Qu'est-ce que la philosophie antique ?
À cette question, la tradition universitaire répond par une histoire des doctrines et des systèmes - réponse d'ailleurs très tôt induite par la volonté du christianisme de s'arroger la sagesse comme l'ascèse.
À cette question, Pierre Hadot apporte une réponse tout à fait nouvelle : depuis Socrate et Platon, peut-être même depuis les présocratiques, jusqu'au début du christianisme, la philosophie procède toujours d'un choix initial pour un mode de vie, d'une vision globale de l'univers, d'une décision volontaire de vivre le monde avec d'autres, en communauté ou en école. De cette conversion de l'individu découle le discours philosophique qui dira l'option d'existence comme la représentation du monde.
La philosophie antique n'est donc pas un système, elle est un exercice préparatoire à la sagesse, elle est un exercice spirituel.
Dans cette leçon inaugurale de la chaire d'histoire de la pensée hellénistique et romaine professée au Collège de France, Pierre Hadot expose la démarche qui préside à l'ensemble de ses travaux et développe l'une de ses idées directrices : la philosophie antique n'était pas un ensemble de connaissances à assimiler, mais une pratique de transformation de soi-même, une initiation.
Cette étude ne tente pas de reconstituer le Socrate historique mais présente la figure paradoxale et ironique du sage telle qu'elle a agi dans la tradition occidentale, à travers«Le banquet»de Platon et telle qu'elle fut perçue par ces deux grands socratiques que sont Kierkegaard et Nietzsche.
Il est des livres dont on sort changé. C'est le cas de tous les ouvrages de Pierre Hadot, qu'ils traitent de Marc Aurèle ou de Plotin, du stoïcisme ou de la mystique ; avec une érudition toujours limpide, ils montrent que, pour les Anciens, la philosophie n'est pas construction de système, mais choix de vie, expérience vécue visant à produire un « effet de formation », bref un exercice sur le chemin de la sagesse. Dans ces entretiens, nous découvrons un savant admirable, dont l'oeuvre a nourri de très nombreux penseurs, mais aussi un homme secret, pudique, sobre dans ses jugements, parfois ironique, jamais sentencieux. En suivant Pierre Hadot, nous comprenons comment lire et interpréter la sagesse antique, en quoi les philosophies des Anciens, et la pensée de Marc Aurèle en particulier, peuvent nous aider à mieux vivre. Et si « philosopher, c'est apprendre à mourir », il faut aussi apprendre à « vivre dans le moment présent, vivre comme si l'on voyait le monde pour la dernière fois, mais aussi pour la première fois ».
«Seul ce qui est personnel est éternellement irréfutable», disait Nietzsche. Cet ouvrage s'efforce de présenter non pas le système, mais l'expérience personnelle de Plotin, en donnant le plus possible la parole au maître spirituel et au directeur de conscience. Il y est évidemment question de l'union mystique, événement indicible, surgissant en des moments privilégiés, qui bouleverse toute la conscience du moi, en lui faisant éprouver un sentiment de présence inexprimable. Plotin la décrit en des pages lyriques et frémissantes qui comptent parmi les plus belles de la littérature mystique universelle. Mais il y est aussi question de la douceur sereine d'un philosophe qui, tout en vivant de la vie de l'esprit, peut être «tout à la fois présent à lui-même et aux autres», et assumer les soucis et les responsabilités de la vie quotidienne.
Grand lecteur de Goethe, dont il fait sienne la fameuse maxime « N'oublie pas de vivre », Pierre Hadot analyse ici comment le maître allemand se situe dans la longue tradition occidentale des « exercices spirituels » inspirés par la philosophe antique. Par cette pratique quotidienne, l'individu s'efforce de transformer sa manière de voir le monde afin de se transformer lui-même.
À l'instar des Anciens, Goethe croyait à la nécessité de vivre dans le présent, dans la « santé du moment », de saisir le bonheur dans l'instant au lieu de se perdre dans la nostalgie romantique du passé ou du futur. Le dépassement du « moi partiel et partial », la concentration sur l'instant présent, le « regard d'en haut », la « perspective universelle » sont autant de thèmes, chers à Pierre Hadot, que Goethe a abordés.
Un aphorisme hante la philosophie occidentale : celui d'héraclite, qui veut que " la nature aime à se voiler ".
La formule, déployée par pierre hadot dans l'histoire de l'occident, aura justifié, par suite de contresens créateurs, l'attitude prométhéenne - l'homme doit se rendre maître et possesseur de la nature - comme l'attitude orphique - nul ne peut soulever le voile des mystères de la nature, sinon le poète et l'artiste. près de vingt-cinq siècles durant, il n'aura jamais cessé de tracer des perspectives nouvelles sur la réalité et de révéler les attitudes les plus diverses à l'égard de la nature : tout ce qui naît tend à mourir ; la nature s'enveloppe dans des formes sensibles et dans des mythes ; elle cache en elle des vertus occultes ; l'etre est originellement dans un état de contraction et de non-déploiement et se dévoile en se voilant.
Ainsi l'aphorisme confirme le propos de nietzsche : " une bonne sentence est trop dure à la dent du temps et tous les millénaires n'arrivent pas à la consommer, bien qu'elle serve à tout moment de nourriture. "
Les études réunies ici témoignent de la découverte de la philosophie analytique par les philosophes français de l'après-guerre : dans les années 1950, Pierre Hadot fut en effet l'un des premiers à s'intéresser aux rapports entre logique et langage dans la pensée de Wittgenstein. Ces études pionnières sont suivies d'une lettre d'Elisabeth Anscombe à Pierre Hadot, et de la traduction d'un texte de Gottfried Gabriel sur la signification de la forme littéraire chez Wittgenstein.
Ce recueil de textes souhaite mettre en avant l'un des apports majeurs des recherches de Pierre Hadot, l'idée selon laquelle la philosophie antique est à la fois théorie, discours et mode de vie. Le philosophe français, philologue spécialiste de l'antiquité, est en effet celui qui a montré en quoi la philosophie antique était une articulation entre theôria et praxis. Soulignant expressément que la pratique de la philosophie n'est pas quelque chose q s'ajoute » à la théorie mais est un élément constituant de la philosophie chez les Anciens.
Ainsi, de très nombreux textes de Pierre Hadot sont destinés à mettre en évidence en quoi les écoles philosophiques hellénistiques et romaines sont à la fois d d'enseignements, des lieux de confrontations aux discours des maîtres et des endroits où l'on apprend le mode de vie qui se conforme à ces enseignements. Les philosophes, les maîtres sont à la fois ceux qui instruisent, transmettent et offrent des leçons et, dans le même temps, ce qui en font la démonstration dans leur pratique quotidienne.
Les ouvrages de Pierre Hadot ont souvent cherché à souligner cette articulation entre théorie et mise en oeuvre. C'est notamment le cas dans Qu'est-ce que la phi Cependant, peu d'entres eux abordent directement et uniquement ce thème. Ainsi si regard, Apprendre à philosopher dans l'Antiquité citadelle intérieure, Le voile d'Isis exemple s'intéressent à cet aspect, ils ont aussi pour vocation d'être une introduction au plotinicisme, au au stoïcisme tardif, à l'histoire de l'idée de nature, etc.
Ce regroupement de textes a pour ambition d'adresser pleinement la question de l'articulation l'oeuvre de Pierre Hadot à travers un certain nombre de textes parfois rares ou même inédits où cette problématique est particulièrement soulignée.
En écrivant ses Pensées, Marc Aurèle bâtit en lui-même une citadelle inaccessible aux troubles des passions. Mais cette citadelle, où règne la sérénité, n'est pas une tour d'ivoire dans laquelle il se réfugierait en un égoïsme transcendant; elle est bien plutôt à la fois le haut lieu, d'où l'on accède à un immense champ de vision, et la base d'opérations qui permet d'agir au loin. Autrement dit, les Pensées sont le livre d'un homme d'action, qui cherche la sérénité, parce qu'elle est la condition indispensable de l'efficacité, et pour qui l'action humaine n'a de valeur profonde et durable que si elle s'insère dans la perspective du Tout de l'Univers et de la communauté de tous les hommes. Mais une telle attitude n'est autre que le stoïcisme lui-même, précisément sous la forme sous laquelle Epictète l'avait révélé à Marc Aurèle. Lorsque l'empereur s'efforce dans son livre de pratiquer trois disciplines fondamentales: voir la réalité telle qu'elle est, en se libérant de tout préjugé passionnel, accepter avec amour les événements tels qu'ils résultent du cours général de la Nature, agir au service de la communauté humaine, il ne fait rien d'autre que de s'exercer dans les trois parties de la philosophie telles qu'Epictète les avait définies. Les Pensées s'organisent autour de ce schéma ternaire. C'est pourquoi la présente introduction aux Pensées de Marc Aurèle pourra être lue en un certain sens comme une introduction au stoïcisme antique. N'y aurait-il pas finalement un stoïcisme éternel qui, à travers le temps et l'espace, serait l'une des attitudes possibles de la conscience humaine?Pierre Hadot est depuis 1991 professeur honoraire au Collège de France. Ses recherches se sont concentrées tout d'abord sur les rapports entre hellénisme et christianisme, puis sur la mystique néoplatonicienne et la philosophie d'époque hellénistique. Elles se sont maintenant orientées vers une description générale du phénomène spirituel que représente la philosophie.
En écrivant ses Pensées, Marc Aurèle bâtit en lui-même une citadelle inaccessible aux troubles des passions. Mais cette citadelle, où règne la sérénité, n'est pas une tour d'ivoire dans laquelle il se réfugierait en un égoïsme transcendant ; elle est bien plutôt à la fois le haut lieu, d'où l'on accède à un immense champ de vision, et la base d'opérations qui permet d'agir au loin. Autrement dit, les Pensées sont le livre d'un homme d'action, qui cherche la sérénité, parce qu'elle est la condition indispensable de l'efficacité, et pour qui l'action humaine n'a de valeur profonde et durable que si elle s'insère dans la perspective du Tout de l'Univers et de la communauté de tous les hommes. Une telle attitude n'est autre que le stoïcisme lui-même, précisément tel qu'Epictète l'avait révélé à Marc Aurèle.
C'est pourquoi la présente introduction aux Pensées de Marc Aurèle pourra être lue en un certain sens comme une introduction au stoïcisme antique. N'y aurait-il pas finalement un stoïcisme éternel qui, à travers le temps et l'espace, serait l'une des attitudes possibles de la conscience humaine ?
Dans le plan tracé à l'origine par Pierre Hadot pour rassembler ses principaux articles et contributions, un troisième et dernier volume avait été réservé au domaine de la patristique et de l'histoire des concepts.
C'est ce volume que nous présentons aujourd'hui, hélas après la disparition de l'auteur. On trouvera donc seize articles ou contributions qui relèvent presque tous des débuts de la carrière de l'auteur, au temps où il étudiait Marius Victorinus et se préparait à donner son grand livre sur Porphyre ; plusieurs articles concernent également les rapports entre les deux moitiés du monde antique, le monde grec et le monde latin, particulièrement l'influence d'Origène sur les Pères latins (Ambroise et Augustin).
Dans tous ces travaux, qu'ils soient brefs ou étendus, I'on reconnaîtra sans peine les qualités qui ont fait de Pierre Hadot l'un des plus grands savants contemporains dans nos disciplines. On a également joint tous les comptes-rendus de ses cours à l'Ecole pratique des Hautes Etudes, qui permettront de suivre l'évolution de ses intérêts et comment il s'est porté graduellement vers la philosophie hellénistique
On parle beaucoup dans cet ouvrage de " contresens ", de contresens parfois créateurs, qui ont fait progresser la pensée, mais aussi de contresens qui ne produisent qu'erreur et confusion, comme ceux que commettent certains tenants de la psychologie historique.
On présente dans cet ouvrage plusieurs applications à des textes philosophiques d'une méthode d'interprétation qui consiste à les replacer dans le contexte de l'enseignement et de la vie des écoles philosophiques. A côté d'études de détails consacrées à des termes philosophiques importants, on trouvera dans ce volume plusieurs contributions générales, justement célèbres, consacrées aux divisions de la philosophie, à l'organisation de l'enseignement dans les écoles philosophiques, à la répartition des disciplines ou encore à la figure du sage.
Outre son exceptionnelle connaissance de la philosophie antique, Pierre Hadot est aussi grand spécialiste de la philosophie allemande moderne ainsi que de Goethe.
Dans ce court essai, il réfléchit à l'idéalisation de la Grèce dans la philosophie et la culture allemandes, notamment dans les oeuvres de Schilling, Hölderlin, Winckelmann et Goethe. L'homme antique et païen y est un homme heureux, sain, vivant dans le présent, dont la figure sereine s'oppose à celle maladive et chrétienne des Romantiques. C'est le propre de l'homme antique de se réjouir spontanément, inconsciemment de sa propre existence, sans passer, comme le font les Modernes, par le détour de la réflexion et du langage. Voilà ce qui, aux yeux de Goethe, définit le mieux la santé antique, résultat d'un exercice spirituel que les philosophes de l'Antiquité pratiquaient et qu'il a connu par ses lectures de Cicéron, Sénèque, Plutarque, Epictète et Marc Aurèle.
Pour Goethe, la valeur du présent et de l'instant se fonde finalement, conclut P. Hadot, sur la reconnaissance de la valeur infinie de l'existence et sur le consentement à l'être et au monde.
Les articles rassemblés dans ce recueil sont l'écho de quarante années de recherches consacrées à Plotin et à son célèbre disciple Porphyre.
Ces études sont de style varié. Quelques-unes présentent des exposés synthétiques et généraux sur la pensée de ces auteurs, d'autres s'intéressent plutôt à des problèmes particuliers de doctrine, notamment à la théorie de l'être chez Plotin ou chez Porphyre, d'autres encore à des problèmes psychologiques, comme celui de l'auto-érotique chez Plotin, d'autres enfin à des interprétations de texte ou à des problèmes de critique textuelle.
L'environnement spirituel des deux penseurs n'est pas oublié, notamment l'étrange phénomène des Oracles Chaldaïques.
Dans toutes les écoles seront ainsi pratiquées des exercices destinés à assurer le progrès spirituel vers l'état idéal de la sagesse, des exercices de la raison qui seront, pour l'âme, analogues à l'entraînement de l'athlète et aux pratiques d'une cure médicale.
D'une manière générale, ils consistent surtout dan le contrôle de soi et dans la méditation. le contrôle de soi est fondamentalement attention à soi-même : vigilance tendue dans le stoïcisme, renoncement aux désirs superflus dans l'épicurisme.
Il est des livres dont on sort changé.
C'est le cas de tous les ouvrages de Pierre Hadot, qu'ils traitent de Marc Aurèle ou de Plotin, du stoïcisme ou de la mystique : avec une érudition toujours limpide, ils montrent que, pour les anciens, la philosophie n'est pas construction de système, mais choix de vie, expérience vécue visant à produire un " effet de formation ", bref un exercice sur le chemin de la sagesse. Dans ces entretiens, nous découvrons un savant admirable, dont l'oeuvre a nourri de très nombreux penseurs, mais aussi un homme secret, pudique, sobre dans ses jugements, parfois ironique, jamais sentencieux.
En suivant Pierre Hadot, nous comprenons comment lire et interpréter la sagesse antique, en quoi les philosophies des Anciens, et la pensée de Marc Aurèle en particulier, peuvent nous aider à mieux vivre. Et si " philosopher, c'est apprendre à mourir ", il faut aussi apprendre à " vivre dans le moment présent, vivre comme si l'on voyait le monde pour la dernière fois, mais aussi pour la première fois ".