La phénoménologie qui s'élabore dans les Ideen est incontestablement un idéalisme, et même un idéalisme transcendantal ; le terme même n'est pas dans les Ideen alors qu'il se rencontre dans des inédits antérieurs. C'est dire que les commentateurs s'accordent à regrouper autour de ce mot les analyses les plus importantes de l'ouvrage. Finalement la «conscience pure», la «conscience transcendantale», l'«être absolu de la conscience», la «conscience donatrice originaire», sont des titres pour une conscience qui oscille entre plusieurs niveaux ou, si l'on veut, qui est décrite à des phases différentes de son ascèse : de là les erreurs d'interprétation dont Husserl s'est plaint si constamment et si amèrement.
La méditation husserlienne est ici construite entièrement sur un renversement : dans un premier mouvement, en effet, on recule en deçà de la ratio pura des modernes, par une longue et magnifique déconstruction de l'histoire de la philosophie moderne, jusqu'à faire apparaître dans la Lebenswelt le refoulé et l'oublié de toute cette histoire. Mais dans un deuxième mouvement, la Lebenswelt se scinde en Welt et Leben - dissociation dans laquelle le premier devient un constitué, le second sa constitution dans l'égologie absolue. Le pivot du renversement étant l'équivoque de la phénoménologie de la perception. La Krisis, dont le manuscrit principal date de 1935-1936, est en vérité le testament de Husserl. Cela seul suffit à en assurer l'importance, du point de vue des études husserliennes. Mais la fascination que ce texte exerce a une origine et des raisons plus profondes. C'est qu'en lui ne se termine pas seulement l'histoire de l'entreprise phénoménologique, commencée un tiers de siècle plus tôt, ni seulement (du même coup) l'histoire de la philosophie occidentale moderne - cette odyssée du Savoir dans le retour au Soi ; en lui s'achève également le destin qui gouverne cette histoire.
Le livre I des Idées directrices pour une phénoménologie pure de Edmund Husserl est l'un des cinq ou six textes de philosophie les plus importants du XXe siècle - et de notre temps par conséquent.
C'est, en effet, le texte fondateur de la phénoménologie : Pour la première fois depuis « l'ouvrage de percée » qu'avaient été ses Recherches logiques (1901), Husserl établit ici, au terme d'une évolution décisive, les principes et les méthodes qui rendent possible une science nouvelle, la science descriptive pure des structures de la conscience, la phénoménologie transcendantale.
En révélant les lois implicites de la vie intentionnelle et le pouvoir constituant de l'intentionnalité, ce tome I des Idées directrices pour une phénoménologie pure... inaugurait un nouveau style de philosophie - l'analyse de l'expérience vécue. Ce chemin conduisit Husserl à concevoir l'interprétation de l'expérience - ou la « philosophie phénoménologique » - dans les termes d'un nouvel idéalisme transcendantal.
C'est de l'analyse critique et de la contestation systématique de cette position radicale que sont issues la plupart des philosophies phénoménologiques ultérieures, depuis Ingarden et Heidegger jusqu'à nos jours.
La présente édition française a été établie sur la base de l'édition critique de référence due à Karl Schuhmann (Husserliana III, 1974). Elle bénéficie des nombreux progrès réalisés par les études husserliennes depuis la traduction pionnière de Paul Ricoeur en 1950.
Outre une nouvelle version française, plus précise, du traité réédité par Husserl en 1928, le lecteur trouvera ici un riche ensemble de textes, jusqu'ici inédits en français, qui forment le contexte historique des « Ideen... I » : Les esquisses préparatoires de 1912 ; de nombreux textes complémentaires ou correctifs, préparés par Husserl en vue d'une réédition ultérieure ; et surtout, les annotations marginales de l'auteur sur ses exemplaires personnels, marque explicite d'une relecture critique de son oeuvre par le fondateur de la phénoménologie lui-même.
Les cinq leçons dont se compose l'idée de la phénoménologie furent prononcées à l'université de göttingen, en avril-mai 1907.
Husserl traversait alors une crise tant personnelle (le retard persistant à l'accès au statut de professeur ordinaire en philosophie) que théorique (aucune publication depuis les recherches logiques de 1900-1901, mal comprises d'ailleurs par ses contemporains. d'oú une nouvelle décision: " en premier lieu, je nomme le problème général que je me dois de résoudre pour moi, si je veux pouvoir me donner le titre de philosophe.
Je veux dire une critique de la raison (. ). j'ai plus qu'assez goûté aux tourments de l'obscurité, du doute qui va et vient. je dois parvenir à une intime assurance. je sais bien qu'il s'agit là d'une grande, d'une très grande chose, je sais bien que de grands génies y ont échoué et, si je voulais me comparer à eux, je devrais me désespérer par avance. " (journal, en date du 25 septembre 1906, hua. , i, p.
Vii-viii). de cette crise, husserl sortira en atteignant la certitude du je transcendantal dégagé par la réduction phénoménologique. mieux, de cette crise sortira la réduction phénoménologique elle-même. du coup la phénoménologie deviendra, selon les mots mêmes de husserl, d'une " psychologie descriptive ", une " phénoménologie transcendantale ".
Les Méditations cartésiennes ont voulu être à la fois une introduction à la phénoménologie transcendantale et une synthèse des recherches de leur auteur. Elles ont pour origine des conférences faites en 1929, à Paris, puis à Strasbourg. Invité par la Société française de philosophie à présenter sa pensée, Husserl exposa l'état de la phénoménologie dans l'amphithéâtre Descartes de la Sorbonne. De retour en Allemagne, Husserl développa ce qu'il avait exposé à Paris puis à Strasbourg, donnant à ce qu'il avait simplement esquissé un développement considérable, notamment dans la cinquième Méditation consacrée à l'analyse de l'apparition d'autrui et à l'expérience du corps propre.
Cette première mise en forme fut traduite, en 1931, par Emmanuel Levinas et Gabrielle Peiffer, avant même que les Méditations parussent en Allemagne. La première édition allemande, faite, sous l'égide de H. L. van Breda, par les Archives Husserl de Louvain, date de 1949 : c'est le volume inaugural des Husserliana.
La présente traduction a suivi cette dernière édition et offre donc le texte des Conférences de Paris, traduit pour la première fois, ainsi que les remarques critiques faites par Roman Ingarden à la lecture des Méditations.
- Marc de Launay - Table des matières Présentation I. - Les Conférences de Paris II. - MÉDITATIONS CARTÉSIENNES INTRODUCTION § 1 - Les Méditations de Descartes, archétypes de l'autoréflexion philosophique § 2 - Nécessité d'un recommencement radical de la philosophie PREMIÈRE MÉDITATION. - La voie vers l'ego transcendantal § 3 - Le renversement cartésien et l'idée téléologique rectrice d'une fondation de la science § 4 - On dévoile le sens téléologique de la science en s'y plongeant comme dans un phénomène noématique § 5 - L'évidence et l'idée de la science véritable § 6 - Différenciations de l'évidence. L'exigence philosophique d'une évidence apodictique et absolument première § 7 - L'évidence de l'existence du monde : elle est non apodictique elle est incluse dans le bouleversement opéré par Descartes § 8 - L'ego cogito comme subjectivité transcendantale § 9 - Portée de l'évidence apodictique du « je suis » § 10 - Digression. Descartes ne parvient pas à opérer le tournant transcendantal § 11 - Le je psychologique et le je transcendantal. La transcendance du monde DEUXIÈME MÉDITATION. - Dégagement du champ d'expérience transcendantal selon ses structures universelles § 12 - Idéal d'une fondation transcendantale de la connaissance § 13 - Nécessité de commencer par mettre hors circuit les problèmes touchant la portée d'une connaissance transcendantale § 14 - Le flux des cogitationes. Cogito et cogitatum § 15 - Réflexion naturelle et réflexion transcendantale § 16 - Digression. Nécessité, pour la réflexion purement psychologique comme pour la réflexion transcendantale, de commencer par l'ego cogito § 17 - En tant que problématique de la corrélation, l'investigation de la conscience offre un double aspect. Orientations de la description. La synthèse comme forme originelle de la conscience § 18 - L'identification en tant que forme fondamentale de la synthèse. La synthèse universelle du temps transcendantal § 19 - Actualité et potentialité de la vie intentionnelle § 20 - La spécificité de l'analyse intentionnelle § 21 - L'objet intentionnel comme « fil conducteur transcendantal » § 22 - L'idée de l'unité universelle de tous les objets et la tâche de leur élucidation constitutive TROISIÈME MÉDITATION. - La problématique de la constitution. Vérité et réalité effective § 23 - Un concept plus précis de la constitution transcendantale sous les rubriques « raison » et « déraison » § 24 - L'évidence comme autodonation et ses variations § 25 - Réalité effective et quasi-réalité effective § 26 - La réalité effective comme corrélat de la vérification évidente § 27 - Évidence habituelle et évidence potentielle dans leur rôle constitutif du sens d'un « objet étant » § 28 - L'évidence présumptive de l'expérience du monde. Le monde comme idée corrélative d'une évidence parfaite de l'expérience § 29 - Les régions ontologiques matérielles et formelles en tant qu'indices de systèmes transcendantaux d'évidences QUATRIÈME MÉDITATION. - Déploiement des problèmes constitutifs de l'ego transcendantal lui-même § 30 - L'ego transcendantal inséparable de ses vécus § 31 - Le je comme pôle identique des vécus § 32 - Le je comme substrat des habitus § 33 - La pleine concrétion du je comme monade et le problème de son autoconstitution § 34 - Principe de l'élaboration de la méthode phénoménologique. L'analyse transcendantale comme analyse eidétique § 35 - Excursus dans la psychologie interne eidétique § 36 - L'ego transcendantal comme domaine universel des formes possibles de vécu. Lois essentielles de régulation de la compossibilité des vécus selon la coexistence et la succession § 37 - Le temps comme forme universelle de toute genèse égologique § 38 - Genèse active et passive § 39 - L'association comme principe de la genèse passive § 40 - Passage à la question de l'idéalisme transcendantal § 41 - La vraie auto-explication phénoménologique de l'ego cogito comme « idéalisme transcendantal » CINQUIÈME MEDITATION. - Dévoilement de la sphère d'être transcendantale comme intersubjectivité monadologique CONCLUSION III. - Sommaire des leçons du professeur Husserl Annexe. - Remarques critiques du professeur Roman Ingarden
L'ouvrage ici proposé doit être considéré comme étant bien de Husserl. Son éditeur, L. Landgrebe, expose en Avant-propos les circonstances de son élaboration, et soutient qu'il " ne contient rien qui ne puisse au moins s'appuyer sur des exposés oraux de Husserl, et s'autoriser de son acquiescement ". De telles affirmations se laissent aisément vérifier par le repérage des textes originaux qui ont servi à la constitution de Expérience et jugement (voir notamment le volume XI des Husserliana).
Ce livre veut établir l'unité de la passivité, de la réceptivité et de la spontanéité dans la perspective d'une " généalogie de la Logique ". Celle-ci se limite à l'aspect cognitif de l'expérience, et s'oriente vers la mise au jour des " objectivités générales ".
L'émergence d'une problématique husserlienne du monde, compris comme horizon de toute présentation, notamment du " monde de vie ", et la concurrence de cette problématique avec la thématisation du " substrat absolu " permettent de relancer et de nuancer l'appréciation du rapport entre Husserl et Heidegger. De son côté, la conception d'une " grammaire logique pure ", énoncée dans la IVe Recherche logique, se trouve effectivement mise en oeuvre ici, liée à une vue instrumentale du langage ; elle fait pressentir l'homologie structurelle, explicitée dans la Krisis, entre l'antéprédicatif et les prédications les plus élaborées de la science.
Une philosophie atteste sa grandeur en affrontant les questions les plus difficiles.
Donc, au premier chef, celle du temps. aussi est-ce dès 1904-1905, à göttingen, que husserl tenta une analyse phénoménologique du temps, en lui appliquant les concepts fondamentaux d'intentionnalité et de réduction.
En 1916, edith stein, alors assistante de husserl, entreprit d'éditer ces cours, et de les compléter par d'autres textes, postérieurs (1905-1910). ce n'est pourtant qu'en 1928 que l'entreprise aboutit, quand heidegger, qui venait de publier etre et temps (1927), édita pour la première fois les leçons.
Il déclarait en ouverture : " ce qui est décisif dans ce travail, c'est la mise en relief du caractère intentionnel de la conscience et, d'une façon générale, la clarté croissante que reçoit l'intentionnalité dans son principe (. ). aujourd'hui encore cette expression n'est pas un mot de passe, mais le titre d'un problème central. " bien qu'une édition plus complète soit, grâce aux soins de r. boehm, parue depuis dans les husserliana (bd.
X, 1966), la traduction d'h. dussort reste un outil de travail inappréciable, puisqu'elle donne accès à un texte qui fut, en 1928, à la fois un achèvement de la pensée de husserl, un hommage rendu par heidegger à son maître, et, sans doute, leur ultime croisement - à savoir une rencontre et indissolublement un éloignement.
A l'invitation de la revue japonaise Kaizo, Husserl rédige entre 1922 et 1924 une série de cinq articles consacrés à l'éthique et centrés sur le thème du renouveau (Erneuerung).
Il cherche à y définir les conditions d'un renouveau éthique de l'homme européen grâce auquel pourra être surmontée la crise culturelle qui le touche et que lui a brutalement révélée la Première Guerre mondiale. La recherche que développe ici Husserl permet d'appréhender les différents champs et articulations de son éthique : éthique à la fois matériellement déterminée et régie par des lois purement formelles, éthique individuelle s'inscrivant nécessairement dans une éthique sociale, éthique eidétique et apriorique mais rapportée à une interprétation de l'histoire et de la culture européennes.
Elle montre aussi que la question éthique n'est pas pour Husserl une problématique à part, mais qu'elle met en oeuvre la totalité de la recherche philosophique, y compris dans sa dimension logique, en lui assignant la tâche générale de redonner son sens à l'idéal d'une vie et d'une culture rationnelles.
Ce premier tome des "Recherches logiques" établit, contre les conceptions dominantes de l'époque (psychologisme, relativisme, pragmatisme) l'idéalité des objets de la science, de la logique et de leurs lois. Husserl réfute le relativisme et analyse les conditions de l'accord entre les consciences. Cette question est toujours actuelle, le fondement de la vérité sur un simple consensus.
Contemporain des conférences de la Krisis..., ce célèbre fragment est révélé par la version que Fink en publie à la veille de la guerre. Les interprètes de Husserl (et d'abord Merleau-Ponty) en ont proposé des lectures fascinées et contradictoires. La richesse énigmatique de l'esquisse semblait y encourager.
Ici, l'intérêt pour l'" origine " ne donne pas lieu à une explication archéologique ou à une généalogie empirique, mais plutôt à une question en retour (Rückfrage) dans l'expérience d'une crise. Comment réveiller le sens originaire d'une science ? Quelles sont les conditions transcendantales de son avènement et de sa tradition ? L'origine de la géométrie fournit une trame. La longue introduction de Jacques Derrida accompagne pas à pas une méditation dont le parcours fut préparé par toute l'oeuvre de Husserl. Certaines questions s'annoncent en chemin : par exemple sur la possibilité, la nécessité ou les difficultés du grand dessein phénoménologique. Edmund HUSSERL. Traduction et introduction par Jacques Derrida.
Ces deux premières Recherches sont consacrées aux élucidations nécessaires à tout commencement, celles de l'instrument de pensée, le langage. Elles sont indispensables à la compréhension de la phénoménologie, le lecteur y trouvera les distinctions fondamentales nécessaires à toute théorie de la signification.
La Théorie des touts et des parties (Recherche III) et L'idée de la grammaire pure (Recherche IV) complètent la théorie de l'abstraction idéatrice et de la signification exposée dans les deux premières recherches. L'objet de la phénoménologie, ce ne sont jamais des faits de nature, mais des essences. Il y a des possibilités et des impossibilités essentielles, a priori de l'organisation du champ de conscience et du réel, comme de celle de l'expression signifiante et du discours. Jetant les bases d'une " ontologie " phénoménologique, les Recherches III et IV annoncent les Idées directrices pour une phénoménologie (1913) et Logique formelle et logique transcendantale (1929).
La Recherche V forme la clef de voûte de l'édifice. Consacrée aux " vécus intentionnels " et à " leurs contenus ", elle propose la théorie phénoménologique de la conscience définie par sa structure intentionnelle. Husserl y précise ce qui le rapproche et ce qui le distingue de la psychologie descriptive de Brentano ou du néokantien Natorp. Il écarte toutefois l'hypothèse d'un " moi pur " que, par la suite, il jugera nécessaire de rétablir.
Loin d'alourdir l'exposé, ces références offrent l'intérêt de montrer à l'oeuvre et sur le vif l'édification d'une vision originale. Quoique prise encore dans la gangue d'un langage désormais caduc, elle soumet à la critique la notion classique de représentation. En établissant des distinctions aussi fondamentales, Husserl propose, pour exprimer ce qui n'était pas encore exactement exprimable, une nouvelle terminologie, en particulier celle de la corrélation entre " noèse " et " noème ".
Traduit de l'allemand par Hubert Elie, Arion L. Kelekel et René Scherer.
" Nous avons tenté dans cet ouvrage de tracer le chemin qui va de la logique traditionnelle à la logique transcendantale [...] à la logique transcendantale qui n'est pas une seconde logique mais qui est seulement la logique elle-même, radicale et concrète, qui doit son développement à la méthode phénoménologique.
En vérité, pour s'exprimer plus précisément, nous n'avons juste-ment eu en vue, comme logique transcendantale, que la logique telle qu'elle est délimitée traditionnellement, la logique analytique qui sans contredit grâce à sa généralité vide et formelle embrasse toutes les sphères d'êtres et d'objets, corrélativement toutes les sphères de connaissances. Toutefois, étant astreints à reconsidérer la caractérisation du sens et de l'ampleur de la recherche transcendantale, nous avons par avance acquis aussi du même coup le moyen de comprendre les " logiques " (qu'il reste à fonder) ayant un autre sens, conçues comme doctrines de la science, mais comme doctrines matérielles ; doctrines de la science parmi lesquelles la plus élevée et la plus étendue serait la logique de la science absolue, la logique de la philosophie phénoménologico-transcendantale elle-même.
" E. Husserl
Au moment de sa réédition, Husserl avait pensé remanier profondément la Recherche VI pour la rendre conforme à sa plus récente conception de la phénoménologie transcendantale. La guerre et des préoccupations nouvelles l'en ayant empêché, cette sixième Recherche n'a été rééditée qu'en 1921, à peu près identique à l'édition originale. Son intérêt primordial tient à la nouvelle formulation que la phénoménologie y impose à la « théorie de la connaissance » et à la vérité comprise comme adaequatio rei et intellectus. Ce problème, que Logique formelle et logique transcendantale reprendra, est réinterprété ici comme la relation entre l'intention vide et l'intention remplie par la donnée, dans l'évidence intuitive, de son objet, suivant différents degrés de connaissance, qui vont de la simple identification de l'objet perçu à la plénitude de sa présence intuitive.
Donné à l'Université de Fribourg durant le semestre d'été 1927, ce cours compte parmi les derniers de la longue carrière académique de Husserl. Sous le titre général « Nature et esprit », il y poursuit sa recherche anti-naturaliste, engagée dès le début des années 1910, d'un critère sûr de distinction et d'articulation des sciences de la nature et des « sciences de l'esprit ». À cet égard, l'originalité de ce cours est double :
On y trouve non seulement une réflexion approfondie, à la fois ontologique et épistémologique, sur le sens philosophique de l'idée d'une classification des sciences débouchant sur la proposition de plusieurs classifications possibles, mais également l'élaboration d'une fondation philosophique des sciences positives par un retour méthodique aux structures du monde de l'expérience préscientifique.
C'est donc toute la phénoménologie husserlienne tardive du « monde de la vie » qui s'esquisse pour la première fois dans ce cadre.
Le présent tome I de cet ouvrage intitulé Sur l'intersubjectivité, qui en comprend deux, est la traduction partielle de Zur Phänomenologie der Intersubjektivität, trois volumes (I. 1905-1920 ; II. 1921-1928 ; III. 1929-1935) qui ont été édités par Iso Kern et publiés en 1973 à La Haye par Martinus Nijhoff dans les Husserliana (tomes XIII, XIV et XV). Étant donné le nombre considérable de textes retenus (quelque 800 pages sur 1800 environ dans l'édition allemande), la traduction française se présente en deux tomes. La problématique husserlienne de l'intersubjectivité apparaît beaucoup plus différenciée, à la fois plus ramifiée et plus radicale que dans les textes publiés auparavant : elle s'y articule avec précision à la question de la corporéité primordiale, du temps, de l'imagination, de la communauté, de l'histoire, du langage, de la normalité, de la générativité et de l'individuation. En revanche, dans les textes publiés jusqu'ici, elle est souvent présentée soit de façon aporétique (Méditations cartésiennes), soit dans son extension d'emblée communautaire (Idées directrices II) ou historique (Krisis), en tout cas selon l'alternative trop simple de la constitution monadologique de l'égologie ou de la donation immédiate des autres dans le monde.
Le premier tome de l'édition française s'organise autour de deux thèmes : 1 / la constitution primordiale du corps et de l'espace dans son articulation avec la constitution d'autrui, et 2 / l'expérience empathique en tant que vécu analogisant dans sa discussion critique avec les problématiques psychologiques de l'époque. Une introduction détaillée ouvre le volume et présente les différentes figures de l'intersubjectivité en liaison avec la problématique des voies d'accès à la réduction ; une postface s'explique sur le choix de la traduction retenue pour le terme Leib, et déploie la complexité historique et structurelle de son sens.
Husserl est principalement connu en france pour ses recherches fondamentales en logique et théorie de la connaissance.
Les traductions françaises de ces textes ont été si nombreuses qu'on a pu se croire autorisé à tenir les quelques développements relatifs à l'éthique qui y figuraient pour de malencontreuses incursions, portant la marque d'un intellectualisme et d'un logicisme inappropriés en cette matière. c'était méconnaître à la fois l'ampleur des efforts et la portée des résultats d'un aspect de son enseignement et de sa recherche qu'il jugeait lui-même essentiel.
S'il est probablement excessif de prétendre, avec husserl, que „ tous les développements ayant un sens analogue, intervenus depuis 1902 dans la littérature philosophique, se reportent à ces leçons et à ces exercices de séminaire, si importantes qu'aient été les modifications qu'ont subies les pensées communiquées ", il est incontestable que l'on a assisté, à partir des années 1900-1902, à une véritable explosion des tentatives de formalisation de l'éthique, et qu'on doit au moins reconnaître à husserl un rôle de précurseur.
La prise de connaissance de ces textes importerait donc déjà dans cette seule perspective historique. mais il est non moins souhaitable, pour une compréhension du sens de la démarche du père de la phénoménologie, de prendre la pleine mesure des efforts déployés en vue d'une fondation phénoménologique de la théorie de la valeur et de l'éthique. les lacunes documentaires en ces matières se sont progressivement et partiellement comblées grâce à des publications plus récentes (notamment les vol.
Xxviii et xxxvii des husserliana. mais le massif des recherches visant à "développer de façon critique et concrète l'idée d'une axiomatique [des valeurs] et d'une pratique formelles" restait jusqu'à ce jour peu accessible à un public de langue française - pour ne rien dire de l'autre massif d'investigations phénoménologiques sur l'affectivité et la volonté dont la publication annoncée par les archives husserl de louvain est fort attendue.
Le présent ouvrage constitue donc un premier pas en ce sens, en offrant la traduction du texte principal et de deux annexes du volume xxviii des husserliana intitulé vorlesungen über ethik und wertlehre, 1908-1914, publié en 1988, cours professés par husserl à göttingen pendant le semestre d'hiver 1908-1909 et les semestres d'été 1911 et 1914.
Avec les Idées directrices pour une phénoménologie, Husserl inaugure un cours nouveau de la philosophie. Ayant, dans le livre I, assuré les fondations méthodologiques de la phénoménologie, Husserl entreprend sa mise en oeuvre : c'est le livre II, les Recherches phénoménologiques pour la constitution.
Issu de rédactions et de remaniements multiples, texte toujours en chantier de 1912 à 1928, ce livre II donne son matériau au projet phénoménologique de description pure. S'inscrivant sans cesse dans l'« expérience originaire », les Recherches phénoménologiques pour la constitution visent à produire la notion phénoménologique de l'Être et du sens de l'Être, selon ses diverses « manières » ou « couches », en : naturelle matérielle, nature animale, monde de l'esprit - sorte de géologie du sens de l'Être. Le primat de l'une d'elles, la chair, éclate dans la merveille du sensible et c'est entrelacé avec elle que le reste du monde se constitue. La chair, instance matricielle du phénoménologique, y suscite aussi une turbulence, car le projet husserlien de fondation de la ratio ne parvient qu'à se juxtaposer à cette chair, entièrement énigmatique.
C'est pourquoi ce livre II fut et demeure décisif pour l'histoire de la philosophie : ainsi, toute l'oeuvre de Merleau-Ponty en fut à la fois l'héritière et l'avenir.
Table des matières Avant-propos du traducteur Première section. - La constitution de la nature matérielle Chapitre premier. L'idée de nature en général Chapitre II. Les couches sensibles ontiques de la chose intuitive comme telle Chapitre III. Les « aistheta » dans leur relation au corps propre esthésique Deuxième section. - La constitution de la nature animale Introduction Chapitre premier. L'« ego » pur Chapitre II. La réalité psychique Chapitre III. La constitution de la réalité psychique au travers du corps propre Chapitre IV. La constitution de la réalité psychique dans l'intropathie Troisième section. - La constitution du monde de l'esprit Introduction Chapitre premier. Opposition entre le monde naturaliste et le monde personnaliste Chapitre II. La motivation en tant que loi fondamentale du monde de l'esprit Chapitre III. La préséance ontologique du monde de l'esprit sur le monde naturaliste Remarques sur la traduction de quelques termes Lexique
Fondée en 1953 par Jean Hyppolite, la collection "Epiméthée" a été reprise en 1981, par Jean-Luc Marion, Professeur à l'Université de Paris IV-Sorbonne. Cette collection repose sur trois orientations : la traduction des grands textes de la tradition ; la phénoménologie, entendue comme tradition créatrice de la philosophie ; et enfin l'histoire de la philosophie.
Faisant suite aux Essais sur les Synthèses passives qui traitaient des opérations de la sensibilité, les Essais sur les Synthèses actives traitent de la généalogie de la logique, des opérations mentales qui président à l'élaboration du jugement.
" L'analyse de la logique, comprise au sens large de doctrine de la science (Wissenschaftslehre), vise à en fixer les limites et à clarifier ses rapports avec la psychologie, la mathématique et la métaphysique.
Par là se dégage tout d'abord le concept de logique formelle ou mathesis universalis. Mais la question logique se radicalise ensuite et s'élargit de plus en plus, au point d'impliquer l'ensemble de la recherche phénoménologique (notamment l'analyse du temps, de la conscience) dans le projet fondamental d'une critique de la raison exigeant de passer de la connaissance naturelle à la philosophie phénoménologico-transcendantale.
La méthode de réduction qui permet ce passage est requise pour répondre à une interrogation métaphysique sur le sens et la possibilité d'une connaissance absolue, d'une connaissance qui atteigne effectivement un être transcendant. Situées à peu près à mi-distance entre la publication des Recherches logiques (1900-1901) et celle des Idées directrices (1913), ces leçons appartiennent à une période décisive durant laquelle Husserl publie très peu, mais où se détermine le sens et la finalité de la phénoménologie : de psychologie descriptive métaphysiquement neutre, celle-ci devient progressivement une philosophie transcendantale.
Le cours de 1906-1907 ne marque pas simplement une étape dans cette évolution, il la thématise et la justifie en montrant l'impossibilité, pour la théorie de la connaissance, d'en rester au niveau de la connaissance naturelle, même logico-mathématique, sous peine de ne pouvoir lever l'hypothèque du scepticisme et du relativisme.
Dans sa préface à ses Leçons pour la phénoménologie de la conscience intime du temps d'Edmund Husserl en 1928, Martin Heidegger mentionne les Manuscrits de Bernau pour la première fois.
Les Manuscrits reprennent les travaux de recherche de Husserl consacrés à l'individuation et à sa relation à la conscience originaire du temps, rédigés pendant deux séjours à Bernau en 1917 et 1918. Successivement, Martin Heidegger et Roman Ingarden, puis Edith Stein, Ludwig Landgrebe et Eugen Fink sont chargés par leur professeur de donner forme aux manuscrits accumulés. Décrits comme un " ouvrage fondamental de la phénoménologie " par son auteur, les manuscrits de Bernau ont été publiés pour la première fois en 2001 par Rudolf Bernet et Dieter Lohmar aux éditions Kluwer.