Julie Malchair, nouvelle dactylo pour une revue scientifique, est une femme d'une beaute´ charmante et perturbante, apparemment sans passe´. Elle fait irruption dans la vie de Hasch, correcteur, et dans celle de ses colle`gues.
Par sa paresse et sa perversite´ nai¨ve, elle les entrai^ne a` se libe´rer des contraintes que la routine et les re`gles de la vie sociale leur imposent. S'ensuit alors une de´rision totale du travail, notamment par l'introduction du vin et de drogues qui conduisent a` un festin orgiaque dans le bureau.
Sa ta^che accomplie, Julie disparai^t.
Machine de guerre contre l'ordre et les valeurs du monde, À dos de Dieu est une épopée qui nie le caractère sacré du divin et un pied de nez à tous ceux qui refusent de voir les choses d'en bas, le prosaïque.
L'ironie, le cynisme, le pessimisme foisonnent dans ce texte. Marcel Moreau y est l'héritier de Nietzsche et Cioran. Sa conception de la société, de la religion et des rapports humains est joyeusement désespérante, pittoresque, burlesque, apocalyptique, affolante, quasi carnavalesque.
Moreau y réhabilite le corps par l'écriture. Beffroi est tout à la fois la bête, l'effroi, l'alarme, le mouvement, le rythme. Laure, le personnage féminin d'une grande sensualité, est à l'évidence un clin d'oeil à Bataille.
Baudelaire parlait de la poésie comme d'une «sorcellerie évocatoire». On y est.
Un cratère à cordes est un texte « incandescent, aux intonations visionnaires qui nous plonge dans l'espace orgasmique et organique des sombres ardeurs du corps et de l'écriture ». Dans ce dernier écrit, Marcel Moreau empoigne avec ferveur et renouvellement les thèmes majeurs de son oeuvre : le livre, le corps, la femme, les mots, l'amour, le verbe, la création, l'ivresse, le rythme, les sens, la musique, le langage, avec ce ton jubilatoire, explosif, pulsionnel, abyssal, instinctif, dévergondé, épiphanique, effervescent, intestinal, flexueux, dionysiaque... qui définit son univers si créatif, tempétueux, riche en néologismes géniaux et en cris d'insoumission.
Vous avec disais-je, oui, vous avec mon adoration, elle est à vous.
Soyez-en longée, bordée, enveloppée, dénudée, rhabillée, creusée, transpercée, elle est à vous. chez moi, adoration est un mot de la force d'un sacre, qui aurait le torse d'un cantique. je ne le prononce qu'à genoux. il plie sous sa déraison, se redresse d'un argument, ou de mille, tous indicibles. mon adoration n'est pas un mot, c'en est le débordement en vous, dans votre corps consentant, convocant.
Mon amour a besoin de vous adorer. en vous adorant, il veille à votre éternité, à défaut de croire en la sienne. je ferai tout pour que vous viviez encore mon adoration de vous, lorsque je ne serai plus là pour vous la dire.
«Donc, jadis, je suis allé vers les mots pour leur odeur, leur chair et pour le bruit très érotique qu'émettaient leurs enjambées sur les pages de tel livre, sur les lèvres de telle bouche. Donc, j'ai commencé à écrire d'instinct ce que ma conscience espérait pour son agrandissement et mon esprit pour sa libération. Donc, ce donc est l'autre nom que je donne au rythme qui m'a mis dans l'impérieuse nécessité de faire oeuvre littéraire des mouvements les plus intimes de ma vie organique. Donc, c'est ainsi que mon corps a écrit ce qu'il a écrit à la température des sensations et des désirs que lui inspirait sa relation amoureuse ou polémique avec les fondements de l'être, selon que cet être puisait l'essentiel de sa respiration dans un souffle d'avant le cadastre ou selon qu'il l'abandonnait à la mécanique des inhalations de concepts. Donc, ce livre fait monter le son d'une existence passée à rendre sa musique familière à l'obscur tonnerre du dernier des crescendos, celui-là même qui a sans doute manqué au Boléro de Ravel pour être assourdissant tout en demeurant indiciblement mélodieux. Donc.»
Marcel Moreau.
" le seul extrême qui me tienne en haleine est celui qui, de dénivellations provoquées en déséquilibres assumés, bascule l'homme dans un gouffre où se joue le devenir de son être, en tant qu'incommensurable et indomptable.
"
Il est probable que quand je fais l'amour à la femme que j'aime, je le fais avec le brouillon de mon livre de chair et de sang, non écrit celui-là, pas encore. Mon brouillon a du désir pour le brouillon humide du livre de la vie de cette femme. La peau sur le revers de laquelle s'écrit ce livre en boit les sérosités plus sûrement que le papier d'un manuscrit n'en boit l'encre.
Sous forme d'une «Lettre à un jeune corps n'aimant pas lire et en grand danger de mort dans l'âme», Marcel Moreau retrace son histoire d'écrivain et de lecteur entièrement voué au rythme de la langue. La chair et le livre ne font plus qu'un dans une fusion érotique et littéraire dont l'auteur de Quintes a le secret.
je voyageais comme j'écris, en dévorateur du visible et de l'invisible.
un voyage, une écriture, chez moi, c'est la conquête d'une vérité qui n'est pas toujours ni belle, ni chatoyante, ni rassurante. c'est aussi m'en aller à ses relents, ses sueurs, ses déjections, non pour m'y vautrer, mais pour mettre ma propre humilité à l'épreuve du courage qu'elle exige, pour la regarder en face et en accepter les conséquences. marcel moreau
Quelques-uns s'intéressent à mon bide. Moi c'est l'orgue qui m'impressionne. Un magicien du verbe a tranché. Je m'appellerais Orgambide. Un nom qui me va à ravir pour des raisons tant musicales que volumétriques. Un livre né des noces du dégoût et de l'ivresse. Je ne suis pas dans mon assiette. J'ai quelques berges de plus qu'il n'en faut pour encore nourrir des illusions exorbitantes sur la disparition des cancers. Je vais vous faire un aveu : la ville me fait peur, elle et son langage médical. Car telle est, oui, l'étrangeté de cette ville que l'on y parle qu'avec les mots de la maladie, de la guérison et de la mort. [...] M. M.
Épuisé depuis 10 ans, Amours à en mourir, publié en 1988, est un petit texte rare, véritable condensé de l'univers subtil et violent de Marcel Moreau déchiré entre l'Écriture et l'Amour, deux passions abyssales et dévorantes où s'affrontent douceur et férocité, volupté et barbarie, incandescence et piétés d'émerveillement, paroxysmes et romantisme, dévergondement et religiosité, un affrontement souvent féroce mais toujours fécond où l'irrationnelle démesure de l'auteur met à nu avec une incroyable lucidité nos contradictions les plus cachées, un livre plein de déchirements et de ferveur, de folie et d'humanité.
Ce livre parle de voyages, certains réels, d'autres imaginaires, et d'autres encore, prisonniers de l'ambiguïté entre les deux.
Bien que la narration saute, se perde et digresse, ma figure centrale, ce sont ces signaux transmis à travers l'éther. Ceci s'applique autant aux musiciens javanais et à Debussy, durant l'ère coloniale du XIXe siècle, qu'à la musique de l'ère numérique au tournant du millénaire. Ces cent années d'expansion de la musique, médium généralement fluide, non verbal et non linéaire, nous ont préparés à l'océan électronique du siècle à venir.
Tandis que le monde s'est transformé en océan d'information, la musique s'est faite immersive. Les auditeurs flottent dans cet océan ; les musiciens sont devenus des voyageurs virtuels, les créateurs du théâtre sonique, les émetteurs de tous les signaux reçus de l'autre côté de l'éther. David Toop.
«Morale des épicentres : on dirait le récit d'une vie, sauf qu'ici, c'est la vie des mots se racontant à ma vie, mais c'est la même chose. Simplement; les mots en disent un peu plus sur ce que fut cette vie, sa véritable histoire, une relation tectonique entre la puissance du langage et les revendications du corps. D'où cette écriture de tremblements (de l'être). Sans elle, je n'eusse pu maintenir en haleine, depuis toujours, ma passion de la liberté. Il n'y a pas de secret : c'est le corps verbal dans le corps charnel qui crée ce mouvement inlassable des ondes de choc, devenu un mode de connaissance et sa nécessité. Trop de pensées prétendant, par la raison, nous délivrer de nos chaînes, se posent sur un socle, s'y fixent, alors que c'est à danser longuement qu'elles devraient s'exercer. Slogans et idoles, que de misères grégaires, au quotidien...
Dans Morale, j'évoque la visite (1995), de Mme G. el D., maître de conférences à l'université d'Alexandrie. Elle porte le voile, me parle avec feu de mes livres, me stupéfie (je songe à la condition de la femme musulmane). N'y tenant plus, je lui demande : "Mais, madame, vous avez dû être secouée ?" Elle répond doucement : "Mais, monsieur, nous avons besoin d'être secoués." L'Émotion...» Marcel Moreau.
« Ce livre fut écrit au jour le jour. Il a duré le temps de l'amour qu'il dit, qui est le temps où cet amour valait d'être dit. Il a commencé comme lui, dans l'émerveillement, il a fini comme lui, dans le désabusement. Entre les deux, une vieille histoire : celle du bonheur sans cesse invoqué, sans cesse atermoyé, et en filigrane sa décomposition, mot à mot, puis de geste en geste. Ç'aurait pu être un journal de bord, au bord d'une Absence annoncée. Mais en amour - passion oblige - me quittent mon regard "clinique", mes envies de lucidité. En somme, j'ai de la tendresse pour mes égarements, et j'en ai pour les "égarantes". Après tout, c'est déjà bien assez que dans mes écritures qui parlent de la société en général au lieu de parler de la Femme en particulier, je ne puisse m'empêcher d'être impitoyable plus souvent qu'indulgent.
Nous, amants au bonheur ne croyant... n'est donc pas un livre qui désespère de l'amour. C'en est un qui, pour désespérer de l'amour heureux, n'en sait peut-être pas moins, même confusément, pourquoi sa vraie grandeur, à l'amour, secrète, inexplicable, c'est de ne l'être pas, heureux, mais surtout de ne point vouloir à tout prix l'être. »
Marcel Moreau.