«- Ah ! enlevez ces... enlevez donc ces... (Elle désignait les lunettes.)Pierre les enleva. Son regard n'était pas seulement étrange comme l'est d'ordinaire celui des gens qui enlèvent leurs lunettes, il était apeuré et interrogateur. Pierre voulut se pencher sur la main d'Hélène et la baiser, mais d'un mouvement rapide et brutal de la tête, elle s'empara de ses lèvres et y appuya les siennes. Le visage d'Hélène frappa désagréablement Pierre par son expression égarée.»
« - Ah ! enlevez ces... enlevez donc ces... (Elle désignait les lunettes.) Pierre les enleva. Son regard n'était pas seulement étrange comme l'est d'ordinaire celui des gens qui enlèvent leurs lunettes, il était apeuré et interrogateur. Pierre voulut se pencher sur la main d'Hélène et la baiser, mais d'un mouvement rapide et brutal de la tête, elle s'empara de ses lèvres et y appuya les siennes. Le visage d'Hélène frappa désagréablement Pierre par son expression égarée. »
«Les familles heureuses se ressemblent toutes ; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon.» Ainsi s'ouvre ce grand roman du couple, de la passion amoureuse et de la tentation.Anna Karénine est une jeune et belle femme de la noblesse russe. Alors qu'elle se rend à Moscou pour voir son frère dont l'infidélité a été révélée, elle tombe sous le charme du brillant mais frivole comte Vronski. C'est la naissance d'une passion. Abandonner mari et enfant, elle y songe. Mais que dirait la bonne société ? Jusqu'où cette liaison interdite peut-elle mener ? Témoin impuissante de leur idylle, Kitty, qui aime secrètement Vronski, refuse la main de Levine, qu'elle connaît pourtant depuis l'enfance.Satire des moeurs de son temps, Anna Karénine (1878) dénonce le carcan des conventions sociales dans une fresque sociale éblouissante. Tolstoï semble poser cette simple question : l'engagement dans le couple est-il aussi une dépossession de soi ?
Riche et désoeuvré, las des fastes de Moscou, le jeune Olénine aspire à l'aventure. Aussi part-il faire son service militaire dans le Caucase, une région lointaine dont l'exotisme l'attire. Au coeur de majestueuses montagnes, entouré d'un peuple fougueux qui puise sa force dans la nature, Olénine se prend à rêver d'une vie nouvelle, plus simple et plus juste.
Lire Les Cosaques, c'est respirer l'air du Caucase.
D'une étonnante richesse poétique, l'oeuvre la plus importante du jeune Tolstoï offre l'expérience sensuelle d'une terre où se joue l'éternelle confrontation entre modernité et tradition, civilisation et nature sauvage.
«Il n'est plus possible de continuer à vivre comme j'ai vécu jusqu'à présent, et comme nous vivons tous. Voilà ce que m'ont révélé la mort d'Ivan Ilitch et le journal qu'il a laissé. Je veux donc décrire ma conception de la vie et de la mort avant cet événement, et je transcrirai son journal tel qu'il m'est parvenu.» Ces lignes de Tolstoï définissent le propos qui lui a dicté ces trois nouvelles. La maladie d'un magistrat, la mort et la rédemption d'un négociant pris dans une tempête de neige, Trois morts, incarnent dans des personnages et des événements simples et poignants la même interrogation : «Et la mort ? où est-elle ? Il chercha son ancienne peur et ne la trouva plus. Où était-elle ? Quelle mort ?» Et la découverte finale, qui permet de répondre : «Il n'y avait pas de peur, parce qu'il n'y avait pas de mort.»
"En opposant la haine à la haine, on ne fait que la répandre, en surface comme en profondeur", écrivait Gandhi. Tolstoï, qui influença si fortement l'apôtre de la non-violence, ne disait pas autre chose !
Des histoires d'amour qui se délitent, des personnages tourmentés par leurs sentiments, leurs attirances et leurs pulsions, des couples qui se déchirent jusqu'à la mort : tels sont les sujets évoqués par Tolstoï dans ces trois nouvelles. L'auteur se fait moraliste et analyse tous les soubresauts des rapports entre les hommes et les femmes, allant du désir vu comme une drogue jusqu'à la vie conjugale, vécue comme un désenchantement progressif. Dénonçant la sensualité, la débauche mais aussi le mariage «monté de toutes pièces comme un traquenard» (La Sonate à Kreutzer), Tolstoï dresse un tableau aussi fascinant qu'effrayant des relations humaines : une histoire d'amour deviendrait-elle inévitablement une histoire de haine ?
«Puisant la matière de son oeuvre dans l'observation de soi nourrie par l'inquiétude morale et la soif de perfection, Léon Tolstoï (1828-1910) fait du roman réaliste, construit à partir de l'évocation plastique de l'instant concret, une épreuve de vérité soumise au critère esthétique de l' authenticité. Le sujet épique de La Guerre et la Paix étend ce critère aux mécanismes de l'Histoire, celui, tragique, d'Anna Karénine aux valeurs de la société et de la civilisation contemporaines dont il devient, après la crise existentielle de 1880-1881, le dénonciateur impitoyable au nom d'un christianisme ramené à l'exigence de l'amour du prochain et du perfectionnement individuel.» Michel Aucouturier.
Reconnu pour son art de la fresque, Tolstoï s'illustre dans ces sept nouvelles par la maîtrise du détail. Avant que le romancier ne fasse chanter le choeur de l'histoire, le nouvelliste nous murmure la poésie des petits évènements : ici la neige se lève, là des paysans délibèrent. Le hennissement du cheval solitaire, la riche musique du violoniste crasseux entonnent à l'unisson une même plainte : celle de la nature blessée. Car la nature est l'autre nom de l'authenticité, mise en péril par le calcul égoïste, et de la communauté, que la société bourgeoise prétend civiliser. En peignant la détresse d'une Russie anonyme, Tolstoï offre un récit à tous ceux que l'Histoire a exclus.
Anna Karénine et Résurrection sont accompagnés ici d'une partie importante de ce que l'on pourrait appeler leurs dossiers de préparation : pour Anna Karénine, les plans successifs envisagés par Tolstoï, des scènes entières qui n'ont pas été utilisées, des personnages différents ou les mêmes personnages vus tout autrement, une histoire aussi de l'élaboration du roman ; pour Résurrection, le premier brouillon achevé de l'oeuvre et quelques documents qui donneront une idée du travail accompli par Tolstoï avec la rédaction définitive. Entre Anna Karénine et Résurrection se place la période moralisante et théologique de Tolstoï. La préface de Pierre Pascal qui ouvre ce volume en explique le sens et le développement.
Tolstoï entame une enquête immense, descend dans l'enfer putride des prisons, scrute les détenus, polémique avec les «idéologues» révolutionnaires, interroge le peuple. Résurrection se veut un roman - total, mais cette fois-ci le Tolstoï millénariste refuse la durée et exige tout tout de suite : le salut total de la création. C'est peut-être ce qui fait de Résurrection, paru quand naissait le XX? siècle, un signe avant-coureur des grands soubresauts millénaristes de notre siècle à nous.
«Car vivre ainsi c'est impossible, impossible !» Quel est donc le diable qui tourmente Eugène Irténieff ? Inspirée d'un fait divers, cette nouvelle cruelle met en scène un jeune propriétaire terrien qui apparaît surtout comme un homme insensé et perdu, en proie à la faute, à la culpabilité et aux idées noires. Tiraillé par sa conscience, il oscille sans cesse entre pureté et adultère, raison et emportement incontrôlable. Cette contradiction est symbolisée par les deux femmes de sa vie : la blanche Lise, son épouse, et la vermeille Stepanida, une paysanne qui travaille sur ses terres. Qui choisira-t-il ?
Trois nouvelles, six morts exemplaires, dont celle d'Ivan Illitch l'agonie la plus célèbre de la littérature.
La mort, la vie et son mensonge soit qu'au dernier moment on s'accroche encore à ce mensonge comme la vieille dame (Trois morts), soit qu'on s'en dépouille enfin, comme Ivan Illitch, soit qu'on meure, comme l'arbre, «paisiblement, honnêtement, en beauté».
«A la grâce de Dieu. Nous y passerons tous un jour !» Préface et commentaires de Dominique Fache.
Ce recueil de cinq textes a pour thème l'oppression politique que le pouvoir despotique du tsar fait peser sur la Russie du XIXe siècle et les résistances qu'elle suscite, en particulier dans l'élite intellectuelle.
Le récit qui donne son titre au recueil, Les Révolutionnaires ( Les Décembristes , selon le titre original, en référence aux auteurs de la tentative de coup d'Etat du 14 décembre 1825), est en fait le début d'un roman, commencé en 1862 et resté inachevé. Il raconte l'accueil par la société moscovite de 1856 d'une famille revenue d'exil en Sibérie. Tolstoï en abandonne la rédaction pour se consacrer à La Guerre et le Paix , puis y reviendra beaucoup plus tard, en 1877, après Anna Karénin e.
Les quatre autres récits réunis ici («Après le bal», «Pour quelle faute?», «Le Divin et l'Humain» et «Les Notes posthumes du starets Fiodor Kouzmitch») traitent également du pouvoir oppresseur, tout en se rattachant à un intérêt ancien et constant du romancier pour l'histoire de son pays et de sa société. Ils appartiennent également à une autre phase de la vie spirituelle de Tolstoï et de son activité intellectuelle, dominée par le prosélytisme et les préoccupations religieuses. Ils ont tous pour origine des faits réels, que le romancier fait revivre, en les modifiant ou en les étoffant. La dénonciation du pouvoir monarchique, qui se rattache à la condamnation générale de l'organisation de la société que développe Tolstoï, prend ici un accent religieux en se combinant à une autre constante de sa vie intérieure : le besoin du repentir et de l'expiation.
Ce classique de la littérature de l'enfance a été écrit par un très jeune homme pour qui le souvenir n'est pas lié à la nostalgie, à l'attendrissement poétique, mais qui voit dans l'écriture le seul moyen de se libérer de ses chaînes et d'aborder l'âge d'homme. D'où le ton si particulier de ce livre, sa tension, son étrange et presque aveuglante vérité, son parfum de fraises sauvages. Enfance, Adolescence, Jeunesse est aussi un des tableaux les plus évocateurs qu'un écrivain nous ait laissés de la Russie du XIX? siècle : la campagne et la vie urbaine, Isnaïa Poliana et les tavernes de Moscou, les nourrices, les précepteurs, les étudiants, les princes, les bals, le jeu, les maîtres et les esclaves.
En 1851, Tolstoï, âgé de vingt-trois ans, décide de rejoindre son frère, officier dans le Caucase, où les Russes sont aux prises avec une guérilla qu'ils mettront plusieurs décennies à vaincre. D'abord simple observateur, il se porte volontaire pour plusieurs missions de combat, puis s'engage dans une carrière militaire qu'il poursuivra durant cinq ans.
Les trois récits réunis dans ce recueil comptent parmi les premiers textes écrits par Tolstoï. Évocation terriblement vivante d'une de ces guerres de partisans telles qu'en connaîtront les XIXe et XXe siècles, ils sont également le témoignage de la maturité littéraire impressionnante d'un jeune homme appelé à devenir l'une des grandes figures de la littérature russe.
Ce recueil contient : L'Incursion, Une coupe en forêt et Le Dégradé.
«Tant de souvenirs du passé se dressent devant soi quand on essaie d'évoquer les traits d'un être chéri, qu'à travers ce souvenir on ne les aperçoit que confusément et comme à travers des larmes.»Russie, milieu du XIX? siècle. Nikolegnka vient d'avoir 10 ans. Sa vie est faite de mille impressions vives et contrastées:les tracasseries et les bontés de son vieux précepteur, la chasse à courre et les goûters sur l'herbe, sa chère maman jouant du piano, ses jolies petites soeurs et Mimi, leur sévère gouvernante... Un jour, il faut quitter ce paradis pour apprendre les manières du beau monde à Moscou, chez grand-mère, la babouchka. Il découvre alors la camaraderie et l'amour, mais aussi la mort. Autour de l'enfant émergent des paroles, des visages:ceux de la vieille noblesse russe et de ses valeurs ancestrales.
Hadji Mourat est un chef caucasien dont Tolstoï a fait le héros d'une ultime grande oeuvre. Malgré ses dimensions modestes, elle nous présente un vaste et saisissant tableau de la «guerre de pacification» du Caucase, à laquelle le romancier avait lui-même pris part un demi-siècle plus tôt et dont il avait rapporté Les Cosaques. Le choix d'un tel personnage est profondément révélateur : sa mort héroïque en fait un symbole de la vie même dans ce qu'elle a de plus irréductible. Ce récit, que Tolstoï n'a cessé de récrire pour le rendre parfait, n'a rien perdu de son actualité : il permet de déchiffrer la cruelle histoire contemporaine.
«Puisant la matière de son oeuvre dans l'observation de soi nourrie par l'inquiétude morale et la soif de perfection, Léon Tolstoï (1828-1910) fait du roman réaliste, construit à partir de l'évocation plastique de l'instant concret, une épreuve de vérité soumise au critère esthétique de l' authenticité. Le sujet épique de La Guerre et la Paix étend ce critère aux mécanismes de l'Histoire, celui, tragique, d'Anna Karénine aux valeurs de la société et de la civilisation contemporaines dont il devient, après la crise existentielle de 1880-1881, le dénonciateur impitoyable au nom d'un christianisme ramené à l'exigence de l'amour du prochain et du perfectionnement individuel.» Michel Aucouturier.
Anna Karénine et Résurrection sont accompagnés ici d'une partie importante de ce que l'on pourrait appeler leurs dossiers de préparation : pour Anna Karénine, les plans successifs envisagés par Tolstoï, des scènes entières qui n'ont pas été utilisées, des personnages différents ou les mêmes personnages vus tout autrement, une histoire aussi de l'élaboration du roman ; pour Résurrection, le premier brouillon achevé de l'oeuvre et quelques documents qui donneront une idée du travail accompli par Tolstoï avec la rédaction définitive.
Entre Anna Karénine et Résurrection se place la période moralisante et théologique de Tolstoï. La préface de Pierre Pascal qui ouvre ce volume en explique le sens et le développement.
James Joyce, dans une lettre à sa fille datée d'avril 1935, écrivait qu'il tenait Ce qu'il faut de terre à l'homme pour « la plus grande histoire jamais écrite ». Dans ce conte fantastique sur la cupidité et la vanité des désirs humains, Tolstoï raconte comment un paysan russe trop ambitieux voit tout à coup ses projets étrangement favorisés par le Diable... Inspiré à son auteur par un séjour dans la province de Samara, sur les terres des peuples bachkirs, Ce qu'il faut de terre à l'homme, publié en 1886, reste l'une des plus célèbres nouvelles de Tolstoï.
Un romain-épopée, un chef-d'oeuvre. La Russie entre en guerre aux côtés de l'Autriche contre la France et Napoléon marche sur Moscou.
L'aristocratie, encore insouciante, s'amuse et converse en français, rêve de gloire militaire. Ils vont se retrouver face à la vraie guerre, celle qui va détruire les vies et les âmes : « Il regardait les Français s'approcher de lui qui, quelques instants auparavant, brulait de les atteindre et de les sabrer, trouvait maintenant leur approche si effrayante qu'il n'en croyait pas ses yeux. [...] " Voudraient-ils me tuer ? ./../ Me tuer, moi, que tout le monde aime tant ? " ...» Sur fond de grands évènements historiques, Austerlitz, Borodino, l'incendie de Moscou - Tolstoï peint l'histoire des familles qui face aux épreuves doivent faire des choix : le sacrifice de soi, la compassion, l'amour du prochain et de son pays.
Ce volume rassemble cinq des plus beaux récits de Tolstoï, écrits à la fin de sa vie. Travaillés avec un soin d'orfèvre, ils mettent en scène des personnages au destin hors du commun. Dans La Sonate à Kreutzer, un mari jaloux jusqu'à l'obsession veut que sa femme l'ait trompé, afin de pouvoir accomplir le passage à l'acte criminel libérateur. Le Père Serge retrace le parcours d'un aristocrate russe engagé dans l'armée, qui, pour échapper aux tentations du monde, se fait ermite dans une cellule creusée à même le rocher. Dans Maître et Serviteur, un riche propriétaire, pour ne pas manquer une affaire, entreprend de rejoindre avec son serviteur un village voisin, mais les deux hommes se retrouvent bientôt pris dans une tempête...
Dans ces récits saisissants, Tolstoï donne à voir la complexité des êtres, l'âpreté du monde et la rudesse du chemin vers le renoncement.
C'est dans son village natal que Léon Tolstoï reçut le témoignage bouleversant de sa voisine Anissia. Il en tira ce court roman, l'odyssée d'une jeune paysanne en route vers la Sibérie, accablée de privations mais animée d'une force de vie exceptionnelle.
Du fond de la Russie du XIXe siècle, Tolstoï nous livre dans sa langue puissante un inoubliable destin de femme.
«À dater de ce jour, prit fin mon roman avec mon mari ; l'ancien sentiment devint un souvenir précieux, perdu à jamais, et un nouveau sentiment d'amour pour mes enfants et pour le père de mes enfants posa les bases d'une nouvelle vie heureuse, mais cette fois d'une tout autre façon...» Que reste-t-il de l'amour, après des débuts passionnés, quand apparaissent au sein du couple de profondes divergences et que le sens d'une vie commune s'en trouve altéré à tout jamais? Raviver la flamme d'antan est-il possible?
Dans ce récit, Tolstoï livre une réflexion essentielle sur ce qu'est l'amour à deux, le bonheur, ses tenants, sa fragilité mais aussi sa pérennité.