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Frédéric Boyer
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À l'été 2009 un drame se produit dans la Sarthe, une enfant de huit ans, déclarée disparue par ses parents, est retrouvée morte un mois après. La police conclut vite à l'infanticide. Un meurtre inexplicable, d'une violence inouïe qui révèle une vie entière de maltraitance. «Depuis toujours je n'ai pu oublier ce que j'avais appris de la petite cette année-là. Les souffrances inimaginables infligées par ses parents. J'ai voulu entendre ce que cela avait touché en moi. Raconter ce que cela dénonçait de notre désir d'histoires, et de notre rapport au mal.» F.B.
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La première édition de cette nouvelle traduction intégrale de la Bible est parue en septembre 2001. Pour la première fois, des spécialistes des langues et des textes bibliques (hébreu, araméen et grec) avaient collaboré plus de 6 ans avec des écrivains contemporains pour aboutir à une traduction entièrement renouvelée des textes bibliques.
Parmi ces écrivains figuraient de grands auteurs contemporains : Jean Echenoz (prix Médicis 1983 et prix Goncourt 1999), Emmanuel Carrère (prix Fémina 1995), Marie NDiaye (prix Femina 2001 et prix Goncourt 2009), mais aussi François Bon, Jacques Roubaud, Olivier Cadiot, Marie Depussé, Valère Novarina...
Plus de 20 exégètes ont travaillé à cette traduction en binômes avec un écrivain. Un comité de relecture était présidé par les biblistes Pierre Gibert et Thomas Romer.
Les évêques de France avaient salué par un communiqué officiel de la Conférence épiscopale le travail accompli et son originalité.
Cette traduction a depuis fait son chemin. Elle est connue sous l'appellation de Bible des écrivains.
Il faut rappeler qu'il s'agit de traductions rigoureuses, établies à partir d'un travail exégétique et philologique approfondi sur les langues sources bibliques.
Cette nouvelle traduction a permis de renouveler le langage biblique et d'adapter les textes des Ecritures à nos sensibilités modernes.
Cette nouvelle édition contient une préface inédite de Frédéric Boyer et est accompagnée d'un QR code qui donne à entendre des extraits de la Bible, intégralement interprétée par Noam Morgensztern de la Comédie-Française. -
«Cody doit sortir de prison. Tom est chargé de l'aider à retrouver l'équilibre dehors. Entre eux, il y a ce seuil à franchir, le monde à réapprivoiser. Les gens libres n'imaginent pas la somme mélancolique de connaissances et de familiarités qui vous écrase le coeur après des années d'enfermement. Une somme de riens. Il faut savoir s'habiller, réclamer son dû, imaginer un emploi du temps. Ce n'est pas juste qu'un homme ait à souffrir des choses idiotes et douces de l'existence quotidienne. Et comme la plupart d'entre nous, Tom n'a pas prévu d'aider l'autre au-delà d'une certaine limite - à ce point mystérieux où l'exigence absolue en même temps que très précaire de la fatigue d'autrui nous entraîne vers une violence inconnue. Comme il est facile de perdre patience dans l'exercice toujours inachevé de la réciprocité ! Comme on y perd vite le goût d'être un ami, quelqu'un sur qui l'autre peut compter ! Celui que découragent les plus petits détails de l'existence, avec son lot quotidien d'idioties savantes, a soudain quelque chose d'un gros monstre pathétique dont on ne sait plus quoi faire...»
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Frédéric Boyer a écrit les trois poèmes qui composent ce livre après la mort tra- gique de sa compagne, l'été dernier.
Le premier, qui donne son titre au livre, et se construit autour de la lettre A, initiale du prénom de la morte, est une invocation, tout autant qu'une évocation, un texte pour dire la douleur, la stupéfaction, l'incompréhension.
Le deuxième est « Une Lettre » à celle qui a disparu, une lamentation et une interro- gation.
Le troisième, qui s'intitule « Les Vies », élargit l'interrogation sur la mort, qui sous- tend le livre entier, aux autres vies dans laquelle s'insérait celle qui n'est plus.
Ces trois poèmes font ensemble plus qu'un livre de deuil. On y voit passer une ombre qui fut vivante, on y voit de la vie, plus forte que la mort.
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Ces versets ont plus de mille cinq cents ans. Ils ont été rédigés dans une langue ancienne, le sanscrit, quelque part, dit-on, dans le nord-est de l'Inde, au bord du Gange. Ils sont extraits d'un « petit livre» (selon l'expression du texte lui-même), divisé en sept parties, et datant probablement du III" ou IV' siècle de notre ère, le Kâmasûtra. On y découvre l'étrange dilemme d'une culture savante et antique confrontée au plaisir sexuel, à sa recherche, et à sa signification. Renoncer à la satisfaction des pulsions, vertige destructeur, et éventuellement sublimer ce refoulement, ou rédiger les conditions culturelles d'une satisfaction nécessaire (et pour qui? et pour quoi? et de quelles façons en parler?) L'Inde ancienne des brahmanes a ceci de particulier qu'elle a favorisé une sorte de diversité cognitive, souvent dissonante et plus ou moins simultanée, dans laquelle chacun peut disposer d'une connaissance pratique de différents savoirs, techniques, croyances, représentations. Sur près de mille ans au moins, on a su rédiger une science plurielle qui portait sur la grammaire, la religion, la logique, la guerre autant que sur les chevaux, les éléphants, la danse, la vie domestique, la médecine,la musique, l'astronomie, l'élevage, l'agronomie ... L'Inde ancienne, à l'époque Il Kâmasûtra du Kâmasûtra, représente aussi un grand fourre-tout de croyances locales et de traditions, de connaissances multiples, avec la nécessité d'ordonner, de hiérarchiser la diversité du monde. Accompagné de cette volonté inlassable de penser et de prévenir la confusion, le mélange (samkara).
Ces versets ont plus de mille cinq cents ans. Ils ont été rédigés dans une langue ancienne, le sanscrit, quelque part, dit-on, dans le nord-est de l'Inde, au bord du Gange. Ils sont extraits d'un « petit livre» (selon l'expression du texte lui-même), divisé en sept parties, et datant probablement du III" ou IV' siècle de notre ère, le Kâmasûtra. On y découvre l'étrange dilemme d'une culture savante et antique confrontée au plaisir sexuel, à sa recherche, et à sa signification. Renoncer à la satisfaction des pulsions, vertige destructeur, et éventuellement sublimer ce refoulement, ou rédiger les conditions culturelles d'une satisfaction nécessaire (et pour qui? et pour quoi? et de quelles façons en parler?) L'Inde ancienne des brahmanes a ceci de particulier qu'elle a favorisé une sorte de diversité cognitive, souvent dissonante et plus ou moins simultanée, dans laquelle chacun peut disposer d'une connaissance pratique de différents savoirs, techniques, croyances, représentations. Sur près de mille ans au moins, on a su rédiger une science plurielle qui portait sur la grammaire, la religion, la logique, la guerre autant que sur les chevaux, les éléphants, la danse, la vie domestique, la médecine,la musique, l'astronomie, l'élevage, l'agronomie ... L'Inde ancienne, à l'époque Il Kâmasûtra du Kâmasûtra, représente aussi un grand fourre-tout de croyances locales et de traditions, de connaissances multiples, avec la nécessité d'ordonner, de hiérarchiser la diversité du monde. Accompagné de cette volonté inlassable de penser et de prévenir la confusion, le mélange (samkara). La connaissance relève ici à la fois de la taxinomie, de la description, de la proscription et de l'exception. C'est le monde des sâstra, traités versifiés de droit, textes d'enseignement et d'étude qui produisent une sorte de lecture et de description raisonnée infinie du monde. Le verbe sas signifiant à la fois punir et enseigner, un peu comme notre mot discipline en français. Ce monde est distribué selon une trilogie supérieure (en sanscrit trivarga, les trois significations discriminantes qui confèrent les buts de l'existence humaine, purusârtha) : dharma (l'ordre universel, les principes, les devoirs sacrés de toute existence), artha (la création de richesses et la puissance matérielle d'une existence, la prospérité), et kâma (le plaisir sexuel, amoureux, la sensualité, le désir). On commence toujours par ce trio pour parler grammaire, architecture, danse, médecine ou musique ... C'est dire que le plaisir est reconnu traditionnellement comme une des trois finalités supérieures du brahmanisme, et que les buts sexuels ne sont pas forcément en contradiction avec le jeu social.
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J'écris aujourd'hui de la poésie parce que la situation de la littérature contemporaine ne me convient pas. J'écris aujourd'hui de la poésie parce que j'aurais besoin d'une bonne psychothérapie (me dit-on) - ce qui est une mauvaise raison. J'écris aujourd'hui de la poésie parce que tout autour de nous parle d'un autre monde et nous ne le comprenons pas. J'écris aujourd'hui de la poésie parce que les ombres s'élèvent et que je n'ose plus rentrer chez moi.
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«J'ai écrit ces lignes des années après. J'ai surmonté ma honte et parfois le déni ou la réprobation des autres. J'avais frôlé la fin de tout. Nous attendons trop sans savoir que nous sommes attendus nous-mêmes dans l'existence à ce point sombre d'où quelque chose peut recommencer. J'ai retraduit mon malheur en traduisant les textes de Job, de saint Paul ou de Shakespeare. Et je commençais à croire qu'il n'y a d'espérance qu'à ce point-là d'essoufflement. J'ai interrogé la dérision du désespoir et l'indignité de notre monde contemporain qui voudrait exclure l'espérance de nos coeurs et de nos communautés.» Frédéric Boyer.
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C'est l'histoire d'une année, peut-être deux, dans la vie d'un petit garçon. L'histoire d'une rencontre avec un personnage héroïque à ses yeux d'enfant de onze ou douze ans. Ce souvenir revient beaucoup plus tard, après qu'il a traversé plusieurs deuils, sous les mains d'un étrange thérapeute que le narrateur appelle le «chaman». Le souvenir de virées magiques, pour s'arracher de sa famille en compagnie de cet homme hâbleur, drôle et violent. Perdu jusque dans sa passion pour la vie.C'est une matinée de chasse. La mort d'un lièvre. Un lièvre dont il faudra bien faire et dire quelque chose.Un cadavre encombrant qui mettra des années à réapparaître.
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«- Peur, j'ai si peur. Je n'ai pu l'oublier... Nuit noire. Pas de mémoire. Et pour ne plus l'aimer cent fois j'ai combattu chacune et chacun d'entre nous. J'ai cherché des sujets au-delà de la terre et dans des pays inconnus à leurs habitants, des déserts que le ciel refuse d'éclairer. Ouvre les yeux. Quelqu'un m'attend dans ces lieux, dans ces temps. C'est dans ma tête. Avec les gestes oubliés.»
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Elle est très jeune. Elle vient de l'Est en ruine, de l'Est tombé. Son frère l'a vendue à un réseau de prostitution. Elle, elle croit qu'elle va avoir un vrai travail, comme on dit, un vrai travail à l'Ouest, avec tous ses mirages, même si elle ne sait pas très bien en quoi ce travail va consister. Mais d'abord on la balade à travers tous ces pays défaits, dans le flou de frontières interchangeables, pour effacer les traces. Enfin elle arrive à Vienne où Monsieur va veiller à son rendement, à sa docilité. Oh, elle va être parfaite en quelque sorte : soumise, toujours prête. Trop passive, peut-être, absente, les clients n'aiment pas ça.Et puis un jour elle tuera Monsieur, bien sûr. Ailleurs pour toujours, loin, très loin de l'horreur ordinaire de gens qui commettent le crime comme il feraient autre chose, indifférents et las, fatigués. Comme si rien ne devait jamais changer.
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Le thème de la bataille et de ses représentations dans notre culture est au coeur de la proposition de Frédéric Boyer.
Il s'est intéressé à l'écriture de cette épopée, la Chanson de Roland, la première en langue française, le premier grand texte français qui s'éprend de la défaite pour chanter la gloire d'un empire fantasmé (celui de Charlemagne), 350 ans après les faits, et au moment où l'Europe médiévale se lance dans les croisades. Frédéric Boyer va jusqu'à interroger la lente déformation de la légende médiévale dans l'Europe de la Renaissance. Le fantôme de Roland est partout présent. Il semble gêner jusqu'au merveilleux Don Quichotte qui en fait un de ses modèles certes, mais avec difficulté devant la folie, la fureur qu'on lui prête alors.
Quelles blessures, quel trauma cherche-t-on à exorciser avec une telle création ?
Raconter la bataille (ou la représenter), au-delà de ses fonctions politiques, religieuses, idéologiques, a d'autres effets et sans doute d'autres origines.
Rappeler Roland est un triptyque composé d'un texte original, « Rappeler Roland », monologue écrit pour la scène dont la création se fera en deux temps, à l'auditorium du musée du Louvre le 19 janvier 2012 et à la Comédie de Reims en mars 2013 ; d'une nouvelle traduction intégrale de la Chanson de Roland (version du manuscrit d'Oxford qui date du XIIe siècle) qui tente d'offrir en français contemporain une version en décasyllabes avec respect de la césure épique (4 + 6) ; et d'un essai, « Cahier Roland » (se battre est une fête), consacré au thème de la bataille et du combat dans notre culture, à partir de l'histoire mystérieuse de la Chanson de Roland.
Aujourd'hui Frédéric Boyer veut rappeler Roland... Dans les mots et dans les défaites contemporaines. Dans les guerres que nous n'avons pas connues et les batailles que d'autres livrent pour nous aux confins d'un monde déchiré.
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Le fait d'être humain ne procède pas uniquement de nous-mêmes, comme le fait d'être d'une culture, d'une histoire ne procède pas d'un seul autre, ou d'un seul semblable, mais de l'ensemble des autres, de tous les semblables, et plus loin encore de l'autre à venir, du dissemblable, de l'étranger, de l'autre culture, de l'autre histoire. Où et comment se pose la question de l'honneur à cet instant ? N'est-ce pas à cette pliure que fait courir à l'espèce le mépris, l'incompréhension, le refus de l'autre ?
Aujourd'hui nous devons faire face. Et savoir d'instinct, savoir sans le comprendre que la seule force, la seule valeur, la seule dignité, c'est de ne pas comprendre si comprendre nous fait renoncer à l'amour de l'autre. Voilà ce qui fonde, voilà ce qui fait la légitimité non seulement d'une existence mais de toute communauté.
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Je pleure encore chaque fois que j'y pense
Frédéric Boyer
- Les Presses Du Reel
- Nouvelles Scenes
- 25 Juin 2014
- 9782840667223
Conçu par M/M (Paris), ce livre-objet documente, de manière photographique ainsi que par un texte de Frédéric Boyer, la pièce intitulée La Faculté, une tragédie contemporaine inscrite dans la vie de la jeunesse d'aujourd'hui, dont le texte à été créé par Christophe Honoré et mis en scène par Éric Vigner « La Faculté c'est un spectacle d'Éric Vigner sur un texte de Christophe Honoré. La Faculté fut créé par Éric Vigner au Festival d'Avignon en 2012 dans la cour du lycée Mistral. Alain Fonteray a photographié le spectacle et ce sont ces photographies qui m'ont fait découvrir La Faculté. Bénédicte Vigner m'a demandé d'écrire un texte à partir de ces photographies. Sans avoir vu ni le spectacle ni lu le texte de Christophe Honoré. J'ai regardé chez moi les photographies d'Alain Fonteray pendant plusieurs jours, plusieurs mois, et à des heures différentes. Jusqu'à en oublier l'origine, la réalité de ces images. Jusqu'à ce point troublant de persécution des images. Rien n'arrive plus que l'absence de ces images. Ce que j'étais en train de voir je ne l'ai jamais vu. Et puis j'ai commencé à écrire. J'ai commencé à écrire ce dont précisément je savais qu'il me serait impossible d'atteindre. L'événement du spectacle. L'incarnation des mots de Christophe Honoré. Certaines nuits je me réveillais en pensant à ces photographies. À ce qui s'était passé ou pas. Il arrive que des oeuvres répondent à d'autres oeuvres qu'elles ne connaissent pas. Que des oeuvres se répondent comme aussi des personnes se rencontrent sans se voir ni même se connaître. Mais quelque chose a lieu d'une reconnaissance. Moi j'ai vu dans ces photographies le souvenir vivant d'un scandale. Celui de la jeunesse. J'ai compris que la question de toute tragédie, de toute représentation théâtrale, c'est le contemporain qui s'adresse en nous à l'oubli le plus ancien. C'est l'Antiquité de notre monde comme une réalité neuve, brillante, et comme une blessure.
Plus tard j'ai vu enfin le spectacle La Faculté.
Ce que j'ai vu alors je l'avais vu pour toujours. » Frédéric Boyer
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Comprendre et compatir ; lectures de Dostoïevski
Frédéric Boyer
- P.O.L.
- 23 Février 1993
- 9782867443381
Dans ces sept textes, Frédéric Boyer étudie et interroge l'oeuvre de Dostoïevski (romans, carnets, personnages emblématiques) ainsi que certains textes évangéliques, des essais de Patockà, La Recherche. L'oeuvre de Dostoïevski est éclairée par ce regard qui y voit la mise en scène d'un monde qui s'accomplit aujourd'hui, un monde qui n'a jamais autant souffert de la responsabilité. Son actualité est à chercher dans la traversée de la violence et du mal comme dernier chemin vers l'énigme de l'autre.
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«Les vaches aimaient la pluie.» Une phrase si simple, si commune dans sa structure, et cependant inimitable... On y reconnaîtrait Frédéric Boyer entre mille. Est-ce l'emploi de l'imparfait pour cette proposition qui d'un coup la déplace du côté du mythe ? Ou lui donne une infinie tristesse ? Des phrases comme celle-là, Vaches en est rempli. Ce livre bref, tout entier consacré à ce qu'il y a de permanent et d'éphémère dans l'idée même de cet animal, et dans cette réalité à la fois massive et énigmatique, ce livre profondément nostalgique est aussi un traité de philosophie poétique, ou de poésie philosophique. Y sont interrogées de la manière la plus tendrement triviale, incarnée, notre présence, notre fuite, nos angoisses. «L'animal de son corps dans la création. L'animal néant c'est elle. C'est la vache.»
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Que cherchons-nous à sauver de l'oubli ? Les mots de nos pères nous abandonnent.
Noirceur et faiblesse, les Écritures ne fixent rien, quelque passion que nous mettions à le nier. Elles indiquent l'exil dans lequel nous nous trouvons. Elles nous renvoient à la tâche d'écrire les Écritures. C'est sans doute cela qui nous fait si peur aujourd'hui. Comme si ce qui s'est écrit hier et qui nous fut transmis pouvait ne plus jamais avoir à s'écrire. Annuler le risque en quelque sorte.
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«Rejoindre ma prairie je vous en prie laissez-moi.»
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La nuit du 13 au 14 décembre 2003 un homme tente de se donner la mort. Quand il revient à lui, et dans les semaines qui suivent, il s'adresse à ses amis dans un long poème.
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Le Code d'Hammurabi , qui est au centre de ce livre, se présente comme une grande stèle de 2,5 mètres de haut, en basalte. La stèle, conservée au Louvre, porte l'inscription de décisions de justice formant code et rendues par Hammurabi afin que « le fort n'opprime pas le faible ».
Les différents « articles » du Code d'Hammurabi fixent les règles de la vie courante et touchent aux rapports qui unissent les groupes sociaux, la famille, l'armée, la vie religieuse et la vie économique. Elles ont toujours trait à des situations très précises concernant les vols, les prêts, les honoraires, les contrats, les fermages, les débiteurs insolvables, les esclaves fugitifs, le statut de la femme. Il n'y a pas d'idée générale ni de concepts abstraits exprimés pour justifier telle ou telle disposition, il n'y a pas non plus d'ordre logique dans la présentation.
Bien sûr, le texte, bref, de Frédéric Boyer, fortement scandé, déclamatoire, emporté, n'est pas un texte de droit, il n'est pas non plus une étude historique. Mais il se sert du droit et de l'histoire pour parler d'aujourd'hui et de toujours. Aujourd'hui, sur l'emplacement de Babylone où Hammurabi fut roi, en Irak, a lieu une guerre qui n'en finit pas. Depuis toujours le droit ne fait que constater des rapports de force qu'il peine à infléchir. Hammurabi Hammurabi est le chant double de ce conflit.
« Oui. J'étais soldat dans la 31e année du règne de Hammurabi. J'ai rasé la moitié de mes cheveux. J'ai calfaté mon coeur. J'ai renversé la plaine. Je suis mort à zéro heure quarante dans mon véhicule de combat. Oh quelqu'un m'a rattrapé. Je pense à toi. Ça y est. Je suis un soldat mort. Mon corps dans un sac hermétique fait le voyage en hélicoptère Apache. Soleil brûlant. Direction le ciel. C'est la loi. Plus d'histoire. »
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Le dieu qui était mort si jeune est un emportement, un texte de foi. Dans un mouvement excessif, c'est-à-dire à l'opposé de la sagesse et de la raison, haletant, éperdu, il chante la gloire de Jésus en tant qu'homme parmi les hommes, homme parmi ses frères. Il éclaire la démarche littéraire et philosophique de Frédéric Boyer en même temps qu'il la prolonge. Frédéric Boyer est un écrivain chrétien. Son attitude singulière, y compris pour ceux qui se réclament de la même foi, n'est pas dans l'acceptation, elle est dans la colère, dans la violence, la recherche et le risque.
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Sur l'île de Batz, dans le Finistère, deux innocents, Ann et Abel, se rencontrent et font l'échange du mystère de leur vie. On voudrait comprendre ce qu'il s'est passé là-bas pendant sept jours, comment le drame s'est noué, qui sont les responsables. Mais la quête des coupables mène inexorablement à l'innocence. Comme si l'innocence, c'était tout ce qui restait à comprendre une fois l'affaire élucidée, une fois passé le dénouement. Comme si chacun d'entre nous, avant de comprendre, avant de juger, avait à s'expliquer avec l'innocence perdue.
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Il nest pas bon que lhomme soit seul.' Le deuxième chapitre de la Genèse, dans la Bible, raconte comment lidée du sexe vient à l'esprit du Créateur. Frédéric Boyer s'attache à débarrasser la sexualité de tout le poids de péchés dont l'obscurantisme et la bêtise l'ont chargée. La sexualité est ce qui a permis à la création de prendre son essor, à l'homme de faire l'expérience de la liberté, l'expérience aussi du temps et de la vie comme de la mort. La sexualité est précisément ce qui le fait homme : 'Il y a un événement de la sexualité pour l'homme, pour chacun d'entre nous, qui consiste d'abord à exister avec nos semblables, à faire en somme partie de ce monde historique, de ce monde de tragédie, de ce monde de comédie. Il y a un devenir humain de la sexualité. Littéralement, quelque chose de l'humain attend la femme et l'homme dans l'exercice de la sexualité oh, folies et trahisons. Des combinaisons splendides et illimitées, des alliances au bord des fleuves. De cette présence de l'humanité au sexe dépend un certain ordre du monde, une configuration de la vie au monde, la nature même des pouvoirs et de l'obéissance, l'idée de la douceur possible, l'histoire de la violence. De cette présence de chacun au sexe dépend une certaine tendresse possible, un salut du monde.
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Un petit garçon a dû faire une rencontre si troublante qu'il doit, devenu adulte, en raconter l'oubli.
C'est ainsi l'histoire d'un souvenir perdu qu'il fait l'effort de raconter.
Il n'y a de revenants qu'eux, les souvenirs. Le narrateur fait l'expérience de cette possession imaginaire des souvenirs. Nous pensons qu'ils nous appartiennent, qu'ils sont nôtres, tandis que ce sont eux qui nous possèdent. Le récit devient une opération de délivrance, d'aveu au sens que donnait à ce mot saint Augustin (confessio). Et d'autant plus que ce livre ne parle que d'une chose : l'amour. Sa révélation, son apprentissage, ses errements et ses erreurs, ses folies et sa misère. Le narrateur revisite ainsi son enfance jusqu'à sa petite enfance, sa jeunesse jusqu'à sa maturité. Ce qu'il a reçu de l'amour, le magnétisme des corps, et les corps, les visages, les histoires uniques et répétées. Une jeunesse d'autrefois entre secret et libération, une éducation qui ne répond plus à rien ni de rien. Salut par l'amour et damnation tout autant, l'entrée dans l'âge adulte, si tôt.
On retrouve ici le lyrisme fiévreux et contenu de Frédéric Boyer, celui de ses romans et de ses récits autobiographiques, son immense culture philosophique qui leur donne cette profondeur, cette résonnance unique dans notre littérature contemporaine.
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« Je suis reconnaissant d'être encore en vie et en même temps terrifié de l'être toujours. Mais je n'ai pas d'idée exacte envers qui ou quoi je devrais être reconnaissant d'être toujours là. Redevable de qui ou quoi. C'est bien une question que je me serai toujours posée. Quelle serait la dette à payer. Cette question m'a frappé, percé comme une flèche invisible, après la mort accidentelle, tragique, en juillet 2017, de la femme que j'aimais, et celle, tout autant terrible et inattendue, quelques mois plus tard à peine, en janvier 2018, de mon éditeur et ami, Paul Otchakovsky-Laurens. Les blessures sont toujours là, sous le soleil de la vie. Les flèches vibrent. Leur éclat m'aveugle encore. » Frédéric Boyer, depuis deux ans, écrit des chroniques dans le quotidien La Croix, puis dans l'hebdomadaire La Croix-L'hebdo où il raconte, à partir de sa vie personnelle, son rapport au monde. Il les publie à présent, revues et augmentées. Et leur force littéraire, spirituelle et politique est éclatante.