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Laurent Dubreuil
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Nous lisons l'Odyssée à hauteur des fleurs de ses chants. Chaque plante que nous citons se fait ici espèce botanique et, tout autant, efflorescence d'un monde poétique. En suivant Ulysse, nous pouvons à la fois reconstituer une flore miniature du périple méditerranéen et divaguer dans l'expédition littéraire.
La légende d'Homère instituteur d'une culture nous ouvre la réflexive évocation des trois végétaux énigmatiques : le népenthès d'Hélène, la nourriture fleurie des Lotophages, le molu empêchant Ulysse de succomber à Circé. Les racines des noms de plantes voyageant avec elles autorisent une rêverie philologique qui ajoute son parcours aux errances du récit. La nostalgie pour Ithaque, enfin, se révèle une hantise par l'humble image du premier verger où grandit un Ulysse jardinier.
S'il n'est aucun retour parfait, graines et semailles de l'Odyssée nous rappellent du moins qu'entre la poésie et la vie, nous avons à planter, transplanter, cultiver et recueillir. -
Bienvenue dans le monde de la politique d'identité, qui, d'Amérique jusqu'ici, est en passe de devenir notre horizon commun. Selon la bonne nouvelle identitaire répandue chaque seconde par le brouhaha de la communication et le babil des «réseaux sociaux», nous agissons, vivons et pensons en tant que catégories, au besoin croisées (par exemple homme blanc juif, LGTBQIA) et volontiers blessées.
Comme le révèle son expérience américaine et préfiguratrice, qui diffuse à partir du foyer des universités, la politique d'identité conforte l'avènement d'un despotisme démocratisé, où le pouvoir autoritaire n'est plus entre les seules mains du tyran, du parti ou de l'État, mais à la portée d'êtres manufacturés et interconnectés que traversent des types de désirs totalitaires. Cet ordre mondialisé est une dictature moralisatrice qui distribue les prébendes en fonction du même, qui remplace le dialogue par le soliloque plaintif et la vocifération, qui interdit, qui censure l'inattendu - dont les arts - au nom du déjà-dit et des comme-nous.
Malgré son succès grandissant, une telle entreprise peut encore être défaite, à condition, du moins, d'en vouloir comprendre les manifestations contemporaines.
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Ce récit se présente comme "un arpentage du contemporain", selon les propres mots de l'auteur, à partir de l'expérience subjective et théorique qui est la sienne. Laurent Dubreuil y évoque notre époque et ses nouveaux rapports à la fiction, sur un mode d'écriture où se déploie un je mi-fictif, mi-théorique. La première partie, qui est la plus réflexive, s'inscrit dans la tradition d'écriture philosophique et sapientiale ouverte en particulier par les Latins (Sénèque, Cicéron).
Le seconde s'apparente au récit barthésien, voire à Rousseau, celui des Rêveries du promeneur solitaire
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«Nous avions été tour à tour les descendants d'un soulèvement, les rejetons bâtards des fleurs et du pouvoir, les enragés déçus de l'espérance, les anéantis dépressifs ou blasés sur le point de rentrer dans le rang. Sans aucun doute, nous étions souffrants. Une nuit, quelqu'un risqua ce diagnostic : peut-être s'agit-il d'un nouveau mal du siècle? Le mot de romantisme fut ainsi prononcé à demi! Nous n'avions jusqu'alors guère attaché d'importance à ce substantif racorni, miteux. Pourtant, le rêve clandestin et vif d'une régénération avait survécu dans l'art que nous chérissions en secret. Un tel songe ramenait avec lui les promesses de l'adolescence, le lyrisme de la nature, l'enthousiasme. Je ne pouvais plus croire à la manière d'autrefois ; mais j'avais bien l'intention de reprendre à coeur le projet du romantisme, quitte à en dévoyer l'histoire ou la doctrine. Il nous fallait donc rassembler les forces dissipées, retrouver le goût des préludes, réactiver la mémoire dans le sens de l'avenir, inventer après Chateaubriand ou Poe de nouvelles Amériques, et ne plus cesser de jouer avec le feu ou l'orage.»
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De l'attrait à la possession : Maupassant, Artaud, Blanchot
Laurent Dubreuil
- Hermann
- 27 Mars 2003
- 9782705664589
Une littérature de possession, d'envoûtement, de hantise. Ceux qui vivent ces histoires se sentent envahis, pillés, captés, affaiblis par quelqu'un, par quelque chose d'autre. Le présent ouvrage explore cette expérience de la possession quand elle croise la littérature, à travers l'oeuvre de trois écrivains : Guy de Maupassant, Antonin Artaud et Maurice Blanchot. L'événement total de la possession exige l'invention, la rigueur, la technique, l'érudition tout ensemble. D'authentiques révélations textuelles peuvent alors se produire. Maupassant, écrivain surnaturaliste, s'avère un implacable analyste de la perception et de l'être extraordinaires. Face à l'ensorcellement généralisé du monde, Artaud se condamne à et dans la littérature. Le désaccord entre les essais et les romans ou récits de Blanchot le rend partiellement à la phénoménologie. Avec l'altération absolue des individus, les accointances entre philosophie et littérature sont significatives leurs limites aussi. En plus de la philosophie, sont privilégiées ici la psychiatrie et la critique réfléchie. Oui, la possession est proprement un enjeu pour la critique littéraire : par les textes, elle désigne un mode de lecture, et l'empathie d'une parole enthousiaste. À chaque fois, les oeuvres sont traversées par d'autres, emportées par la lecture, hantées par la possession.
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En sept portraits poétiques et prophétiques, Laurent Dubreuil dépeint une Amérique moribonde, dont la magnificence n'est plus qu'une mascarade, orchestrée par le pantin Trump.
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Vrai faux manuel d'écriture littéraire, cet ouvrage parle de ce qui se publie aujourd'hui en français, et pas seulement. Son propos est organisé selon la fiction d'un « how-to ». Comment éviter les phrases de rien. Comment lire. Comment dialoguer. Comment payer ses dettes. Comment être publié - ou pas... Ces pages sont animées d'une même expérience d'écrivain, de lecteur, de chercheur. Beaucoup d'oeuvres admirables sont citées ; et aussi quelques textes plus lamentables. Eh ! il faut bien faire des différences. Pourtant, loin du jeu de massacre, ce guide d'écriture est une contribution singulière à l'oeuvre future de la littérature.
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Le refus de la politique ; votez moins, vivez mieux !
Laurent Dubreuil
- Hermann
- Philosophie Hermann
- 25 Janvier 2012
- 9782705682057
Non, tout n'est pas politique. Il faut sans doute vivre en compagnie des autres, avec des lois et des forces de coercition pour garantir la subsistance commune. Mais cela ne constitue que les conditions du niveau de vie dont la chose publique s'occupe (souvent si mal) : il nous reste alors à rendre nos existences vivables.
Pour préparer l'insurrection de vivre, ne comptons guère sur la « représentation nationale », les lois du marché, la technologie, les comportements « citoyens », ni non plus les derniers mouvements d'indignation ou de rébellion. Sans abandonner la malheureuse nécessité de la lutte (elle a certes son utilité), apprenons plutôt à donner à la politique le congé qu'elle mérite. Voici une provocation singulière, une invitation à repenser les prétendues « fins » de la politique, mais indépendamment d'elle. -
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Voici qui se proclame et se publie : la colonie ! Des tribuns et des chercheurs l'affirment, la France est malade de ses colonies. Cette rumeur contraste avec l'assourdissement qui succéda aux grandes luttes de décolonisation. Mais suffit-il de parler des colonies pour en défaire la douleur ? nullement. Car l'oppression avait bien son expression, consacrée, évidente, entêtante. Elle pourrait perdurer jusque dans les textes des belles âmes d'aujourd'hui. Foin de l'imaginaire, de la mémoire, de la culture. Nous devons d'urgence revenir sur les conditions de notre propre discours. Retracer les phénomènes de censure qui persistent.
Déjouer l'interdit qui lova l'exercice langagier des pouvoirs. Ne laissons pas la parole readymade nous tenir lieu de pensée. Et ne craignons plus de parler « petit-nègre ». Cet ouvrage est l'un des premiers à utiliser ensemble les acquis des postcolonial studies d'outre-Atlantique, de la tradition historiographique française et de la francophonie. En allant d'Haïti au Québec, de la Renaissance aux « émeutes des banlieues », de la critique littéraire à l'histoire sociale, l'enquête construit la signification d'une expérience forcément contradictoire. Par l'exemple (post)colonial, la visée, alors, est d'interroger les différentes manières qu'a le langage de transmettre ou démettre l'ordre social et politique. -
Baudelaire au gouffre de la modernité
Laurent Dubreuil
- Hermann
- Savoir Lettres
- 30 Septembre 2019
- 9791037001955
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L'élargissement francophone
Laurent Dubreuil
- Honore Champion
- Francophonies
- 28 Février 2024
- 9782745360489
À l'encontre des replis identitaires comme de la rhétorique des « spécialistes », cet ouvrage fait le pari d'un élargissement de l'histoire et de la lecture littéraires par leur devenir francophone. Outre la nécessaire expansion d'un corpus d'études, on vise ici une émancipation critique faisant surgir de nouvelles significations pour des notions en partage, telles que l'universel, la race, la tyrannie, le nativisme, la banlieue ou l'identité. Prendre ensemble Charles Baudelaire et Coriolan Ardouin, Lautréamont et Paul Lochard, Bernard de Ventadour et Abdelkebir Khatibi, Jean-Paul Sartre et Faïza Guène, Aristote et Gayatri Spivak ou encore Sophocle et Félix Morisseau-Leroy, ce n'est donc pas lire les uns puis - ni contre - les autres. Il s'agit plutôt de recréer un espace théorique et pratique où de pareils auteurs s'interprètent réciproquement et, par un dialogue irrésolu, oeuvrent ensemble.
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Une correspondance dans laquelle les auteurs se confrontent autour de questions liées à la violence et au retour des identités. Tout en prolongeant leur propos par des incursions dans les champs de l'art, de la littérature, du cinéma et de l'histoire, N. Ajari et L. Dubreuil commentent des événements dramatiques survenus au cours de cet échange, notamment aux Etats-Unis.