Rome, la Ville sainte avec ses innombrables églises ténébreuses et étincelantes comme des grottes illuminées, la Ville solaire avec la vie grouillante de son peuple, l'enchantement de ses jardins, de ses fresques, de ses ruines, tout cela revit dans Madame Gervaisais, le dernier roman écrit par les frères Goncourt avant la mort du plus jeune, Jules, en 1870. Admirable témoignage sur la capitale du Baroque, ce roman est aussi un portrait de femme, dans la lignée des héroïnes douloureuses de la peinture, du roman et du théâtre fin-de-siècle. En organisant la rencontre entre la féminité ecclésiastique de Rome et la féminité parisienne de Mme Gervaisais, les Goncourt ont découvert la formule que Barrès rendra célèbre : Du sang, de la volupté et de la mort.
Comment opérer un choix dans cette oeuvre considérable (3 tomes en "Bouquins") ? Il était nécessaire de rendre sensibles les formes brèves dont se compose le Journal : aphorismes, anecdotes, portraits, descriptions d'intérieurs, morceaux de prose poétique, en conservant sa part orale (retranscriptions de dîners mondains), et de retenir tout particulièrement l'évocation, par les deux frères, des grandes figures artistiques de leur temps. Nous n'avons pas voulu occulter les taches noires, notamment l'antisémitisme et la misogynie. Cette anthologie vise donc à restituer toutes les dimensions du Journal des Goncourt, et toute son originalité : l'invention d'un genre, le journal d'écrivain ; la recherche constante de la vérité ; la part réservée au corps et à la sexualité ; une mythologie doloriste de l'artiste (souffrant d'être incompris).
Les romans des « bichons », comme les appelait Flaubert, leur grand admirateur, sont des études de cas. Ils n'ont, en apparence du moins, aucun lien entre eux. Avec une précision de cliniciens, les auteurs analysent les caractères, les moeurs, les comportements, les singularités, les extravagances de quelques figures, qui représentent de manière exemplaire les traits les plus saillants, les travers les plus criants et les monstruosités les plus affligeantes de leur époque.
Les Hommes de lettres voient un auteur se débattre à en devenir fou dans la jungle de la vie littéraire, où seule commande la loi du succès acheté à n'importe quel prix. Manette Salomon présente le milieu non moins frelaté du monde de l'art et des ateliers. Soeur Philomène et Renée Mauperin suivent le destin de deux jeunes femmes que la quête d'une vérité personnelle et un désir d'authenticité font quitter le monde. Germinie Lacerteux est l'histoire stupéfiante de la double vie de leur propre bonne, servante attentionné le jour et créature méconnaissable la nuit. Madame Gervaisais, enfin, montre que le mysticisme peut pousser une conscience jusqu'à l'hystérie.
« Un des caractères les plus particuliers de nos romans, ce sera d'être les romans les plus historiques de ce temps-ci, ceux qui fourniront le plus de faits et de vérités vraies à l'histoire morale de ce siècle », notent les deux frères dans leur Journal, le 14 janvier 1861.
Histoire de la double vie d'une bonne qui, après avoir été séduite par un méchant homme, connaît des nuits de débauche. Elle finit son existence dans la dépravation et la débauche. Inspirée d'un personnage réel, Rose, employée de maison dans la famille Goncourt.
Charles Demailly, rédacteur au journal«Le scandale», va à l'encontre de ce que prône ses amis du cercle littéraire où il évolue et se marie avec une actrice parisienne. Bien vite, il regrette son erreur car la cruauté de sa compagne, torturée par ses préoccupations d'artiste, le fera sombrer dans la folie. Cette autobiographie déguisée constitue également un témoignage d'époque.
" Il n'y a qu'une biographie, la biographie parlée, celle qui a la liberté, la crudité, le débinage, l'enthousiasme sincères de la conversation intime. C'est cette biographie-là, que nous avons tentée, dans ce journal, de nos contemporains. " Dès le début de leur carrière littéraire, les frères Goncourt ont ainsi consigné, au jour le jour, non seulement les rencontres qu'ils firent dans le monde de la politique, de la finance, du théâtre, des sciences et des arts, mais aussi les propos qu'ils purent surprendre à table ou ailleurs, les secrets qu'ils crurent découvrir en scrutant leur entourage.
Observateurs indiscrets, chroniqueurs méticuleux, juges sans indulgence, les Goncourt nous ont livré, pour le second Empire et les débuts de la IIIe République, l'équivalent des Mémoires de Saint-Simon. Une fresque aussi détaillée qu'animée de la société de leur temps. Société bourgeoise, société de parvenus, issue de la Révolution française, et à laquelle ils se sentent totalement étrangers. Société égalitaire, matérialiste, inculte, selon eux, qui affirment que : " Nul en ce monde n'est pareil. [...] L'inégalité est le droit naturel ; l'égalité est la plus horrible des injustices. " Ou encore : " L'aristocratie moderne est l'argent. " Et enfin : " La tyrannie de l'ouvrier va être la tyrannie des siècles futurs : la tyrannie brutale du nombre inintelligent. " L'ironie des Goncourt à l'égard de la vulgarité de leur époque n'a d'égal que le pessimisme visionnaire d'un Chateaubriand ou l'impartialité désabusée d'un Tocqueville.
Tome 1 : 1851 - 1865.
Tome 2 : 1866 - 1886.
Tome 3 : 1887 - 1896.
Le nom de Mme Du Barry est souvent synonyme de scandale. Quelle fut la vie de la favorite ? Sur un mode souvent grivois, comme il se doit, et avec beaucoup de verve, les frères Goncourt décrivent l'arrivée à la cour, les intrigues, les années fastes et le « luxe de la femme galante » dont témoignent ses comptes et ses factures. La chute n'en est que plus grande : les arrestations, les interrogatoires, la prison puis l'échafaud. Cette biographie est complétée par plusieurs documents, souvent inédits : mémoires des « marchands, ouvriers et fournisseurs », réponses de la Du Barry devant le tribunal révolutionnaire, perquisitions, inventaire des biens. Avec leur sens du détail et leur plume de romanciers, les Goncourt campent un personnage pittoresque et attachant qui a inspiré plusieurs films importants de Lubitsch à Christian-Jaque.
Ce roman des deux frères goncourt (1867) est une comédie humaine de la peinture.
Le héros principal voit son talent progressivement ruiné par la femme qu'il aime, son modèle et sa maîtresse, manette salomon. il a pour ami un autre artiste, également raté, mais par paresse et goût de la plaisanterie. en contrepoint, un génie inspiré par rousseau, millet, corot, et un peintre mondain et officiel, couronné de succès. cette intrigue fait revivre toute l'histoire de la peinture entre 1840 et 1860, à l'ombre d'ingres et de delacroix, à côté de l'ecole de barbizon.
On y voit l'ecole des beaux-arts, la villa médicis, les salons. c'est donc un très beau roman méconnu, sur l'amour et l'art, qui s'inscrit entre le chef-d'oeuvre inconnu de balzac et l'oeuvre de zola.
« Qui révélera mieux que la lettre autographe la tête et le coeur de l'individu ? [...] Seule la lettre autographe sera le confessionnal où vous entendrez le rêve de l'imagination de la créature, ses tristesses et ses gaîtés, ses fatigues et ses retours, ses défaillances et ses orgueils, sa lamentation et son inguérissable espoir. » Par ces quelques lignes de la préface de leurs Portraits intimes du XVIIIe siècle les frères Goncourt, grands amateurs et collectionneurs d'autographes s'il en est, révèlent tout le prix qu'ils attachent aux correspondances.
Et de fait, celle qu'ils échangèrent avec leur ami, maître et rival Flaubert au long d'une relation de vingt ans (1860-1880), se révèle, en écho et en opposition parfois à leur célèbre Journal, extrêmement précieuse pour comprendre, certes, les « créatures » contradictoires, changeantes et vulnérables, mais surtout les grands artistes qu'ils furent tous trois, artistes qui considéraient la littérature comme un véritable sacerdoce et se percevaient comme les derniers représentants d'un art « pur », sacré, à l'abri du mercantilisme et de la « blague » moderne : « La pure littérature, le livre qu'un artiste fait pour se satisfaire, me semble un genre bien près de mourir. Je ne vois plus de véritables hommes de lettres, de sincères et honnêtes écrivains que Flaubert et nous » (Journal, 9 août 1868).
Cette correspondance est aussi éminemment instructive (et complète en cela de façon irremplaçable le Journal) pour la connaissance du champ littéraire sous le Second Empire et la compréhension des sociabilités d'écrivains, penseurs et artistes.
Les meilleurs bons mots, maximes et fulgurances glanés dans le Journal des Goncourt par Rodolphe Trouilleux et illustrés par Boll.
Les deux frères y prennent alors un autre visage : gouailleurs, acerbes, érotomanes, voyous...
Ces perles du Journal, accompagnées d'un appareil critique pertinent, nous offrent le portrait sensationnel de deux des plus grands acteurs de la littérature française du XIXe siècle.
Les dessins de Boll, créés à partir de nombreuses recherches de l'artiste, plongent de surcroît le lecteur dans l'atmosphère parisienne et littéraire de cette période et nous offrent une édition inédite.
« La femme au XVIIIe siècle est le principe qui gouverne, la raison qui dirige, la voix qui commande. ».
Avec La femme au XVIIIe siècle, les Goncourt réalisent un projet ambitieux : étudier le XVIIIe siècle, « le siècle français par excellence », au prisme de la condition féminine.
En précurseurs de la Nouvelle Histoire, ils décortiquent le quotidien des jeunes filles, scrutent leurs mentalités, et examinent les conséquences d'une éducation souvent oppressante. Dans les plus hautes sphères sociales, cette éducation empêche toute spontanéité : grâce factice, discipline stricte du couvent, mariage sans consultation... Du côté de la bourgeoisie, on limite le passage au couvent et préfère laisser aux jeunes femmes le libre choix de leur époux. Quant à la femme du peuple, elle peut être sous la plume tranchante des deux frères, la « créature disgraciée et flétrie » que tout semble opposer à l'aristocrate parisienne, mais aussi la courtisane ou la fille galante, à qui l'époque donne la possibilité de s'élever dans le grand monde.
Tableau vivant et foisonnant du Siècle des lumières, cet ouvrage longtemps oublié des Goncourt redonne à la femme « grande actrice méconnue de l'histoire », sa place déterminante dans l'évolution des moeurs et des mentalités.
Dédié à Théophile Gautier, ce roman tout d'abord paru sous forme de feuilleton est une peinture sans complaisance du monde et des moeurs de la bourgeoisie d'affaires à la fin du Second Empire. Renée, la dernière à marier de la famille Mauperin, rate encore une occasion au grand dam de ses parents et son frère Henri n'est qu'un arriviste qui court après un titre de noblesse prêt à toutes les infamies. Mais bientôt Renée prend conscience des forfaits de son frère et ne veut plus de cette honte dans la famille...
"Poète de l'Art d'aimer du temps", voilà comment les Goncourt définissent Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), un des artistes les plus importants de sa génération, qui a pourtant failli plonger dans l'oubli, dépassé par l'influence grandissante du mouvement néo-classique dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle.
Peintre de l'amour et de la volupté, il a également donné naissance à une oeuvre riche et plurielle ; peintures historico-mythologiques, scènes galantes et religieuses, portraits et paysages, le génie de Fragonard ne connaît ni école ni contrainte.
De son geste rapide et aérien, il capture l'essence de son époque, une douceur de vivre et une insouciance propres à l'Ancien Régime, illustrant de la plus belle des manières un certain esprit français, à la fois raffiné et décadent.
Les Goncourt ont modifié profondément les pratiques du journal intime. Ils ont été les premiers à écrire un journal d'écrivain, avant d'être suivis par Jules Renard, Léon Bloy, Henri de Régnier, Gide, etc. Les deux frères sont allés jusqu'au bout d'une étonnante aventure : énoncer leur intériorité en décrivant des objets et des intérieurs de maison, faire des portraits de voix, en faisant cependant entendre leur propre voix, dire leur passion de l'art pour s'auto-représenter comme de parfaits hommes de lettres, se raconter en écrivant les Mémoires de la vie littéraire. Pour suggérer la complexité d'une entreprise qui, jusqu'en 1870, fut duelle, nous avons pris le parti d'indiquer ce qui revient à l'un ou à l'autre des deux frères dans la rédaction du Journal. À la différence de Robert Ricatte, nous n'avons pas ajouté à la transcription du manuscrit des passages empruntés à l'édition du Journal parue du vivant d'Edmond. En faisant ressortir les biffures, en restituant aussi précisément que possible les parties raturées, nous avons pris le parti de la fidélité la plus stricte, tout en publiant en annexe l'édition Charpentier, parue de 1887 à 1896. C'est la seule « intégrale » possible qui ne soit pas un monstre philologique.
Chaque volume de cette édition contient un répertoire qui, en donnant des précisions sur les personnes, les personnages, les lieux de sociabilité, les périodiques mentionnés dans le Journal des Goncourt, prend l'aspect d'une petite encyclopédie de la vie culturelle sous le Second Empire et la Troisième République. Cette édition, abondamment et précisément annotée, n'aurait pu voir le jour, si elle n'avait été le fruit d'un travail collectif, mobilisant une équipe pluridisciplinaire recouvrant plusieurs champs du savoir :
Philippe Andrès, Noëlle Benhamou, Colette Becker, Sandrine Berthelot, Joëlle Bonnin-Ponnier, Christiane Cabanès, Jean-Louis Cabanès, Sabine Cotté, Anne-Simone Dufief, Pierre-Jean Dufief, Patrick Feyler, Charles Grivel, Tristan Jordan, Francis Lacoste, Véronique Lavielle, Béatrice Laville, Anne-Sophie Monglon, Vérane Partensky, Dominique Pety, Éléonore Reverzy, Sophie Spandonis, Paolo Tortonese, Pamela Warner.
Conception de l'édition, coordination de l'équipe : Jean-Louis Cabanès. Texte établi par Christiane et Jean-Louis Cabanès.
Dans ce volume, qui recouvre la période 1861-1864, l'année 1862 figure une charnière. Les Goncourt rencontrent Sainte-Beuve, participent avec lui à la fondation des dîners Magny. Parallèlement, ils sont introduits dans le salon de la princesse Mathilde le jour où ils apprennent la mort de leur servante, Rosalie Malingre, modèle de Germinie Lacerteux. Sismographe du champ littéraire, le Journal multiplie les contrastes, contrastes des milieux auxquels les deux frères se trouvent confrontés, contrastes entre l'intime et la description des sociabilités, entre le désir de saisir sur le vif une oralité et la création d'une prose d'art. Cette édition critique qui comportera dix volumes se caractérise par une relecture attentive du manuscrit dont sont relevés les ratures et les errements chronologiques, elle donne à lire en annexe l'édition Charpentier, parue du vivant d'Edmond. Les notes abondantes, le répertoire, les nombreux index tendent à faire du Journal des Goncourt ainsi présenté une encyclopédie de la vie littéraire dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Les Goncourt ont modifié profondément les pratiques du journal intime. Ils ont été les premiers à écrire un journal d'écrivain, avant d'être suivis par Jules Renard, Léon Bloy, Henri de Régnier, Gide, etc. Les deux frères sont allés jusqu'au bout d'une étonnante aventure : énoncer leur intériorité en décrivant des objets et des intérieurs de maisons, faire des portraits de voix, en faisant cependant entendre leur propre voix, dire leur passion de l'art pour s'autoreprésenter comme de parfaits hommes de lettres, se raconter en écrivant les Mémoires de la vie littéraire. Pour suggérer la complexité d'une entreprise qui, jusqu'en 1870, fut duelle, nous avons pris le parti d'indiquer ce qui revient à l'un ou à l'autre des deux frères dans la rédaction du Journal. À la différence de Robert Ricatte, nous n'avons pas ajouté à la transcription du manuscrit des passages empruntés à l'édition du Journal parue du vivant d'Edmond. En faisant ressortir les biffures, en restituant aussi précisément que possible les parties raturées, nous avons pris le parti de la fidélité la plus stricte, tout en publiant en annexe l'édition Charpentier, parue de 1887 à 1896. C'est la seule " intégrale " possible qui ne soit pas un monstre philologique.
Chaque volume de cette édition contient un répertoire qui, en donnant des précisions sur les personnes, les personnages, les lieux de sociabilité, les périodiques mentionnés dans le Journal des Goncourt, prend l'aspect d'une petite encyclopédie de la vie culturelle sous le Second Empire et la Troisième République. Cette édition, abondamment et précisément annotée, n'aurait pu voir le jour, si elle n'avait été le fruit d'un travail collectif, mobilisant une équipe pluridisciplinaire recouvrant plusieurs champs du savoir :
Philippe Andrès, Colette Becker, Noëlle Benhamou, Sandrine Berthelot, Joëlle Bonnin Ponnier, Christiane Cabanès, Jean-Louis Cabanès, Sabine Cotté, Anne-Simone Dufief, Pierre-Jean Dufief, Charles Grivel, Tristan Jordan, Véronique Lavielle, Vérane Partensky, Dominique Pety, Sophie Spandonis, Bernard Vassor, Pamela Warner.
Conception de l'édition, coordination de l'équipe : Jean-Louis Cabanès.
"Voici un roman qui, partant du désir généreux de dénoncer l univers carcéral, suit son chemin de rigueur et de sobriété. La "Fille Élisa" mêle la cruauté à la tendresse, le familier à l insolite, l élan coupable à l innocente pulsion, la vie telle qu elle est à celle qu elle aurait pû être [...] Et puis "l écriture artiste" ... celle d un peintre dont l oeil saisit d emblée une forme, une couleur [...] une empreinte où se glisse le surnaturel, celui qui ne s avoue pas. Un livre toujours nouveau"
Renée Mauperin, jeune personne de vingt ans, mi-fille, mi-garçon, maladivement attachée à son père, refusant tous les prétendants qu'on lui présente, bourgeoise parlant un langage d'atelier, tiraillée entre l'amour de la justice et la morale du coeur, s'avère encore aujourd'hui un personnage d'une modernité déroutante et dont la hardiesse du caractère n'a d'égale que l'aristocratie du tempérament. Totalement en décalage avec les moeurs de son temps, elle apparaît pour cette raison même comme un contrepoint éclairant sur la jeunesse et surtout sur la bourgeoisie du Second Empire que croquent, avec une perspicacité toute spirituelle et souvent assassine, Edmond et Jules de Goncourt.
Oeuvres romanesques sous la direction de Alain Montandon. Édition critique par Véronique Cnockaert.
Lorsqu'ils rédigent les premières monographies qui formeront, en 1857 et 1858, les deux volumes de leurs Portraits intimes du XVIIIe siècle, Jules et Edmond de Goncourt ont déjà consacré plusieurs ouvrages à leur siècle de prédilection. La Révolution dans les moeurs, paru en 1854, fait le constat de tout ce que le présent a perdu avec la disparition de l'Ancien Régime ; l'Histoire de la société française pendant la Révolution (1854) puis l'Histoire de la société française pendant le Directoire (1855) offrent les tableaux d'une époque retracée à partir de menus événements puisés dans les journaux, les nouvelles à la main, les pamphlets, livres et brochures du passé. Mais c'est à la fin de l'année 1856 que les deux frères abandonnent les vastes tableaux pour reconstruire le XVIIIe siècle « figure à figure », à partir de documents inédits ; les mémoires, les recueils de souvenirs, et surtout les lettres autographes, deviennent les éléments essentiels de leurs études. L'archive passe au premier plan et l'écriture de l'histoire peut apparaître comme un travail de mise en valeur des voix du passé. L'ouvrage offre ainsi un important témoignage sur la méthode historique des Goncourt et plus généralement sur l'avènement de l'histoire intime au XIXe siècle.
Dans les années 1865-1868, les Goncourt, publient deux romans (Germinie Lacerteux, 1865 ; Manette Salomon, 1867), achèvent la rédaction d'un troisième (Madame Gervaisais), font représenter au Théâtre-Français Henriette Maréchal (1865), trouvent l'énergie d'écrire un autre drame, Blanche de La Rochedragon (1868), s'avèrent moralistes et esthètes dans Idées et sensations (1866), complètent L'Art du XVIIIe siècle de monographies nouvelles. Leur vie est parfois subordonnée à la mise en réserve d'une assise documentaire (séjours à Barbizon, voyage à Rome). Le morcellement de l'écriture diaristique réfracte ainsi, dans ses éclats, une existence qui semble elle-même se composer de morceaux successifs au gré des contraintes engendrées par la rédaction des oeuvres, par la participation à des rites sociaux ou mondains et, dès 1867, par une maladie qui les incite à déménager, à cause d'une hantise du bruit, dans la célèbre maison d'Auteuil. Plus que jamais, ils souhaitent obtenir une double consécration, celle du monde, celle des hommes de lettres qu'ils estiment leurs pairs. Cette consécration demeure incomplète, et l'échec d'Henriette Maréchal renforce leur conception doloriste de la création artistique. Des jeunes écrivains, sensibles à la poétique nouvelle qui caractérise Germinie Lacerteux, se tournent, cependant, vers eux : Jules Vallès, Émile Zola. Le Journal des Goncourt, qui fait alterner maximes de moralistes, portraits caricaturaux, anecdotes souriantes, paysages en prose, jugements esthétiques, propos rapportés, est le précipité des tensions entre l'ordre du Monde, dont les deux frères ne récusent pas les vanités, et une religion de l'Art qui tient lieu de transcendance et de compensation.
Ont participé à l'annotation et à la rédaction du Répertoire : Noëlle Benhamou, Colette Becker, Joëlle Bonnin-Ponnier, Christiane Cabanès, Jean-Louis Cabanès, Françoise Cestor, Sabine Cotté, Tristan Jordan, Basile Pallas, Vérane Partensky, Dominique Pety, Éléonore Reverzy, Bernard Vassor, Jean-Didier Wagneur.
Conception de l'édition, coordination de l'équipe : Jean-Louis Cabanès.
Le théâtre fut l'une des passions les plus durables des frères de Goncourt : leur production théâtrale embrasse une période qui va du Second Empire à la Troisième République. Cette édition critique permettra de mieux cerner le rôle que ces auteurs ont joué au sein du champ littéraire de leur époque.