On ne devient jamais adulte. Mais, au contact des adolescents, à travers leur immaturité, leur fantaisie et leur pouvoir de contestation, il est possible de se construire et d'ouvrir les yeux sur une société qui nous enferme dans des rôles.
Gilles Sebhan raconte sa vie de professeur depuis la marge, avec un mélange de stupeur et d'affection. Il en fait le récit comme d'une aventure expérimentale qui n'est pas de tout repos mais qui peut nous permettre d'accéder aux énigmes du monde contemporain, plein du bruit des réseaux sociaux et de la fureur des apprentis djihadistes. Et si le livre est dédié aux jeunes cancres sans sommeil, c'est sans doute qu'ils détiennent sans le savoir une vérité sur les enfants que nous étions et les adultes que nous croyons être devenus.
Agrégé de lettres, romancier et essayiste, Gilles Sebhan a publié plusieurs récits autobiographiques, dont La Dette (Gallimard, 2006), et des essais sur Tony Duvert et Jean Genet. Il est également l'auteur d'un livre de référence sur l'artiste Stéphane Mandelbaum.
«Est-ce que Théo est avec toi ?» Pour le lieutenant Dapper, le malheur a commencé avec ces mots-là, ce jeudi noir où sa femme l'a appelé parce que leur fils n'était pas rentré à la maison, après la classe. Il enquêtait alors sur la disparition de deux garçons. Peu de temps avant, un événement avait horrifié les habitants de la petite ville : tous les animaux d'un cirque installé pour Noël avaient été décimés à la hache. Parce qu'un enfant disparu n'est jamais un enfant mort, il décide de suivre la piste que lui offre une lettre anonyme.
« Derrière les garçons, il y avait une chose étrange. C'est en zoomant pour pouvoir identifier le logo que le jeune officier s'en était aperçu. C'était une forme blanche. Une sorte de sac. Mais à bien y regarder, ce sac semblait contenir une personne recroquevillée dont la main surgissait et semblait appeler au secours à travers le temps. » Enfant, il a été séquestré par une femme qui s'est donné la mort sous ses yeux. Adolescent, il a subi des sévices dont il n'a jamais parlé. Aujourd'hui, il vit de l'autre côté de la proche frontière et poursuit des études en psycho-criminologie. Mais il a un tigre en lui, et a décidé de ne plus lutter mais de lui trouver des proies. Pour lui, il n'y aura qu'une vérité et elle aura l'odeur du sang.
La vie de Stéphane Mandelbaum est un mystère que tente de percer Gilles Sebhan dans ce nouveau roman. Mandelbaum, après de fulgurants débuts sur la scène artistique belge, fut retrouvé, à 25 ans, assassiné par balle et défiguré par l'acide, après le vol d'un Modigliani.
Dans ce récit se mêlent la vérité des faits (Gilles Sebhan a rencontré les maîtresses, les amis, la famille du peintre) et une grande poésie. Et l'auteur fait rentrer ce peintre à la vie trop brève dans le panthéon d'artistes tels que Bacon, Basquiat, Pasolini ou Rimbaud.
Le lieutenant Dapper fait partie de ces hommes dont on attend qu'ils partagent leur science du mal. Au fil des années, n'est-il pas devenu un spécialiste de la question ? Mais il a beau avoir vu le pire, lorsqu'on découvre le corps profané d'un adolescent aux abords d'un camp de fortune où sont réfugiés des migrants qui survivent en se prostituant, il en fait une affaire excessivement personnelle.
Comme les grands héros tragiques, le policier va s'évertuer à offrir une sépulture au jeune disparu. Mais pour cela, il lui faudra résoudre une énigme laissée après sa mort par le monstre Bauman, un tueur en séries. Remonter la filière mafieuse d'un réseau de trafic d'organes. Et s'attaquer à un casino de la mer du Nord aussi gardé qu'une citadelle.
Au moment où il émerge d'une éprouvante affaire d'enlèvement, le lieutenant Dapper découvre l'identité de son père. Celui-ci vient de se donner la mort, faisant de Théo, le fils du policier, son unique légataire. Cette ultime disparition clôt-elle le cycle terrible qui a commencé quelques mois plus tôt avec le massacre à la hache des animaux d'un cirque ? Alors que la petite ville enterre ses morts et soigne les survivants, de l'autre côté de la proche frontière un homme s'évade d'une prison au prix d'un véritable massacre. Marcus Bauman, l'homme des tueries du Brabant, n'a qu'une idée en tête. Se venger de celui qui, quelques années auparavant, a permis son arrestation.
Dans un roman sans répit, où les cauchemars de l'enfance engendrent les monstres de l'âge adulte, Gilles Sebhan jette sur la petite ville un prédateur qui connaît ses moindres secrets. Et qui se joue des enquêteurs dans une terrifiante charade de meurtres et d'enlèvements.
Fin des années 70. Un jeune français part à Londres rendre visite à sa soeur, modèle et guide qui l'entraîne à la découverte d'un autre monde, d'une autre langue. Sans le savoir, il se retrouve au coeur de l'avant-garde, vivant dans un squatt avec elle et son petit ami, Neville Brody, un des artistes phares de la nouvelle scène londonienne, rencontrant Iggy Pop dans les bureaux de The Face ou Sid Vicious dans la boutique SEX de Malcolm Mc Laren et de Vivienne Westwood.
Récit de toutes les premières fois, London WC2 évoque en instantanés l'éveil à la sexualité de son héros, sa découverte de la liberté et son premier amour. Et son adolescence se révèle le parfait écho de l'esprit du début des années 80, la période qui a le mieux incarné l'âge de toutes les outrances rebelles.
Dans une petite ville secouée par les disparitions tragiques de plusieurs enfants, un vieil hôpital constitue le nouvel épicentre. C'est là que le lieutenant Dapper, qui vient de retrouver son fils et de tuer son ravisseur, se retrouve hospitalisé après une blessure par balle. Sans se douter de la folie vers laquelle son fils dérive, ni que de nouveaux événements sont sur le point de meurtrir la ville.
Le narrateur s'interroge sur son père qui a porté l'étoile jaune pendant l'Occupation et a participé à la guerre d'Algérie dans l'armée française : a-t-il torturé ? Ce récit est une recherche frénétique de la vérité : vérité sur le père et vérité sur soi. Dans la quête du plaisir auprès de jeunes Arabes, peut-être s'agit-il avant tout d'effacer une dette comme on se libère de la violence d'un mauvais rêve.
«À Domodossola en Italie, au printemps 1967, Jean Genet a tenté de se suicider dans une chambre d'hôtel. Les journaux de l'époque s'en sont émus, mais cet événement n'occupe que quelques lignes dans la plupart des biographies. L'écrivain lui-même est resté silencieux sur les raisons de cet acte - un simple faux pas dans sa légende.
Il m'aura fallu vingt ans et ma propre histoire pour y voir le centre caché d'une vie.»
"Retour Duvert" claire le destin hors du commun d'un crivain. travers lui, c'est l'histoire d'une poque et de ses intellectuels qui se donne lire, ainsi qu'une traverse des relations complexes qu'y entretiennent le dsir et la loi. Pour redcouvrir l'crivain et l'auteur subversif dont les essais pdophiles lui vaudront de rejoindre l'enfer des bibliothques.
Plus je les aime, plus je les tue, répète le meurtrier. Pourquoi s'acharne-t-il à appeler tous les hommes Mansour avant de leur ôter la vie ? Pourquoi ces meurtres conçus comme des improvisations musicales au rythme obsédant de la derbouka ?
Peu à peu se dévoilent les raisons de cette errance nocturne qui mènent jusqu'au secret du père.
Autoportrait d'un monstre, Fête des pères est aussi le miroir d'une fêlure contemporaine.
Un homme est retrouvé mort dans la cabine d'un sex-shop. De lui, on ne sait que son surnom de Salamandre et son obsession pour quelques garçons prostitués. Qui était-il ? De quel passé ténébreux son meurtre est-il la conséquence ? A travers son journal intime, se dévoilent peu à peu les secrets d'une vie. Une grande partie du livre est constituée du journal de ce personnage de poète assassiné, poète au sens le plus moderne, qui peut rappeler les grandes figures de la transgression homosexuelle ou d'autres plus secrètes mais flamboyantes, Sandro Penna, Sénac assassiné en Algérie, Augiéras enfermé dans sa grotte.
Le fait que nous lisions son journal et pas ses poèmes, que son oeuvre soit là en creux, participe de cette même idée d'un livre qui n'explicite pas mais trace les contours incertains d'une histoire tragique. La tension emprunte au roman policier, mais bien sûr la question de l'élucidation va bien au-delà de la révélation d'un meurtrier dans une affaire de moeurs, pour tenter d'approcher les chemins clandestins du désir, de l'enfance et de la mort.
Un écrivain part rejoindre au Caire un ami photographe et découvre la fièvre puis le désastre du printemps arabe. Visitant des familles de jeunes gens morts au cours de la révolution, il retrouve le goût de l'engagement. Gilles Sebhan nous replonge ici dans l'enthousiasme de la révolution égyptienne qui a donné l'espoir d'un avènement démocratique.
Nous conduisant dans les quartiers les plus populaires du Caire, il offre la parole aux anonymes qui deviennent des figures emblématiques d'un soulèvement mêlant violence et beauté. Cinq ans après ce printemps avorté, alors que les consciences ont déjà enterré ce mouvement d'espoir et oublié que le sol arabe pouvait être le lieu d'un renouveau, Sebhan vient rappeler que le feu couve peut-être encore sous les cendres.
Que se passe-t-il quand une photo porno se transforme en garçon qui tape à la porte ? Que ce dernier vient réparer la fuite d'eau provoquée à dessein par un écrivain en quête d'un amant ou d'une victime ? Jeune ouvrier égyptien, Mehdi se prête à la comédie sans être dupe. Et n'hésite pas à franchir les bornes d'une sexualité qui n'est pas la sienne, comme on s'avance en territoire ennemi. Face à lui, dans une sorte de duel ou de jeu amoureux, l'écrivain tient son journal, consignant ses propres réactions avec le ricanement de l'assassin qui se déteste dans un miroir. Que cherche-t-il au fond ? Et jusqu'où est-il prêt à s'enliser avec Mehdi dans un désir qui confine à la folie ?
Autour des deux lutteurs dans l'arène, des spectateurs finissent par intervenir : Luc, l'ex-iconographe traquant des mendiants pour les photographier dans des séances de sexe à distance, Magali le traducteur qui se frotte à des hommes dans les bars et rentre seul se noyer dans ses draps, Sam le vieil homme séduisant nourri du sang de la jeunesse.
Presque gentil est un livre brutal, à la fois drôle et impudique. Loin des clichés habituels sur l'hétéro- et l'homosexualité
En juillet 1964, Francis Bacon, alors âgé de cinquante-quatre ans, est au sommet de son art. Pierre Koralnik tourne, presque par hasard, un bref documentaire sur l'artiste pour la Radio Télévision Suisse. Vingt et une minutes d'une vérité énigmatique, au cours desquelles on suit le peintre, le verre à la main, entouré d'une petite cour amicale et amoureuse. De ces images visionnées encore et encore, Gilles Sebhan décante les forces en présence dans l'atelier de Reece Mews, ces Parques qui poursuivent Bacon, l'amant malheureux qui se donnera la mort, l'ami ténébreux qui tente d'empêcher le tournage. Bacon, qui répond en français aux questions du journaliste Émile de Harven, laisse échapper dans la béance de la langue de fulgurantes mèches de lucidité qui donnent à percevoir, selon un mot de Chaplin, « un homme si profondément pessimiste qu'il pouvait se permettre d'être magnifiquement frivole ».
Le 20 août 2008, dans une petite maison du Loir-et-Cher, on découvre le corps d'un homme, mort depuis plus d'un mois. A l'automne 1973, un jeune et brillant écrivain obtient le prix Médicis. C'est un des grands espoirs des Editions de Minuit. Il représente une certaine parole sur l'enfance, une parole de transgression. Trente-cinq ans plus tard, c'est son corps qui sera retrouvé par les gendarmes. Cet homme s'appelle Tony Duvert. Entre ces deux moments, que s'est-il passé ? Que cache le silence d'un homme reclus en lui-même ? En menant l'enquête, Gilles Sebhan a voulu comprendre comment un grand auteur en arrive à se taire, et son oeuvre à être occultée. Il a rencontré ceux qui ont côtoyé l'écrivain et nous livre ici un portrait biographique, qui est aussi un hommage au ' saint patron de la révolte impossible '