«J'ai pris, du premier au dernier jour, Nadja pour un génie libre, quelque chose comme un de ces esprits de l'air que certaines pratiques de magie permettent momentanément de s'attacher, mais qu'il ne saurait être question de se soumettre. J'ai vu ses yeux de fougère s'ouvrir le matin sur un monde où les battements d'ailes de l'espoir immense se distinguent à peine des autres bruits qui sont ceux de la terreur et, sur ce monde, je n'avais vu encore que des yeux se fermer.»
«Je vous souhaite d'être follement aimée.» Un des textes fondamentaux du surréalisme. Un des ouvrages de Breton dans lequel s'offre le plus ouvertement la gamme entière de ses «charmes». Le hasard et le désir, la vie et le rêve, le monde et l'homme entretiennent ici une mystérieuse correspondance de tous les instants.
«André Breton, parmi tous les poètes vivants, est certainement le plus grand. Cela ne fait aucun doute pour tous ceux qui, ayant lu Novalis, Nerval, Rimbaud, Lautréamont, Apollinaire, ont découvert dans la poésie la plus complète recréation possible de l'être humain. Cela ne fait aucun doute pour tous ceux qui reconnaissent la poésie comme une révolution qui se décide minute par minute, partout où elle se manifeste librement et sans limites. Cela ne fait aucun doute pour tous ceux qui refusent de compartimenter la poésie selon les fichiers des historiens et des professeurs, et qui, dans l'amour, dans l'érotisme, dans l'action politique, dans la vie quotidienne, dans le raisonnement et dans le rêve, ressentent le besoin fondamental de tout déborder, de tout faire éclater, de tout surmonter, de tout réinventer. Cela ne fait aucun doute, enfin, pour tous ceux qui savent retrouver dans une page des Vases Communicants, par exemple la page 124 de la dernière édition, la même pensée, la même vie, oui, exactement la même pensée et la même vie, pour tout dire la même exigence et le même risque, que dans Il y aura une fois, la stupéfiante préface au Revolver à cheveux blancs, ou dans n'importe quel poème de Clair de Terre.» Alain Jouffroy, 3 juillet 1966.
«Je crois à la résolution future de ces deux états, en apparence si contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité, si l'on peut ainsi dire. C'est à sa conquête que je vais, certain de n'y pas parvenir mais trop insoucieux de ma mort pour ne pas supputer un peu les joies d'une telle possession.»Des projets et des promesses du premier Manifeste du surréalisme (1924) aux prises de position, politiques et polémiques, affirmées dans le Second Manifeste du surréalisme (1930), se dessine ici une théorie de l'expérience esthétique qui a bouleversé tous les domaines de la création au XX? siècle.
André Breton Anthologie de l'humour noir « L'humour noir est borné par trop de choses, telles que la bêtise, l'ironie sceptique, la plaisanterie sans gravité... (l'énumération serait longue), mais il est par excellence l'ennemi mortel de la sentimentalité à l'air perpétuellement aux abois - la sentimentalité toujours sur fond bleu - et d'une certaine fantaisie à court terme, qui se donne trop souvent pour la poésie, persiste bien vainement à vouloir soumettre l'esprit à ses artifices caducs, et n'en a sans doute plus pour longtemps à dresser sur le soleil, parmi les autres graines de pavot, sa tête de grue couronnée. » André Breton, 1939.
Ce premier volume présente les textes rédigés entre 1911 et 1930, regroupés en trois ensembles : 1911-1919 (les poèmes de jeunesse), 1920-1925 (Les Champs magnétiques, Manifeste du surréalisme), 1925-1930 (Nadja, Ralentir travaux, Second manifeste du surréalisme). Les archives André Breton, la compilation de journaux et revues, le fonds de la bibliothèque Jacques-Doucet ont permis un établissement très sûr des textes. Aux recueils constitués par André Breton lui-même viennent s'ajouter de nombreux inédits provenant de collections privées et des «alentours», ces articles parus en leur temps dans diverses revues et jamais réunis à ce jour. Un appareil critique Important, contenant une documentation abondante, permet d'aborder cette oeuvre difficile, souvent allusive, ou de la relire sous un jour nouveau. L'édition des Oeuvres complètes d'André Breton, qui comprendra quatre tomes, se révélera rapidement un instrument indispensable à qui veut connaître Breton et le surréalisme. En effet, comment parler d'André Breton sans évoquer le mouvement qu'il a souhaité et maintenu par-delà toutes les dissensions ? L'oeuvre de ces années est aussi retour aux origines d'un courant artistique qui eut d'infinies résonances dans ce XX? siècle. Le surréalisme fut une grande aventure qui réunit des êtres animés du désir d'en finir avec «l'ancien régime de l'esprit». Des poèmes de jeunesse aux écrits de 1930, un même fil parcourt ces textes : le pouvoir de la poésie. Breton se veut rebelle «contre un monde menacé de figement». De la nécessité de la révolte naîtra une oeuvre en perpétuelle interrogation. Oeuvre ouverte sur le monde - Breton passera sa vie à «prendre position» -, oeuvre sinueuse, révélatrice de la volonté du poète d'aller plus avant dans la connaissance des «forces obscures». Il est celui qui connut «l'étreinte poétique» : «La poésie doit être un assaut violent contre les forces obscures pour les sommer de se coucher devant l'homme.» André Breton eut le don d'éveil permanent, la volonté de communauté créatrice, la fascination du savoir. L'exploration de l'inconscient, l'écriture automatique, l'expérience des sommeils, les jeux surréalistes sont témoins de cette quête de l'ailleurs, de l'au-delà de la réalité. «Je crois à la résolution future de ces deux états en apparence contradictoires que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité, si l'on peut dire ainsi.» À Marcel Duchamp de dire l'essentiel sur Breton : «Breton aimait comme un coeur qui bat. Il était l'amant de l'amour dans un monde qui croit à la prostitution... Pour moi, il a incarné le plus beau rêve de jeunesse d'un moment du monde.»
Alouette du parloir. Du surréalisme en ses oeuvres vives. Appendices. Éphémérides Surréalistes (Pour un nouvel humanisme). L'Art magique. Constellations. Le La. Le surréalisme et la peinture. Perspective cavalière. Alentours. Inédits. Supplément. Textes retrouvés ( 1938-1948). Textes inédits ( 1921-1952)
Poisson soluble, on l'a oublié, était préfacé, à l'origine, par le Manifeste du surréalisme ; Breton proposait à la fois l'exigence esthétique subversive et l'une de ses possibles réalisations. Témoignage du premier élan du surréalisme, Poisson soluble était déjà situé par Breton dans une perspective historique : «Les caractères communs à tous les textes de ce genre [...] ne s'opposent pas à une certaine évolution de la prose surréaliste dans le temps.» Gracq souligne bien l'originalité de ce que le Pape du surréalisme venait ainsi de réaliser : «Le poème redevient soluble dans la poésie, son orient fragile et changeant nous parle sans cesse d'une eau mère, d'un plasma poétique dont la pulsation l'irrigue et auquel continue de l'unir une vivante consanguinité. Le diamant mallarméen cède la place à la perle des mers.»
Breton (1896-1966) n'a cessé de mener, dans son interrogation de l'écriture et de la vie intérieure, comme dans sa participation difficile à une activité politique à laquelle il se sentait tenu, une aventure intellectuelle où se rencontrent Freud, Hegel, Engels, et une quête sensible, éclairée par Rimbaud, Lautréamont, Picasso, Chirico et Duchamp, l'une et l'autre tendues par la volonté de «changer la vie». Aventure et quête collectives, qui exigent une communauté organique, soudée par l'esprit comme par les affinités électives. L'aspiration résolue à faire advenir le possible aux dépens du probable, qui définit le surréalisme de Breton, passe par les chemins de la poésie, de la liberté et de l'amour. Elle a trouvé une langue qui lui assure une place parmi les premiers écrivains de son époque. Maintenue sans désemparer pendant plus d'un demi-siècle, cette volonté conduit Gracq à reconnaître en lui «un des héros de notre temps».
Marguerite Bonnet.
Dans ce livre André Breton cherche à démontrer que le monde réel et le monde du rêve ne font qu'un. Il examine les différentes théories qui ont proposé une interprétation du rêve, pour s'arrêter longuement à celle de Freud.Mais pour Breton l'unité du rêve et du réel passe par une profonde transformation sociale. Ce qu'il cherche cependant au-delà de la révolution est «la destination éternelle de l'homme».
«Dieu merci, notre époque est moins avilie qu'on veut le dire:Picabia, Duchamp, Picasso nous restent. Je vous serre les mains, Louis Aragon, Paul Éluard, Philippe Soupault, mes chers amis de toujours. Vous souvenez-vous de Guillaume Apollinaire et de Pierre Reverdy? [...] Il ne sera pas dit que le dadaïsme aura servi à autre chose qu'à nous maintenir dans cet état de disponibilité parfaite où nous sommes et dont maintenant nous allons nous éloigner avec lucidité vers ce qui nous réclame.».
Pas de période plus mouvementée dans la vie d'André Breton que les années 1941-1953. L'Histoire, il est vrai, frappe à la porte. Empêché de publier ses livres, Breton part pour les États-Unis, via les Antilles - Martinique charmeuse de serpents commémorera cette escale. Puis c'est New York, qui s'est construit par Dali interposé une image confuse du surréalisme, contre laquelle il faut réagir : la revue VVV est créée, où paraîtront les Poèmes de 1943. Des amitiés (avec Duchamp, Ernst, Lévi-Strauss, Matisse...) naissent ou se resserrent. Relectures - Victor Hugo, autre exilé - et découvertes : Saint-Yves d'Alveydre, dont la pensée va inspirer Les États généraux, ou Éliphas Lévi, à qui est consacrée une section d'Arcane 17. Bientôt dédicataire d'une Ode, Charles Fourier («ce phare, l'un des plus éclairants que je sache») est toujours présent : Breton emporte ses livres chez les Indiens Hopi, d'où il revient avec un Carnet de voyage ; l'organisation sociale des Indiens y est rapprochée de la cité harmonieuse. En 1946, retour en France où, entre indifférence et hostilité, le surréalisme n'a pas la vie facile. Breton doit affirmer sa présence ; on doit à ce souci - à l'impérieuse nécessité d'agir et de penser - les essais réunis en 1953 dans La Clé des champs, tandis qu'un an plus tôt un recueil d'Entretiens avait dessiné la courbe d'une existence.
«Les mots, de par la nature que nous leur reconnaissons, méritent de jouer un rôle autrement décisif. Rien ne sert de les modifier puisque, tels qu'ils sont, ils répondent avec cette promptitude à notre appel. Il suffit que notre critique porte sur les lois qui président à leur assemblage. La médiocrité de notre univers ne dépend-elle pas essentiellement de notre pouvoir d'énonciation ? Dieu merci, une réaction lente mais sûre a fini par s'opérer à ce sujet dans les esprits. Le dit et le redit rencontrent aujourd'hui une solide barrière. Ce sont eux qui nous rivaient à cet univers commun. C'est en eux que nous avions pris ce goût de l'argent, ces craintes limitantes, ce sentiment de la patrie, cette horreur de notre destinée. Je crois qu'il n'est pas trop tard pour revenir sur cette déception, inhérente aux mots dont nous avons fait jusqu'ici mauvais usage. Qu'est-ce qui me retient de brouiller l'ordre des mots, d'attenter de cette manière à l'existence toute apparente des choses ! Le langage peut et doit être arraché à son servage. Plus de descriptions d'après nature, plus d'études de moeurs. Silence, afin qu'où nul n'a jamais passé je passe, silence ! - Après toi, mon beau langage.»André Breton.
À trois reprises, en 1924, 1934, 1953, André Breton a réuni en volume des textes divers publiés antérieurement. Mais depuis cette dernière date, celle de La Clé des champs, articles, préfaces, réponses à des enquêtes, entretiens, sont demeurés épars, dans des revues ou des journaux d'accès difficile bien souvent.Le présent recueil retient tous les grands articles, toutes les interventions importantes qui se situent entre le printemps 1952 et 1966. Le choix effectué parmi les textes a été guidé par le souci de respecter le constant va-et-vient du temporel à l'intemporel, du particulier au général, qui caractérise la pensée de Breton.
En 1928, paraissait sous la signature d'André Breton, théoricien incontesté du mouvement surréaliste, Le surréalisme et la peinture, ouvrage dont la portée ne fut pas moindre que celle du premier Manifeste de 1924. Augmenté de Genèse et perspective artistiques du surréalisme, l'ouvrage reparut dans une édition nouvelle à New York en 1945. Cette édition, qui date de 1965, rassemble, à la suite des deux grands textes initiaux, l'intégralité des essais historiques et critiques consacrés par André Breton à l'expression plastique. Cette somme systématique, constituée d'une cinquantaine d'articles, dont beaucoup comptent parmi ses plus fulgurants écrits, recouvre toute la chronologie des peintres et sculpteurs surréalistes et abonde en aperçus décisifs sur l'histoire de l'art contemporain.
Que ce soit dans sa correspondance ou dans ses essais, l'imbrication de la vie et de l'oeuvre d'André Breton est étroite, nous sommes toujours dans sa maison de verre. «Le merveilleux quotidien» du poète ne cesse de s'y constituer, comme le montrent ces très belles lettres à sa fille : le surréalisme, la préparation d'une nouvelle revue ou d'une exposition, les dessins de la main de l'auteur, l'affaire de la grotte de Cabrerets, les réactions indignées à la nouvelle de l'alunissage de la sonde soviétique en septembre 1959... Pour la première fois, grâce à l'autorisation d'Aube Breton, qui a souhaité rendre publique cette correspondance (tout en respectant la clause particulière du testament de son père), nous avons accès à des pans méconnus de la vie de Breton, qui ne pourront que combler ses lecteurs inconditionnels et éveiller la curiosité des autres.
Etre au monde, c'est à la fois voir le monde et le penser. ainsi, devant l'un des plus beaux spectacles naturels _ celui de la côte de la gaspésie, au canada _, breton n'en commence la description que pour s'abandonner bientôt au va-et-vient entre le paysage physique et son paysage mental. la beauté est là, toute visible, mais, à l'intérieur, la réflexion de cette beauté se double de celle de la femme aimée, et la beauté + l'amour entraînent nécessairement breton vers ce qui en est inséparable: la poésie et la liberté. entre ces quatre pôles, tout le présent, alors, est mis en jeu dans la montée d'une question qui, en partant de la catastrophe de la guerre mondiale, pose le problème du destin de l'homme.
A un moment tout le paysage bruisse du mouvement de milliers d'ailes, et de même ce livre où le lent tourbillon de la pensée et des images nous élève souverainement vers l'etoile (l'arcane 17) pour découvrir que: " c'est la révolte même la révolte seule qui est créatrice de lumière. et cette lumière ne peut se connaître que trois voies: la poésie, la liberté et l'amour qui doivent inspirer le même zèle et converger, à en faire la coupe même de la jeunesse éternelle, sur le point moins découvert et le plus illuminable du coeur humain ".
«Voici la correspondance échangée entre les trois principaux meneurs de Dada à Paris. Nous sommes au coeur de l'organisation de la révolution. Par chance, chacun ayant la manie de la conservation, nous avons eu accès à quasiment toutes leurs lettres. Ils utilisent peu le téléphone, et ne se voient qu'au moment du coup d'éclat. Quelles sont leurs motivations? Comment s'impliquent-ils? Comment voient-ils leur coup d'État? Quelle stratégie envisagent-ils? Paradoxalement, on ne lira pas le journal à plusieurs voix d'artistes révolutionnaires, mais plutôt un échange étrangement sentimental, ponctué par des accusations, des séparations suivies, à plus ou moins long terme, de rabibochages. Ces lettres sont rien moins que dadaïstes. Chacun use d'une langue très policée, selon les conventions de l'époque. Comment feront-ils donc pour tuer l'art? Par le spectacle, par l'action publique. Aussi discrètement que possible, l'annotation brosse le panorama sur lequel se détachent ces échanges, évoquant les deux saisons Dada à Paris, le Procès Barrès, la préparation du Congrès de Paris, mise en échec par Tzara, la soirée de L'Oeil cacodylate offerte par Picabia, sa revue insolente, 391; les vacances prises en commun au Tyrol, la rencontre ratée de Freud par Breton à Vienne, puis, plus tard, la mise en accusation de Dali, les défis que la société leur lance. Car, au fond de tous ces débats, c'est toujours de création qu'il s'agit, d'un nouveau langage poétique et pictural. Faudra-t-il s'allier à un parti politique pour faire émerger l'homme nouveau? La psychanalyse ou, plus précisément, l'automatisme verbal, offre-t-il une solution d'avenir? À moins que ce ne soit le spiritisme, l'hypnose? C'est le temps où se préparait le surréalisme, dont le nom n'est jamais prononcé, qui se profile à travers Les Champs magnétiques et tant de réflexions esthétiques. Dada ne fut qu'une bombe, me disait Max Ernst, vous n'allez pas vous amuser à en recueillir les éclats! Eh bien si, justement, car, aussi éphémère fût-il, il donna du grain à moudre à plusieurs générations, jusqu'à ce jour. Et la braise ne s'est toujours pas éteinte.» Henri Béhar.
A la fin du mois de juin 1920, quand André Breton rencontre Simonne Khan, il vient d'avoir vingt-quatre ans et n'est déjà plus un inconnu. Il a publié ses premiers vers en mars 1914. Son premier recueil de poèmes, Mont de piété, est paru en juin 1919. Simone Kahn est née en 1897. Elle a fréquenté l'Institut d'anglais de la Sorbonne. Eprise de littérature, visiteuse assidue de la libraire d'Adrienne Monnier, abonnée à la revue Littérature, elle assista au Festival Dada de la Salle Gaveau, le 26 mai 1920, qu'elle apprécia peu.
Lors des premiers échanges avec Breton, elle lui déclara d'emblée : " Vous savez, je ne suis pas dadaïste " ce sur quoi Breton répondit " Moi non plus ". Pendant leurs huit ans de vie commune, Simone et André tentèrent de maintenir une franchise totale dans leurs échanges. Cependant les aléas de leur vie éprise d'indépendance et leurs pulsions amoureuses non réprimées eurent raison de cette volonté de transparence absolue.
Les absences prolongées de Simone pour rejoindre sa cousine Denise Lévy ou pour passer des vacances avec des amis et, surtout, sa liaison non avouée avec Max Morice, furent douloureusement vécues par André. De même, la violente passion du poète pour Suzanne Musard et la parenthèse tragique liée à la rencontre de Nadja étaient difficiles à accepter même par une femme plutôt large d'esprit. En l'absence des lettres de Simone, cette correspondance pourrait s'apparenter à un Journal, si ce n'étaient les réactions ultra-sensibles ou violentes de Breton en réponse aux missives de son épouse.
Pendant le temps qui va de la rencontre au Jardin du Luxembourg en 1920 jusqu'au terme d'un amour que conclut la lettre du 15 novembre 1928, se dessine une trajectoire de " liberté libre " incomparable. Ce témoignage sur les premières années, décisives, du Mouvement surréaliste sera suivi d'autres correspondances beaucoup plus maîtrisées. Dans ces pages apparaît la fragilité de Breton, alors que la légende a tendance à figer le personnage dans une dignité granitique.
Grand couturier, collectionneur inlassable, sachant s'ouvrir aux plus audacieux jaillissements du contemporain, Jacques Doucet (1853-1929) a eu l'intuition pionnière qu'il convenait de recueillir « toutes les traces de l'aventure créatrice des écrivains modernes, pourvu qu'ils répondent à des critères de qualité ». En 1913, il inaugure avec André Suarès le système d'échanges qu'il va poursuivre avec des personnalités majeures comme Max Jacob, Pierre Reverdy, Louis Aragon, Robert Desnos et d'autres, bénéficiaires successifs de son mécénat. Moyennant un appui matériel, l'auteur lui adresse périodiquement des lettres portant sur le mouvement littéraire - et éventuellement artistique - et destinées à composer un fonds pour les historiens futurs. Bibliophile, Doucet a conçu en juillet 1914 l'idée de constituer une bibliothèque de livres et de manuscrits modernes - la future Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, léguée à l'Université de Paris.À la fin de 1920, il engage en tant que secrétaire-bibliothécaire André Breton. Le terme de correspondance recouvre mal la diversité de ton et même de statut qui préside à ces missives - une centaine - adressées au mécène au long de six années (les lettres de Doucet ont été perdues ou détruites). L'on y trouvera notamment ce « Projet pour la bibliothèque de Jacques Doucet », à la rédaction duquel Aragon a été associé et qui fait apparaître les noms et les oeuvres qui constellent le firmament du mouvement. Et l'on y partagera la quête palpitante de documents sur Rimbaud que Breton mène auprès d'Ernest Delahaye, l'ami de Charleville. Les pages les plus graves, les plus vibrantes, sont celles écrites pour suggérer des acquisitions de tableaux, comme la lettre du 12 décembre 1924, dans laquelle il convainc Jacques Doucet d'acheter le chef-d'oeuvre de Picasso Les Demoiselles d'Avignon.
Le surréalisme n'a pas été uniquement un mouvement culturel qui a bouleversé les normes et les schémas de la création. Il a aussi débouché sur un engagement politique révolutionnaire, dont le détail a été le plus souvent réglé par André Breton en personne.
Position politique du surréalisme, reprenant une série d'interventions centrées sur l'art et ses implications sociales, apparaît ainsi comme le complément obligé des textes programmatiques repris dans le recueil des Manifestes surréalistes. On y découvre, notamment, un long développement, consacré à la Position politique de l'art d'aujourd'hui, qui définit le rôle des avant-gardes artistiques et isole les liens conflictuels unissant certains artistes à la société de leur temps. La subversion de l'art comme condition de sa pérennité.
De grands dégagements sur la question de l'esthétique, des commentaires d'oeuvres classiques, des appréciations parfois polémiques sur le mythe révolutionnaire et une réflexion stimulante sur les rapports de la politique et de l'art: André Breton continue ici son formidable travail de théoricien.
"[l']écrivain ne se propose rien tant que de secouer la léthargie de milieux intellectuels très étendus, de les placer devant leur responsabilité particulière, de leur enjoindre, au nom de ce qui les qualifie dans leur rôle propre, de se départir de cette tolérance stupéfiée chez les uns, méprisante chez les autres mais trop souvent opportuniste et poltronne, pour enrayer une bonne fois les méfaits de la pire intolérance, agissant au service du mensonge et de la haine.
"
allocution au meeting du 20 avril 1949 a. b.
ces quelques lignes peuvent s'entendre à propos de l'ensemble des textes proposés dans ce carnet, dont la vigueur et la fermeté sauront à plus d'un égard éveiller nos consciences.
Au printemps 1941, André Breton et le peintre André Masson, quittant la France de Vichy pour les Etats-Unis, font une escale forcée à la Martinique. Ils découvrent les préjugés raciaux, l'oppression des masses et la triste bureaucratie coloniale, mais en même temps le paradis.