Très grièvement blessé lors de la guerre de 1914-1918, Maurice Genevoix rassemble ses souvenirs de soldat. Il n'avait que 24 ans lorsqu'il prit le commandement d'une compagnie en août 1914. Tandis que se tissaient des relations faites d'entraide et de peur, il fit face à l'horreur des combats, des cadavres mutilés, de l'inimaginable.
Une chronique sombre et forte de la France paysanne d'avant-guerre, avec ses rythmes quotidiens, ses peurs étranges.
Les thèmes qui traversent toute l'oeuvre de Maurice Genevoix - la vieillesse, la possession, le travail, la nature - sont traités ici avec une sorte de violence nue.
En Rouergue, au fort des guerres de religion, quelque dix-huit mois avant l'édit de paix d'Amboise (1563), un gentilhomme surnommé Sanglar a recruté une bande de soldats de fortune pour qui la guerre contre les huguenots est d'abord l'occasion de piller des « villes gagnées ». Au retour d'une expédition, ils arrivent un soir, en amis, dans un mas où l'on fête les noces de la belle Jourdaine, fille de la maison. La goujaterie de l'un des soudards va déclencher une bagarre à laquelle Sanglar aura tôt fait de mettre fin, très rudement. Jourdaine en reste à la fois pleine de colère et bouleversée par un trouble profond : ses yeux ont rencontré ceux du capitaine. Sanglar la possédera le soir même.
Au lendemain d'une nuit qui l'a, en dépit et au mépris d'elle-même, brûlée d'une joie charnellement ardente, le comportement et la cruauté de cet homme lui inspirent contre lui une haine qui ne désarmera jamais. À moins que son attitude, à mesure que les jours passent, ne donne à croire à ses familiers qu'elle reste, malgré tout, « marquée » par l'étreinte de Sanglar. D'autant que celui-ci, passé dans le camp huguenot, s'est emparé de la Motte rouge, une forteresse depuis laquelle il multiplie des coups de main et des atrocités dont Jourdaine est l'enjeu proclamé. Après la paix d'Amboise, ces amants ennemis se retrouveront, face à face, à armes égales...
Ce roman de Maurice Genevoix donne libre cours à une imagination créatrice pleine de mouvement, de couleur et de vie. Écrit pendant les années quarante, il semble que ce texte puissant et passionné, lui ait été comme une évasion libératrice, écho d'une autre guerre, plus semblable qu'il n'y paraît à celle qu'il nous a fallu vivre, en un temps lui aussi « calamiteux et misérable ».