" la nostalgie d'une philosophie vivante a conduit de nos jours à bien des renaissances.
Nous demandons : la seule renaissance vraiment féconde ne consisterait-elle pas à ressusciter les méditations cartésiennes, non certes pour les adopter de toutes pièces, mais pour dévoiler tout d'abord la signification profonde d'un retour radical à l'ego cogito pur, et faire revivre ensuite les valeurs éternelles qui en jaillissent ? c'est du moins le chemin qui a conduit à la phénoménologie transcendantale.
Ce chemin, nous l'allons parcourir ensemble. en philosophes qui cherchent un premier point de départ et n'en possèdent pas encore, nous allons essayer de méditer à la manière cartésienne ".
La méditation husserlienne est ici construite entièrement sur un renversement : dans un premier mouvement, en effet, on recule en deçà de la ratio pura des modernes, par une longue et magnifique déconstruction de l'histoire de la philosophie moderne, jusqu'à faire apparaître dans la Lebenswelt le refoulé et l'oublié de toute cette histoire. Mais dans un deuxième mouvement, la Lebenswelt se scinde en Welt et Leben - dissociation dans laquelle le premier devient un constitué, le second sa constitution dans l'égologie absolue. Le pivot du renversement étant l'équivoque de la phénoménologie de la perception. La Krisis, dont le manuscrit principal date de 1935-1936, est en vérité le testament de Husserl. Cela seul suffit à en assurer l'importance, du point de vue des études husserliennes. Mais la fascination que ce texte exerce a une origine et des raisons plus profondes. C'est qu'en lui ne se termine pas seulement l'histoire de l'entreprise phénoménologique, commencée un tiers de siècle plus tôt, ni seulement (du même coup) l'histoire de la philosophie occidentale moderne - cette odyssée du Savoir dans le retour au Soi ; en lui s'achève également le destin qui gouverne cette histoire.
Les cinq leçons dont se compose l'idée de la phénoménologie furent prononcées à l'université de göttingen, en avril-mai 1907.
Husserl traversait alors une crise tant personnelle (le retard persistant à l'accès au statut de professeur ordinaire en philosophie) que théorique (aucune publication depuis les recherches logiques de 1900-1901, mal comprises d'ailleurs par ses contemporains. d'oú une nouvelle décision: " en premier lieu, je nomme le problème général que je me dois de résoudre pour moi, si je veux pouvoir me donner le titre de philosophe.
Je veux dire une critique de la raison (. ). j'ai plus qu'assez goûté aux tourments de l'obscurité, du doute qui va et vient. je dois parvenir à une intime assurance. je sais bien qu'il s'agit là d'une grande, d'une très grande chose, je sais bien que de grands génies y ont échoué et, si je voulais me comparer à eux, je devrais me désespérer par avance. " (journal, en date du 25 septembre 1906, hua. , i, p.
Vii-viii). de cette crise, husserl sortira en atteignant la certitude du je transcendantal dégagé par la réduction phénoménologique. mieux, de cette crise sortira la réduction phénoménologique elle-même. du coup la phénoménologie deviendra, selon les mots mêmes de husserl, d'une " psychologie descriptive ", une " phénoménologie transcendantale ".
Les Méditations cartésiennes ont voulu être à la fois une introduction à la phénoménologie transcendantale et une synthèse des recherches de leur auteur. Elles ont pour origine des conférences faites en 1929, à Paris, puis à Strasbourg. Invité par la Société française de philosophie à présenter sa pensée, Husserl exposa l'état de la phénoménologie dans l'amphithéâtre Descartes de la Sorbonne. De retour en Allemagne, Husserl développa ce qu'il avait exposé à Paris puis à Strasbourg, donnant à ce qu'il avait simplement esquissé un développement considérable, notamment dans la cinquième Méditation consacrée à l'analyse de l'apparition d'autrui et à l'expérience du corps propre.
Cette première mise en forme fut traduite, en 1931, par Emmanuel Levinas et Gabrielle Peiffer, avant même que les Méditations parussent en Allemagne. La première édition allemande, faite, sous l'égide de H. L. van Breda, par les Archives Husserl de Louvain, date de 1949 : c'est le volume inaugural des Husserliana.
La présente traduction a suivi cette dernière édition et offre donc le texte des Conférences de Paris, traduit pour la première fois, ainsi que les remarques critiques faites par Roman Ingarden à la lecture des Méditations.
- Marc de Launay - Table des matières Présentation I. - Les Conférences de Paris II. - MÉDITATIONS CARTÉSIENNES INTRODUCTION § 1 - Les Méditations de Descartes, archétypes de l'autoréflexion philosophique § 2 - Nécessité d'un recommencement radical de la philosophie PREMIÈRE MÉDITATION. - La voie vers l'ego transcendantal § 3 - Le renversement cartésien et l'idée téléologique rectrice d'une fondation de la science § 4 - On dévoile le sens téléologique de la science en s'y plongeant comme dans un phénomène noématique § 5 - L'évidence et l'idée de la science véritable § 6 - Différenciations de l'évidence. L'exigence philosophique d'une évidence apodictique et absolument première § 7 - L'évidence de l'existence du monde : elle est non apodictique elle est incluse dans le bouleversement opéré par Descartes § 8 - L'ego cogito comme subjectivité transcendantale § 9 - Portée de l'évidence apodictique du « je suis » § 10 - Digression. Descartes ne parvient pas à opérer le tournant transcendantal § 11 - Le je psychologique et le je transcendantal. La transcendance du monde DEUXIÈME MÉDITATION. - Dégagement du champ d'expérience transcendantal selon ses structures universelles § 12 - Idéal d'une fondation transcendantale de la connaissance § 13 - Nécessité de commencer par mettre hors circuit les problèmes touchant la portée d'une connaissance transcendantale § 14 - Le flux des cogitationes. Cogito et cogitatum § 15 - Réflexion naturelle et réflexion transcendantale § 16 - Digression. Nécessité, pour la réflexion purement psychologique comme pour la réflexion transcendantale, de commencer par l'ego cogito § 17 - En tant que problématique de la corrélation, l'investigation de la conscience offre un double aspect. Orientations de la description. La synthèse comme forme originelle de la conscience § 18 - L'identification en tant que forme fondamentale de la synthèse. La synthèse universelle du temps transcendantal § 19 - Actualité et potentialité de la vie intentionnelle § 20 - La spécificité de l'analyse intentionnelle § 21 - L'objet intentionnel comme « fil conducteur transcendantal » § 22 - L'idée de l'unité universelle de tous les objets et la tâche de leur élucidation constitutive TROISIÈME MÉDITATION. - La problématique de la constitution. Vérité et réalité effective § 23 - Un concept plus précis de la constitution transcendantale sous les rubriques « raison » et « déraison » § 24 - L'évidence comme autodonation et ses variations § 25 - Réalité effective et quasi-réalité effective § 26 - La réalité effective comme corrélat de la vérification évidente § 27 - Évidence habituelle et évidence potentielle dans leur rôle constitutif du sens d'un « objet étant » § 28 - L'évidence présumptive de l'expérience du monde. Le monde comme idée corrélative d'une évidence parfaite de l'expérience § 29 - Les régions ontologiques matérielles et formelles en tant qu'indices de systèmes transcendantaux d'évidences QUATRIÈME MÉDITATION. - Déploiement des problèmes constitutifs de l'ego transcendantal lui-même § 30 - L'ego transcendantal inséparable de ses vécus § 31 - Le je comme pôle identique des vécus § 32 - Le je comme substrat des habitus § 33 - La pleine concrétion du je comme monade et le problème de son autoconstitution § 34 - Principe de l'élaboration de la méthode phénoménologique. L'analyse transcendantale comme analyse eidétique § 35 - Excursus dans la psychologie interne eidétique § 36 - L'ego transcendantal comme domaine universel des formes possibles de vécu. Lois essentielles de régulation de la compossibilité des vécus selon la coexistence et la succession § 37 - Le temps comme forme universelle de toute genèse égologique § 38 - Genèse active et passive § 39 - L'association comme principe de la genèse passive § 40 - Passage à la question de l'idéalisme transcendantal § 41 - La vraie auto-explication phénoménologique de l'ego cogito comme « idéalisme transcendantal » CINQUIÈME MEDITATION. - Dévoilement de la sphère d'être transcendantale comme intersubjectivité monadologique CONCLUSION III. - Sommaire des leçons du professeur Husserl Annexe. - Remarques critiques du professeur Roman Ingarden
Au cours du semestre d'été 1920, Husserl consacre plusieurs heures de ses Leçons sur l'éthique à une "Digression" destinée à clarifier le concept de normativité et le statut des sciences normatives. Les analyses qu'il y développe conduisent non seulement à préciser le statut de l'éthique ou le rapport entre vérité et valeur, mais aussi à revenir sur le sens de la distinction entre les sciences de la nature et les sciences de l'esprit grâce à la méthode de déconstruction, qui trouve là sa première définition explicite. Tout en comblant certaines lacunes de ses grands exposés programmatiques, cette Digression témoigne de l'originalité du traitement que Husserl réserve à des thématiques devenues omniprésentes dans la philosophie contemporaine.
L'ouvrage ici proposé doit être considéré comme étant bien de Husserl. Son éditeur, L. Landgrebe, expose en Avant-propos les circonstances de son élaboration, et soutient qu'il " ne contient rien qui ne puisse au moins s'appuyer sur des exposés oraux de Husserl, et s'autoriser de son acquiescement ". De telles affirmations se laissent aisément vérifier par le repérage des textes originaux qui ont servi à la constitution de Expérience et jugement (voir notamment le volume XI des Husserliana).
Ce livre veut établir l'unité de la passivité, de la réceptivité et de la spontanéité dans la perspective d'une " généalogie de la Logique ". Celle-ci se limite à l'aspect cognitif de l'expérience, et s'oriente vers la mise au jour des " objectivités générales ".
L'émergence d'une problématique husserlienne du monde, compris comme horizon de toute présentation, notamment du " monde de vie ", et la concurrence de cette problématique avec la thématisation du " substrat absolu " permettent de relancer et de nuancer l'appréciation du rapport entre Husserl et Heidegger. De son côté, la conception d'une " grammaire logique pure ", énoncée dans la IVe Recherche logique, se trouve effectivement mise en oeuvre ici, liée à une vue instrumentale du langage ; elle fait pressentir l'homologie structurelle, explicitée dans la Krisis, entre l'antéprédicatif et les prédications les plus élaborées de la science.
Une philosophie atteste sa grandeur en affrontant les questions les plus difficiles.
Donc, au premier chef, celle du temps. aussi est-ce dès 1904-1905, à göttingen, que husserl tenta une analyse phénoménologique du temps, en lui appliquant les concepts fondamentaux d'intentionnalité et de réduction.
En 1916, edith stein, alors assistante de husserl, entreprit d'éditer ces cours, et de les compléter par d'autres textes, postérieurs (1905-1910). ce n'est pourtant qu'en 1928 que l'entreprise aboutit, quand heidegger, qui venait de publier etre et temps (1927), édita pour la première fois les leçons.
Il déclarait en ouverture : " ce qui est décisif dans ce travail, c'est la mise en relief du caractère intentionnel de la conscience et, d'une façon générale, la clarté croissante que reçoit l'intentionnalité dans son principe (. ). aujourd'hui encore cette expression n'est pas un mot de passe, mais le titre d'un problème central. " bien qu'une édition plus complète soit, grâce aux soins de r. boehm, parue depuis dans les husserliana (bd.
X, 1966), la traduction d'h. dussort reste un outil de travail inappréciable, puisqu'elle donne accès à un texte qui fut, en 1928, à la fois un achèvement de la pensée de husserl, un hommage rendu par heidegger à son maître, et, sans doute, leur ultime croisement - à savoir une rencontre et indissolublement un éloignement.
Les textes rassemblés dans ce recueil, parmi les tout derniers écrits par Husserl, constituent le véritable testament du fondateur de la phénoménologie. Ils présentent une analyse originale et radicale des spécificités de l'activité philosophique. À partir d'une méditation sur le sens de l'« institution originaire » de la philosophie dans la Grèce antique, ils nous découvrent l'unité téléologique de l'ensemble de l'histoire de la philosophie. Ils réaffirment la dimension éthique de cette « tâche » inachevée que représente la philosophie et soulignent son importance cruciale pour notre rapport à l'Histoire.
A l'invitation de la revue japonaise Kaizo, Husserl rédige entre 1922 et 1924 une série de cinq articles consacrés à l'éthique et centrés sur le thème du renouveau (Erneuerung).
Il cherche à y définir les conditions d'un renouveau éthique de l'homme européen grâce auquel pourra être surmontée la crise culturelle qui le touche et que lui a brutalement révélée la Première Guerre mondiale. La recherche que développe ici Husserl permet d'appréhender les différents champs et articulations de son éthique : éthique à la fois matériellement déterminée et régie par des lois purement formelles, éthique individuelle s'inscrivant nécessairement dans une éthique sociale, éthique eidétique et apriorique mais rapportée à une interprétation de l'histoire et de la culture européennes.
Elle montre aussi que la question éthique n'est pas pour Husserl une problématique à part, mais qu'elle met en oeuvre la totalité de la recherche philosophique, y compris dans sa dimension logique, en lui assignant la tâche générale de redonner son sens à l'idéal d'une vie et d'une culture rationnelles.
Ce premier tome des "Recherches logiques" établit, contre les conceptions dominantes de l'époque (psychologisme, relativisme, pragmatisme) l'idéalité des objets de la science, de la logique et de leurs lois. Husserl réfute le relativisme et analyse les conditions de l'accord entre les consciences. Cette question est toujours actuelle, le fondement de la vérité sur un simple consensus.
Contemporain des conférences de la Krisis..., ce célèbre fragment est révélé par la version que Fink en publie à la veille de la guerre. Les interprètes de Husserl (et d'abord Merleau-Ponty) en ont proposé des lectures fascinées et contradictoires. La richesse énigmatique de l'esquisse semblait y encourager.
Ici, l'intérêt pour l'" origine " ne donne pas lieu à une explication archéologique ou à une généalogie empirique, mais plutôt à une question en retour (Rückfrage) dans l'expérience d'une crise. Comment réveiller le sens originaire d'une science ? Quelles sont les conditions transcendantales de son avènement et de sa tradition ? L'origine de la géométrie fournit une trame. La longue introduction de Jacques Derrida accompagne pas à pas une méditation dont le parcours fut préparé par toute l'oeuvre de Husserl. Certaines questions s'annoncent en chemin : par exemple sur la possibilité, la nécessité ou les difficultés du grand dessein phénoménologique. Edmund HUSSERL. Traduction et introduction par Jacques Derrida.
Ces deux premières Recherches sont consacrées aux élucidations nécessaires à tout commencement, celles de l'instrument de pensée, le langage. Elles sont indispensables à la compréhension de la phénoménologie, le lecteur y trouvera les distinctions fondamentales nécessaires à toute théorie de la signification.
" Nous avons tenté dans cet ouvrage de tracer le chemin qui va de la logique traditionnelle à la logique transcendantale [...] à la logique transcendantale qui n'est pas une seconde logique mais qui est seulement la logique elle-même, radicale et concrète, qui doit son développement à la méthode phénoménologique.
En vérité, pour s'exprimer plus précisément, nous n'avons juste-ment eu en vue, comme logique transcendantale, que la logique telle qu'elle est délimitée traditionnellement, la logique analytique qui sans contredit grâce à sa généralité vide et formelle embrasse toutes les sphères d'êtres et d'objets, corrélativement toutes les sphères de connaissances. Toutefois, étant astreints à reconsidérer la caractérisation du sens et de l'ampleur de la recherche transcendantale, nous avons par avance acquis aussi du même coup le moyen de comprendre les " logiques " (qu'il reste à fonder) ayant un autre sens, conçues comme doctrines de la science, mais comme doctrines matérielles ; doctrines de la science parmi lesquelles la plus élevée et la plus étendue serait la logique de la science absolue, la logique de la philosophie phénoménologico-transcendantale elle-même.
" E. Husserl
Au moment de sa réédition, Husserl avait pensé remanier profondément la Recherche VI pour la rendre conforme à sa plus récente conception de la phénoménologie transcendantale. La guerre et des préoccupations nouvelles l'en ayant empêché, cette sixième Recherche n'a été rééditée qu'en 1921, à peu près identique à l'édition originale. Son intérêt primordial tient à la nouvelle formulation que la phénoménologie y impose à la « théorie de la connaissance » et à la vérité comprise comme adaequatio rei et intellectus. Ce problème, que Logique formelle et logique transcendantale reprendra, est réinterprété ici comme la relation entre l'intention vide et l'intention remplie par la donnée, dans l'évidence intuitive, de son objet, suivant différents degrés de connaissance, qui vont de la simple identification de l'objet perçu à la plénitude de sa présence intuitive.
Donné à l'Université de Fribourg durant le semestre d'été 1927, ce cours compte parmi les derniers de la longue carrière académique de Husserl. Sous le titre général « Nature et esprit », il y poursuit sa recherche anti-naturaliste, engagée dès le début des années 1910, d'un critère sûr de distinction et d'articulation des sciences de la nature et des « sciences de l'esprit ». À cet égard, l'originalité de ce cours est double :
On y trouve non seulement une réflexion approfondie, à la fois ontologique et épistémologique, sur le sens philosophique de l'idée d'une classification des sciences débouchant sur la proposition de plusieurs classifications possibles, mais également l'élaboration d'une fondation philosophique des sciences positives par un retour méthodique aux structures du monde de l'expérience préscientifique.
C'est donc toute la phénoménologie husserlienne tardive du « monde de la vie » qui s'esquisse pour la première fois dans ce cadre.
Le présent tome I de cet ouvrage intitulé Sur l'intersubjectivité, qui en comprend deux, est la traduction partielle de Zur Phänomenologie der Intersubjektivität, trois volumes (I. 1905-1920 ; II. 1921-1928 ; III. 1929-1935) qui ont été édités par Iso Kern et publiés en 1973 à La Haye par Martinus Nijhoff dans les Husserliana (tomes XIII, XIV et XV). Étant donné le nombre considérable de textes retenus (quelque 800 pages sur 1800 environ dans l'édition allemande), la traduction française se présente en deux tomes. La problématique husserlienne de l'intersubjectivité apparaît beaucoup plus différenciée, à la fois plus ramifiée et plus radicale que dans les textes publiés auparavant : elle s'y articule avec précision à la question de la corporéité primordiale, du temps, de l'imagination, de la communauté, de l'histoire, du langage, de la normalité, de la générativité et de l'individuation. En revanche, dans les textes publiés jusqu'ici, elle est souvent présentée soit de façon aporétique (Méditations cartésiennes), soit dans son extension d'emblée communautaire (Idées directrices II) ou historique (Krisis), en tout cas selon l'alternative trop simple de la constitution monadologique de l'égologie ou de la donation immédiate des autres dans le monde.
Le premier tome de l'édition française s'organise autour de deux thèmes : 1 / la constitution primordiale du corps et de l'espace dans son articulation avec la constitution d'autrui, et 2 / l'expérience empathique en tant que vécu analogisant dans sa discussion critique avec les problématiques psychologiques de l'époque. Une introduction détaillée ouvre le volume et présente les différentes figures de l'intersubjectivité en liaison avec la problématique des voies d'accès à la réduction ; une postface s'explique sur le choix de la traduction retenue pour le terme Leib, et déploie la complexité historique et structurelle de son sens.
Avec les Idées directrices pour une phénoménologie, Husserl inaugure un cours nouveau de la philosophie. Ayant, dans le livre I, assuré les fondations méthodologiques de la phénoménologie, Husserl entreprend sa mise en oeuvre : c'est le livre II, les Recherches phénoménologiques pour la constitution.
Issu de rédactions et de remaniements multiples, texte toujours en chantier de 1912 à 1928, ce livre II donne son matériau au projet phénoménologique de description pure. S'inscrivant sans cesse dans l'« expérience originaire », les Recherches phénoménologiques pour la constitution visent à produire la notion phénoménologique de l'Être et du sens de l'Être, selon ses diverses « manières » ou « couches », en : naturelle matérielle, nature animale, monde de l'esprit - sorte de géologie du sens de l'Être. Le primat de l'une d'elles, la chair, éclate dans la merveille du sensible et c'est entrelacé avec elle que le reste du monde se constitue. La chair, instance matricielle du phénoménologique, y suscite aussi une turbulence, car le projet husserlien de fondation de la ratio ne parvient qu'à se juxtaposer à cette chair, entièrement énigmatique.
C'est pourquoi ce livre II fut et demeure décisif pour l'histoire de la philosophie : ainsi, toute l'oeuvre de Merleau-Ponty en fut à la fois l'héritière et l'avenir.
Table des matières Avant-propos du traducteur Première section. - La constitution de la nature matérielle Chapitre premier. L'idée de nature en général Chapitre II. Les couches sensibles ontiques de la chose intuitive comme telle Chapitre III. Les « aistheta » dans leur relation au corps propre esthésique Deuxième section. - La constitution de la nature animale Introduction Chapitre premier. L'« ego » pur Chapitre II. La réalité psychique Chapitre III. La constitution de la réalité psychique au travers du corps propre Chapitre IV. La constitution de la réalité psychique dans l'intropathie Troisième section. - La constitution du monde de l'esprit Introduction Chapitre premier. Opposition entre le monde naturaliste et le monde personnaliste Chapitre II. La motivation en tant que loi fondamentale du monde de l'esprit Chapitre III. La préséance ontologique du monde de l'esprit sur le monde naturaliste Remarques sur la traduction de quelques termes Lexique
Fondée en 1953 par Jean Hyppolite, la collection "Epiméthée" a été reprise en 1981, par Jean-Luc Marion, Professeur à l'Université de Paris IV-Sorbonne. Cette collection repose sur trois orientations : la traduction des grands textes de la tradition ; la phénoménologie, entendue comme tradition créatrice de la philosophie ; et enfin l'histoire de la philosophie.
" L'analyse de la logique, comprise au sens large de doctrine de la science (Wissenschaftslehre), vise à en fixer les limites et à clarifier ses rapports avec la psychologie, la mathématique et la métaphysique.
Par là se dégage tout d'abord le concept de logique formelle ou mathesis universalis. Mais la question logique se radicalise ensuite et s'élargit de plus en plus, au point d'impliquer l'ensemble de la recherche phénoménologique (notamment l'analyse du temps, de la conscience) dans le projet fondamental d'une critique de la raison exigeant de passer de la connaissance naturelle à la philosophie phénoménologico-transcendantale.
La méthode de réduction qui permet ce passage est requise pour répondre à une interrogation métaphysique sur le sens et la possibilité d'une connaissance absolue, d'une connaissance qui atteigne effectivement un être transcendant. Situées à peu près à mi-distance entre la publication des Recherches logiques (1900-1901) et celle des Idées directrices (1913), ces leçons appartiennent à une période décisive durant laquelle Husserl publie très peu, mais où se détermine le sens et la finalité de la phénoménologie : de psychologie descriptive métaphysiquement neutre, celle-ci devient progressivement une philosophie transcendantale.
Le cours de 1906-1907 ne marque pas simplement une étape dans cette évolution, il la thématise et la justifie en montrant l'impossibilité, pour la théorie de la connaissance, d'en rester au niveau de la connaissance naturelle, même logico-mathématique, sous peine de ne pouvoir lever l'hypothèque du scepticisme et du relativisme.
Le texte de Husserl dont nous proposons la traduction française a été publié une première fois en 1962 puis une seconde fois en 1968 par Walter Biemel dans le tome IX des Husserliana sous le titre : Phänomenologische Psychologie, Vorlesungen Sommersemester 1925.
La présente traduction comprend donc les leçons éponymes du volume qui remontent au semestre d'été 1925, ainsi que différents textes non traduits jusqu'alors dont, en particulier, la quatrième version de l'article pour l'Encyclopedia Britannica et les Conférences d'Amsterdam, textes qui nous ont paru pouvoir illustrer les rapports complexes de la psychologie et de la phénoménologie. En effet, le statut de la psychologie dans l'économie de la démarche phénoménologique apparaît au premier abord extrêmement embrouillé, et il semble difficile de conférer un sens univoque à l'idée de "psychologie phénoménologique".
Aussi l'un des mérites des leçons de 1925 réside-t-il sans doute dans la présentation systématique de cette psychologie dont Brentano et Dilthey sont pour Husserl les précurseurs. A quels traits distinctifs reconnaît-on la psychologie phénoménologique ? Celle-ci repose-t-elle sur la seule analyse eidétique des vécus intentionnels ? Si le déploiement de la phénoménologie transcendantale est inséparable de la réduction, la psychologie phénoménologique n'exige-t-elle pas à son tour une attitude spécifique distincte des attitudes naturelle et transcendantale ? Telles sont les questions que cet ouvrage permet de poser, sans peut-être toujours y répondre.
On ne saurait sous-estimer leur importance, s'il est vrai que le projet husserlien d'une psychologie phénoménologique ouvre un champ de recherches fertile comme l'ont montré les travaux de Sartre, de Merleau-Ponty ou encore de Binswanger.