« Son ami plongea brusquement, saisit un pied de Vinca et la tira sous la vague. Ils burent ensemble, reparurent crachant, soufflant, et riant comme s'ils oubliaient, elle ses quinze ans tourmentés d'amour pour son compagnon d'enfance, lui ses seize ans dominateurs, son dédain de joli garçon et son exigence de propriétaire précoce. »Tous les étés, Philippe et Vinca se retrouvent en Bretagne dans une maison qui abrite leurs jeux et leur insouciante complicité. Mais l'enfance disparaît, laissant place à l'adolescence et aux sentiments troubles et nouveaux qui appartiennent à cet âge. La souffrance, la trahison et une mystérieuse dame en blanc viennent rompre la fidélité de Phil et troubler l'âme limpide de Vinca.Publié en 1923, Le blé en herbe s'imposa par son audace et son anticonformisme. Le scandale n'est plus de mise aujourd'hui, mais parmi l'oeuvre de Colette, l'histoire de Phil et Vinca reste le roman le plus subtil et le plus juste sur la fin de l'enfance.
Malgré une différence d'âge entre eux, Léa de Lonval est la maîtresse de Fred Peloux, surnommé Chéri. Léa ressent les moindres effets d'une passion qu'elle pense être la dernière. Il suffira à Chéri d'épouser la jeune Edmée pour comprendre que la rupture avec Léa ne va pas sans regrets. Peinture narquoise d'un certain milieu demi-mondain.
Lorsque débute leur vie commune, Alain et Camille sont deux amis d'enfance que tout en apparence rapproche. Mais leurs secrètes rêveries les divisent. « Mon mariage, reconnaît Alain, contente tout le monde et Camille, et il y a des moments où il me contente aussi, mais... » Ce qu'Alain aime en Camille, c'est une beauté idéalisée, faite d'immobilité et de silence. Aussi est-il déconcerté par son exubérance. Comme l'arrivée d'une saison nouvelle, la découverte de leur intime division le met à la merci d'autres rêves. Et c'est alors que le drame se noue. La chatte Saha sera désormais pour Alain la chimère sublime qui domine sa vie et pour Camille la rivale détestée contre laquelle aucun procédé n'est trop brutal.
Avec une maîtrise et une sobriété sans égales, Colette a composé, en suivant les règles de l'art classique, une véritable tragédie d'amour à trois personnages.Couverture dessinée par Leonor Fini.
Colette a cinquante-neuf ans quand elle publie, en 1932, ces pages où elle s'interroge sur l'opium, l'alcool et les autres plaisirs qu'on dit charnels, à travers le souvenir de quarante années de vie parisienne. « On s'apercevra peut-être un jour que c'est là mon meilleur livre », disait-elle.
Vous n'êtes pas du tout une femme convenable, Madame Colette... Vous êtes la fière impudeur, le sage plaisir, la dure intelligence, l'insolente liberté : le type même de la fille qui perd les institutions les plus sacrées et les familles.
Jean Anouilh.
La grandeur de Madame Colette vient de ce qu'une inaptitude à départir le bien du mal la situait dans un état d'innocence.
Jean Cocteau.
Colette La Maison de Claudine «Les souvenirs d'enfance sont toujours difficiles à définir et à décrire. [.] Qu'y a-t-il au fond des plus beaux de tous, qui sont ceux de Mme Colette ? Vraiment rien. [.] nulle part d'événements, seulement un mot, une attitude, une situation, qui sont demeurés dans l'esprit de l'adulte comme symboles de son enfance. Ils devraient ne rien signifier pour nous, ne nous intéresser aucunement. Par la magie d'un art incomparable, ces souvenirs deviennent les nôtres.» Robert Brasillach.
Dans Sido, Colette évoque le souvenir de sa mère, l'inoubliable « Sido », qui régna sur son enfance et l'initia aux joies d'être au monde. Elle nous parle aussi de son père, « le capitaine », de sa soeur aînée, « l'étrangère », et de ses deux frères, « les sauvages », de l'amour qui unissait ses parents et de son enfance heureuse. Les Vrilles de la vigne, collection de courts textes, anecdotes, dialogues, donnent à lire une Colette en pleine émancipation, souhaitant s'affranchir de son mariage avec Willy et s'affirmer en tant que femme et autrice.Ces oeuvres, rédigées à différentes époques de la vie de Colette, ont en commun un irrésistible élan vital. Elle y fait montre d'une curiosité insatiable à l'égard du monde et de ses semblables, d'une sensualité sans cesse convoquée à travers des évocations de la nature, et nous raconte avec émotion et nostalgie son enfance.« Sido » est un mythe, mais c'est à ce mythe que nous devons l'un de nos écrivains les plus libres et téméraires. Antoine Compagnon.Préface inédite d'Antoine Compagnon.
En juillet 1927, Colette quitte Paris pour Saint-Tropez le temps d'un été. Tout en relisant les lettres de sa mère Sido dont elle extrait «quelques joyaux», elle s'émerveille de la végétation méditerranéenne luxuriante et repense avec mélancolie à sa vie passée. C'est le temps de la réflexion, mais aussi celui des amitiés estivales et de la dernière exaltation amoureuse.Mi-songe mi-récit, La Naissance du jour (1928) célèbre la métamorphose de l'écrivain Colette qui renonce à l'amour pour embrasser le monde et naviguer en eaux profondes, au plus près d'elle-même.
« KIKI-LA-DOUCETTE : Elle a voulu - j'étais petit - me purger avec l'huile. Je l'ai si bien griffée et mordue qu'Elle n'a pas recommencé. Elle a cru, une minute, tenir le démon sur ses genoux. Je me suis roulé en spirale, j'ai soufflé du feu, j'ai multiplié mes vingt griffes par cent, mes dents par mille, et j'ai fui, comme par magie.
TOBY-CHIEN : Je n'oserais pas. Je l'aime, tu comprends. Je l'aime assez pour lui pardonner même le supplice du bain. »
Renée Néré, lasse des infidélités de son mari, le peintre Taillandy, vient de le quitter. La séparation la laisse meurtrie. Pour subvenir à sa vie, Renée devient mime, danseuse et actrice. Un riche héritier, Maxime, en tombe amoureux. La jeune femme est tentée par ce nouvel amour, mais les souvenirs douloureux de son premier mariage sont omniprésents. A l'issue d'une tournée théâtrale, elle prend sa décision... Le roman est riche des premières expériences matrimoniales de Colette. Il est aussi un hymne au théâtre, aux coulisses et aux gagne-petit qui le peuplent. Ces deux thèmes - le renoncement à l'amour et le music-hall - , qui seront ceux que l'écrivain développera tout au long de son oeuvre, sont ici inextricablement mêlés. La Vagabonde est le roman de la désillusion, de la nostalgie, mais aussi celui du combat intérieur et de la victoire sur soi.
Cesse-t-on jamais d'être de son village ? En « vingt arrondissements et deux rives de fleuve », Colette a cherché à retrouver à Paris sa province perdue. Jusqu'à découvrir le Palais-Royal. D'abord entre 1926 et 1930, dans son « tunnel », un sombre entresol aux fenêtres en demi-lune ; puis, de 1938 à sa mort en 1954, dans la « seigneurie retrouvée », un premier étage dont les hautes baies donnent directement sur le jardin « Ma Province de Paris » écrit Colette à propos de cette enclave de verdure en plein coeur de la capitale.
Un village en somme avec ses autochtones, ses habitants anonymes ou illustres (Cocteau, Bérard, Bove etc.), ses lieux de rencontres, ses boutiques et ses restaurants (le Grand Véfour).
Immobilisée par l'arthrose à partir de la fin des années 40, l'écrivaine, devenue pour tous « la bonne dame du Palais-Royal », observe le monde depuis son lit-radeau. Elle restitue avec un émerveillement sans cesse renouvelé, le petit monde du Palais-Royal. Ses spectacles petits et grands. Toujours à la recherche du « mot meilleur que meilleur » et de cet accord sensible avec le monde qui est la marque de son style.
Les Monuments nationaux rendront hommage à « la bonne dame du Palais-Royal » au travers d'une exposition qui sera présentée dans les jardins à l'automne 2014.
Petite-fille et nièce adorée de deux demi-mondaines, Gigi s'applique à manger délicatement du homard à l'américaine, à distinguer une topaze d'un diamant jonquille et surtout à ne pas fréquenter « les gens ordinaires ». On lui apprend son futur métier de grande cocotte. Mais Gigi et Gaston Lachaille, le riche héritier des sucres du même nom, en décident autrement... Gigi, un des rares romans d'amour heureux de Colette, donne son titre à ce recueil qui réunit trois autres nouvelles : « L'enfant malade », « La dame du photographe » et « Flore et Pomone ».
«Tout est foutu! J'ai trente ans!»:exaltation et désespoir de Chéri, alors qu'il revient de la Grande Guerre et ne reconnaît plus le monde qu'il a quitté. L'heure est au négoce et à l'appât du gain. Son épouse, autrefois muette et effrayée, gère désormais les affaires du couple. Son ancienne maîtresse est devenue une vieille femme obèse qui a tiré un trait sur sa vie passée. En retournant à son existence oisive d'avant-guerre, Chéri ne sait plus quel rôle tenir et découvre son incapacité à s'adapter. Désoeuvré et apathique, enfermé dans une solitude complète et étranger aux valeurs auxquelles se raccroche la société, le jeune homme choisira la mort.Représentant de cette génération ravagée par un nouveau mal du siècle, Chéri prend place parmi les grandes figures romanesques de l'immédiat après-guerre, aux côtés des héros de Mauriac, de Radiguet, de Cocteau; de ceux, en somme, qui ont donné la parole à l'adolescence inquiète et aux enfants terribles.
Des yeux noirs superbes, des cheveux si blonds qu'ils paraissent argentés, élancée, Minne est une ravissante personne adorée par sa maman. Elle suit les cours des demoiselles Souhait pour y rencontrer des jeunes filles bien élevées et s'y instruire à l'occasion...
Tout a été arrangé pour que Minne ait une vie des plus douillettes. Mais Minne rêve d'autre chose, elle veut connaître ce qu'elle appelle l'Aventure.
Mariée, déçue, humiliée mais maintenant renseignée et ayant compris que l'Aventure, c'est l'Amour, Minne va alors chercher avec détermination l'homme qui lui donnera ce bonheur merveilleux dont toutes les femmes qu'elle connaît parlent et tous les livres aussi.
«Très jeune... non, je ne suis plus très jeune. J'ai gardé ma taille, ma liberté de mouvements ; j'ai toujours mon vêtement de chair étroite qui m'habille sans un pli... j'ai changé tout de même. Je me connais si bien ! Mes cheveux couleur de châtaigne étoffent toujours, nombreux, pressés en boucles rondes, l'angle un peu trop aigu d'un menton qu'on s'accorde à trouver spirituel. La bouche a perdu de sa gaîté et, au-dessous de l'orbite plus voluptueuse mais aussi plus creusée, la joue s'effile, longue, moins veloutée, moins remplie : le jour frisant y indique déjà le sillon - fossette encore, ou ride déjà ? - qu'y modèle patiemment le sourire...»
Colette entre dans la Pléiade. L'édition, qui comprendra quatre volumes, offrira non seulement la plupart des romans et des nouvelles, mais aussi les essais principaux, les souvenirs, les dialogues de bêtes. On a tenu aussi à reprendre en appendices des pages publiées par Colette dans des journaux et des revues et qu'elle n'avait pas cru bon de rassembler dans ses Oeuvres complètes, au Fleuron.
Textes mineurs, certes, mais qui jettent parfois un singulier éclairage sur le roman ou la nouvelle. Si nous nous sommes tout d'abord particulièrement attaché à procurer un texte sûr - très souvent en effet de graves fautes étaient venues le corrompre au cours des réimpressions -, nous avons surtout tenté de comprendre - et d'expliquer - comment le roman, ou la nouvelle, était né. Une notice propre à chacun des textes en retrace la genèse et s'efforce de retrouver le monde dans lequel ces pages ont été écrites. Claudine à l'école parut en 1900, quelques jours avant l'inauguration de l'Exposition universelle de Paris. Ce monde-là appartient au passé ; aussi nous a-t-il fallu le faire revivre en éclairant de nombreuses allusions aux moeurs et aux personnes - dont certaines sont devenues des personnages de l'oeuvre - disparues. On a pu parfois disposer des manuscrits. C'est donc la première fois que le lecteur pourra mesurer le travail de Colette et, pour trois de ses romans, la part que Willy avait prise ou voulu prendre. Le tome I contient les oeuvres qui vont de la première Claudine à La Vagabonde. Les tomes II, III et IV présenteront les oeuvres dans l'ordre chronologique de publication. Pour chacun des tomes, une préface qui retracera la période retenue, une chronologie et une bibliographie détaillée viendront compléter l'ensemble de l'appareil critique.
Un mois de mai de la guerre. Mitsou, petite danseuse de l'Empyrée-Montmartre, s'apprête à entrer en scène quand surgit dans sa loge son amie Petite-Chose, accompagnée de deux jeunes sous-lieutenants, un kaki et un bleu horizon. Mitsou se montre froide et réservée. Mais elle est bien jolie et le Lieutenant Bleu, avant de retourner au front, lui adresse une lettre. Une correspondance s'établit. Malgré les fautes d'orthographe, des tournures quelque peu populaires, les lettres de Mitsou enchantent le jeune homme ; elle s'y révèle d'une grande pureté de coeur. Chacune des lettres les rapproche et ils finissent par oublier tout ce qui les sépare, jusqu'au jour où le Lieutenant Bleu arrive en permission...
On ne quitte pas le théâtre : En camarades, la pièce que Colette écrivit et créa elle-même sur scène en 1909, complète le volume.
«Son mouvement libéra le mari inquiet, qui, rendu à une jalousie active et normale, recommença de penser et se leva sans précipitation pour suivre sa femme.Elle est ici pour quelqu'un, avec quelqu'un. Dans moins d'une heure, je saurai tout.Cent cagoules, violettes ou vertes, lui garantissaient qu'il ne serait ni remarqué, ni reconnu.»
«Crois-moi, il se peut que je cesse d'exister à cause de ton absence, puisque je t'aime.»Renée regarde l'amour comme une aventure légère et agréable, quoiqu'un peu douloureuse parfois. Comme une parenthèse, jamais comme une entrave.Mais elle rencontre Jean et, bien vite, elle sent le poids de cet homme peser sur son coeur. Elle résiste, tente de préserver sa liberté. Mais doit-elle lutter? Ne doit-elle pas accepter de se plier à ce nouvel amour, si différent de tous les autres? A-t-elle seulement le choix?Journal intime de la métamorphose d'une femme qui apprend à accepter sa dépendance vis-à-vis de son amant, L'Entrave est l'un des romans les plus touchants de Colette.
« J'ai rassemblé des bêtes dans ce livre, comme dans un enclos où je veux qu'il n'y ait pas guerre... » Avec ces saynètes publiées en 1916, au plus fort du massacre, la romancière de Sido et de La Vagabonde trouve une fois de plus un recours, comme elle le fait face aux désarrois du sentiment, dans la proximité de nature et de la vie animale.
Par la grâce de l'écrivain, les chiens et les chats qui vivent dans ces pages sont merveilleusement eux-mêmes, saisis avec un extraordinaire bonheur d'expression, en même temps qu'ils apparaissent comme des êtres doués de raison et de parole. Ils délivrent une vérité parfois cruelle, certes, mais innocente - subtile ambiguïté qui est un des thèmes les plus profonds et les plus continus de toute l'oeuvre de Colette.
Le tome I commençait avec le siècle (Claudine à l'école, paru en 1900) et s'achevait avec La Vagabonde (1910), qui prouvait qu'après des années tumultueuses Colette Willy était déjà simplement Colette. Ces années tumultueuses, qui l'ont vue sur les planches aussi souvent qu'à son écritoire, le tome II en offre des reflets avec L'Envers du music-hall et L'Entrave, suite de La Vagabonde. Mais il s'ouvre sur ce qui a été une constante chez Colette : l'intérêt passionné porté aux animaux. Ces textes animaliers sont groupés depuis Les Dialogues de bêtes de 1904, le premier livre qu'elle n'ait pas été obligée de signer Willy, jusqu'à des portraits et observations qui appartiennent aux années 1930. Le tome II est en partie consacré à l'activité du grand journaliste qu'elle a été, notamment au Matin et à Excelsior. Elle a elle-même recueilli ses articles, écrits avant, pendant et après la Première Guerre mondiale, dans Les Heures longues, Dans la foule, La Chambre éclairée. De ses «Impressions d'Italie» on a retrouvé la première version, d'étonnant primesaut, qui avait été maladroitement incorporée dans le tardif Journal intermittent. Le volume contient ensuite et enfin les grandes oeuvres de la maturité (1920-1923) : Chéri, La Maison de Claudine, Le Voyage égoïste, Le Blé en herbe. Deux des romans qui assurent sa gloire. Les premiers souvenirs d'une femme qui a cinquante ans en 1923, des poèmes en prose, essais et croquis, éclairés par les commentaires ou même - c'est le cas de Chéri - par les éléments d'un dossier qui suit ce projet depuis sa première conception, antérieure à 1914, jusqu'à la pièce reprise triomphalement en 1982. Et chaque fois qu'il a été possible on a recouru aux manuscrits pour que le lecteur puisse participer à la création. Chacun des quatre tomes dont se composent ces Oeuvres de Colette est précédé d'une préface qui retrace la vie de l'écrivain pendant la période définie, d'une chronologie et d'une bibliographie détaillée, qui complètent l'ensemble de l'appareil critique.
«Vingt ans après la mort de ma tante, Colette de Jouvenel, unique enfant de Colette et de mon grand-père Henry de Jouvenel, l'heure me paraît venue de publier la correspondance qu'elle échangea avec sa mère. Elle me la laissa avec mission de le faire le plus tard possible. En quelque sorte elle s'en libérait. Il me fallut cependant une grande détermination. Les lettres ont pour moi un caractère si intime que j'en étais retenue. Colette elle-même ne s'écrie-t-elle pas à l'occasion de la vente d'une de ses lettres à Robert de Montesquiou-Fezensac : Une lettre est un objet sacré qu'aucune vente ne doit profaner : c'est un scandale intolérable que de disperser aux quatre vents des pensées, des impressions, connues seulement de deux personnes. Pendant longtemps aussi, j'ai reculé devant l'ardu travail de chronologie (Colette ne datait presque jamais ses lettres) : j'ouvrais les classeurs et les refermais comme un chirurgien au-dessus d'un cas désespéré. Si je me suis laissé convaincre d'ordonner les quelques six cents cinquante pièces de ce puzzle, c'est pour montrer un aspect de Colette inconnu et faire revivre la Petite Colette qui repose à côté de sa mère, au cimetière du Père-Lachaise, à Paris. À mon tour, je me délivrais du poids d'un héritage exceptionnel...Ce que je ne pouvais imaginer, c'est que les originaux allaient disparaître de chez moi, au moment même où le travail s'achevait et partait pour l'imprimerie. Un vol ciblé puisque seul le coffre qui les contenait a disparu. Cette correspondance, publiée dans son intégralité, forme le seul témoignage du lien unique entre Colette et sa fille, témoignage d'autant plus précieux aujourd'hui que les lettres sont à présent dans des mains indélicates. Puisse le cambrioleur se rappeler la phrase de Colette déjà citée plus haut...»Anne de Jouvenel.
Colette suit, pour l'essentiel, les étapes de sa vie telles que les révèlent ses domiciles, de la rue Jacob (temps de son premier mariage) à la rue de Villejust puis dans le quartier des Ternes (logis d'après la séparation d'avec Willy). L'époque Jouvenel correspond au singulier chalet de Passy, puis à l'hôtel particulier du boulevard Suchet, en bordure du bois de Boulogne.
La séparation d'avec Jouvenel la conduit à un entresol du Palais-Royal, puis à l'hôtel Claridge, sur les Champs-Élysées, et rue de Marignan, dans le même quartier, avant le « modeste miracle » qui lui permet de revenir au Palais-Royal, mais cette fois à l'étage noble du même immeuble, lieu d'où est écrit, 4 ans plus tard, le texte que nous lisons.
Un être qui entre dans le mitan de son âge se penche sur son passé. Avec humour, ou amertume. Colette - dont ce volume rassemble les oeuvres de la période qui va de 1929 à 1940 - fait les deux. Et elle change de mers : à celle du Nord agitée comme son être, elle va dorénavant préférer la Méditerranée au bord de laquelle elle s'installe le plus souvent pour écrire, à la Treille muscate. Il lui faut maintenant un certain soleil, pour être. Le passé, c'est essentiellement la mère morte. Sidonie Landoy va se métamorphoser en Sido. Abusive, envahissante, la mère réelle devient - ombreuse - un personnage inoffensif sur lequel l'écrivain peut désormais exercer son emprise et probablement se revancher. «Si le passé se détache de nous, c'est qu'il est mûr.» Il faut à l'évidence que Colette hâte ce mûrissement et dise adieu au «noir garçon à la peau de satin» (La Fin de Chéri). Restent les charmes ambigus du Pur et de l'Impur où, à La Naissance du jour surgit un fantomatique adolescent - qu'on n'attendait pas vraiment - mais qu'on accueille lorsqu'il franchit la haie mitoyenne parce qu'il vient apaiser la chair mortelle. Les faunes cependant s'évanouissent et il faudra même aller jusqu'à quitter L'enfant et ses sortilèges. Car le deuil de la mère impose qu'on dise adieu à cet enfant-là, qu'on ne sera jamais plus, puisque cet enfant est mort avec la mère morte. Colette fait toutefois encore un peu La Chatte dans des Aventures quotidiennes, pour découvrir que les «femmes jeunes sont bêtes», malgré leurs fards rose-canaille ou bleu-de-meurtrissure. Redoutant les désastres du temps, elle ira jusqu'à ouvrir une officine qui «ragrée» le visage de celles dont on partage l'effroi de vieillir. Et elle leur lance : «Allez plaire, allez aimer, allez nuire - allez jouer ! » Encore.
Il faut se méfier, dit Colette, des gens insignifiants qui se collent à vous, tel l'anatife, ce parasite des mers, et vous précipitent malgré vous dans l'aventure.
Parce que Lucette d'Orgeville renonce à six semaines de paradis avec son bien-aimé en échange d'une poignée de diamants, Colette se retrouve à X...-les-Bains, locataire horrifiée d'un chalet hideux. Pour fuir cette laideur, elle s'installe à l'hôtel du lieu. Ainsi entrent dans sa vie la bourgeoise Mme Haume et son mari Gérard, le protagoniste de « Chambre d'hôtel »...
La seconde nouvelle du recueil, « La lune de pluie », évoque les mirages ténébreux de la sorcellerie.
D'un récit à l'autre, Colette déploie tous ses talents de peintre et de conteur.