" la nostalgie d'une philosophie vivante a conduit de nos jours à bien des renaissances.
Nous demandons : la seule renaissance vraiment féconde ne consisterait-elle pas à ressusciter les méditations cartésiennes, non certes pour les adopter de toutes pièces, mais pour dévoiler tout d'abord la signification profonde d'un retour radical à l'ego cogito pur, et faire revivre ensuite les valeurs éternelles qui en jaillissent ? c'est du moins le chemin qui a conduit à la phénoménologie transcendantale.
Ce chemin, nous l'allons parcourir ensemble. en philosophes qui cherchent un premier point de départ et n'en possèdent pas encore, nous allons essayer de méditer à la manière cartésienne ".
Au cours du semestre d'été 1920, Husserl consacre plusieurs heures de ses Leçons sur l'éthique à une "Digression" destinée à clarifier le concept de normativité et le statut des sciences normatives. Les analyses qu'il y développe conduisent non seulement à préciser le statut de l'éthique ou le rapport entre vérité et valeur, mais aussi à revenir sur le sens de la distinction entre les sciences de la nature et les sciences de l'esprit grâce à la méthode de déconstruction, qui trouve là sa première définition explicite. Tout en comblant certaines lacunes de ses grands exposés programmatiques, cette Digression témoigne de l'originalité du traitement que Husserl réserve à des thématiques devenues omniprésentes dans la philosophie contemporaine.
Les textes rassemblés dans ce recueil, parmi les tout derniers écrits par Husserl, constituent le véritable testament du fondateur de la phénoménologie. Ils présentent une analyse originale et radicale des spécificités de l'activité philosophique. À partir d'une méditation sur le sens de l'« institution originaire » de la philosophie dans la Grèce antique, ils nous découvrent l'unité téléologique de l'ensemble de l'histoire de la philosophie. Ils réaffirment la dimension éthique de cette « tâche » inachevée que représente la philosophie et soulignent son importance cruciale pour notre rapport à l'Histoire.
A l'invitation de la revue japonaise Kaizo, Husserl rédige entre 1922 et 1924 une série de cinq articles consacrés à l'éthique et centrés sur le thème du renouveau (Erneuerung).
Il cherche à y définir les conditions d'un renouveau éthique de l'homme européen grâce auquel pourra être surmontée la crise culturelle qui le touche et que lui a brutalement révélée la Première Guerre mondiale. La recherche que développe ici Husserl permet d'appréhender les différents champs et articulations de son éthique : éthique à la fois matériellement déterminée et régie par des lois purement formelles, éthique individuelle s'inscrivant nécessairement dans une éthique sociale, éthique eidétique et apriorique mais rapportée à une interprétation de l'histoire et de la culture européennes.
Elle montre aussi que la question éthique n'est pas pour Husserl une problématique à part, mais qu'elle met en oeuvre la totalité de la recherche philosophique, y compris dans sa dimension logique, en lui assignant la tâche générale de redonner son sens à l'idéal d'une vie et d'une culture rationnelles.
Donné à l'Université de Fribourg durant le semestre d'été 1927, ce cours compte parmi les derniers de la longue carrière académique de Husserl. Sous le titre général « Nature et esprit », il y poursuit sa recherche anti-naturaliste, engagée dès le début des années 1910, d'un critère sûr de distinction et d'articulation des sciences de la nature et des « sciences de l'esprit ». À cet égard, l'originalité de ce cours est double :
On y trouve non seulement une réflexion approfondie, à la fois ontologique et épistémologique, sur le sens philosophique de l'idée d'une classification des sciences débouchant sur la proposition de plusieurs classifications possibles, mais également l'élaboration d'une fondation philosophique des sciences positives par un retour méthodique aux structures du monde de l'expérience préscientifique.
C'est donc toute la phénoménologie husserlienne tardive du « monde de la vie » qui s'esquisse pour la première fois dans ce cadre.
" L'analyse de la logique, comprise au sens large de doctrine de la science (Wissenschaftslehre), vise à en fixer les limites et à clarifier ses rapports avec la psychologie, la mathématique et la métaphysique.
Par là se dégage tout d'abord le concept de logique formelle ou mathesis universalis. Mais la question logique se radicalise ensuite et s'élargit de plus en plus, au point d'impliquer l'ensemble de la recherche phénoménologique (notamment l'analyse du temps, de la conscience) dans le projet fondamental d'une critique de la raison exigeant de passer de la connaissance naturelle à la philosophie phénoménologico-transcendantale.
La méthode de réduction qui permet ce passage est requise pour répondre à une interrogation métaphysique sur le sens et la possibilité d'une connaissance absolue, d'une connaissance qui atteigne effectivement un être transcendant. Situées à peu près à mi-distance entre la publication des Recherches logiques (1900-1901) et celle des Idées directrices (1913), ces leçons appartiennent à une période décisive durant laquelle Husserl publie très peu, mais où se détermine le sens et la finalité de la phénoménologie : de psychologie descriptive métaphysiquement neutre, celle-ci devient progressivement une philosophie transcendantale.
Le cours de 1906-1907 ne marque pas simplement une étape dans cette évolution, il la thématise et la justifie en montrant l'impossibilité, pour la théorie de la connaissance, d'en rester au niveau de la connaissance naturelle, même logico-mathématique, sous peine de ne pouvoir lever l'hypothèque du scepticisme et du relativisme.
Le texte de Husserl dont nous proposons la traduction française a été publié une première fois en 1962 puis une seconde fois en 1968 par Walter Biemel dans le tome IX des Husserliana sous le titre : Phänomenologische Psychologie, Vorlesungen Sommersemester 1925.
La présente traduction comprend donc les leçons éponymes du volume qui remontent au semestre d'été 1925, ainsi que différents textes non traduits jusqu'alors dont, en particulier, la quatrième version de l'article pour l'Encyclopedia Britannica et les Conférences d'Amsterdam, textes qui nous ont paru pouvoir illustrer les rapports complexes de la psychologie et de la phénoménologie. En effet, le statut de la psychologie dans l'économie de la démarche phénoménologique apparaît au premier abord extrêmement embrouillé, et il semble difficile de conférer un sens univoque à l'idée de "psychologie phénoménologique".
Aussi l'un des mérites des leçons de 1925 réside-t-il sans doute dans la présentation systématique de cette psychologie dont Brentano et Dilthey sont pour Husserl les précurseurs. A quels traits distinctifs reconnaît-on la psychologie phénoménologique ? Celle-ci repose-t-elle sur la seule analyse eidétique des vécus intentionnels ? Si le déploiement de la phénoménologie transcendantale est inséparable de la réduction, la psychologie phénoménologique n'exige-t-elle pas à son tour une attitude spécifique distincte des attitudes naturelle et transcendantale ? Telles sont les questions que cet ouvrage permet de poser, sans peut-être toujours y répondre.
On ne saurait sous-estimer leur importance, s'il est vrai que le projet husserlien d'une psychologie phénoménologique ouvre un champ de recherches fertile comme l'ont montré les travaux de Sartre, de Merleau-Ponty ou encore de Binswanger.
Peut-on, de l'existence d'un Cours consacré partiellement à l'attention, conclure à l'existence chez Husserl d'une phénoménologie de l'attention en bonne et due forme? En montrant comment l'attention entretient une relation complexe à la perception, à la volonté, à l'affect et à la réflexion, le phénoménologue fait ressortir l'originalité d'un vécu qui n'est pas un acte intentionnel au sens précis mais traverse les actes pour les porter à leur accomplissement : ni raison (à savoir volonté et réflexion), ni sentiment (à savoir affect et plaisir), l'attention remplit une fonction modulatrice des actes de la onscience, fonction qui fait à elle seule son originalité dynamique d'amorçage et d'adossage intégratif. Par une double réforme de l'intentionnalité (formelle) et de l'intensité (matérielle) de la conscience, il renvoie dos-à-dos, non sans y puiser certaines ressources, la problématique du champ de la conscience (Wundt) et celle, longuement discutée, de l'attention comme plaisir pris à remarquer (Stumpf).
Husserl joue sur une variation terminologique de l'attention (Zuwendung : conversion attentionnelle; Aufmerksamkeit : activité aperceptive de remarquer; attention : tension vers) qui démantèle une identité homogène donnée a priori et permet au langage d'épouser les modifications et mutations expérientielles du phénomène attentionnel. A-t-on pour autant affaire à une « phénoménologie de l'attention »? Nous laissons le lecteur juger et conclure lui-même après lecture.