gérard guégan
-
« Dans ma famille, père chômeur depuis la fin de la guerre et mère brodeuse à domicile, les livres étaient rares... »
Dans les années 50, Gérard Guégan, lycéen fou de littérature, s'identifie à Rimbaud au point de prétendre se prénommer Arthur. Paulhan le sauvera plus tard d'une identification stérilisante en lui conseillant : « N'imitez que ce que vous croyez détester. »
Militant communiste, journaliste encarté puis désencarté mais toujours engagé, romancier, essayiste, critique, éditeur (Champ Libre, Le Sagittaire), Guégan a écumé plus d'un demi-siècle de vie littéraire française.
Il nous fait revivre par petite touches ce temps où l'on prenait la lecture pour l'argument décisif, où l'on s'aimait, où l'on se brouillait, autour des livres, mais où l'on existait en faisant partager ses découvertes, grâce à quoi les affinités électives décidaient de tout.
À sauts et gambades, ce livre-vitrail fait miroiter les facettes d'une légende littéraire toute subjective.
L'auteur y raconte sa rencontre avec des écrivains (Giono, Mohrt, Miller, Sollers, Bukowski, Boudard...).
Se côtoient ici des ténors et des « subjectivistes », talents souvent moins célébrés mais plus électifs (Béatrix Beck, Bernard Frank, Jean-Pierre Martinet, Armand Robin, Jean-Pierre Enard, Alain Chany, Hervé Prudon et tant d'autres).
En sorte que cet autoportrait constitue une sorte d'arche de Noë dans laquelle Guégan entend sauver les siens. -
-
Fraenkel, un éclair dans la nuit
Gérard Guégan
- Editions De L'Olivier
- Litterature Francaise
- 4 Février 2021
- 9782823615128
En 1915, étudiant en médecine, il est, comme son ami André Breton, mobilisé avec un an d'avance. Dès lors, il va continuellement flirter avec la mort sans jamais renoncer à son goût pour la liberté. Envoyé en Russie en 1917, il assiste de près à la Révolution. Il en rentre marqué pour la vie. Aussi le retrouve-t-on en janvier 1920 parmi les premiers dadaïstes parisiens et ensuite au sein du mouvement surréaliste. En août 1936, il participe à la bataille des Baléares. Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, il se cache (il est Juif), puis il traverse à pied les Pyrénées avant de rejoindre l'escadrille Normandie-Niémen.
Cet homme, c'est Théodore Fraenkel. Oublié des livres d'Histoire, il aura connu Vaché et Aragon, Desnos et Tzara, le stalinisme et la guerre d'Algérie. Révolutionnaire dans l'âme, Fraenkel est aussi un amoureux passionné, tel un personnage de la Nouvelle Vague égaré dans un roman de Victor Serge.
Interrogeant les derniers témoins, et consultant des archives inédites, Gérard Guégan a mené une minutieuse enquête. Dans cette biographie digne d'un roman d'aventures, il fait le portrait d'un homme au destin hors-normes.
-
Ni récit ni biographie, le nouveau livre de Gérard Guégan est porté par une figure si romanesque au destin si tragique qu'il ressemble et se situe avant tout en littérature. C'est le roman de Fontenoy. Ses engagements, ses amours, ses obsessions, ses déguisements, l'histoire d'un homme qu'on rêverait tout à la fois de rencontrer et de fuir, d'aimer et de quitter, comme il n'aura cessé de se quitter lui-même.
C'est sans doute bien Brice Parain qui aura donné avant Gérard Guégan sur Fontenoy le sentiment le plus juste : « Il y a eu Jean (Fontenoy). Je n'ai pas eu d'autre ami parce que les autres que j'ai connus étaient ou sont moins honnêtes que lui, je veux dire plus arrangeurs au fond. Arrangeur, il l'était comme vous le dites, mais il n'a pas triché avec la littérature, ou la poésie, comme vous voudrez, il a préféré devenir une crapule plutôt qu'un protégé de Paulhan, c'est tout de même beaucoup. »
-
«Hemingway, qui paraissait fatigué, accablé, désorienté lorsqu'il s'est enfermé avec son autre lui-même, respire désormais la sérénité.
Et l'assurance.
Il ira voir Hammett, et ils feront la paix, quitte à ce qu'elle soit courte et qu'elle se termine dans le sang.
En tout état de cause, ils ne peuvent qu'essayer de se réconcilier.
Ils y sont condamnés par leur ennemi commun.
Ne partagent-ils pas en effet le privilège, car c'en est un, d'avoir été classés FBI Targets par Hoover lui-même?»
-
Mars 1936, Boukharine, jadis l'enfant chéri du Parti selon Lénine, se sait au bord du gouffre. Or, voici que, contre toute attente, Staline l'appelle et lui donne l'ordre de se rendre en France afin de négocier l'achat des manuscrits de Marx alors aux mains des socialistes allemands réfugiés à Amsterdam.
Est-ce une invitation à l'exil? Ou, au contraire, l'amorce d'un retour en grâce?
Plus étrange encore, le même Staline autorise, quelques semaines plus tard, la très jeune épouse de Boukharine à quitter Moscou et à le rejoindre à Paris.
Que faire?
Que vont-ils faire?
Que peuvent-ils faire? -
Point de départ : un double fait divers. Un boxeur est tabassé par des voyous, il ne pourra plus boxer, il se suicide. Des enfants viêtnamiens sont retrouvés assassinés, dans le quartier du faubourg Saint-Antoine... Mais ce qui intéresse Guégan, c'est Ruggieri, son flic, son inspecteur principal, dont la vie, la personnalité et les fantasmes reflètent bien des angoisses et des contradictions de notre temps.
-
«Marat est un homme à secrets. La Résistance exigeait qu'on s'avançât masqué, il s'y est montré à son avantage. Ainsi il n'avait jamais avoué à quiconque qu'il avait été l'ami de Brasillach en khâgne à Louis-le-Grand et qu'il lui avait, à la fin du mois d'août 1944, proposé de le planquer en Normandie. De même, il s'était gardé de dire à Héloïse ce qu'il est en train de rappeler à Maréchal : "Drieu doit mourir, c'est écrit d'avance, mais pas fusillé, pas exécuté, pas comme un collaborateur ordinaire."»
-
Ici, le réel se mêle à la fiction au point que l'on s'étonne à peine de retrouver l'auteur coincé sous le lavabo de la salle de bains de Johnny Guitare... ou dans les bras de Gilda. Pourtant, on s'interroge, avec Raphaël Sorin, préfacier de la présente édition : cette histoire relève-t-elle "d'un brechtisme léger, plutôt décontracte ? Ou bien d'un godardisme avancé, archipop ?" Car ce récit débridé, roboratif, drôle et diablement incarné se livre au petit jeu du franchissement du miroir pour le plus grand plaisir des amoureux du cinéma et de la littérature : Gérard Guégan parvient à y accorder la réalité à nos rêves, en technicolor.
Paru aux éditions du Sagittaire en 1975, jusqu'à ce jour épuisé, voici un texte bien de son époque, celle du structuralisme et de sa critique flamboyante.
-
Unité de lieu : le Paris des barricades en mai 1968
Unité de temps : du matin du 10 à l'aube du 11mai, vingt-quatre heures dans la vie d'un homme comme l'époque moderne n'en produit plus et à qui on ne fait pas la blague des leçons de l'Histoire.
Unité d'action : une course contre la montre entre la mort et l'aveu.
Nous suivons les déambulations d'Outremer - bientôt 70 ans, écrivain, membre de l'appareil clandestin de la Troisième Internationale, volontaire en Espagne, torturé en 1937 par la police stalinienne à Barcelone, ancien de la 2° DB de Leclerc, pédéraste dandy qui « n'a été que d'une seule internationale, celle de l'immoralisme », morphinomane, fumeur, buveur - du matin où il apprend la nature de sa terrible maladie à l'aube suivante où, au sortir des barricades et des combats de rue, dans les vapeurs de la mescaline et des gaz lacrymogènes, il est parvenu à confesser ses crimes à une jeune femme poursuivie toute la nuit telle une chimère.
Cette journée sera rythmée par de courts chapitres qui sont autant de stations sur le chemin de croix d'une mémoire envahissante : traversée agitée de Paris dans un taxi ; visite à un grand patron de médecine trop cérémonieux ; leçon de choses à son éditeur ; halte au restaurant d'un ancien fusilier marin pour qui il sera toujours « mon Commandant » et où une jeune femme, Véronica, sosie de sa soeur Geneviève morte en déportation, lui propose de partir en chasse à travers une ville gorgée d'adolescents en colère ; conversation avec son ami ministre qui a combattu lui aussi en Espagne ; tête à tête tumultueux avec le producteur d'un documentaire sur son chef de maquis, dont il noircit mensongèrement la mémoire ; et ainsi de suite...
Mais quels sont donc ces crimes abominables qu'il confiera au petit matin à Véronica ? Elle seule pourrait le dire. Quant à Outremer, il mourra une semaine plus tard d'une overdose d'héroïne. -
Chacun le sait, tout ce qui s'est écrit sur la mort d'Henri Beyle, alias Stendhal, relève de l'invention. Même son cousin Romain Colomb a biseauté les cartes. Même Mérimée, ami de longue date, a cherché le scandale en déformant les faits.
L'événement a eu pourtant un témoin direct, Joseph Lingay. Éminence grise de la monarchie de Juillet, cet élève de Fouché, qui se disait « le plus corrompu des corrupteurs », régnait en maître sur les fonds secrets de quatre ministères. Il en fit profiter Gautier, Nerval, et les jeunes prostituées que Stendhal partagea souvent avec lui. Son pouvoir était tel qu'il était sur le point d'envoyer à l'Académie son compagnon de débauche.
Tous les deux, d'ailleurs, sortaient d'un bordel le 22 mars 1842 quand, foudroyé par l'apoplexie, l'écrivain manqua s'écraser sur le pavé parisien. Dans les heures, les jours suivants, Lingay s'employa à assurer sa légende, en s'aidant d'Old Nick, le découvreur de La Chartreuse, du jeune Gobineau, ultra rallié à la cause de Mathilde de La Mole, et de Balzac, pas des plus scrupuleux quand il y allait de l'argent.
Gérard Guégan, qui a pu consulter les carnets secrets de Lingay, réputés perdus, s'est autorisé, sur le conseil du spectre de Stendhal (à moins que ce soit celui de Nimier ou de Cendrars), à tutoyer l'Histoire le temps d'une dernière valse. La dernière valse du romantisme. Les femmes (Alberthe, Jules, Monelle, Clémentine) y sont audacieuses et les hommes brillants. C'est la vie. La (presque) vraie.
-
-
"En mai 68, nous voulions tout en nous doutant que nous n'aurions rien. Tout ou rien, les chanteurs changent, pas la chanson, une fois pour toutes."
Gérard Guégan
Gérard Guégan a décidé de célébrer à sa manière l'anniversaire de mai 68, en écrivant un livre qui perpétue son esprit et non son souvenir. -
En achevant en 1974«La rage au coeur», G. Guégan pensait s'en tenir désormais au roman pour exprimer la critique du monde réel. Il revient à la théorie dans un plaidoyer pour la non-résignation devant l'évolution de la société actuelle. Il épingle, déclarations et articles de presse à l'appui, ceux qui se réclament de la théorie de la société du spectacle, formant une tendance néodebordiste.
-
"J'ai toujours pensé que si l'on voulait savoir comment fonctionnait une société il suffisait de regarder vivre une femme pour l'apprendre. Ce roman est donc l'histoire d'une femme qui commence de vivre dans une société qui agonise. Il se trouve que Danielle, mon héroïne, qui aime deux hommes dissemblables, est journaliste et qu'elle enquête sur la mort à Fécamp d'un adolescent sauvagement assassiné par son père, un psychologue scolaire. C'est aussi mon neuvième roman, mais alors qu'on m'incitait aimablement à faire mon beurre sur le masculin passé, j'ai préféré, autant par bravade que par instinct, tout remettre en jeu au féminin présent. Nous verrons bien qui avait raison."G. G.
-
Champ libre Tome 2 ; (1972-1974) ; Montagne-Sainte-Geneviève, côté cour
Gérard Guégan
- Grasset
- 5 Mars 2008
- 9782246711612
Dans la veine des chroniques subjectives (Inflammables ou Ascendant Sagittaire), Montagne-Sainte-Geneviève, côté cour poursuit et clôt l'aventure singulière dont Cité Champagne, qui s'était ouvert sur la rencontre avec Gérard Lebovici une nuit de mai 68, racontait les trois premières années. De 1972 à 1974, année qui voit la mort de Pompidou et la victoire de Giscard sur Mitterrand, Champ Libre, désormais installé rue de la Montagne Sainte-Geneviève, mu par l'échauffement des esprits autant que par « l'ambition de laisser une trace en donnant libre champ à l'imagination », multiplie les projets. Pendant que Le Saux continue d'attenter au bon goût, l'inénarrable Pétris cultive le scandale en traduisant à tour de bras Boulgakov, Chklovski, James, et Spinrad. De son côté, Raphaël Sorin joue les rabatteurs et se heurte non sans drôlerie à Floriana Lebovici, en charge de la presse. Rue de la Montagne Sainte-Geneviève, le cinéma est partout et on discute donc de tout, de l'art de la guerre comme de la sexualité sans entraves, de Léo Ferré comme des Doors. On y côtoie aussi Baynac, Manchette, Boudard, Sangla, de Roux, Nucera, Marie Minois ou Brigitte Fossey. Quand on ne déjeune pas rue des Canettes avec Rinaldi, on dîne avec Burroughs aux Halles. À Grasse, Herbart évoque Gide et l'année 36. À Paris, devant son agent effarée, Andy Wharol, blanc et impavide, accepte de vendre les droits de son roman pour 1 dollar... On part en chasse d'un ancien chef SS avec Guégan, on manque de se faire braquer avec Lebovici, on brise des piles d'assiettes avec Jean-Jacques Schuhl dans une brasserie de Montparnasse ! Et deux clans se forment, qui s'opposent de plus en plus frontalement : les créatifs (Guégan, Le Saux, Sorin, Guiomar) et les propriétaires (les Lebovici) - au-dessus desquels plane l'éminence grise Debord... surnommé « Tout-à-l'ego » par Pétris. Jusqu'à ce matin de novembre 1974 à la Coupole où, sous le regard ivre de Terence Stamp, la rupture est consommée... Ce livre est l'histoire vive, et nécessairement personnelle, des passions et des désirs dans un temps où « l'affectivité réglait les montres ». Mais peut-être est-ce aussi, dans le souvenir des coups de foudre et des amitiés, du désamour et de la lassitude, des colères et des trahisons, l'histoire d'une réconciliation ?
-
Dans les derniers jours du socialisme, en 1994. François Mitterrand confesse en public son passé vichyste. Au même moment, deux personnes qui n'avaient aucune raison de se rencontrer vont se découvrir père et fille. D'un côté, Adrienne, dite Adra, jeune femme libre, corps d'adolescent et révolte à la bouche, qui travaille comme serveuse et joue de la musique. De l'autre, Jules Marolles, affairiste entêté mais juste, proche du pouvoir, dégoûté des hommes et conscient qu'il meurt d'un cancer. Contre ses trois fils - trio sans scrupules formé d'un trafiquant d'armes, d'un ministre socialiste, et d'un journaliste au sourire de crapule - le père décide de léguer une partie de sa fortune à Adra... La demi-soeur est à la fois le roman des affaires, description acide des allées du pouvoir, et le roman de la jeunesse d'aujourd'hui.
-
Fils d'un universitaire communiste appartenant à l'Etat major du « colonel Rol », chef des FFI, Maxime Périer-Lagrange est né dans les catacombes de Paris, le 18 août 1944. C'est sous le nom de Max Logane qu'il deviendra un célèbre professeur de philosophie et dramaturge dans les années 68, avant de disparaître des radars de la Révolution en se retirant en Ardèche après quelques années clandestines d'activisme radical.
A cinquante-sept ans, « hanche foutue, aorte en perdition », cheveux blanchis et démarche hésitante soutenue par une canne, Max revient à Paris pour rencontrer Meyer, ancien « camarade de combat » devenu producteur, qui lui a commandé le scénario d'un film de fiction TV sur Stendhal. Les héros sont fatigués : jusqu'à quel compromis sont-ils parvenus lorsque le cours de l'Histoire ne s'est plus accordé à leurs rêves ?
Mais voilà que le vieux révolutionnaire blasé, cynique et machiste, autoproclamé « dilettante » et « dérisionniste », rencontre Jenny Monfray et sa soeur Laura. La première, professeur de gymnastique frappée d'hémoptysie, sur laquelle plane la menace d'une tumeur maligne, lui fait découvrir qu'il est encore capable de mettre sa vie en jeu pour une cause - fût-elle plus stendhalienne que marxiste.
La deuxième, jeune militante de Lutte Ouvrière, lui permet de se délivrer du fardeau de sa mémoire, celle notamment de Carla la Chilienne, qu'il a aimée et dénoncée à tort, et qui finira morte par overdose.
Des anciens camarades ou de jeunes admirateurs béats et bêtas surgissent au gré des rencontres de Max : « c'est le défaut de tous les stendhaliens, nous sommes nos meilleurs personnages ». Double mise en abîme : celle de Stendhal propulsé dans le Paris de la campagne Jospin-Chirac pour les élections présidentielles de 2002, et celles de 68 au miroir du XXIème siècle. Le scénario de Logane ne cesse de se réécrire au gré des épisodes de sa vie présente : une maille à l'endroit du XIXème, une maille à l'envers de 1968, tricotant brillamment, à coups de dialogues vif-argent et de réparties-éclair, le roman de notre époque. -
-
-
-
-
Après 68, il y eut dans ce pays un moment, fort court mais enivrant, où la jeunesse put choisir entre la lutte armée et la guérilla amoureuse. Dès sa mise en circulation, à l'automne 1974, Les Irréguliers, qui en portaient témoignage, suscitèrent divisions, scissions et règlements de compte, grâce à quoi ce titre se trouva vite épuisé. Vingt-cinq ans ont passé, et voici venir Les Irrégulières, roman dans lequel anciens terroristes et séducteurs défaillants affrontent la nouvelle génération, peu disposée au pardon. C'est le temps du soupçon et de la vengeance. Le temps où les femmes n'admettent plus qu'on se dise trompé quand on s'est trompé soi-même.
-