Comment faire entendre sa voix en ce XVIIIe siècle qui grouille de paroles alors que grandit le silence divin ? Quel langage trouver pour avoir le sentiment d'être soi ? Comment exister à ce moment où la politique devient un théâtre de l'idéal mais aussi de la cruauté ?
Comment, en somme, faire en sorte que « si la femme a le droit de montrer sur l'échafaud », elle puisse aussi avoir le droit de « monter à la tribune » ? Voici quelques-unes des questions auxquelles tentent de répondre cette biographie de Marie Gouze, dite Olympe de Gouges (1748-1793), auteur d'une oeuvre essentielle comprenant pièces de théâtre et écrits politiques dont la célèbre Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne.
« La vie peut être libre et belle, mais nous nous sommes égarés. La cupidité a empoisonné l'âme humaine, elle a dressé dans le monde des barrières de haine, elle nous a fait marcher au pas de l'oie vers la misère et le massacre. » Pour beaucoup, Charles Spencer Chaplin (1889-1977) se confond avec le personnage de Charlot, surnommé aux États-Unis « The Tramp », le vagabond du Kid ou des Lumières de la ville. Pourtant, le petit homme à la canne et au chapeau melon est loin d'occuper toute la filmographie de Chaplin qui est aussi un grand réalisateur. Il n'est que de citer L'Opinion publique, Monsieur Verdoux ou La Comtesse de Hong-Kon,g. Charlot efface Chaplin du fait même de son succès précoce auprès du public, au cours des premières années du cinématographe. Mais le talent n'explique pas tout, il faut qu'un personnage rencontre son époque, en dise les vérités et les mensonges. Charlot-Chaplin fut cet homme, dont Cocteau affirmait qu'il était l'« arpenteur du Château de Kafka ».
Selon le propre aveu d'Auguste Lumière (1862-1954), c'est Louis (1864-1948), son frère qui, au cours d'une nuit de mauvais sommeil et avec une surprenante facilité, est l'inventeur du cinématographe.
Mais tous deux nous font entrer de plain-pied dans la magie d'un monde industriel qui réinvente les choses. Fidèles à un pacte de jeunesse, emportés par « l'amusement continuel » d'une boulimie créatrice, ils cosigneront toujours leurs brevets d'invention, quel qu'en soit le véritable auteur. Auguste se tournera vers la médecine, Louis mettra au point, parmi bien d'autres, des inventions aussi déterminantes que la photographie instantanée ou en couleurs.
Cependant, le nom des deux frères reste pour toujours attaché à l'invention du cinématographe, qui, par un tour de passe-passe, fait surgir de l'écran des images animées donnant l'illusion de la vie.
«L'homme de l'Ouest [...] savait voir et entendre autour de lui ; il était à l'affût d'innombrables indices qui signifiaient pour lui la sécurité ou le danger, c'est-à-dire la vie ou la mort. Et ces longues chevauchées solitaires, qui, sans doute, auraient paru désespérément monotones à un homme de la ville, restent pour moi les moments les plus exaltants de ma vie».
William Frederick Cody, dit Buffalo Bill (1846-1917), est la figure emblématique d'un monde, le Far West, dont il a célébré la nostalgie. Illustrant l'ambiguïté d'une société qui détruit ce qu'elle exhibe, il arpente la frontière entre plaines de l'Ouest et monde industrialisé mais aussi réalité et imaginaire. Éclaireur, chasseur de bisons engagé par la compagnie de chemin de fer du Kansas Pacific, Buffalo Bill est également le directeur d'une troupe théâtrale populaire qui compose la légende de l'Ouest. Figure contradictoire, passeur de frontière, centaure moderne immortalisé par la peintre Rosa Bonheur, il métamorphose l'univers de la Prairie en spectacle de cirque. Aventurier contradictoire qui traduit nos déchirures et nos revirements, il est l'une des figures mythiques, célébrée puis contestée, de l'histoire américaine.
«Mon plus grand plaisir est de penser que je suis arrivé où j'en suis, sans bassesse, par mon travail uniquement et en sacrifiant toujours à la camaraderie beaucoup de petits intérêts personnels.» Dès son apparition, l'aviation possède ses saints et ses héros dont les aventures constituent une nouvelle légende dorée. Jean Mermoz (1901-1936), pilote pour l'Aéropostale, est le premier de tous. Tenté par l'art, auteur de poèmes, grand séducteur et fidèle en amitié, Mermoz revit à sa façon le mythe d'Icare qui, à trop vouloir se rapprocher du soleil, s'est noyé dans la mer. Sa vie a la fulgurance et la force d'un destin. La mort de Mermoz, aux commandes de son Latécoère, la Croix-du-Sud, s'est pour beaucoup de ses contemporains métamorphosée en ascension mystique. Car voler c'est devenir archange et annoncer l'avènement d'un être enfin délivré, par la machine, des pesanteurs de la vie. «Tu sais, je voudrais ne jamais descendre», confia-t-il un jour à Joseph Kessel.