Les films d'horreur commencent toujours par une situation anodine. Thésarde à la Sorbonne, fraîchement débarquée de sa Sicile natale, Francesca vit pleinement son indépendance nouvelle. Un soir, pour prouver à un ami que le soi-disant «sentiment d'appartenance familiale » n'est qu'un cliché sur les Italiens, elle accepte de relever un défi : annoncer à ses proches qu'elle ne passera pas Noël avec eux. Après tout, ses parents ne sont-ils pas athées, de gauche, respectueux de la liberté de chacun ?
Pourtant, de retour à Palerme, les incidents s'enchaînent et Francesca commence à douter de l'ouverture d'esprit familiale... Mais, dans les films d'horreur, la victime peut-elle voir venir la catastrophe ?
Une subtile comédie sur notre rapport à la tradition, à l'appartenance et aux névroses familiales.
Faut pas prendre les enfants du cardinal pour des enfants du Bon Dieu ! Connectez-vous sur CM-Free, le premier syndicat virtuel ! Joyeux Noël ! Et ce mardi 15 décembre 1998 à 11 h 30, la bombe explose.
CM-Free était sur tous les écrans. J'entendais des bribes de paroles, " d'où ça peut venir ? ", " Ça vient de l'extérieur ", " oh putain... ", " Georges c'est le pseudo du mec ", " Ils y vont pas de main morte ", " ils ont raison sur toute la ligne ", " ils sont sûrement plusieurs ", c'est super ! ". J'entrai dans la cafétéria raide comme un automate. Elle était vide. J'allumai une cigarette et m'efforçai de respirer calmement.
Jérémie Lefebvre nous offre une vision du monde par le prisme de l'ironie. Le pathos semble n'être pour lui qu'une faute de langue autant que de goût. D'une page à l'autre surgit une nouvelle humiliation, une fantaisie vengeresse, une réflexion sociologique, une révélation, une turlupinade.
C'est donc avec une délectation non dissimulée que Jérémie Lefebvre brouille les pistes, jouant avec les sentiments, sapant les repères, et dévoilant un monde oublié, enfoui profond sous les années : celui d'une enfance le dos cassé par le poids du cartable, rasant les murs de la cour de récré, et pleurant à chaudes larmes dans le chocolat chaud du goûter ; un monde où les conseils de grand-mère, les gadgets d'Astrapi et les prières ne protègent pas des désillusions et de la rancoeur.
Parcourir les couloirs du Collège de Buchy, c'est frissonner de dégoût (les camarades de classe), frissonner d'horreur (le martyre d'un enfant), frissonner de plaisir (la lecture), et frissonner d'excitation, admettons-le. On se découvre des affinités avec un camp, puis l'autre - toujours celui des rieurs, celui du plus fort. Sans que jamais on n'ait à s'excuser ni à se justifier.
Ainsi va la vie, au collège de Buchy, comme partout ailleurs.
" Flash-infos 20 heures, Radio-Suisse-Romande, mardi 6 avril. La situation en France toujours au coeur de l'actualité. Les scènes de violences se multiplient dans les grandes villes. Il est de plus en plus difficile de regrouper les informations [...], mais plusieurs témoignages nous portent à croire qu'une " convention populaire " siège désormais au Palais Bourbon en lieu et place de l'Assemblée Nationale.
[...] Des patrouilles militaires empêchent d'entrer ou de sortir du pays. Il est toujours impossible de se connecter à Internet. [...] Le Conseil de Sécurité des Nations Unis discute les modalités d'une intervention, mais le Royaume-Uni et la Chine sont toujours divisés sur la question de la protection des victimes d'expulsions, dont le nombre s'élèverait actuellement à plus d'un million de personnes chassées de chez elles par des commandos armés.
On parle de phénomène de déportation. " Paris, aujourd'hui. Une milice renverse le gouvernement, puis s'attaque aux grands patrons et aux grandes figures de la culture et des médias. Tout est redistribué : les bourgeois des quartiers riches sont relogés dans les appartements de ceux qui vivent à la périphérie des villes, dans des cités dites " martyres ". Tandis que les ouvriers, salariés agricoles, agents d'entretien, chômeurs s'installent dans les arrondissements huppés de la capitale.
Chacun est projeté de force dans un quotidien à l'opposé du sien. Une politique-fiction où se conjuguent les voix des opprimés et celles des dominants, entrecoupées de déclarations officielles comme une chronologie de la terreur.
Dix ans après La Société de consolation qui racontait la violence sociale dans l'entreprise à l'ère d'Internet, Jérémie Lefebvre revient avec Danse avec Jésus.
Fresque analytique, roman foisonnant ancré dans le présent, Danse avec Jésus explore les trajectoires intimes des croyants au sein d'une paroisse d'aujourd'hui, la difficulté de transmettre la foi, les enjeux familiaux liés à l'engagement chrétien. Entre essai et roman, le livre présente une famille sur trois générations, chacun de ses membres vivant la religion à sa façon :
Jean Sauveur a 75 ans. Heureux paroissien dans un village touristique, il souffre de la distance de Christian, son fils unique, qui a violemment rejeté la religion pour devenir psychanalyste à Paris, où il élève sa fille sans références chrétiennes.
Marie Sauveur a 18 ans. En attendant les résultats du bac, elle vient passer quelques jours chez son grand-père. Mais Jean vieillit, son chagrin l'étouffe, il n'a plus la force de faire bonne figure devant sa petite-fille devenue grande...
L'histoire intime des Sauveur entraîne le lecteur au coeur d'une paroisse vivante, avec son groupe de prière et ses laïcs engagés, et lui dévoile des personnages qui, croyants ou non, luttent pied à pied pour vivre à la hauteur de leurs convictions : Brigitte, qui s'est juré de convertir son mari agnostique ; Christian, qui se bat contre toutes les formes de croyances ; Geneviève, qui tente de résister aux avances d'Olivier ; Philippe, qui se pose des questions sur la mortification ; Marie-Ange, qui croit en Jésus mais ne sent pas sa présence...
Danse avec Jésus cherche une troisième voie - en forme d'école buissonnière - entre les sentiments viscéraux d'allégeance et de refus qu'inspire le monde religieux. Les positions les plus radicales y sont montrées de l'intérieur, les stéréotypes tour à tour flattés et disqualifiés, et le lecteur emmené en voyage dans le fond des consciences, promené entre Paris et la campagne en été, invité à rire - et à trembler - devant Dieu et son absence, l'envie et la terreur d'exister.