OEuvre majeure de la littérature persane du xxe siècle, Le Voyageur de minuit est un conte philosophique dans lequel l'auteur attaque et déplore la tyrannie politique ou religieuse toujours d'une actualité brûlante dans l'Afghanistan contemporain.
Sayd Bahodine Majrouh exprime et dépeint les modes de mise en pratique de l'oppression et raconte la souffrance des individus et des peuples en proie au « Monstre ».
Pour illustrer son propos, il puise aux sources du patrimoine littéraire occidental : La Divine Comédie de Dante et l'oeuvre de Franz Kafka, sans oublier les références de ses origines : La Conférence des oiseaux d'Attar et la poésie de Rûmi. Majrouh exalte le combat irrépressible des individus et des peuples pour la liberté dans la pure tradition soufie et plaide pour l'Amour et la Beauté contre la cruauté, de la mégalomanie, l'égoïsme et le nihilisme.
Au fil des années, Majrouh a remanié son grand oeuvre dont l'original a paru en langue persane en 1973. Une seconde version, rédigée en pashto, autre langue de l'Afghanistan, a été publiée en 1977.
Le texte publié ici est l'adaptation/traduction en français de l'original persan par l'auteur lui-même, avec la collaboration de Serge Sautreau. Publiée initialement en deux volumes sous les titres Le Voyageur de minuit (Phébus, 1989) et Le Rire des amants (Phébus, 1991), cette édition a servi de référence aux multiples traductions de l'oeuvre. Pour la première fois, ce monument de la littérature est enfin restitué chez Libretto dans son intégralité.
Dans les vallées afghanes, dans les camps de réfugiés du pakistan, les femmes pashtounes improvisent des chants d'une extrême intensité, d'une foudroyante violence.
D'oú le nom de landay qui les désigne et qui signifie : " le bref ". cette forme poétique limitée à deux vers compose en fait un instantané d'émotion, à peine plus qu'un cri, une fureur, un coup de dague entre les épaules. car ce poème très scandé dit l'amour, l'honneur ou la mort et toujours à travers ces trois thèmes, toujours la révolte. jamais sans doute si courte vocalise n'a autant révélé sur l'inhumaine condition de la femme en islam, sur l'oppression qui la réduit à l'état d'objet domestique et l'asservit au code infantile des hommes.
Privée de toute liberté, brimée dans ses désirs et son corps, la femme pashtoune n'a d'autre échappée possible que le suicide ou le chant.
Attâr, Jâmî, Ibn Arabî et une quarantaine d'autres illustres soufis sont les principales sources de cette anthologie établie par Majrouh un an avant sa mort, en réaction à la radicalisation de l'islam afghan (jadis largement inspiré par le soufisme), depuis la guerre avec les Soviétiques. Les musulmans dévôts, les théologiens et les chefs religieux, explique Majrouh, considèrent volontiers le rire comme une manifestation dangereuse, perverse et même diabolique. Pourtant, la plupart des grands soufis ont connu les vertus du rire. Leur humour possède une double fonction : à l'égard des hommes, il est un fluide spirituel, il fait « passer le courant » ; à l'égard du divin, il se révèle un canal supérieur de communication. Dans le monde des soufis, les paradoxes guettent, et le rire (ou plutôt, en l'occurrence le sourire), est une voie légitime et « sérieuse » d'approche du divin.