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brigitte perol
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Portraitiste hors pair, Pietro Citati accorde toujours son «métronome intérieur» au rythme de l'artiste ou de l'écrivain dont il nous conte la vie et l'oeuvre. L'intrépide acuité du regard, la finesse de l'analyse, la vivacité du récit, l'élégance du trait et le charme de l'expression caractérisent ses Portraits de femmes. C'est dans toute la plénitude de leur présence que Pietro Citati fait surgir devant nous sainte Thérèse d'Avila, Jane Austen, Lou Andreas-Salomé, Virginia Woolf, Katherine Mansfield, Marina Tsvetaïeva, Karen Blixen, Simone Weil, Flannery O'Connor, Cristina Campo, Anna Maria Ortese, Ingeborg Bachmann... Dans nombres de ces vies de femmes, dans les livres écrits par ces femmes, la littérature a peut-être rejoint ses extrêmes possibilités tragiques. La concentration spirituelle, le courage de l'intelligence, la fermeté d'esprit, le désespoir, le feu, la fureur, le rêve de l'âme pure culminent dans ces figures féminines qui nous conduisent du Moyen Âge à la fin du XX? siècle. On a l'impression que le destin et l'angoisse qu'elles eurent à porter était d'un poids considérable. Mais comme le déclarait l'une d'elles : «Je suis fermement convaincue que la vie est belle, riche et grande ; oui, j'en serais convaincue même si je devais mourir de la peste dans une fosse à fumier.»
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Qui était Alexandre? Un nouvel Achille, un souverain docte et clairvoyant, un coeur généreux, un parangon des plus hautes vertus, ou bien un homme en proie à des sentiments sans mesure, un tyran dévoré par la superstition, un fou convaincu d'être un dieu? Ce livre est celui des multiples visages d'Alexandre, fils de Philippe II de Macédoine, élève d'Aristote parti à la conquête du monde. Il nous parle des oeuvres qu'il aimait, des dieux qu'il vénérait, des héros qu'il voulut imiter. Il raconte son élan visionnaire et sa volonté lucide, sa fureur et sa tendresse, et le désir inquiet qui le poussa jusqu'aux rives de l'Hyphase, dans les terres lointaines de l'Inde. Il relate les nuits sans sommeil avant les combats, les terribles batailles d'Issos et de Gaugamèles, les pays traversés et conquis, les cités d'Orient qui s'offrirent à ses yeux éblouis, le rêve d'un empire où tous les peuples se fondraient en un seul, la mort à trente-trois ans et la légende qui prit corps dans l'ombre d'un trône vide. Le récit intense de Pietro Citati est suivi d'un choix des plus belles pages que Diodore de Sicile, Arrien, Plutarque et Quinte-Curce nous ont léguées sur Alexandre le Grand. Enfin, dernier volet de ce triptyque, Francesco Sisti nous présente les lettres attribuées à celui qui changea le cours de l'histoire, ainsi que son journal, où sont transcrits, avec une exactitude embuée de larmes, les derniers jours de sa vie.
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Giacomo Leopardi était né à Recanati en 1798. Sa vie brève s'acheva à Naples en 1837. Il avait trente-neuf ans. Pendant longtemps, nous n'avons eu en France qu'une vision partielle et imprécise de cette figure majeure de la littérature. Au terme d'un travail considérable accompli au cours des dernières décennies, nous disposons désormais de traductions complètes des oeuvres essentielles du grand poète et penseur italien, y compris sa volumineuse Correspondance et son immense et fascinant Zibaldone. Ce livre arrive ainsi à point nommé.
Après une enfance heureuse, la vie de Leopardi fut une blessure ouverte au coeur de sa jeunesse et jamais refermée. Il lui échut alors un destin sans autre miséricorde qu'une flamme intérieure portant la pensée poétique à sa force maximale et le verbe à sa plus haute perfection. Le temps où il vécut fut celui d'une stagnation et il jugea son époque «ridicule et glaciale». Après des années de réclusion à Recanati, où il se consuma dans des «études mortelles», Bologne, Pise, Florence et Naples scandèrent les étapes d'un chemin d'angoisse, de douleur, de désolation, de passion, de solitude, mais aussi d'intense création et de quête jamais renoncée du bonheur. «Il est aussi impossible d'être heureux que de jamais cesser d'aspirer, par-dessus tout, voire uniquement, au bonheur», écrivait-il. Tout en suivant avec une empathie profonde l'itinéraire humain de Leopardi, Pietro Citati nous conduit au coeur de l'oeuvre d'un poète immense et d'un penseur génial dont l'une des contradictions fécondes consista à être un Moderne détestant la modernité.
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Lancé sur les traces d'Ulysse, «l'homme à la pensée chatoyante», Pietro Citati nous invite à redécouvrir le héros le plus célèbre de la poésie épique occidentale. Figure complexe, peut-être faut-il pour comprendre Ulysse posséder comme Pénélope «la science des grands signes» ? Pourtant, il est plus proche de nous qu'Achille aux colères démesurées et à l'héroïsme surhumain. Il aime les choses mortelles et éprouve de la nostalgie pour sa terre, son épouse, son fils. Il endure de nombreux tourments mais ne refuse rien de la vie et accueille tout ce qu'elle lui offre avec une insatiable curiosité. De retour à Ithaque, il enseigne à Télémaque son art de vivre, l'assentiment de l'homme au sort qui lui échoit et les paroles de miel qui ont le don de transformer sa misère et l'ombre de son rêve en une construction harmonieuse. Avec autant de grâce que d'érudition, La pensée chatoyante met en lumière les infinis chatoiements du poèmes homérique. Comprendre l'Odyssée, pour Pietro Citati, cela revient au bout du compte à comprendre l'Occident, la Grèce, nous-mêmes, à interroger nos origines et notre futur, puisqu'il s'agit de lire à la fois ce chef-d'oeuvre et ce qu'il a légué pour des millénaires à la littérature.
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La mort du papillon ; Zelda et Francis Scott Fitzgerald
Pietro Citati, Brigitte Perol
- Gallimard
- L'arpenteur
- 11 Octobre 2007
- 9782070784974
Francis Scott Fitzgerald fut un grand explorateur de la fêlure de l'être. C'est cette fêlure qui parcourt le livre bref et intense que Pietro Citati consacre au romancier américain et à la coquette et fantasque Zelda Sayre qui devint son épouse en 1920, l'année même où Scott publiait L'envers du paradis. Si ce premier roman valut à Fitzgerald une immédiate célébrité, son succès ne l'empêcha pas de deviner tout près de lui l'ombre de futures catastrophes. Il pressentait que l'euphorie des roaring twenties - cette «orgie la plus coûteuse de l'Histoire» - devait un jour prendre fin. Alors que Scott observait le monde à travers sa propre fêlure, Zelda ne révélait, en apparence, aucune faille. Leur amour les rapprochait passionnément l'un de l'autre. Comment en vinrent-ils à blesser cet amour, à le déchirer, avant même d'être submergés par la folie? Le couple ne comprit pas la raison du naufrage, pas même Fitzgerald qui représenta cette perte dans ses livres, car ses livres comprirent ce que lui ne comprit jamais. Tout en contant le pathétique destin de Scott et de Zelda, Pietro Citati évoque avec finesse et vivacité l'oeuvre d'un écrivain plus sensible qu'aucun autre à la musique des choses perdues. Fitzgerald se glissait dans les interstices entre les choses. Ses mots avaient le pouvoir de rendre la réalité légère et transparente, même quand elle était faite de stridence, de tristesse et de douleur. Cette poignante légèreté qui traverse l'oeuvre de Fitzgerald, Citati l'accueille dans son propre livre. Il fait place à ce très vif sentiment d'une vérité de la vie qui loge au secret du coeur, à la source du style, et qui ne pèse pas plus que la poussière des couleurs sur les ailes d'un papillon.
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Chef-d'oeuvre « de rêve et de fumée », Don Quichotte est un livre mystérieux et multiple.
Qui est le narrateur sage et menteur qui a créé la trame, les personnages, les couleurs, les ombres, la philosophie, la psychologie et toutes les variations de cette histoire qui n'a cessé depuis quatre siècles de captiver d'innombrables lecteurs ? Avec autant de grâce que d'ironie, autant d'astuce que de sincérité, Cervantes joue avec cette question tout au long de l'illustre roman, et plus il joue, plus la réponse apparaît fuyante et secrète. Dans des pages lumineuses et alertes, Pietro Citati nous guide d'une main sûre parmi les détours infinis de Don Quichotte.
À travers des épisodes saillants, il nous donne à voir les immortelles péripéties du Chevalier à la Triste Figure et de Sancho Panza, son fidèle écuyer. Mais surtout, il nous rappelle la radicale ambiguïté de ce « livre des livres » où tout est en même temps absolument faux et absolument vrai ; où le vrai, sans cesser d'être vrai, est absolument faux, et où le faux, sans cesser d'être faux, est absolument vrai. Ce petit livre merveilleusement aérien rend à sa manière hommage à un livre immense et inépuisable, que l'on a diversement interprété au cours des âges et qui demeure un foyer d'inspiration pour la littérature moderne.
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Le mal absolu ; au coeur du roman du dix-neuvième siècle
Pietro Citati, Brigitte Perol
- Gallimard
- L'arpenteur
- 19 Mars 2009
- 9782070762767
Existe-t-il un point commun, dans cette surprenante galerie de portraits, entre le hardi Robinson et la lunaire Jane Austen, entre le vertigineux Thomas De Quincey et l'enfant terrible Pinocchio, entre les yeux d'Emma Bovary, les chevaux de Leskov et les petites filles de Lewis Carroll ? Ou bien entre le rire de Dickens et ses incursions dans les ténèbres, la pitié infinie de Dostoïevski, la vitesse et la grâce parfaite de Stevenson, les labyrinthes aériens des phrases de Henry James et les descentes de Freud dans l'Hadès tout au long des nuits au cours desquelles il écrivit L'Interprétation des rêves ?
Ce qui relie ces écrivains et ces personnages, parmi bien d'autres rencontrés dans ce livre, ce n'est pas seulement leur apparition au coeur d'une époque marquée par l'apogée du roman et par des bouleversements considérables. C'est aussi le regard subtil de Pietro Citati, son intérêt passionné pour les défis de l'esprit et les aspects multiples de l'existence, son aptitude à accueillir en lui la multitude des visages et des voix qui hantent les écrivains et leurs livres. C'est enfin le fil rouge qui court à travers ces pages : Balzac, P?, Dumas, Hawthorne, Dostoïevski, Stevenson et presque tous les grands romanciers du XIXe siècle sont attirés par une image, celle du Mal absolu. Non pas le mal étriqué et monotone de la réalité quotidienne, mais le mal fascinant que semblent diffuser les grandes ailes sombres, encore imprégnées de lumière, de Satan et des anges déchus. Car ce siècle est aussi celui de retour de Satan qui séduit, corrompt et tue, aussi magnétique et irrésistible que Stavroguine dans Les Démons. Il tend à s'identifier au Tout, jusqu'à ce qu'il révèle n'être rien d'autre que le vide vertigineux et sans bornes qui hante la conscience moderne.
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Brève vie de Katherine Mansfield
Pietro Citati, Brigitte Perol
- La Table Ronde
- Quai Voltaire
- 18 Février 2016
- 9782710378266
Katherine Mansfield née en 1888 en Nouvelle-Zélande, morte en France en 1923, a écrit quelques-uns des plus beaux et des plus célèbres récits de ce siècle. Plus qu'un simple écrivain, elle est vite devenue comme Virginia Woolf ou Franz Kafka, un personnage fabuleux, une sorte de mythe moderne représentant exemplairement un destin de l'époque. Changeante, adorable, inquiète, fragile, têtue : voici une jeune fille soucieuse d'être belle, à la mode, amoureuse, qui s'enfuit, revient, tombe malade, meurt jeune ; mais aussi un écrivain de premier ordre, jamais dupe d'elle-même, toujours en quête - dans la vie comme dans l'écriture - de quelque chose qui fuit éternellement regards et désirs humains.
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La mouette bleue
Raffaello Brignetti, Brigitte Perol
- Gallimard
- L'arpenteur
- 14 Mars 2001
- 9782070756674
Une prisonnière qui s'évade d'un pénitencier perdu sur une île, un canot vert pistache aperçu au large, un phare qui ne s'allume pas car les deux gardiens s'affrontent en un combat désespéré, l'opération chirurgicale que le capitaine d'un cargo, muni d'un rasoir, entreprend en suivant les instructions transmises par télégraphe, le vol d'une mouette au-dessus d'un cadavre à la dérive, la méduse broyée par une hélice, un amour : un filet invisible enveloppe toutes les aventures de ce livre, il les sépare, les rapproche, les entrelace. À la fois uniforme et variée, mouvante et impassible, la mer laisse affleurer des histoires pour à nouveau les recouvrir. Ce roman est un prisme dont les sept récits composent les facettes. On y surprend les reflets du destin des hommes, des animaux et de la mer. Dans la grande tradition de Melville et de Conrad, La mouette bleue conjugue le suspense, la passion lyrique et la rigueur descriptive. Pietro Citati a pu commenter en ces termes l'art de l'écrivain : «Avec la force brute, aveugle et inconsciente d'un animal des profondeurs, Raffaello Brignetti parcourt l'élément marin. Il vainc toutes les résistances, tous les pièges et les vertiges qu'il rencontre en chemin. Derrière les mots se presse quelque chose de lourd de sens et d'insensé, de menaçant et d'inexplicable. L'inspiration de Brignetti est grave, son écriture robuste, son imagination grandiose...»