En 1997, lorsque paraît en Turquie Les Djinns de l'argent, Murathan Mungan est déjà au faîte de sa carrière. Pour la première fois, il livre au public ces textes qu'il appellera plus tard des « nouvelles autobiographiques » et qu'il parsème de clés pour, d'une part, éclairer certains aspects de son oeuvre à la lumière de sa biographie, mais surtout pour mettre en évidence l'importance de sa ville d'origine et son influence sur son identité d'homme et d'écrivain.
Mardin, ville proche de la frontière syrienne où ont longtemps cohabité Arabes, Kurdes, Arméniens, Ézidis et Assyro- Chaldéens, est cette ville qui l'a fait, lui, cet écrivain qui règne depuis plusieurs décennies sur le paysage littéraire de Turquie. En mêlant l'intime et l'historique au fil des textes qui composent cet essai autobiographique, Mungan lui donne, comme il n'a eu de cesse de le faire dès ses premiers textes poétiques, dramatiques ou de fiction, ses lettres de noblesse.
Mahmud et Yezida est le premier volet de la « trilogie mésopotamienne » de Murathan Mungan, dont Kontr a publié le second volet, Taziye. Cérémonie funèbre, en 2018.
C'est avec ce livre que Mungan, qui depuis une trentaine d'années est considéré comme l'un des auteurs majeurs de son pays, a débuté sa formidable carrière, voici exactement quarante ans.
Mardin, ville du Sud-Est de la Turquie dont l'auteur est originaire, a longtemps abrité Musulmans arabes, kurdes ou turcs, Arméniens, Juifs et Syriaques mais aussi (Y)Ézidis. Mahmud et Yezida raconte ainsi l'histoire d'amour impossible d'un Musulman et d'une Ézidie. Impossible car les Ézidis ne peuvent se marier en dehors de leur communauté et parce que les rapports entre Musulmans et Ézidis ont toujours été nourris d'inimitié. Comme si cela ne suffi sait pas, l'amour de Mahmud et de Yezida est encore contrarié par une querelle de terres. Pour accéder à un terrain fertile située au-delà du village ézidi, les hommes de Havvas Agha vont profi ter d'une croyance ézidie pour enfermer le village entier dans un cercle afi n de pouvoir s'approprier les terres qu'ils convoitent. Mais lorsque Mahmud est abattu en essayant de la rejoindre, Yezida s'enferme elle-même dans un cercle pour se laisser mourir.
Cette pièce de théâtre qui a marqué l'histoire du théâtre turc contemporain et qui est aujourd'hui traduite pour la première fois en français est complétée d'un texte récent de Murathan Mungan où il retrace l'histoire ponctuée de massacres du peuple ézidi.
Autour de la dépouille de Bedirhan Agha, présent et passé s'enchevêtrent. De l'enlèvement de Fasla, fille de son rival, à la tenue de son taziye, les épisodes de la vie de ce seigneur kurde, dernière victime en date d'une vendetta millénaire, défilent au gré de leur évocation par les protagonistes jusqu'au procès, suivi de son exécution, de celle que le code de l'honneur désigne comme sa meurtrière, faisant de Taziye une tragédie classique en terres mésopotamiennes.
Les microfictions de Murathan Mungan n'ont rien à envier au plus dense des romans. Chacun de ces très courts récits contient une, voire plusieurs vies, une ou plusieurs expériences qu'il nous est donné d'apercevoir à la faveur d'un craquement d'allumette et de partager le temps de sa consomption. Signaux de fumée ou instantanés pris sur le vif, elles nous interrogent sur ce qui fait une histoire, sur ce qui fait qu'elle nous interpelle et nous investit plus ou moins intensément et pour plus ou moins longtemps, sur le pouvoir du récit et, en nos temps où l'on communique en messages de plus en plus brefs et virtuels, sur l'art même de la fiction.
Né en 1955 à Istanbul mais originaire de Mardin où il a grandi, Murathan Mungan est diplômé du département de théâtre de la faculté des langues et d'histoire-géographie de l'université d'Ankara. Depuis le tout début des années 1980, il s'illustre avec autant de brio et de constance dans les genres les plus divers : poésie, théâtre, fiction, essai. Il est considéré comme l'une des valeurs sûres de la littérature turque contemporaine.
C´est avec ce recueil paru en 1992 que Murathan Mungan a acquis la renommée dont il jouit depuis en Turquie et qui n´a jamais été démentie. Passe l´été est, dans son oeuvre poétique foisonnante (22 recueils entre 1981 et aujourd´hui), son recueil le plus populaire. Composé de trois parties, il aborde successivement le thème de la séparation amoureuse, celui de l´univers maritime (non sans évoquer l´Ode maritime de Pessoa) et celui de la fin de l´été. Cette langue poétique élégante et exigeante, traversée d´images fortes et saisissantes, a imposé Mungan comme l´un auteur primordial de la poésie turque de ces quarante dernières années.