Après L'hirondelle rouge (2017) et Le jour venu (2020), Le jardin sous la neige est le troisième temps d'un parcours lyrique en prose où se fait pas à pas plus poignante l'angoisse du vieillissement et de la disparition. Les mêmes motifs s'y recreusent et les coups de boutoir du temps contre le désir y sont plus cruels. Une tristesse plus noire y rôde jusqu'aux Enfers. Mais l'écriture ne s'en tient pas à ces chemins désolés : elle ramène de l'espérance et de la lumière en faisant tomber sur le papier une neige apaisante, longtemps espérée, et comme revenue du fond de l'enfance. Cette blancheur couvre la terre noire du jardin où la mort travaille sourdement ; elle épure et éclaire. D'autant qu'elle ne vient pas seule : en même temps que l'enfance, elle apporte avec elle le souvenir de poètes aimés, dont les voix se font écho tout au long de ce livre.Comme dans Une histoire de bleu (1992) et dans L'hirondelle rouge, ce sont ici de nouveau quatre-vingt-un textes répartis en neuf chapitres qui disposent en miroir les petits tableaux où se succèdent les figures de ce cheminement.J.-M. M.
«Les poèmes sont des fleurs, dit-on parfois. Ne parle-t-on de florilège? Ce mot fait sourire. Il y va d'autre chose que d'un art des bouquets. Chaque poème est une éclosion de sens. La poésie fait éclore dans la langue la douleur, l'amour, l'angoisse, la beauté..., elle les fait apparaître, leur prête voix, les révèle... Et plus le poème reste proche de la sensation, de l'impression, puis de l'éclosion qui lui ont donné naissance, plus il affirme sa nécessité propre. Écrire un poème, peut-être n'est-ce en définitive que cela, donner à assister au moment de la naissance, à l'éclosion même du sens, syllabe après syllabe. N'est-ce pas tout le contraire du discours qui livre le sens tout prêt? Un poème est un organisme vivant. Il pousse sur le papier. Il anime le langage et ranime la curiosité. Il sort les mots de leur torpeur, il les réveille, il les fête.C'est cela, la rue des fleurs.»Jean-Michel MaulpoixPause lyrique entre deux livres de prose, avec ce recueil de poèmes Jean-Michel Maulpoix renoue avec la poésie pure et le plaisir sensuel des mots.
« Une histoire de bleu date de 1992, L'instinct de ciel, de 2000. Ces oeuvres de la maturité succèdent à des volumes de poésie et d'essais ; à huit ans de distance, les deux titres se font écho dans leur questionnement du bleu, du blues, face à l'immense de la mer ou du ciel. Ce n'est pas là pur oubli de la terre, juste un lucide constat d'une marée basse de l'Histoire : "Pas de vagues, surtout pas de vagues, se répètent ceux qui les gouvernent. Il faut tenir jusqu'au printemps. Mais le printemps ne viendra plus. C'est l'hiver. On attend la neige." Ou bien : "La comédie humaine récite avec des couacs sa monotone histoire aux terrasses des cafés et sur les bancs publics de partout". "Grise est la demeure du présent". Dès lors, l'écriture va se fixer sur la persistance fragile de vivre à travers les amours et les morts, le quotidien simple des "journaux du soir" ou du "carnet d'un éphémère".On aurait cependant tort de penser à une poésie narcissique : si le "je" est présent, il est diffracté à travers d'autres figures : tu, il, on, nous... Ce mouvement dans l'énonciation est une des structures d'Une histoire de bleu. Le poète se détache des hommes autant qu'il se confond dans leur humanité sans gloire, mais désireuse de beauté. La poésie de Maulpoix tient aussi bien à l'aveu des défaites, des bleus à l'âme, qu'à sa résistance instinctive au nihilisme. Autrement dit, c'est une oeuvre qui touche par ses tensions internes et sa capacité de sourdine. A kind of blue. » Antoine Émaz.
Irréductible à une définition simple, la poésie peut être appréhendée à partir d'une constellation de mots qui l'éclairent par facettes, des mots qui sont la chair même du poème. Jean-Michel Maulpoix convoque ainsi des verbes qui disent les gestes d'un travail, d'autres qui décrivent des mouvements du corps et de la pensée, des noms qui rendent compte d'une expérience, désignent un espace, des objets ou des formes (alexandrin, ode), mais aussi des états d'âme... Sous nos yeux défile alors toute l'expérience humaine, qui déborde du cadre de la page. C'est même sans doute ce qu'il faut retenir de cet abécédaire sensible : la poésie est moins faite pour aboutir à un beau livre que pour nous aider à mieux vivre.
Ni précis d'histoire littéraire ni abrégé biographique, ce petit livre est un lexique qui invite à visiter l'imaginaire poétique de Paul Verlaine (1844-1896) à travers ses motifs et ses formes. Or ce poète est déroutant par sa trompeuse simplicité : son oeuvre illustre la poésie là où elle paraît la plus immédiate, mais où elle s'avère aussi la plus insaisissable. Ses lecteurs les plus curieux vont de surprise en désarroi. Le plus souvent, ils l'ont découvert en récitant sur les bancs du collège ses vers les plus fameux : « Les sanglots longs/ Des violons/ De l'automne/ Blessent mon coeur/ D'une langueur/ Monotone »... L'image s'est installée d'un tendre auteur mélancolique et musicien. Mais la voilà bientôt compliquée et troublée par d'autres : un parnassien appliqué, un décadent persifleur, un provocateur libidineux, un catholique repenti, un élégiaque tout à la fois violent et bonhomme, ou, pour reprendre la juste formule de Paul Valéry, « un primitif organisé ». Sous la plume de Verlaine, les formes, comme les tonalités, changent. Nul avant lui n'avait poussé aussi loin, avec un toucher si délicat et si inquiétant, l'expression des émotions les plus fugitives...
De quoi est-ce fait, un poète ? De quelle conjonction étrange de chair et de mots ? Est-ce que cette sorte de créature dont certains disent avoir observé la disparition existe réellement ? N'est-ce pas là une chimère, une construction de la poésie même qui se plaît aux êtres de paille, de plume et de papier ? Pour dévider le fil de ces questions, voici déjà longtemps que je songe à esquisser une « anatomie du poète », au sens ancien du mot, tel qu'il fut utilisé en Angleterre, en 1621, par Robert Burton dans son Anatomie de la mélancolie, d'analyse méthodique, de mise à nu et en lumière. Je voudrais donc clarifier un peu ce qui entre dans la composition de cette identité singulière et sujette à caution : « poète ».
En médecine, l'anatomie qui « décompose et expose » opère par dissection et suppose la mort du sujet observé. Tel n'est pas le cas de celle-ci, pourtant parfois écrite au scalpel : il n'est pas question de tuer le poète, mais de montrer quelles sortes de liens sa création entretient avec sa vivante réalité corporelle. Stimulé par les sensations, secoué par les émotions, sujet à des variations d'humeur, enclin à la mélancolie, assujetti parfois à des formes d'hystérie, le poète a un corps, cela ne fait pas de doute ! Il ne manque pas une occasion de nous le rappeler et écrit pour une grande part à partir de lui, à la différence du philosophe dont l'un des premiers soucis paraît être de s'en abstraire...
Être poète, n'est-ce pas vivre selon la chair ?
J.-M. M.
«Lorsque mon père puis ma mère disparurent, j'écrivis L'hirondelle rouge, livre dans lequel j'évoquais la fin de leur vie et cherchais à la douleur une issue. Mais la parution de cette suite de proses ne mit pas un terme au travail de deuil : j'écrivis encore, durant plusieurs mois, des pages, parfois violentes, où je devais aussi bien continuer de creuser la plaie d'angoisse ouverte par la perte de mes parents que formuler avec plus de force ce désir de vivre dont l'apparition rêvée d'une hirondelle rouge avait un temps figuré le retour...
Ainsi est né Le jour venu, d'abord affrontement direct avec l'ombre de la mort qui menace, puis accession à une sorte de paix dans la simple lumière d'un jour qui se lève. Quel est le point commun aux deux faces de ce livre, l'une obscure et l'autre lumineuse, sinon l'idée d'attachement? L'écriture, qui noue des mots ensemble, veille sur nos liens : attachement aux êtres chers et à leur mémoire, à ce monde et à sa beauté, à la terre qui nous porte comme à la langue que nous parlons et qui permet de maintenir le fil de la présence.».
Jean-Michel Maulpoix
"Mais tu l'as bien compris : c'est pour cela que je m'en vais, que je m'envole, que j'en appelle au plus lointain. Ces étoiles au sol, ces feux roses de l'aube, ces forêts, ces rivages, ces toitures : la terre, la maison des hommes. Je ne connais pas de moment plus heureux que l'atterrissage. Ces départs, après tout, n'ont pour objet que le retour. » Jean-Michel Maulpoix saisit les émotions fugitives qui naissent de tous les sens. Chez lui, ce sont les voyages qui conduisent à l'éveil d'une sensibilité poétique tissée entre l'intime et le tangible.
Après quelques années de silence, les mots du poète résonnent à nouveau dans ce recueil célébrant la joie infime des plaisirs partagés comme les surprises liées au décentrement voyage.
En fin de volume, un carnet accueille l'écho qu'ils ont laissé dans l'oreille de quelques lecteurs.
La poésie n'est pas réductible à un genre. Elle excède les catégories et met à mal les définitions, tant elle n'a de cesse de « brûler l'enclos » (René Char) et « d'aller plus avant » (Paul Celan). Les essais réunis dans ce volume s'at- tardent sur quelques oeuvres modernes qui, à des titres divers, manifestent ces franchissements (Guillaume Apollinaire, Rainer Maria Rilke, Maurice Blan- chot, Christian Dotremont...). Ils esquissent par ailleurs plusieurs portraits de poètes, en chiffonnier, en arlequin, ou en épistolier... Ils illustrent une pensée de la poésie comme parole soucieuse de la vie terrestre et qui interroge notre finitude. Ainsi conduisent-ils à reformuler la question d'une définition possible de la poésie.
À présent qu'ils ont franchi le seuil, j'imagine ce vieil homme et cette vieille femme qui se retrouvent au fond du jardin, non loin de la porte, délivrés de leur longue fatigue, oublieux de la laideur de leur nudité, gourmands de pêches, de poires et de melons, près de l'arbre à désir, à savoir, à poème. Mon père et ma mère veillant sur les fruits profonds de la nuit, avec des rires et des baisers, de toute leur enfance restée vive, ébouriffant la cendre, leur amour à jamais ayant le dernier mot.
Jean-Michel Maulpoix évoque ici avec beaucoup de pudeur ses parents disparus. En des tableaux très courts, il dresse d'eux des portraits fragmentaires et intimes. Pour l'écrivain, la question cruciale est de savoir comment trouver les mots et la distance justes. Comment ne pas se laisser aspirer par le néant, continuer à écrire et à vivre, ce sont les questions que pose le fils et que tente de résoudre le poète.
« Qu'opposer d'autre à la nuit que la phrase muette du désir ? », dit-il.
La réponse est peut-être là...
Qu'entendre par élégie, si ce n'est un poème plutôt plaintif, qui évoque la fuite du temps et déplore la disparition d'êtres chers. Cette définition ne rend pas compte de la variété, la souplesse, la profondeur réflexive de ce genre dont les pages les plus nobles méditent sur le sort commun, évaluent nos raisons d'être, et mesurent le prix réel des biens et des attachements terrestres. Cet ouvrage montre que l'élégie peut être d'une richesse morale et philosophique tout opposée aux stéréotypes moqueurs qui n'y voient qu'un discours larmoyant recueillant les larmes de coeurs blessés dans des mouchoirs mouillés.
Pour cela, l'ouvrage propose successivement une étude thématique et formelle, une histoire et une anthologie, depuis les origines antiques de l'élégie jusqu'à nos jours.
Saint-John Perse, Henri Michaux, Francis Ponge, René Char : ces quatre auteurs comptent parmi les plus grandes figures de la poésie du XXe siècle. À peu de chose près contemporains, ils ont suivi chacun une trajectoire indépendante. Sur certains points, ces quatre chemins divergent. Or, c'est là ce qui m'a conduit à les rapprocher : ils manifestent une diversité de parti pris et de formes caractéristique des entreprises poétiques du XXe siècle.
Le simple mot de "poème" ne vaut-il pas pour les suites d'aphorismes de René Char, les coups de gong martelés sur la page par Michaux, l'ampleur solennelle des versets de Saint-John Perse et les "Proêmes" de Francis Ponge ? Voici donc quatre représentants éminents de la poésie moderne, quatre types d'écritures qui posent et font valoir chacune une modalité de l'expérience poétique : la célébration, l'exploration du "dedans", l'arrêt sur l'objet et sur le mot, la résistance et la révolte...
Chacune de ces quatre oeuvres ouvre ses horizons propres dans le paysage de la poésie française du XXe siècle.
La poésie touche à sa fin.
Elle s'achève à présent. Peut-être n'y aura-t-il bientôt plus rien à écrire. Peu soucieux " d'extravaguer du corps ", les contemporains renoncent à se mesurer à l'impossible avec des mots. Aussi bien que dans la marchandise, ils trouvent dans la stupéfaction leur content. Bousculés dans le tohu-bohu des villes, roulés dans la farine des images, ayant jeté l'éponge, ils ne cherchent plus guère à reprendre pied sur la terre dont ils se sont eux-mêmes exclus.
Ceci est un livre d'adieux à ce qui se perd ou qui a déjà disparu : le poème, tissage de figures, objet de beauté, densité de faits de langue, respiration accélérée ou très lente de la pensée. Évidence et perplexité. La poésie sur sa fin se retourne mélancoliquement vers les voix chères qui se sont tues. Le poème, tel que nous l'avons aimé, dit-elle, est un objet perdu. Dire adieu : c'est signifier pourtant que quelque chose doit encore être écrit...
En souvenir du poème. Comme on viendrait entretenir sa tombe pour en garder mémoire. Ou construire sa dernière demeure : une simple boîte clouée. " Le minuscule tombeau, certes, de l'âme. "
UN ESSAI : Étude approfondie d'un grand texte classique ou contemporain par un spécialiste de l'œuvre : approche critique originale des multiples facettes du texte dans une présentation claire et rigoureuse. UN DOSSIER : Bibliographie, chronologie, variantes, témoignages, extraits de presse. Éclaircissements historiques et contextuels, commentaires critiques récents.
«Ces Lettres à un jeune poète sont l'oeuvre d'un poète exemplaire. Elles ont été écrites par celui dont son ami Rudolf Kassner affirmait qu'il était poète même quand il ne faisait que se laver les mains. Rilke vivait intégralement, absolument, la condition de poète, au point de ne pouvoir poser le dialogue humain, amical, fraternel, que dans l'espace d'une méditation sur le sens de son art. [...] Cette correspondance tourne autour d'un motif central qui y revient obstinément : que vous laissiez, patiemment et en toute confiance, cette grandiose solitude accomplir en vous son travail. De sorte que le nécessaire approfondissement de la confiance en soi l'emporte ici catégoriquement sur toute éducation littéraire. Rilke s'attache à fortifier le propre et le possible de son interlocuteur et de son lecteur. C'est à cela, sans doute, que tient pour une grande part le succès de ces lettres. Ce sont d'abord des lettres sur l'existence. Ce petit livre porteur de sagesse formule des encouragements et des règles de conduite. Il refuse le frivole et affirme la gravité de la vie. Il travaille à favoriser la résolution et l'asssurance morale de celui qui le lira. Il renforce son autonomie, son indépendance et son courage. C'est, de fait, un précieux petit traité où il est largement question de ces quatre points cardinaux de l'existence humaine que sont pour Rilke la solitude, la patience, l'amour, et la poésie...» Jean-Michel Maulpoix.
La musique me reste inconnue. Je ne suis pas musicien, et le corps du seul instrument dont je joue est rempli d'encre noire. Aussi ne lira-t-on pas dans ce livre, à proprement parler, une étude sur la musique, mais une suite d'essais sur certaines idées que l'écriture poétique s'en fait et sur les songeries qu'elle développe à son propos. Puisque depuis toujours " les routes de musique et de poésie se croisent ", les pages qui suivent s'attardent un peu sur ce que pensent les mots de la belle inconnue qui s'éloigne.
Publié en 1948, quatre ans après la Libération, Fureur et mystère constitue le coeur de l'oeuvre de René Char. En dépit des quelques recueils qui l'ont précédé depuis 1928, et de la vingtaine d'ouvrages qui l'ont suivi jusqu'à la disparition du poète en 1988, ce volume fait figure d'oeuvre centrale. René Char y porte à sa maturité une pensée et une poétique auxquelles il restera fermement attaché tout au long de sa vie. [...]La véhémence même de cette oeuvre constitue donc sa principale difficulté : elle impose une écriture brève, dense, elliptique et fragmentaire, dont l'hermétisme décourage souvent l'effort d'interprétation. Campé dans sa révolte, René Char ne concède rien. De sorte qu'en le lisant on court le risque de se laisser fasciner par la «sérénité crispée» de sa parole, sa hauteur, sa rudesse cassante, et de perdre de vue «la fragilité et l'inquiétude» qui s'alimentent en elle. Derrière la sûreté tranchante de ses propos, autre chose ne doit pas manquer d'être recherché : ce par quoi, précisément, cette parole demeure poésie, tâtonnant dans l'obscurité à la recherche d'une lumière, dans le temps même où elle tend à se poser comme morale.
Je saute à pieds joints dans les flaques. N'y voyez pas malice, c'est mon bonheur ! J'aurai trois ans en juillet : je marche sur le ciel. Je cours derrière les papillons et bavarde avec les fourmis. Pardonnez-moi si j'arrache les pétales des fleurs et fais tomber les livres de la bibliothèque. Je vide et je remplis. Je construis et détruis. Je fais, puis je défais. J'ai compris qu'en cette vie l'on doit répéter sans cesse les mêmes gestes. Il n'y a pas de dieux au ciel, juste un vieux Père Noël fatigué de ses jouets. Que se passe-t-il dans la tête d'un petit garçon ? Pour répondre à cette question, Jean-Michel Maulpoix donne la parole à Louis. Et nous voilà transportés, comme par enchantement, dans le monde inconnu d'un enfant de trois ans, à la fois proche et lointain... Sensible, émouvant, souvent drôle, ce journal d'un enfant sage est le livre d'un écrivain qui sonde les mystères de l'enfance et celui d'un père qui témoigne de sa tendresse infinie pour son fils.
"Je me tenais naguère devant la page blanche comme en face de la mer, songeur, fixant le bleu et rêvant de partances. À présent, je m'embarque. Cette vie est une succession de guichets, de barrières à franchir et de zones de transit. "Cahier du jour", "Journal privé", "Carnet d'envols", on lira ici les allées et venues d'un homme dans la prose de son temps. Poussant jusqu'au poème l'influx et les brisures de la prose, assailli de rouge et de noir plutôt que distillant l'azur, comédien de sa propre soif, parvenant mal à distinguer entre l'intime et l'anonyme.
Essais de voix, récitatifs ou chants brisés, ces pages tracent en définitive un portrait du poète fin-de-siècle, passant, passeur et passager : il fait tomber l'amour dans le domaine public, mais toujours rêve d'un visage où se pencher comme sur une eau claire, non pour y refléter mais pour y boire." Jean-Michel Maulpoix.
Je consacrai naguère un petit opuscule au filigrane bleu de l'âme.
A la force d'aimantation du large, nos stations prolongées sur les quais, les yeux vers quels lointains tournés ?
Nous rêvions d'autre chose, inexorablement.
Ce n'était pas d'Azur diaphane que je parlais loin des cieux éthérés, toute l'épaisseur et la substance, en nous, de cet instinct de ciel, sa manière par exemple de respirer l'odeur de sel, d'aller pleurer au cinéma, ou de choisir, l'hiver, pour la tiédeur, des pulls et des chemises...
J.-M.M.