À l'heure du «changement» et de la «mondialisation», le «village» continue d'être présent dans la mémoire et l'imaginaire des Français. Mais le divorce entre le mythe et la réalité n'a jamais été aussi flagrant. À l'ancienne collectivité, rude, souvent, mais solidaire et qui baignait dans une culture dont la «petite» et la «grande patrie» étaient le creuset, a succédé un nouveau monde bariolé où individus, catégories sociales, réseaux et univers mentaux, parfois étrangers les uns des autres, coexistent dans un même espace dépourvu d'un avenir commun.
Telle est la conclusion de l'enquête menée par Jean-Pierre Le Goff pendant plusieurs années sur les évolutions d'un bourg du Luberon depuis la Seconde Guerre mondiale. Il s'est immergé dans la vie quotidienne des habitants, a interrogé beaucoup d'entre eux, consulté des archives, recueilli les documents les plus divers. Le tableau qu'il brosse est saisissant. À rebours des clichés et d'une vision idéalisée de la Provence, les anciens du village ont le sentiment d'être les derniers représentants d'une culture en voie de disparition, face aux modes de vie des néo-ruraux et au tourisme de masse. Animation culturelle et festive, écologie et bons sentiments, pédagogie et management, spiritualités diffuses se développent sur fond de chômage et de désaffiliation. Les fractures sociales se doublent de fractures culturelles qui mettent en jeu des conceptions différentes de la vie individuelle et collective.
C'est donc un microcosme du mal-être français que l'auteur décrit au plus près des réalités, en s'interrogeant sur ce qu'il est advenu de l'ancien peuple de France et sur les défis qu'un nouveau type d'individualisme pose à la vie en société.
« Partant de l'expérience vécue de la maladie, je voudrais montrer en quoi cette crise sanitaire est révélatrice d'un état problématique de notre société. La pandémie introduit sournoisement, massivement, l'angoisse de la maladie et de la mort ; elle fait apparaître la fragilité de la vie individuelle autant que collective, et notre relative impuissance devant un virus mal connu et contagieux.
Face à cette épreuve, un président déclare le pays «en guerre», des médias tournent en boucle, des médecins se disputent sur les plateaux... Des courants idéologiques gauchisants, des écologistes fondamentalistes, tout comme un courant de droite réactionnaire qui rêve de revenir en arrière en ont profité pour faire valoir leurs thèses : «On vous l'avait bien dit !» Les polémiques et les oppositions sommaires incitant les citoyens à choisir leur camp ont repris de plus belle. Comment s'y reconnaître dans tout ce fatras ?
Nous vivons une pandémie anxiogène et bavarde qui nous a plongés dans un monde étrange où il est devenu difficile de démêler le réel de la bulle médiatique qui l'enveloppe. Le confinement nous a plongés dans une sorte de tunnel dont on ne voyait pas le bout - en sommes-nous vraiment sortis ou bien un nouveau mode de vie va-t-il s'installer durablement ?
Le personnel soignant s'est trouvé confronté à l'épreuve du tragique. Il subissait depuis des années des restrictions budgétaires enveloppées dans une incroyable logomachie managériale sur la «performance» et ses multiples «boîtes à outils». Malgré la bureaucratie, le manque de protection et de moyens, il a su y faire face de manière exemplaire.
La pandémie a révélé une société malade et fracturée, en même temps qu'elle a fait apparaître des «réserves d'humanité» qu'on aurait pu croire disparues à l'heure du repli individualiste et communautariste. Un tel élan est-il temporaire ou se prolongera-t-il par-delà le choc de la pandémie ? »
Ce livre met en lumière les postures et les faux-semblants d'un conformisme individualiste qui vit à l'abri de l'épreuve du réel et de l'histoire, tout en s'affirmant comme l'incarnation de la modernité et du progrès. Il montre comment une nouvelle conception de la condition humaine s'est diffusée en douceur à travers un courant moderniste de l'éducation, du management, de l'animation festive et culturelle, tout autant que par les thérapies comportementalistes, le néo-bouddhisme et l'écologisme.
Une "bulle" angélique s'est ainsi construite tandis que la violence du monde frappe à notre porte. Albert Camus disait : "Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse." Cet impératif est plus que jamais d'actualité.
Mai 68 est sans conteste l'événement social et culturel le plus important qu'ait connu la société française depuis 1945.
Et pourtant, près de quarante ans après, il est toujours très loin d'être assumé en tant que tel : à la différence d'événements historiques antérieurs, l'héritage de 68 reste aujourd'hui impossible. pour comprendre les effets souterrains considérables de mai dans la france contemporaine, il faut revenir sur son utopie première et sur son échec, sur ces années oú la passion des soixante-huitards s'est investie massivement dans un gauchisme aux mille facettes.
A ceux qui ont vécu mai 68 comme à ceux qui sont nés depuis, l'auteur voudrait faire partager cette conviction : pour dépasser aujourd'hui ce principe d'individualisme irresponsable qui nourrit l'air du, temps, pour retrouver les voies d'une passion démocratique, il importe d'assumer enfin de façon critique l'héritage de mai. l'ambition de ce livre est de contribuer à cette nouvelle et nécessaire mutation.
De la révolution matricielle de mai 1968 aux controverses actuelles et aux primaires socialistes, ce livre entend montrer comment la gauche a pu en arriver là. Après avoir scruté les principaux thèmes qui ont structuré son identité depuis le XIXe siècle et constater leur érosion, voire leur décomposition, Jean-Pierre Le Goff met en lumière la fin d'un cycle historique en même temps qu'il souligne les difficultés actuelles d'une reconstruction : le fossé n'existe pas qu'entre générations, il éloigne les couches populaires de la gauche culturelle sur fond d'agonie des idées. Autant de constats qui appellent une réappropriation de notre héritage culturel pour autoriser une reconstruction intellectuelle.
"Mai 68 peut apparaître comme la préhistoire pour les générations dites X, Y, ou Z... Mais que savent-elles au juste des conditions dans lesquelles a vécu ma génération, de sa jeunesse et de son passage à l'âge adulte ? Ce livre voudrait faire comprendre "de l'intérieur" la vie d'un jeune dans les années 1950 et 1960. Parce que l'adolescence est la plaque sensible du basculement dans le nouveau monde, "crise de l'adolescence" et "crise de la modernité" se font écho : elles révèlent un malaise symptomatique des difficultés du pays à s'engager dans une nouvelle étape de son histoire", Jean-Pierre Le Goff.
Jean-Pierre Le Goff a retenu tout ce qu'il a observé dans les comportements familiaux et sociaux, le catéchisme et les enterrements, les débuts de la grande consommation et des loisirs de masse, le livre de poche, le cinéma, la publicité, les lumières de la ville, le quotidien des femmes, le yéyé... Cinquante ans après Mai 68, pour éviter les contresens et les récupérations, rien de plus nécessaire que ce récit émouvant et drôle qui constitue un document ethnologique hors du commun éclairant le passé et le présent.
« Ce livre traite des évolutions de la gauche française et des bouleversements sociaux et culturels qu'a connus la société depuis plus d'un quart de siècle.
Il ne prétend pas à l'expertise et encore moins à l'audit, mais aborde frontalement des changements problématiques trop longtemps sous-estimés ou déniés ». Dans la première partie : « La gauche n'est plus ce qu'elle était », Jean-Pierre Le Goff passe au crible la décomposition de l'ancienne doctrine de la gauche et ses substituts. Gauchisme recomposé, référence à un mouvement social hétéroclite, néo-management, écologisme, gauche morale et dénonciatrice, modernisme culturel et branché. se sont affirmés, dans le même temps où des socialistes français tentaient d'opérer une difficile réconciliation avec le libéralisme.
Trente ans après sa victoire de 1981, la gauche n'est pas parvenue à reconstruire un nouveau cadre cohérent de pensée et d'action.
Dans la seconde partie, l'auteur s'attache à montrer que cette décomposition s'inscrit dans des évolutions de la société française qui ont mis à mal les anciennes figures de l'engagement politique. De la « civilisation des loisirs » à « mai 68 », de la fin des Trente Glorieuses aux années 2000, c'est une nouvelle figure de l'individu qui a fini par s'affirmer pour qui le rejet des embrigadements passés s'est accompagné d'une morale des bons sentiments et d'un narcissisme prononcé.
Les bouleversements opérés dans la famille et l'éducation alliés au chômage de masse ont produit des effets de déstructuration et de désaffiliation, entraînant un « nouveau fossé des générations », à bien des égards plus problématique que celui des années 1960. La combinaison d'une crise économique, sociale et d'un nouvel « état des moeurs » met en question « l'estime de soi » sur le plan individuel et collectif, entraînant une spirale dépressive.
L'exigence d'une nouvelle reconstruction, sociale, politique et culturelle est d'autant plus présente que nous sommes arrivés à une phase d'épuisement des idéologies passées et de la révolution culturelle post-soixante-huitarde.
« Je cherche à cerner quelques grandes fractures entre l'ancien et le nouveau monde qui me paraissent symptomatiques d'un malaise français et européen et ne sont pas sans rapport avec le chaos des idées ou la façon dont nous avons pu réagir aux événements tragiques de janvier 2015.
Pour ce faire, je travaille autour des questions suivantes : quelles sont les principales fractures présentes au sein de la société qui font apparaître la France comme un pays morcelé et désorienté, ne sachant plus d'où il vient, qui il est et où il va ? Quel est le processus historique a abouti à une telle situation ? Autrement dit : comment en est-on arrivé là ?
J'achèverai par quelques pistes de réflexion sur une reconstruction possible et ses conditions, reconstruction qui, si elle a lieu, prendra du temps vu l'importance des fractures qui se sont produites depuis un demi-siècle. »
En 2004, à l'occasion de leur anniversaire respectif, 80 et 90 ans, France Culture et Emmanuel Laurentin organisent une rencontre entre Jacques Le Goff, spécialiste du Moyen-âge, et Jean-Pierre Vernant, historien de la Grèce antique.
Au cours de ces entretiens, ces deux célèbre historiens reviennent sur leurs maîtres, leur parcours de vie et de recherche, à l'école des hautes études, au CNRS ou au Collège de France, conscients tous deux de la chance qu'ils ont eue de trouver des institutions ouvertes, prêtes à les accueillir et à lever les barrières disciplinaires.
Ils échangent aussi sur leur travail, la manière dont leur génération a examiné les questions que le présent posait et le rapport entre l'histoire qu'ils ont produites et la société contemporaine.
Au lendemain du décès de Jacques Le Goff, on relit cet échange avec émotion et on mesure l'héritage ouvert que ces deux penseurs laissent à la génération actuelle.
Ce début de siècle a connu une série débranlements mondiaux, pour nen nommer que trois : les attentats terroristes du 11 septembre 2001, linvasion de lIrak en 2003 et la crise financière de 2008. Dix personnalités reconnues et dhorizons différents se sont penchées sur des enjeux politico-économiques contemporains et ont présenté leurs analyses dans le cadre des conférences du prix Gérard-Parizeau qui se sont échelonnées de 2000 à 2010.
Pascal Boniface, Fernando Henrique Cardoso, Gérard Noiriel et Alain Touraine examinent les enjeux politiques et sociaux que sont la diplomatie du pétrole, la mutation des rapports Nord-Sud, les flux migratoires sur fond de mondialisation, les perturbations politiques et linstrumentalisation des religions.
Yvan Allaire, Claude Bébéar, Michel Crouhy, Claude Castonguay, Philippe Jorion et Jacques Parizeau, quant à eux, scrutent sous différents angles des enjeux économiques tant québécois quinternationaux : le renouveau du capitalisme, la progression de la mondialisation, la gestion du risque de crédit, les enjeux du régime de pension, la gestion des risques de la finance internationale et les défis économiques du Québec.
Analyser et réfléchir avec son temps, tel a été le défi des grandes conférences publiques du prix Gérard-Parizeau qui sont ici rassemblées.
- Les conceptions médiévales des monstres de saint Augustin à Marco Polo - Huguette Legros.
- Monstration des corps humain et animal à la Renaissance : de la représentation entre imaginaire et rationnel - Jean-Pierre Le Goff.
- De quelques créatures fabuleuses du Moyen Âge à la Renaissance - Huguette Legros.
- Les monstres du Bois sacré de Bomarzo - Jean-Pierre Le Goff.
Cet ouvrage veut être plus qu'un bilan, autre chose qu'un panorama.
Un diagnostic sur la situation de l'histoire, telle qu'en france du moins la pratiquent des historiens venus d'horizons divers et appartenant à des générations différentes, mais qui partagent - en dehors de toute école - un même esprit de recherche. un point de départ aussi pour les voies nouvelles de l'exploration historique. beaucoup s'y sont déjà engagés, quelques uns témoignent ici.
L'histoire en effet, comme les autres sciences de base, a connu depuis quelques années une profonde mutation.
De même que la linguistique ou les mathématiques vivantes sont celles que l'on appelle " modernes ", il y a une histoire " nouvelle ".
Sa nouveauté paraît avoir tenu à trois processus : de nouveaux problèmes ont remis en cause l'histoire elle-même ; de nouvelles approches ont enrichi et modifié les secteurs traditionnels de l'histoire ; de nouveaux objets enfin sont apparus dans le champ épistémologique de l'histoire.
A chacun de ces aspects est consacré un volume.