À l'heure où le monde semble fragilisé par des bouleversements profonds, quel regard porter sur les premières décennies de notre siècle ? Le «premier XXI? siècle», comme la première version d'un logiciel insuffisamment testé, révèle chaque jour de nouvelles failles. L'individu, qui croyait pouvoir changer le monde, est de plus en plus écrasé par lui. Il a perdu confiance dans la démocratie, et l'utopie identitaire remplace l'utopie politique. Comment en est-on arrivé là dans des sociétés aussi différentes que l'Amérique de Trump, le Brésil de Bolsonaro, l'Inde de Modi ou le Royaume-Uni de Boris Johnson ?Avec la hauteur de vue que lui confère son expérience dans la haute diplomatie, Jean-Marie Guéhenno va au-delà des explications économiques : la crise des démocraties - à laquelle l'élection de Biden et l'éviction de Bolsonaro et de Johnson n'ont pas mis fin - est une crise des sociétés.Analysant avec finesse un monde où l'émiettement de la puissance efface les repères et effraie, l'essayiste dresse un constat sombre mais non désespéré. Un autre avenir est possible : une écologie repensée, une nouvelle séparation des pouvoirs, une Europe qui ne cherche pas à être un super-État, sont quelques-unes des voies proposées par ce livre ambitieux et novateur.
"1989 : Walesa, Gorbachev, Havel. 2019 : Trump, Bolsonaro, Poutine, Xi Jinping. Comment en est-on arrivé là ? Tout a commencé par un mensonge : dans la fièvre des événements de 89, nous avons cru à la victoire décisive de la démocratie. A la fin de l'histoire annoncée par Hegel et développée par Fukuyama.
Un modèle politique l'avait emporté, la bataille des idées était gagnée." Ainsi commence Le premier XXIe siècle, relecture magistrale de ces 30 dernières années, au bilan mitigé. L'Occident a péché par paresse et par vanité. Sans voir combien la chute de l'URSS bouleversait nos idéaux, en ignorant les conséquences de la révolution digitale, les durcissements identitaires, et l'emprise du marché de la data sur les structures politiques. Pourtant, tout est à faire. Mais dans quel but ? Quelle société voulons-nous vraiment ?
Crise de la politique et interrogations sur la construction européenne, effervescence religieuse, montée en puissance de l'Asie, nouveaux modes de gestion des entreprises : ces différents phénomènes sont rarement mis en relation, et c'est le cloisonnement des analyses qui empêche de comprendre le monde en train de naître.
1989 ne ferme pas seulement la parenthèse soviétique, il met fin à l'âge des Etats-nations né de la Révolution française. La mobilité des hommes et des capitaux remet en cause la logique territoriale sur laquelle reposent nos sociétés. Ce mouvement de fond, un moment retardé par la confrontation Est-Ouest, produit maintenant tous ses effets : les grandes constructions institutionnelles et la concentration du pouvoir cèdent la place à un monde de réseaux et à une diffusion de la puissance qui posent des questions nouvelles. Comment gérer les communautés humaines et répondre à leur besoin d'identité ? Comment contrôler des pouvoirs de plus en plus insaisissables et préserver la liberté dans un monde caractérisé par le conformisme et par la corruption ? Et que veut dire le mot paix dès lors que la multiplication de «guerres sans front» vide de son sens la distinction entre sécurité intérieure et sécurité extérieure ?
En réponse à ces questions, Jean-Marie Guéhenno propose une nouvelle grille de lecture pour un monde «impérial», qui devra davantage à l'Asie qu'à la tradition européenne de l'Etat-nation et de la démocratie : comprendre les règles du jeu de ce monde nouveau, c'est se mettre en mesure non de lutter contre lui, mais de sauver ce qui peut - et doit l'être - de l'idée de liberté.
L'ambition démocratique doit-elle renoncer devant les prétentions du marché ? Les Etats-nations sont concurrencés par des acteurs nouveaux (entreprises, ONG...), mais doit-on pour autant abdiquer tout espoir d'inventer les citoyens de la mondialisation ? Jean-Marie Guéhenno analyse les nouveaux circuits du pouvoir à l'âge des réseaux et redéfinit les enjeux d'un débat démocratique renouvelé.
Dans un monde où la géographie compte moins, les frontières ne définissent plus une communauté politique, et l'opposition entre intérêts publics et intérêts privés ne suffit plus à délimiter le territoire de la politique. Quel sera le ciment des communautés de l'avenir ? Entre l'expérience américaine de la démocratie fondée sur des communautés d'élection et l'expérience européenne ancrée dans des communautés héritées, l'avenir de la liberté passe par la recherche d'un nouvel équilibre entre le contrat et la mémoire, entre la liberté de l'individu et le besoin d'appartenance du citoyen.