1er août 1914 : la France décrète la mobilisation générale. Le 2 août, Genevoix, brillant normalien qui n'a pas 24 ans, rejoint le 106e régiment d'infanterie comme sous-lieutenant... Neuf mois plus tard, il est grièvement blessé et est réformé. Fin de la guerre pour le jeune Genevoix.
Entre ce mois d'août 1914 et les trois balles qui l'atteignent, le 25 avril 1915 dans la Tranchée de Calonne, le jeune homme aura participé à la bataille de la Marne, marché sur Verdun et, surtout, pendant quatre longs mois, défendu les Éparges. Sur cette colline meurtrière, les combats se font au corps-à-corps, à la grenade, et sous le feu des obus. Entre l'été et le printemps revenu, il vit le quotidien du fantassin, la boue, le sang, la mort, alors que le commandement croit encore à une guerre courte.
1916 : Genevoix publie Sous Verdun, écrit en quelques semaines et largement censuré. Suivront Nuits de guerre (1917), Au Seuil des Guitounes (1918), La Boue (1921) et Les Éparges (1923), réunis sous le titre de Ceux de 14 en 1949. Il s'agit de l'édition définitive retravaillée par l'auteur.
Cette nouvelle édition, préfacée par Michel Bernard et suivie d'un dossier réalisé par Florent Deludet, comprend des photographies du texte censuré, des carnets de Genevoix, de sa correspondance et de ses « camarades du 106 », véritables héros de ce récit. Ceux de 14 n'est pas seulement le plus grand classique sur 14-18, c'est l'ouvrage d'un immense écrivain.
Maurice Genevoix est depuis 2020 au Panthéon. Son oeuvre Ceux de 14, composée de récits vivants sur la vie des poilus, a assuré sa postérité. Mais il y a plus : sitôt la paix revenue, comme pour tourner la page, l'écrivain se lança dans la rédaction de romans enracinés dans la campagne française. Sa passion de lecteur de Maupassant l'y poussait. Ainsi Raboliot, surnom d'un chasseur qui passe ses journées à se jouer de l'autorité, défendant la liberté de braconner, ce qui l'entraîne dans une tragique dérive.
"Ce récit dramatique qui met aux prises le héros du livre et les défenseurs de la loi ne vaut pas moins par les magnifiques paysages qui l'encadrent que par les péripéties qui en forment l'armature", notait Le Figaro le jour du Goncourt décerné à Raboliot, le 16 décembre 1925.
C'est juste : peintre naturaliste et poète, Genevoix dépeint scrupuleusement la vie paysanne, il en connaît le vocabulaire précis et savoureux. Il sonde aussi les moeurs des hommes, dans une époque qui n'est plus mais qui n'a rien perdu de son charme.
Etienne de Montety directeur du Figaro littéraire ;
Voici, à l'occasion de l'entrée au Panthéon de Maurice Genevoix, Raboliot, paru aux éditions Grasset en 1925. Pierre Fouques, dit Raboliot, est un chasseur fameux dans toute la Sologne. Les habitants de la région admirent son habileté, son courage et son art dans le maniement du fusil. La chasse n'est pas la seule passion de cet homme rustique et solitaire : il braconne, partout et à n'importe quelle saison, se moquant des institutions et de leurs règles.
Alors que personne n'ose le défier, que gardes-chasse et métayers enragent de voir cet anarchiste de la nature se comporter avec une telle désinvolture, une conjuration s'organise. Le gendarme Bourrel promet de le capturer. Les autorités tendent un piège au braconnier, il y échappe grâce à son intelligence. Raboliot fuit, se cache dans les bois où il prépare sa vengeance. Bientôt, les parties de chasse nocturnes tournent à la haine, au duel à mort...
Le portrait d'un bandit magnifique. Un héros de la liberté et de la nature. Le dernier résistant d'une société prête à tout pour imposer un ordre coercitif.
Nouvelle édition préfacée par Julien Larere-Genevoix, petit-fils de l'écrivain.
Le célèbre roman de vénerie de Maurice Genevoix (1890-1980)?: le combat épique entre un piqueur expérimenté et un magnifique cerf. La Futaie rencontre trois fois le Rouge, lui sauvant la vie à chaque fois, en attendant que le cerf soit prêt pour la rencontre décisive, de meute à mort, combat ultime de l'homme face à la nature.
Superbement illustré de 42 dessins en couleurs d'Estelle Rebottaro, réalisés spécialement pour cette édition.
Le seigneur d'Abdon possède un territoire au bord duquel une forêt sans âge abrite des bêtes qu'il souhaite épargner. Mais son fils, hanté par un rêve de conquête, décide de poursuivre le grand cerf. Un roman de chasse qui donne son sens à la quête de l'animal sacré.
« Une évidence s'impose : Un jour est un livre parfait. A la fois magistral et délicat, voué à la pénombre peuplée des forêts et des mémoires. Si Maupassant ne s'était pas déjà approprié le titre, Maurice Genevoix eût pu dire : Une vie. Ou : Un homme. Ce sont des titres difficiles à mériter. » François Nourissier Un jour a pour thème la simplicité dans la fraternité : le vieux Fernand d'Aubel, qui est à l'évidence une partie de Genevoix lui-même, se confie à ce dernier le temps d'une journée pendant laquelle les deux hommes parcourent le domaine forestier de d'Aubel.
Un jour a la beauté de la simplicité.
Une oeuvre intemporelle, un hommage du quotidien à la vie.
Un éloge de la poésie.
Une ode à la nature.
Dans La Boîte à pêche (1926), la jubilation du pêcheur, sur les bords silencieux de la Loire entre ciel et roseaux, rejoint celle de l'écrivain, qui sait nous rendre sensibles sa joie et sa passion du champêtre. La Boîte à pêche, ou la célébration lyrique d'une certaine forme de bonheur.
Cet amoureux de la vie et de la nature raconte avec coeur la Grande Guerre, expérience fondatrice de sa jeunesse. Si elle le surprend durant les études et lui impose brutalement les tranchées boueuses, les assauts meurtriers, l'enfer des balles et ses tueries, elle lui apporte aussi une vocation : l'écriture. Académicien et écrivain prolifique, Maurice Genevoix nous livre à travers ces entretiens réalisés au fil des ans, un témoignage authentique et subtil de tout ce qu'il a vécu et observé.
Aux abords de Ceux de 14, témoignage de son séjour au front durant la Première Guerre mondiale, M. Genevoix n'a cessé d'entretenir le souvenir et d'exprimer sa fidélité à ses camarades dans des articles, préfaces, hommages et discours commémoratifs. Dans ces textes réunis ici, l'écrivain évoque ses épreuves, la solidarité des combattants, et honore le rôle de la mémoire et de la transmission.
Ecrivain de la Nature, Maurice Genevoix est aussi un écrivain-voyageur.
Ce nouveau volume qu'Omnibus lui consacre se propose de parcourir au travers de ses écrits, dont certains inédits, les paysages qu'il a aimé, et de rencontrer les hommes qui l'ont impressionné. Mais aussi on découvre un écrivain conscient de l'abîme dans lequel l'Homme va sombrer: pollution, massacre des animaux, disparition des espèces et des peuples. On le voit observer comment les Anglais, dès 1939, préparent, au Canada, la Seconde Guerre mondiale.
En Afrique, en 1946 et 1947, il décèle les prémisses de la décolonisation et sent quels terribles drames humains vont l'accompagner. Début 1939, peu après le décès de sa première épouse, Maurice Genevoix part pour plusieurs mois au Canada. Voyage qui lui inspire de nombreux écrits : romans, nouvelles, récit ainsi que des articles.
Un territoire de Nature qui restera une source d'inspiration profonde et conserve une place de choix dans son oeuvre.
Ce n'est qu'après-guerre qu'il repart sur les routes du monde : Scandinavie, en 1945, séjour durant lequel il rédige un carnet de voyage ; Etats-Unis, Mexique, Italie, Suisse. Il séjournera aussi longuement en Afrique, en 1946 et 1947 : Tunisie, Algérie, Mauritanie, Guinée, Soudan et Nigéria. Il consacre un essai à ce périple africain, Afrique Blanche-Afrique Noire, en 1949 et publie son magnifique roman Fatou Cissé,qui se situe au Sénégal, en 1954.
On découvre à travers ce voyage entre Nivernais et Anjou des paysages, des personnages, des châteaux et des masures, des bêtes à plumes, à poils ou à écailles, des fantômes du passé et des promesses d'avenir... Autant d'enchantements exprimés dans une langue riche, libre, profonde comme les eaux du fleuve et qui nous réconcilient avec la véritable harmonie du monde.
En juillet 1905, à Chasseneuil, dans le Val de Loire, Julien Derouet, dix-sept ans, se voit offrir des vacances merveilleusement inattendues : un séjour d'un grand mois en Allemagne. C'est la prestigieuse Mme Roy qui l'invite à les y accompagner, elle et ses filles, Brigitte, l'aînée, Blonde, la cadette, dont Julien est amoureux depuis l'enfance. Le but du voyage est Offenbach-sur-le-Main, près de Francfort, où le fils de Mme Roy, Pacome, fait son apprentissage chez un maître tanneur.
Qu'advient-il de cet adolescent des « coteaux modérés » lorsqu'il découvre les deux Allemagne, excessives et constatées, chez les êtres comme dans les paysages : celle de la sentimentalité et celle de la violence, l'Allemagne romantique et l'Allemagne guerrière ?
Ne s'unissent-elles pas dans la personnification symbolique de la Lorelei, l'ondine du Rhin chantée par Brentano et Heine ? C'est sous les traits de différents visages de femmes qu'elle tentera et troublera Julien. Mais c'est par un visage viril, classiquement marqué au sabre, qu'elle l'envoûtera et le subjuguera. L'amitié des deux garçons connaîtra des affrontements d'autant plus durs qu'elle est au fond plus passionnelle ; à l'instar, peut-on dire, de la mutuelle fascination des deux peuples. Le jeune Français n'en sortira pas indemne.
Maurice Genevoix, inséparable du drame humain où sa pénétration nous entraîne, évoque les sortilèges de la forêt allemande aussi magistralement que les attraits des bois solognots, les tempêtes du Rhin aussi intensément que les charmes de la Loire.
C'est à la Saint-Louis, à l'ombre des vieux marronniers et dans l'odeur de pâtisserie chaude et d'absinthe de la fête foraine, que Daniel Bailleul et son ami Jeanneret virent Agnès pour la première fois.
Brune, de beaux yeux, une robe légère, elle tenait le stand de tir... Deux garçons, une fille - une fille de forains qui promène son coeur sur les routes - et c'est le début d'une aventure légère et grave, comme peut l'être la découverte de l'amour quand on n'a pas vingt ans et que l'on ne songe qu'au bonheur de vivre. Belle histoire de la jeunesse, ce récit d'une amitié d'adolescents que vient soudain troubler le passage d'une fille désirable : apprentissage de la jalousie, premiers tourments des coeurs et des sens, exaltation de l'être où se confondent la souffrance et la joie.
Un roman sensible, tendre, merveilleusement jeune, un livre dont le charme ne saurait s'oublier. Charme secret, mystérieux, prenant, auquel les bords de la Loire, ce fleuve qui hante toute l'oeuvre de Maurice Genevoix, apportent leur lumière et leur transparence heureuse. Car ici, comme toujours chez ce grand romancier, la nature est présente et vivante, inséparable de nos destins.
Veuf et privé de son fils préféré par la guerre de 14, Cyrille Bonisseau confie l'usufruit de sa terre à sa bru et au second mari de celle-ci, à charge pour eux d'élever son petit-fils Clotaire. Le vieillard s'installe dans la maison du Mesnil, chez ses héritiers qui lui comptent avec parcimonie le gîte et le couvert. Très vite, une haine sourde s'appesantit sur la ferme. La terre encore possédée ou trop convoitée, l'enfant silencieux, sont les vrais enjeux de cette rivalité terrible entre un vieillard désormais à merci et Cabos, le «beau-fils» calculateur.
Dans ce roman, Maurice Genevoix décrit, comme peu ont su le faire, la France paysanne d'avant-guerre. Apre et muette, traversée de passions souterraines, obsédée par le «manque»... Il savait bien, l'auteur de Raboliot, que, tous, nous venons de ces campagnes sévères et qu'il n'y a pas si longtemps. La Maison du Mesnil c'est aussi notre mémoire...
« Ce dont je rêve, c'est d'un récit extrêmement simple, encore plus simple, qui se déroulera comme la vie même, avec ses piétinements, ses retours, ses agitations, ses sommeils, ses fugitives magnificences. Je voudrais me livrer si franchement à la vie, ne me mettre à écrire qu'après un abandon si total, un acte de foi si fervent, que chaque phrase, chaque mot même, si humble, si pauvre soit-il, garde le chaud reflet et la palpitation de cette ferveur. » Cette magnifique pensée d'écrivain, prêtée à son héros, c'est Maurice Genevoix qui l'a réalisée exactement dans Les Mains vides.
Parue pour la première fois en 1928, cette histoire d'un artiste tourmenté jusqu'à la folie, proche de ceux qu'a peints Maupassant, échappe au temps par le charme d'une écriture limpide et charnelle et d'une maestria romanesque qui enchanteront les admirateurs de Maurice Genevoix.
« Je ne suis pas délimité entre mon chapeau et mes souliers.
Je suis dans l'univers entier et je suis dans tous les temps ». Ces phrases de Whitman, Maurice Genevoix les a faites siennes. Naître en 1890 dans une île de la Loire disposait en effet le grand écrivain à recevoir quelques-uns des « merveilleux secrets » dont il disait qu'ils « l'unissaient à l'universelle création ». De plus, connaître, comme lui, «la mort de près » en 1914 et en 1915, et recevoir en combattant les plus graves blessures du corps et de l'âme, ne pouvait qu'inciter le survivant à « survivre » plus encore, en accueillant comme autant de révélations chaque instant de cette vie qui ne lui fut pas arrachée.
Les oeuvres de Genevoix rassemblées ici en un seul volume sont toutes sorties de cette stupeur et marquées de ces révélations. Les grands romans mythiques de La Forêt perdue et de La Dernière Harde sont aussi d'admirables méditations sur la réconciliation de l'homme avec lui-même. Hommes, bêtes, enfants, ce sont des êtres libres, rebelles parfois jusqu'à la sauvagerie, qui vont jusqu'au bout de leur destin.
Le braconnier de Raboliot, le tonnelier de Rémi des Rauches, l'adolescent de La Boîte à pêche, les « pingres » de Beau-François, le chat Rroû, Fan, le jeune garçon du Jardin dans l'île, ou le héros de Derrière les collines, tous, ils sont comme inspirés par ce « j'existe ! » qui pourrait être le mot suprême de Genevoix... La Nature, la Loire, la Forêt familière ou mythique, sont les grands personnages d'une oeuvre qui témoigne d'une perpétuelle « ivresse des retrouvailles ».
Genevoix n'est pas seulement un de nos plus grands paysagistes, un maître de la prose française, un conteur inégalé : il est aussi un témoin de l'homme réel qui, aux questions posées par le monde moderne, a répondu par son oeuvre.
Daniel OSTER