, à peine développé, portait une dédicace à Coco Chanel.
* Ces pièces sont suivies de notes sur Quai Ouest, intitulées Un hangar, à l'Ouest.
« Un trajet invraisemblable, un personnage mythique, un héros comme Samson ou Goliath, monstres de forceoe abattus finalement par un caillou ou par une femme. » Bernard-Marie Koltès