françois jullien
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Moïse ou la Chine : Quand ne se déploie pas l'idée de Dieu
François Jullien
- Folio
- Folio Essais
- 4 Janvier 2024
- 9782073047137
À l'heure où s'enflamment à nouveau les revendications identitaires ainsi que l'intégrisme religieux, François Jullien propose une autre façon de vivre ensemble : l'inter-culturalité. Il s'intéresse ici à la question de Dieu, qui s'est tant développée en Occident et si peu déployée en Chine. N'est-il pas temps, en effet, d'enquêter sur «Dieu» au-delà de la croyance ou de l'athéisme - du pour ou contre Dieu - et d'abord sur «la grande affaire» que Dieu a provoquée culturellement en Europe ? Par l'exploration de la langue et de la pensée chinoises, où la figure de Dieu n'a pas connu un tel destin - tandis que la question de Dieu, et d'abord de son existence, a dramatiquement tendu la pensée européenne -, François Jullien réinterroge le chemin pris par la philosophie pour l'envisager, par écart, à partir du dehors chinois. Si nous n'avions pas pensé «Dieu», ne serions-nous pas entrés autrement dans la pensée ? Un incroyable exercice d'ouverture d'esprit qui, en plus d'introduire le lecteur à la civilisation chinoise, envisage les conditions d'un véritable dialogue inter-culturel.
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« Toute notre vie, ne la passons-nous pas à attendre de l'autre, de l'autre enfin qui soit autre ? Or ce tout autre n'est pas à attendre de quelque Là-bas espéré, d'un lointain fantasmé. [...] Mais il se découvre si près, à portée, dans ce que l'on a trop placidement, paresseusement, assimilé. L'inouï ne tombe pas de quelque ciel féerique, mais s'extrait de ce qu'on foule si négligemment d'instants banals. [...] De là qu'il faudra, je crois, procéder de façon inverse. Chercher de l'autre, non pas dans ce qui s'annonce à l'antipode, dans le rôle du contraire, qui déjà est complémentaire. Mais plutôt en ouvrant un écart au sein de ce qu'on croirait semblable, le plus à proximité, apparemment le plus apparenté : pour y sonder ce qui s'y fissurerait secrètement d'un autre possible. »En scrutant la langue et ses usages, François Jullien défait les illusions. Un livre qui possède la qualité remarquable de renouveler le regard. Roger-Pol Droit, Le Monde des livres.Cet ouvrage a paru initialement sous le titre Si près, tout autre. De l'écart et de la rencontre, aux éditions Grasset.
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Vivre de paysage : ou l'impensé de la raison
François Jullien
- Folio
- Folio Essais
- 13 Janvier 2022
- 9782072971310
«En définissant le paysage comme la partie d'un pays que la nature présente à un observateur, qu'avons-nous oublié? Car l'espace ouvert par le paysage est-il bien cette portion d'étendue qu'y découpe l'horizon? Car sommes-nous devant le paysage comme devant un spectacle? Et d'abord est-ce seulement par la vue qu'on peut y accéder - ou que signifie regarder? En nommant le paysage montagne(s)-eau(x), la Chine, qui est la première civilisation à avoir pensé le paysage, nous sort puissamment de tels partis pris. Elle dit la corrélation du Haut et du Bas, de l'immobile et du mouvant, de ce qui a forme et de ce qui est sans forme, ou encore de ce qu'on voit et de ce qu'on entend... Dans ce champ tensionnel instauré par le paysage, le perceptif devient en même temps affectif; et de ces formes qui sont aussi des flux se dégage une dimension d'esprit qui fait entrer en connivence. Le paysage n'est plus affaire de vue, mais du vivre. Une invitation à remonter dans les choix impensés de la Raison; ainsi qu'à reconsidérer notre implication plus originaire dans le monde.» François Jullien.
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La pensée chinoise ; en vis-à-vis de la philosophie
François Jullien
- Folio
- Folio Essais
- 18 Avril 2019
- 9782072841682
«Dans quels termes penser quand le monde est en voie de penser dans les mêmes ?
Face aux principaux concepts de la pensée européenne, je suis allé chercher en Chine des cohérences à mettre en vis-à-vis, dont je fais des concepts, ceux-ci laissant paraître d'autres possibles.
Il ne s'agit donc pas de "comparer". Mais de cueillir les fruits d'un déplacement théorique, dont je dresse ici le bilan, en explorant d'autres ressources à exploiter ; comme aussi, par le dévisagement mutuel engagé, de sonder respectivement notre impensé.
Au lieu donc de prétendre identifier des "différences" qui caractériseraient les cultures, je cherche à y détecter des écarts qui fassent reparaître du choix et remettent en tension la pensée. C'est seulement à partir d'eux, en effet, qu'on pourra promouvoir un commun de l'intelligible qui ne soit pas fait de slogans planétarisés.
En retour, les entrées de ce lexique introduiront autant de dérangements qui pourront faire réagir les pratiques de l'art comme de la psychanalyse ; qui permettront de réinterroger de biais la pensée du politique comme du management.
Et voici que, en dessinant une sortie de la "question de l'Être", c'est du même coup une nouvelle pensée du vivre que capte, dans ses mailles, ce filet.» François Jullien.
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Un soupçon s'est insidieusement levé, un matin, que la vie pourrait être tout autre que la vie qu'on vit. Que cette vie qu'on vit n'est plus peut-être qu'une apparence ou un semblant de vie. Que nous sommes peut-être en train de passer, sans même nous en apercevoir, à côté de la « vraie vie ». Car nos vies se résignent par rétractation des possibles. Elles s'enlisent sous l'entassement des jours. Elles s'aliènent sous l'emprise du marché et de la technicisation forcée. Elles se réifient, enfin, ou deviennent « chose », sous tant de recouvrements. Or, qu'est-ce que la « vraie vie » ?
F. J.
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L'idée de Dieu n'est-elle plus qu'une « pensée évidée qui ne sert plus qu'à s'éviter de penser » ? C'est le risque d'une religion où tout « coïncide » au point que ça colle, comme on dit trivialement pour dire que ça fonctionne. Ça fonctionne tant et si bien que le système est fermé sur lui-même, ne produit plus rien d'inouï. Ça fonctionne, mais est-ce que ça vit ? On en doute, tant la croyance « n'y est plus un élan intérieur qui ébranle, qui motive et qui mobilise, mais s'est murée en contrainte ou en conformisme ». Dé-coïncider, nous le faisons tous les jours pour devenir plutôt que de rester figé dans une identité sclérosée. Ainsi, en affirmant que Dieu est dé-coïncidence, la proposition forte de François Jullien est de dire que Dieu « fait vivre », au sens fort d'être agent d'événement et de devenir et au risque d'échapper à toute définition qu'on pourrait faire de lui. Le philosophe prolonge ici avec originalité, maîtrise et pédagogie ses thèmes de l'inouï et de l'écart.
« S'il peut y avoir un savoir sur la vie, vivre n'est-il pas précisément d'échapper à ce savoir pour s'oser en possible infini ? Et n'est-ce pas ce dont la Bible fait précisément le récit suivi ? » -
Raviver de l'esprit en ce monde : un diagnostique contemporain
François Jullien
- L'Observatoire
- 27 Septembre 2023
- 9791032930014
Dans ce livre étonnant, militant, le philosophe François Jullien réfléchit à la possible perte de réflexion, d'intelligence et d'esprit dans notre société moderne.
L'auteur de La vraie vie questionne ainsi nos habitudes, notre mode de vie, qui voudrait presque arrêter de penser, qui cherche des livres « faciles à lire », des relations « sans prises de tête », pour qui les mots « intellos » et « technocrates » semblent des insultes...
A une époque où l'on parle de plus en plus d'intelligence artificielle, que doit-on faire de l'intelligence humaine ? Et dans un monde où tout s'obtient d'un clic : que reste-il de l'humain s'il n'a plus le goût de la réflexion, qui est toujours un effort à faire ? -
Aujourd'hui où l'on ne peut plus tracer de plan de la Cité idéale, et où les lendemains « ne chantent plus », peut-on faire autre chose que défaire ce qui bloque l'état présent des choses pour y rouvrir des possibles ?
Or, qu'est-ce qui bloque, si ce n'est des coïncidences idéologiques installées depuis trop longtemps, paralysant la société ? Ne pouvant les renverser (comment en aurait-on la force ?) et les dénoncer ne s'entendant plus, on ne peut que les fissurer : localement, sur le terrain, chacun en ayant l'initiative là où il est.
Mais ces dé-coïncidences se relient et se relaient, elle se répondent et peuvent s'associer.
Une Association en est née, dont chacun peut faire partie. Car c'est quand même avec des fissures que commencent à s'effondrer les cavernes. -
Dans cet essai, François Jullien développe l'idée d'une « seconde vie », qui ne serait ni une renaissance ni une nouvelle vie. Relisant les classiques de la pensée chinoise, les fondateurs du taoïsme, et les faisant dialoguer avec les écrivains et penseurs européens, le philosophe et sinologue cartographie un chemin, celui d'une transformation silencieuse. Sans rupture, discrètement, notre vie se décale lentement d'elle-même et commence à se choisir, à se réformer. Elle se relance, se réengage, élague dans ses projets et ses visées, dégage des possibles encore inexplorés. Dès lors, déployant pas à pas notre liberté, sortant de la répétition, devenant lucides, nous ne continuons plus simplement de vivre, mais commençons d'exister.François Jullien plaide pour l'émergence des élans neuf enfouis dans les ressources de nos vies. Catherine Portevin, Philosophie magazine.Une infinie précision et profondeur. Nicolas Truong, Le Monde.
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Altérités ; de l'altérité personnelle à l'altérité culturelle
François Jullien
- Folio
- Folio Essais
- 11 Mars 2021
- 9782072901447
Comment empêcher que la présence, en s'instaurant, s'installe ? Qu'elle s'enlise de ce qu'elle se réalise et s'abîme dans la durée ? Les Amants en sont menacés.
Je proposerai de penser cet « être près » de la présence, non pas dans les termes de l'« être », donc de la détermination ; mais dans les termes de l'entre laissant passer indéfiniment l'intime entre des sujets respectant leur altérité.
De sorte que la présence ne sombre pas dans la fatalité de l'être-là qui, s'étalant dans son « là », se désactive et désapparaît. N'est-ce pas ce qui d'abord importe pour vivre à deux, se tenant « hors de soi », et véritablement ex-ister ?
Or n'en va-t-il pas de même touchant l'altérité qu'on dit culturelle ?
Une mission aux confins du Vietnam - des flancs de Sapa aux bras du Mékong - m'a conduit à reconsidérer du plus loin ce qui nous occupe aujourd'hui de si près ; ainsi qu'à sonder, dans le sort de minorités...
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L'histoire que je raconte ici est bien celle de tout le monde... Car qui ne s'est pas trouvé lassé, au fil des jours, du spectacle si merveilleux du ciel, ou du visage de l'Amante, et même d'abord d'être en vie ? Ce qui s'étale revient toujours, s'enlise en effet dans sa présence comme dans sa récurrence et n'émerge plus, n'apparaît plus. On ne pourra y accéder qu'en découvrant ce qui s'en est perdu - et comme enfoui - d'in-ouï.C'est donc seulement en débordant notre expérience, en ouvrant une brèche dans ses cadres constitués et normés, qu'on pourra l'aborder. Aussi rendre ce si lassant réel à ce qu'il contient en soi d'inintégrable et par conséquent de vertigineux, proprement inouï, est, en amont de toute morale, autour de quoi se jouent, basculent nos existences.L'inouï en devient ce concept premier, ce concept clé, ouvrant un minimum métaphysique où s'opère, ici et maintenant, un tel renversement. Car que peut-on attendre d'autre - espérer entendre d'autre - que l'inouï ?F.J.
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Les transformations silencieuses Tome 1; chantiers
François Jullien
- Le Livre De Poche
- Biblio Essais
- 26 Mai 2010
- 9782253084730
Grandir, vieillir, mais aussi l'indifférence qui se creuse entre les amants, ou encore les Révolutions se renversant en privilèges : autant de modifications qui se produsent devant nous, mais si continûment qu'on ne les perçoit pas. Or, si cette transformation nous échappe, c'est sans doute que l'outil de la philosophie grecque échoue à capter cet indéterminable de la transition. De là, l'intérêt à passer par la pensée chinoise : ces transformations silencieuses rendent compte de la fluidité de la vie et éclairent les maturations de l'Histoire tout autant que de la Nature. Une mise en regard de la pensée chinoise et de la pensée européenne, par un philosophe et sinologue français, directeur de l'Institut de la pensée contemporaine.
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Entrer dans une pensée ou des possibles de l'esprit ; l'écart et l'entre
François Jullien
- Folio
- Folio Essais
- 12 Avril 2018
- 9782072770807
Qui ne souhaiterait par exemple entrer, le temps d'une soirée, dans une pensée aussi extérieure à la nôtre que la chinoise? Mais la résumer, en présenter des notions ou y distinguer des écoles nous laisse toujours dépendant de nos perspectives implicites et de nos concepts. On n'a pas encore quitté sa pensée ni pu entrer dans l'autre. François Jullien propose de lire les premiers mots du Yi-king sur le commencement. De les lire du dedans : dans leur énoncé et dans leur commentaire. S'érige alors progressivement un seuil qui fait entrer. Et surgit soudain devant nous une tâche immense : concevoir une histoire de l'avènement de l'esprit qui ne relève plus de la seule Europe.
Une réflexion qui se prolonge dans L'écart et l'entre : comment s'ouvrir un chemin vers l'Autre ? Ce n'est pas à partir du semblable, comme on voudrait le croire, mais bien en faisant travailler des écarts, et donc en activant de l'entre, qu'on peut déployer une altérité qui fasse advenir du commun. Un commun effectif est à ce prix. Qu'on s'en souvienne aujourd'hui où le danger d'assimilation, par temps de mondialisation, partout menace.
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La philosophie a pensé la vie, mais non pas vivre ; et le religieux, qui prenait en charge la question du vivre, est aujourd'hui en retrait. Ainsi « vivre » est laissé en friche, abandonné au prêche ou bien au truisme ; et de là prospèrent le Développement personnel et le marché du Bonheur, qui vendent vivre comme du « tout positif ».
Or, comme le montre François Jullien dans ce nouveau livre, vivre est paradoxal, s'étendant du vital au vivant. Il est à la fois la condition de toutes les conditions : être en vie ; et l'aspiration de toutes nos aspirations :
Vivre enfin ! Nous sommes en vie, mais nous n'accédons pas pour autant à vivre. De là que nous puissions être nostalgiques de la vie au sein même de la vie - ou que « la vraie vie est absente ».
Comment faire pour vivre ? Comment vivre enfin ? Car répéter qu'il faut « cueillir le jour », « profiter de la vie », n'est jamais très utile ou efficace...
Le philosophe de La Vraie vie trace donc plutôt, pour s'y repérer, une carte de ces possibles intensifs entre lesquels décider vivre. Vivre y reparaît alors dans sa ressource, dans son essor, dans son « matin », dégagé de ce qui l'enlisait, au fil des jours, et l'emmurait.
Telle est « la transparence du matin », en amont de tous les enseignements de la morale. -
D'où nous vient l'efficacité ? Comment la penser sans construire un modèle à poser comme but, donc sans passer par le rapport théorie-pratique, et hors de tout affrontement héroïque ? A la difficulté européenne à penser l'efficacité - même sur le versant « réaliste » de notre philosophie (d'Aristote à Machiavel ou Clausewitz) - s'oppose l'approche chinoise de la stratégie : quand l'efficacité est attendue du « potentiel de la situation » et non d'un plan projeté d'avance, qu'elle est envisagée en termes de conditionnement et non de moyens à fin, de transformation et non d'action, de manipulation et non de persuasion, etc. : « l'occasion » à saisir n'est plus alors que le résultat de la tendance amorcée, et le plus grand général ne remporte que des victoires « faciles », sans même qu'on songe à l'en « louer ». De ce clivage, on percevra mieux en quoi consiste la possibilité d'effet ; et notamment, qu'il faut sortir d'une conception spectaculaire de l'effet pour comprendre qu'un effet est d'autant plus grand qu'il n'est pas visé, mais découle indirectement du processus engagé, et qu'il est discret.
J'appellerai fonds d'effet ce dont nous vient cette efficacité sans dépense, et qui ne rencontre pas de résistance. Il nous conduira à concevoir une stratégie qui serait de l'efficience plus que de l'efficacité. -
Dé-coïncidence ; d'où viennent l'art et l'existence
François Jullien
- Le Livre de Poche
- Biblio Essais
- 5 Février 2020
- 9782253091813
D'où viennent l'art et l'existence ?
L'Âge classique a fait de l'adéquation la définition même de la vérité ; et de la coïncidence avec la Nature le grand précepte de l'art comme de la morale. Nous-mêmes voudrions croire que, quand les choses en viennent enfin à s'accorder, c'est là le bonheur...
Or, c'est précisément quand les choses se recoupent complètement et coïncident que cette adéquation, en se stabilisant, se stérilise. La coïncidence est la mort. C'est par dé-coïncidence qu'advient l'essor.
François Jullien fait jouer ici le concept de « dé-coïncidence » dans la Bible, la peinture, la littérature, la philosophie, pour montrer comment, dans cette faille même, une initiative est à nouveau possible, qui se déploie en liberté.
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Préface inédite de l'auteur.
Dans cette conférence de François Jullien, prononcée auprès de chefs d'entreprise, le philosophe propose une stimulante réflexion en opposant la conception européenne de l'efficacité, liée à la modélisation comme à la finalité et une action se prolongeant en héroïsme, à la pensée chinoise de l'efficience, indirecte et discrète, qui prend appui sur le potentiel de situation et induit des transformations silencieuses. Se gardant de séparer l'art d'opérer sur des situations et l'exercice de la philosophie, sa réflexion fait dialoguer les cultures afin d'en confronter, voire d'en mutualiser les ressources. Elle engendre des effets de lecture portant sur l'histoire du XXe siècle et la géopolitique à venir.
« Pour qui veut sortir de la pensée européenne, mais en se tournant vers un monde de culture aussi élaboré, civilisé, textualisé, que le nôtre en Europe, je dirais : il n'y a que la Chine. »
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À l'amour et au « Je t'aime » - qui réduit l'autre à n'être qu'un objet et fait de la passion un événement qui s'usera -, François Jullien entend substituer, dans ce livre, l'intime. Qu'est-ce à dire? Que l'intime, précisément, abolit la frontière entre l'autre et soi. Qu'il fait basculer un dehors indifférent dans un dedans partagé. Qu'il vit des « riens » du quotidien, en y découvrant les vertus de l'être auprès. Telle est sa façon - via saint Augustin, Rousseau et Stendhal - de se débarrasser de l'éternel du « coeur » humain. Comment l'Europe s'y est-elle prise pour transporter cet intime de Dieu à l'humain ? Et peut-on - doit-on - fonder une morale sur ce sol ?
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De l'évasif : sortir de la langue de l'être
François Jullien
- Alpha
- Philosophie
- 14 Juin 2023
- 9782383880660
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Vivre est à la fois la condition élémentaire de notre condition - être en vie - et l'absolu de notre aspiration : «Vivre enfin!» Car que pourrions-nous désirer d'autre que vivre?
Vivre est à la fois ce en quoi nous nous trouvons toujours déjà engagés en même temps que nous ne parvenons jamais - pleinement - à y accéder.
Aussi la tentation de la philosophie, depuis les Grecs, a-t-elle été d'opposer au vivre répétitif, cantonné au biologique, ce qu'on appellera, le projetant dans l'Être, la «vraie vie» - qui est alors ailleurs.
Refusant ce report et circulant entre pensée extrême-orientale et philosophie occidentale, François Jullien s'interroge pour savoir comment chaque concept, pour se saisir du vivre, doit s'ouvrir à son opposé.
Le risque est sinon d'abandonner ce vivre aux truismes de la sagesse, voire au grand marché du développement personnel comme au bazar de l'exotisme. Car cet entre-deux, entre santé et spiritualité, la philosophie ne l'a-t-elle pas - hélas! - imprudemment laissé en friche?
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La prochaine campagne électorale en France, nous annonce-ton, tournera autour de l'identité culturelle. Autour de ces questions : ne faut-il pas défendre l' « identité culturelle » de la France contre la menace des communautarismes ? Où placer le curseur entre la tolérance et l'intégration, l'acceptation des différences et la revendication identitaire ?
Ce débat traverse l'Europe entière ; il concerne, plus généralement, le rapport des cultures entre elles en régime de mondialisation. Or on se trompe ici de concepts : il ne peut être question de « différences », isolant les cultures, mais d'écarts maintenant en regard et promouvant entre eux du commun ; ni non plus d' « identité », puisque le propre de la culture est de muter et de se transformer, mais de fécondités ou ce que j'appellerai des ressources. L'auteur ne défends donc pas une identité culturelle française impossible à identifier, mais des ressources culturelles françaises (européennes) - « défendre » signifiant alors non pas tant les protéger que les exploiter. Car s'il est entendu que de telles ressources naissent en un milieu et dans un paysage, elles sont ensuite disponibles à tous et n'appartiennent pas. Elles ne sont pas exclusives, comme le sont des « valeurs » ; elles ne se prônent pas, ne se « prêchent » pas, mais on les déploie ou l'on ne les déploie pas, et de cela chacun est responsable. Un tel déplacement conceptuel obligeait, en amont, à redéfinir ces trois termes rivaux : l'universel, l'uniforme, le commun, pour les sortir de leur équivoque. En aval, à repenser le « dia-logue » des cultures : dia de l'écart et du cheminement ; logos du commun de l'intelligible.
À se tromper de concepts, on s'enlisera dans un faux débat, donc qui d'avance est sans issue.
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Eloge de la fadeur : à partir de la pensée et de l'esthétique de la Chine
François Jullien
- Le Livre De Poche
- Biblio Essais
- 12 Mai 1993
- 9782253063797
On croira d'abord au paradoxe : faire l'éloge de la fadeur, priser l'insipidité et non point la saveur, c'est aller à l'encontre de notre jugement le plus immédiat. Prendre plaisir à malmener le sens commun. Or, dans la culture chinoise, la fadeur est reconnue comme qualité. Plus encore : comme la qualité, celle du « centre », de la « base ». Le motif est important déjà dans la pensée de l'Antiquité, qu'il s'agisse de dresser le portrait du Sage ou d'évoquer la Voie. De là, il a fécondé la tradition esthétique des Chinois : non seulement parce que les arts qui se développent en Chine bénéficient d'une telle intuition, mais aussi parce qu'ils peuvent rendre plus sensible cette insipidité fondamentale - ils ont donc mission de la révéler : à travers le son, le poème, la peinture, la fadeur devient expérience.
F. J.
Pour percer les arcanes de la pensée chinoise, poésie, peinture, musique, les arts dans leur ensemble, mais aussi plus largement la culture et la philosophie, sont ici revisités à partir de la notion de fadeur. Ou comment, vers l'Orient, les valeurs se sont inversées, jusqu'à définir une autre économie de l'esthétique comme de la réßexion. Dans une langue claire et agréable, François Jullien brosse le tableau de cet « autre » esprit. -
Procès ou création ; une introduction à la pensée des lettrés chinois
François Jullien
- Points
- Points Essais
- 7 Avril 2016
- 9782757858561
Que toute réalité soit conçue comme un processus en cours relevant d'un rapport d'interaction ; que tout réel ne soit donc jamais analysable comme entité individuelle mais comme relation ; qu'il y ait par conséquent à l'origine de tout phénomène non pas une mais toujours deux instances fonctionnant corrélativement (yin/yang, Terre/Ciel, paysage/émotion...) : c'est là une représentation de base de la culture chinoise, dont la lecture que François Jullien fait du philosophe Whang Fuzhi (1619-1692) permet ici de saisir les enjeux en profondeur.
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L'Europe est en malaise de ne plus savoir que faire, aujourd'hui, du christianisme.
Or, si nous évitons la question du christianisme, c'est, je crois, que le clivage entre « celui qui croyait au ciel » et « celui qui n'y croyait pas » n'est plus pertinent.
Aussi aborderai-je le christianisme à titre de ressources. Celles-ci sont, disponibles, à qui les explore et les exploite. À titre de ressources : l'écart des langues et des Evangiles ouvrant un entre réflexif ; qu'un événement soit possible et qu'il soit la vie même ; qu'il faille désadhérer du vital pour accéder à l'originairement vivant ; que Dieu Père dé-coïncide en son Fils pour s'activer en Dieu ; ou qu'il faille se tenir hors du monde pour rencontrer l'Autre...
Une reconfiguration radicale de la vérité.
Sans y entrer par la foi, on suivra, dans Jean, des filons féconds d'une pensée de l'existence.
Pourquoi s'en priver ?
« Vous vous demanderez pourquoi je m'occupe aujourd'hui de cela : du «christianisme». Qu'a-t-on encore à en faire ? Or je crois qu'il y a importance aujourd'hui à s'en occuper : à ne pas éviter la question du christianisme. Non pour des raisons d'identité culturelle (l'Europe est-elle «chrétienne» ?), mais pour des raisons de fécondité culturelle et, plus précisément, en ce qui nous concerne, de fécondité pour la philosophie. Car il faut, après le temps de sa domination, puis celui de sa dénonciation, aujourd'hui de sa relégation, dresser le bilan de ce que le christianisme a fait advenir dans la pensée. »