Le vase de Soissons, la pieuse Clotilde, la victoire de Tolbiac, le « courbe-toi fier Sicambre » et la colombe de Reims... Au fondement de la mémoire nationale, ces images ont installé Clovis comme premier roi très chrétien et père de la France.
L'information que nous livre, presque seul, l'évêque Grégoire de Tours sur Clovis est pourtant bien incertaine. La date même de son baptême n'est pas assurée. C'est pourquoi, après s'être attaché à reconstituer ce qui, dans le parcours même du roi, est le plus vraisemblable, il fallait montrer comment s'est construite et a été utilisée cette figure de légende.
Laurent Theis suit ainsi l'évolution d'un mythe qui s'enrichit au fil des lieux et des âges, et qui a fait de Clovis l'un des « lieux de mémoire » les plus populaires de France.
« En l'an mil, les mots demeuraient les mêmes que deux cents ans auparavant : Dieu, la justice, la guerre et la paix, la loi ; le roi, l'évêque, l'abbé, le comte ; le palais, la cité, la muraille, le domaine ; l'Église et les églises ; les grands, les humbles, le peuple chrétien ; et le royaume des Francs.
Mais la réalité, imperceptiblement, a commencé d'en décoller. Au sein même d'un monde qui continue, un autre a déjà commencé de vivre, ici déjà visible, là encore embryonnaire. Au sein de la chrétienté occidentale, un royaume morcelé, tronçonné, a pris corps. »
Au cours de mille ans qui séparent le règne de Clovis de celui de Louis XI, la France s'est constituée en Etat et s'est épanouie en nation. Cette lente maturation occupe ce qu'on appelle le Moyen Age. Rois et princes, seigneurs et clercs, bourgeois et vilains sont entraînés dans une communauté de destin qui s'éprouve à travers batailles et traités, essor économique, famines et épidémies, monastères, cathédrales et châteaux, traités savants, hérésies et chansons de geste. De la Gaule franque au plus puissant des royaumes occidentaux, un fil court, d'une remarquable continuité : Louis XI, en dépit des accidents dynastiques, ne nommait-il pas Clovis son " ancêtre et prédécesseur " ? De ce fil est tissé notre passé. "Laurent Theis, historien et éditeur, a publié plusieurs ouvrages relatifs aux personnes et aux images royales, du Moyen Age français :" Dagobert "(1982)," L'Avènement d'Hugues Capet "(1984)," l'Héritage des Charles, de la mort de Charlemagne aux environs de l'an mil "(1990)," Clovis "(1996)," Robert le Pieux ("1999). Il est également l'auteur d'une biographie de François Guizot (2008)."
Fils du roi Hugues Capet, Robert régna seul de 996 à 1031. Prince guerrier, combattant ferme pour conserver la Bourgogne, il fut aussi un esprit profondément religieux, poussant la dévotion au-delà de ce qu'exigeait sa fonction royale, façon peut-être de compenser par l'idéologie sa relative faiblesse politique et matérielle. Il fut un homme amoureux, bravant même le pape par passion pour sa seconde femme, Berthe de Blois, avant de devoir l'écarter au profit de la terrible Constance d'Arles.
Il fut enfin musicien et bâtisseur, et alluma en 1022 le premier bûcher d'hérétiques, afin de mieux servir la paix et la justice de Dieu. Comme ses contemporains, il passa l'an mil sans vraiment s'en apercevoir. Lorsqu'il mourut quatre ans après avoir fait sacrer et couronner son successeur Henri Ier, la dynastie capétienne était désormais solidement installée à la tête du royaume des Francs, qui entrait avec vigueur dans une période d'expansion et de renouveau.
Entre Louis le Pieux et Saint Louis, Robert le Pieux, malgré l'obscurité qui l'entoure, ne fait pas mauvaise figure.
Prix de la biographie historique de l'Académie française.
François Guizot (1787-1874) est le plus souvent oublié, quand il n'est pas attaqué. Les raisons : une citation tronquée - « Enrichissez-vous » ; ses années au service d'un régime trop longtemps décrié - la monarchie de Juillet ; un pacifisme conjugué avec une anglophilie assumée dans une « Grande Nation » jacobine élevée dans le culte de la gloire par Napoléon ; enfin, un protestantisme ouvert mais engagé dans un pays « catholique d'abord ». Et pourtant, Guizot fut à la fois un des plus grands historiens de son temps, un immense essayiste et mémorialiste, un grand ministre de l'Instruction publique, le promoteur de la première loi régulant le travail des enfants et le vrai fondateur de « l'Entente cordiale » ; bref un homme d'État doublé d'un intellectuel d'envergure qui tenta de concilier l'ordre et la liberté dans le cadre d'une monarchie moderne reposant sur l'équilibre des pouvoirs et la méritocratie.
Laurent Theis restitue cette vie, ou plutôt ces vies, dans une biographie exemplaire où, fidèle à son modèle, l'écriture s'élève à la hauteur de la pensée.
Dagobert Ier, roi des Francs de 623 à 639, fut enterré à l'abbaye de Saint-Denis dont il était le bienfaiteur. Onze siècles plus tard, une chanson fut composée, qui installa pour toujours le bon roi dans la mémoire collective des Français. Durant ce long millénaire, l'image de ce prince mérovingien, dont la vraie vie est presque impossible à connaître, ne cessa d'être détournée au profit d'exigences ou d'intérêts divers : l'Église, la monarchie française en formation, la tradition populaire s'emparèrent du nom de Dagobert et lui composèrent des existences posthumes souvent surprenantes. Cette biographie, rigoureuse et insolite, est aussi un pan de l'histoire de la nation française, où le souvenir de Dagobert est profondément inscrit, familier aux grands aussi bien qu'aux plus humbles.
Le vase de Soissons, la pieuse Clotilde, la victoire de Tolbiac, le « courbe-toi fier Sicambre » et la colombe de Reims.
Au fondement de la mémoire nationale, ces images ont installé Clovis comme premier roi très chrétien et père de la France.
L'information que nous livre, presque seul, l'évêque Grégoire de Tours sur Clovis est pourtant bien incertaine. La date même de son baptême n'est pas assurée. C'est pourquoi, après s'être attaché à reconstituer ce qui, dans le parcoursmême du roi, est le plus vraisemblable, il fallait montrer comment s'est construite et a été utilisée cette figure de légende.
Nouvelle histoire de la france médiévale.