« Entre de Gaulle et les républicains il y a d'abord, il y aura toujours le coup d'État. » Toute la thèse de François Mitterand tient dans cette courte phrase.
Paru en mai 1964, Le Coup d'État permanent est un livre de combat. Mitterand veut « s'attaquer au gaullisme », et c'est avec un sens aiguisé de la formule qu'il dresse un réquisitoire minutieux et féroce contre le régime du Général. Il dissèque chacun des actes du gouvernement, dénonce le « pouvoir personnel » instauré par de Gaulle depuis son retour aux affaires en 1958, engage à une vigilance républicaine de tous les instants contre tous les pouvoirs.
Avec ce livre, Mitterand fait franchir à son combat une nouvelle étape : en choisissant l'arme littéraire pour affronter le Général, il prend à son tour date avec l'Histoire, ayant l'intuition que son propre destin doit passer par une opposition encore plus irréductible au gaullisme, quitte à en caricaturer la présentation de façon à susciter le débat.
Devenu, dix-sept ans plus tard, président de la Ve République, François Mitterand jugera inutile de « continuer de promener une polémique qui appartient à l'histoire ». Il n'en considérait pas moins ce Coup comme son meilleur ouvrage.
Les Prisonniers de guerre devant la politique(1945) Texte introduit et annoté par Pierre Gaudibert À l'automne 1945, François Mitterrand, 29 ans à peine, publie Les prisonniers de guerre devant la politique.
Dans ce livre-bilan il retrace, au sortir de la Guerre, l'histoire des prisonniers de guerre dans la captivité puis dans la Résistance. Dans cette histoire, il raconte aussi la sienne, son expérience de la captivité, son rôle dans la genèse et le développement de la résistance « P.G. » jusqu'à la Libération.
C'est aussi un livre programmatique. La guerre terminée, se pose le problème du retour et de la réinsertion professionnelle et sociale des prisonniers rapatriés. Vice-président de la toute jeune Fédération nationale des prisonniers de guerre (F.N.C.P.G.) - dans laquelle s'est fondu le Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés (M.N.P.G.D.) qu'il présidait -, François Mitterrand trace des perspectives sur l'avenir et le rôle dans la Nation de la force que représentent les Prisonniers de guerre.
L'enjeu est grand, cette force de près de deux millions d'hommes est en passe de devenir l'une des plus importantes du pays. François Mitterrand veut avec ses amis en rester à la tête. Il doit alors séduire et convaincre pour rassembler. C'est, entre les lignes, l'ambition de son livre. Un livre politique donc. Le premier.
Aux frontières de l'Union Française (1953) Texte introduit et annoté par Jenny Raflik-Grenouilleau et Pierre Journoud La guerre d'Indochine dure depuis sept ans, le différend tunisien depuis deux ans, le Maroc réclame une réforme du statut de Protectorat. La France se doit de concilier la reconnaissance d'une évolution inévitable et le maintien de sa présence.
Aux frontières de l'Union Française, partout où s'élabore un monde nouveau, notre pays doit agir en sorte de garder sa place. À ces vastes problèmes, M. François Mitterrand apporte des solutions hardies et raisonnables à la fois. Celles qu'il préconise pour la Tunisie et l'Indochine ne manqueront pas de provoquer des réactions, bien que l'auteur se soit gardé de toute polémique. Comme Clemenceau, qu'il cite en épigraphe, il s'est proposé de servir à la fois son pays et la vérité.
Présence française et abandon (1957) Texte introduit et annoté par Jenny Raflik-Grenouilleau et Pierre Journoud Hanoï, Saïgon, Rabat, Tunis, capitales d'Etats indépendants, symbolisent le terme de la tragique aventure vécue par la France ces dix dernières années.
Les gouvernements successifs, pour avoir voulu tout ignorer afin de tout maintenir, ont d'abord tout compromis pour tout perdre enfin.
François Mitterrand fut intimement lié au déroulement des événements dont il fait dans cet ouvrage une lucide analyse.
Les attitudes qu'il adopta comme membre du gouvernement (ne démissionna-t-il pas du gouvernement Laniel en raison de son désaccord sur la politique suivie alors en Afrique du Nord ?), les avertissements que député il ne cessa de prodiguer à la tribune de l'Assemblée, l'ouvrage qu'il écrivit sur ces problèmes en 1953, l'autorisent aujourd'hui à retracer et à analyser la succession des actes qui aboutirent aux résultats que l'on sait.
Mais tandis que se jouaient les drames indochinois, marocain, tunisien, dans une autre partie de ce qui fut l'Empire français, en Afrique Noire, une expérience nouvelle était tentée.
François Mitterrand, ministre de la France d'Outre-Mer en 1951, évoque les heures intenses du ralliement du R.D.A., le plus grand parti de masse africain. Il termine en affirmant la foi qu'il puise dans cet exemple pour l'avenir d'une communauté franco-africaine.
La Chine au défi (1961) Texte introduit et annoté par Judith Bonnin Reprise de cinq articles publiés dans l'Express entre février et avril 1961, La Chine au défi est un ouvrage atypique du corpus mitterrandien. Elle en est l'unique récit de voyage et l'une des pièces les plus méconnues, sans doute parce que, prise en étau entre Le Coup d'État permanent et ses chroniques, elle ne contient pas une ligne sur la politique française mais un tableau de la Chine populaire en pleine mutation révolutionnaire.
À l'hiver 1961, la propagande de guerre froide fait rage et ce pays est encore largement fermé au monde. Depuis la rupture des relations diplomatiques franco-chinoises en 1953, le voyage en Chine reste le privilège de quelques personnalités invitées par l'Institut du peuple chinois pour les Affaires étrangères : des intellectuels comme Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre et quelques hommes politiques comme Edgar et Lucie Faure, Roland Dumas et Pierre Mendès-France. Les témoignages de première main sont donc des sources d'information précieuses et celui-ci vient notamment éclairer la polémique occidentale sur l'existence et l'ampleur de la famine en Chine, conséquence du « Grand Bond en avant » lancé en 1958.
Alors sénateur de la Nièvre, François Mitterrand parcourt la Chine pendant trois semaines avec François de Grossouvre, découvrant tant Pékin, que Canton ou Hong-Kong, la Chine agricole du Zhenjiang et la Chine industrielle des combinats de Wuhan et Anshan. Surtout, il rencontre diverses personnalités, dont Mao Zedong à Hankou, entretien qu'il mobilisera ensuite à plusieurs reprises.
Le Coup d'État permanent (1964) Texte introduit et annoté par Jean Vigreux Paru au printemps 1964, Le Coup d'État permanent est un pamphlet écrit par François Mitterrand. Ce livre sans doute le plus cité et le plus connu de son oeuvre souligne sa stature d'opposant résolu au général de Gaulle : Le Coup d'État permanent est une véritable plaidoirie à charge contre l'exercice du pouvoir gaulliste. Il ausculte et dissèque le fonctionnement du « pouvoir personnel » et n'hésite pas à recourir aux formules sévères pour dénoncer les dérives autoritaires, voire dictatoriales du régime (« de Gaulle plus la police », « parce que, tout compte fait, c'est à cela [dictature] qu'il ressemble le plus »). Face à cette dérive, il incarne la défense républicaine, mais n'est pas nostalgique du régime précédent.
Avec ce pamphlet, il marque son territoire à gauche, préparant le chemin de 1965 où il mettra le général de Gaulle en ballotage ayant compris la logique bipolaire des institutions. Dorénavant, il prend date avec l'histoire de la République. Toutefois, ce n'est qu'en 1981 qu'il devient le premier Président socialiste élu au suffrage universel après avoir refondé le parti en 1971 et mis en oeuvre l'union de la gauche. Revêtant à merveille les habits du Président de la Ve République, il montre qu'il s'opposait plus à de Gaulle qu'aux institutions.
Ma part de vérité (1969) Texte introduit et annoté par Georges Saunier Candidat à la Présidence de la République contre le Général de Gaulle, en face de qui il a réuni 45% des voix au second tour en 1965, puis leader de la Fédération, François Mitterrand incarne une option bien définie : l'unité de la gauche, celle-là même dont l'abandon vient de se solder le 1er juin par un échec retentissant.
S'il publie aujourd'hui sa Part de vérité, c'est qu'il faut reconstruire cette gauche en miettes. Pour cela, il s'agit de ne plus en laisser paralyser le renouvellement et donc de poser publiquement les problèmes comme ils se présentent, bref d'informer et non plus d'escamoter ou de voiler la réalité.
Livre de combat, où se retrouve la marque de l'auteur du Coup d'État permanent, qui n'a voulu écarter aucune question gênante ou difficile, cet ouvrage veut aussi être constructif. C'est pourquoi les lecteurs, après avoir parcouru les grandes étapes d'une autobiographie politique leur présentant sur un ton qui surprendra certains, l'homme qu'est François Mitterrand, trouveront un récit sans temps morts ni trop de précautions des principales phases de l'histoire de la gauche depuis 1965 : l'espoir levé par la première élection présidentielle, la tentative de la Fédération, Mai 1968, l'échec de la seconde élection présidentielle. Autant d'occasions d'aborder de front des questions épineuses comme les relations avec les communistes, le programme économique de la gauche, le vieillissement de certaines de ses structures, de quelques uns de ses thèmes. Autant d'incitations à déboucher sur la stratégie et sur les perspectives socialistes que François Mitterrand propose pour terminer. Autant sans doute de risques de déclencher des polémiques, mais aussi de susciter des débats indispensables ; les lecteurs comprendront vite que l'ancien candidat à la Présidence de la République est tout prêt à affronter les premières pour lancer les seconds.
Un socialisme du possible (1971) Texte introduit et annoté par Pierre-Emmanuel Guigo Un socialisme du possible est (avec Ma Part de vérité) un maillon souvent ignoré qui permet pourtant de comprendre le passage du François Mitterrand leader de l'Union de la Gauche au rénovateur du PS après Mai 1968. Marginalisé par ce mouvement spontané, il tente ici de se réapproprier une partie de l'effervescence intellectuelle du moment et trace la voie à l'union des socialistes puis de la gauche. Loin de voir marginaliser le socialisme historique, il entend montrer que la conciliation entre ce que l'on appellera la «deuxième gauche» et la tradition socialiste issue de la SFIO est nécessaire pour arriver au pouvoir. Il entend ainsi se réaffirmer comme le seul leader capable d'unifier cette mouvance, à l'heure où la SFIO a réalisé son plus mauvais score électoral (5,1% des voix à la présidentielle de 1969) depuis ses origines, et le PSU ne parvient pas à s'imposer comme une alternative crédible.
L'ouvrage, contrairement à Ma part de vérité, n'est pas une oeuvre littéraire. Il s'agit d'un programme politique, introduit par un dialogue entre le leader de la Convention des Institutions Républicaines et deux interrogateurs proches de la mouvance intellectuelle issue de mai 1968 (Jacques Julliard et Robert Fossaert). Il entend donc montrer la capacité de son parti à gouverner tout en soulignant sa cohérence avec le renouvellement de la pensée de gauche (autogestion, libération des femmes, etc.).
La Rose au poing, Ici et maintenant La Rose au poing (1973). Cet ouvrage est le premier de François Mitterrand en tant que Premier secrétaire du Parti Socialiste. Il a deux buts principaux. Le premier est d'affermir pour son auteur une stature de leader du socialisme. Le second est de prouver que le Ps est désormais un parti de gouvernement et le seul défenseur de la liberté Ici et maintenant (1980) . En introduction de Ici et maintenant, François Mitterrand avertit le lecteur : ce livre « n'est pas un manifeste » mais un ouvrage de réflexions, celles-ci n'engagent que lui et non le parti. Mais clairement, le candidat socialiste cherche ici, à sa manière, à entrer en campagne.
La Paille et le Grain, paru au début de l'année 1975 chez Flammarion, rassemble des textes de François Mitterrand, issus essentiellement des chroniques pour l'hebdomadaire socialiste L'Unité, écrits entre son accession à la tête du Parti socialiste au congrès d'Épinay en juin 1971 et sa défaite de justesse à l'élection présidentielle de mai 1974.
Document historique, l'ouvrage permet de suivre la réaffirmation du leadership de François Mitterrand sur la gauche française.
Il y apparaît en effet comme un opposant combatif, polémiquant avec la droite au pouvoir, et comme un rassembleur négociant âprement le Programme commun avec le Parti communiste.
Il se présente également comme homme d'État, revenant sur sa relation avec de Gaulle, réagissant aux événements internationaux (la « normalisation » en Tchécoslovaquie, le coup d'État au Chili, la guerre du Kippour.), narrant ses rencontres avec des chefs d'État ou leaders étrangers (Olof Palme, Golda Meir, Ceausescu.).
Mais le succès public et critique de l'ouvrage tint aussi à ses qualités littéraires, qui lui valurent un Apostrophes spécial en février 1975, et à la révélation d'une part d'intimité. Au gré des pages, quand l'actualité lui en laisse le temps, la plume de François Mitterrand se fait à la fois plus personnelle et plus « poétique », pour évoquer ses amitiés avec les écrivains Violet Trefusis, Benoîte Groult ou Claude Manceron, son goût pour les atlas ou ses promenades en forêt dans les Landes ou le Morvan.
L'Abeille et l'architecte. Un curieux titre pour un ouvrage insolite, publié en 1978 chez Flammarion, qui s'inscrit dans une filiation directe avec La Paille et le Grain (1975).
Titre curieux car il s'inspire d'un célèbre passage du Capital de Karl Marx.
D'architecte comme d'abeille nulle trace pourtant dans ce livre. Quant aux références au philosophe ou au marxisme, elles sont anodines.
Ouvrage insolite parce qu'il rassemble des textes pour la plupart tirés de Ma part de vérité, bloc-notes que le premier secrétaire signe régulièrement dans les colonnes de L'Unité, l'hebdomadaire du Parti socialiste. Des billets, écrits entre janvier 1975 et janvier 1978 sous le joug de l'actualité, que François Mitterrand sélectionnera, rectifiera, enrichir consciencieusement avant de les livrer au-delà du cercle de connivence des simples militants. Insolite aussi parce l'auteur navigue sans cesse entre plusieurs genres littéraires, entre différentes postures. Il se fait ainsi homme politique lorsqu'il critique l'action du gouvernement ou promeut le programme du PS ; homme d'État lorsqu'il raconte ses rencontres avec Leonid Brejnev ou Henry Kissinger ; homme engagé lorsqu'il dénonce le sort des étrangers sans papiers ou défend le « fait palestinien » ; homme de culture lorsqu'il évoque le poète Pablo Neruda ou le compositeur Mikis Théodorakis ;
Homme sensible enfin lorsqu'il livre ses souvenirs de jeunesse comme ses amitiés.
La politique extérieure de la France s'ordonne autour de quelques idées simples: l'indépendance nationale, l'équilibre des blocs militaires dans le monde, la construction de l'Europe, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le développement des pays pauvres. Les textes réunis dans ce livre en feront apparaître la trame et la raison des choix qu'elles ont inspirés. On y relèvera à la fois la trace continue du sillon, creusé par le destin bientôt millénaire de la plus ancienne nation d'Europe, et la marque particulière qu'imprime à la vie d'un peuple celui qui le conduit.J'ai rencontré sur ce terrain, depuis le premier jour, l'adhésion du plus grand nombre des Français. On sait pourtant que la place que notre pays occupe dans le monde est mieux reconnue à l'extérieur de nos frontières qu'au dedans. C'est une constante de notre Histoire. Certains de nos compatriotes qu'habite une passion singulière, se sentent Espagnols ou brûlent pour l'Angleterre en oubliant d'être Français. D'autres plantent leurs oriflammes et campent à jamais sur des lignes Maginot où se terre, pour survivre, une patrie imaginaire. Dédaignons les collaborateurs. Négligeons les moines ligueurs. J'attache, en revanche, de l'importance aux observations de mes censeurs quand je sens qu'ils cherchent, comme moi, en passant par d'autres chemins, comment le mieux servir l'intérêt national. Bref, mes contradicteurs, lorsqu'ils sont sérieux, m'intéressent. Ils me permettront cependant de leur dire que je les vois trop souvent chausser des verres grossissants pour isoler un fait de ceux qui le précèdent et de ceux qui le suivent, au point de se priver de toute vue d'ensemble. Je souhaite, par ces textes, les convaincre de l'unité d'une démarche qui exprime de bout en bout l'ambition que, d'instinct, de passion, de raison je nourris pour la France. F.M.
Etre d'accord avec soi-même, je ne connais pas meilleur bulletin de santé . Le François Mitterrand d'Ici et maintenant tient tout entier dans cette affirmation tranquille. Trois ans après la rupture de l'union de la gauche, à quelques mois d'une nouvelle élection présidentielle, il fournit ses clés pour comprendre, savoir où il en est et où il veut aller. Je fais partie, dit-il, du paysage de la France . Il n'a pas l'intention d'en sortir.Document pour l'histoire, événement politique pour la rentrée, ce livre brosse le tableau de la France de l'Etat-Giscard et d'un monde malade du couple infernal dollar-pétrole. Reste à se battre, ici et maintenant, pour faire entrer l'air du dehors, maîtriser le progrès et vivre autrement.Une série de conversations avec Guy Claisse au cours de l'été 1980 a donné naissance à un texte auquel François Mitterrand a apporté, avec tout son talent d'écrivain, une haute qualité littéraire.
" Lorsque le mandat s'achève, que l'oeuvre s'accomplit, et qu'avec l'âge l'horizon se rapproche, le besoin naît, souvent, de rassembler des pensées éparses et de confier à l'écriture le soin d'ordonner sa vie.
Arrivé là où j'en suis, j'éprouve, moi aussi, maintenant, la nécessité de dire, en quelques mots trop longtemps contenus, ce qui m'importe. Tel est l'objet de ce livre. C'est pourquoi j'ai entrepris avec Elie Wiesel ce travail de mémoire. "
" L'histoire de la France me possédait, j'aimais ses héros, ses fastes, et les grandes idées venues d'elle qui avaient soulevé le monde.
J'avais la conviction, depuis l'enfance, que j'aurais à la continuer. J'ai parfois évoqué, avec mes compagnons de captivité, cette voix qui exigeait l'effort. Il nous suffisait qu'il y eût, là-bas, un général inconnu, au nom prédestiné, qui parlait à la France. Voilà pourquoi, moi qui n'ai jamais été gaulliste, je n'ai jamais été non plus "anti" : en souvenir de ces heures sombres où de Gaulle portait l'espoir.
J'éprouvais une profonde admiration pour le caractère, le courage, l'intelligence du chef de la France libre même si je contestais ses méthodes avant de combattre sa politique. F.M. Il y a un demi-siècle, l'histoire personnelle de François Mitterrand a rencontré l'histoire de la France. Jusqu'à la fin, il aura poursuivi son dialogue avec elle. C'est à un demi-siècle de luttes et de rêves que ce livre est consacré - oeuvre que la mort a interrompue.
A l'automne 1971, François Mitterrand entame une chronique régulière dans l'organe officiel du Parti socialiste, L'Unité. En voici le recueil, jusqu'à ce mois de mai 1974 qui voit la courte victoire de Valéry Giscard d'Estaing sur le leader de la gauche à l'élection présidentielle.
C'est d'abord l'homme d'engagement et de combat, polémiste féroce, impitoyable critique d'institutions dont il devait être plus tard le garant sourcilleux, que nous rencontrons ici. Mais aussi, à travers l'analyse politique ou historique, les souvenirs personnels, les lectures, les réflexions « selon l'heure ou l'humeur », l'observateur profond et passionné de la France, de ses terroirs, de ses complexités sociales.
Ces pages écrites au fil de l'actualité nous laissent assurément l'image la plus vivante et la plus exacte d'un homme dont la vie et le parcours appartiennent désormais à l'Histoire.
"Je rêve à la prédestination de l'Allemagne et de la France, que la géographie et leur vieille rivalité désignent pour donner le signal de l'Europe.
Si elles ont gardé en elles le meilleur de ce que je n'hésite pas à nommer leur instinct de grandeur, elles comprendront qu'il s'agit là d'un projet digne d'elles. Elles auront d'abord à s'en convaincre. La France toujours tentée par le repli sur soi et l'illusion épique de la gloire dans la solitude, l'Allemagne toujours hésitante entre ses vocations, soit nation arrimée à l'union de l'Europe, soit héritière, sans le dire, d'ambitions impériales.
On me dira: c'est une utopie ! Mais qu'est-ce qu'une utopie ? Ou bien c'est une absurdité, et le temps se chargera de nous répondre. Ou bien ce n'est que l'anticipation d'un nouvel état possible. Si se produit un sursaut des volontés, en ce moment unique où tout est possible en Europe, alors l'utopie sera réalité. Et beaucoup d'entre vous la connaîtront. " F.M. Au-delà de la leçon d'Histoire, au-delà de l'essai politique, ce livre est le témoignage émouvant d'un homme habité par le destin de son pays, instruit par les guerres qui l'ont déchiré, déterminé à construire une Europe ouverte et sûre d'elle-même, capable de faire l'Histoire au lieu de la subir.
Je voudrais retrouver l'épisode la poste de la rue Dupin.
Vous y êtes allé pour téléphoner à Marie-Louise, la soeur de Robert, comme vous le faisiez avant de rentrer. Une voix vous a répondu : " Vous faites erreur, monsieur. " Vous avez recommencé à faire le numéro de Marie-Louise. La voix a crié : " N'insistez pas, monsieur, puisqu'on vous dit que c'est une erreur. " Alors vous en avez été sûr : la Gestapo était dans l'appartement. Et vous avez encore pris le temps de me téléphoner.
Vous m'avez dit qu'il y avait le feu où vous étiez, qu'il se propageait très vite et qu'il fallait que je parte dans les dix minutes. Marguerite Duras et François Mitterrand se sont rencontrés en 1943. Dans ces cinq entretiens, réalisés en 1985 et 1986, ils évoquent en amis de longue date l'Histoire de la France, celle de l'Afrique, la poésie, les démons de l'Amérique et les souvenirs d'un épisode tragique, l'arrestation de Robert et de Marie-Louise Antelme dans un appartement de la rue Dupin.
En 1970, la multiplication d'actions violentes incite le gouvernement à présenter une loi répressive dite " loi anti-casseurs ".
Les députés François Mitterrand et Michel Rocard s'insurgent contre ce projet qu'ils qualifient de dérive autoritaire et d'atteinte à la liberté de manifester. Près de quarante ans plus tard, Nicolas Sarkozy poursuit une politique sécuritaire, plus fondée sur la répression que sur la prévention, comme en témoigne son discours sur " l'essor des bandes violentes " en France.
Thème central des deux septennats de François Mitterrand, la défense de la France a suscité des débats qui restent aujourd'hui d'une vive actualité.
Pour la première fois, historiens et acteurs politiques confrontent leurs points de vue à l'égard de la politique mitterrandienne dans la période charnière de 1981 à 1995.
François Mitterrand et la Défense. Comment, à partir de 1971, les socialistes firent-ils évoluer leur doctrine à l'égard de la Défense ? Comment, une fois au pouvoir à partir de 1981, les nouvelles autorités purent-elles composer avec le monde militaire ? Quelle vision animait François Mitterrand dans ces domaines ?
La gestion de la guerre froide et de la fin du monde bipolaire. Comment les changements historiques ont-ils été négociés ? La désintégration de l'empire soviétique mais aussi la réunification allemande en ont été l'une des conséquences, sans oublier l'éclatement de la Yougoslavie, qui fit l'objet de nombreux débats et de controverses.
Les opérations extérieures. Elles ont caractérisé les mandats de François Mitterrand puisqu'il en ordonna plus que ses prédécesseurs réunis, sous la Ve République. La plupart sont intervenues pendant les deux cohabitations. Certaines font encore l'objet de vifs débats... Étaient-elles justifiées ? Aurait-on pu intervenir autrement ?
La dissuasion. Le président Mitterrand s'y identifia au point de déclarer que la dissuasion c'était lui, et que tout le reste n'était qu'objets inertes. Il y eut alors des décisions à prendre, aussi bien sur la définition, voire la clarification des concepts, que sur la réaction de la France à un mouvement de désarmement initié par Mikhaïl Gorbatchev et Ronald Reagan. Le débat demeure aujourd'hui quant à la raison d'être de la dissuasion nucléaire, comme on le lira en découvrant ces échanges.
Sous la direction de Jean-Yves Le Drian et Hubert Védrine.
Jean-Yves Le Drian est ministre de la Défense.
Hubert Védrine est président de l'Institut François Mitterrand et ancien ministre des Affaires étrangères.
Direction scientifique : Georges Saunier, Philippe Vial
Pierre Mauroy représente pour nous beaucoup de choses, surtout au moment où, d'une part, il s'agit de se souvenir et, d'autre part, de penser à l'avenir. Personne mieux que lui ne peut apporter un tel témoignage. Ce soir, il s'agit de parler de ce qu'a été la gauche, de ce qu'elle est, et de ce qu'elle peut devenir. Pierre Bergé