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«Nombre de Français connaissent le Nô par ouï-dire ; d'autres pour en avoir lu ou feuilleté quelques-uns en traduction, ou même pour en avoir vu donner un au Japon ou par une troupe de passage. Bien des gens l'entrevoient surtout grâce au bel et fracassant essai de Claudel, qui tout à la fois simplifie et exagère : Le drame grec, c'est quelque chose qui arrive ; le Nô, c'est quelqu'un qui arrive. En quête de formule mémorable, on pourrait s'en tenir là. On pourrait aussi assurer que les Cinq Nô modernes de Mishima, comme toute oeuvre de poète authentique, peuvent et doivent être appréciés pour eux-mêmes, sans référence aux Nô d'un lointain passé. Ce serait pourtant se priver des harmoniques que le poète a su garder ou faire naître.Les cinq Nô contenus dans ce volume évoquent successivement, sur un ton où comédie et tragédie s'entremêlent, le thème éternel jeunesse-vieillesse, face à la beauté qui, elle, ne change pas ; le drame (le plus contemporain de tous) d'un adolescent hanté par la destruction totale du monde ; l'amour inexaucé et non entendu d'un homme pour une femme insensible ; la jalousie qui tue sa victime et désagrège aussi la meurtrière ; et enfin l'aventure d'une jeune femme qui renonce à la vie pour s'enfoncer dans ses rêves. Tous s'inspirent plus ou moins de thèmes des Nô d'autrefois. Tous aussi concernent, de façon pathétique, ou parfois bouleversante, notre existence à nous.»Marguerite Yourcenar.
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Harlem. Soeur Margaret, séparée de son mari Luke, trompettiste de jazz, et vivant avec leur jeune fils David, célèbre le culte dans l'église d'une communauté noire. Mourant d'alcoolisme, Luke revient vers sa femme, tandis que David au contraire s'en va, révolté par le milieu étroit et dévot où il a vécu. Qu'enseigne souverainement le Seigneur ? Une loi unique triomphe de tous les sermons et de tous les cantiques, celle de l'amour absolu entre les hommes. Célèbre dès son premier roman Dites-le à la montagne, le tout jeune Baldwin avait fui Harlem et les drames du racisme pour se fixer à Paris, seul et misérable. C'est là qu'il a composé cette étrange et pathétique pièce de théâtre dont le thème trouve en lui ses racines les plus profondes, les plus désespérées mais aussi les plus vibrantes de foi. Marguerite Yourcenar a tenu à la traduire en français. La préface écrite par Baldwin pour présenter son texte donne au lecteur un étonnant tableau autobiographique de ce très grand écrivain noir.
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«J'ai écouté quelques unes de ces musiques de percussion ou de guitare, produites souvent aussi par n'importe quoi, le raclement d'un couteau, le grincement d'une fiole de verre, le bruit d'une poignée de porte battant contre un mur, l'effet rythmique étourdissant d'un rasoir contre une courroie de cuir : tout est bon pour faire sortir des choses la musique qui est en elles. J'ai eu le privilège de prendre part à la composition d'un disque de Marion Williams, chanteuse dont la voix à elle seule emplit une cathédrale, et d'inscrire au revers des textes ou des témoignages recueillis par Jerry Wilson et traduits et dits par moi. On trouvera ici ces mêmes textes et ces mêmes témoignages, accompagnés de quelques autres, et illustrés d'images, pour la plupart, elle aussi, dues à Jerry Wilson, happant les paysages, les visages, les bouches d'où sortent ces paroles et ces chants. Ferveur religieuse mais aussi sensualité, mélancolie mais aussi gaieté, révolte mais aussi sentiment d'une liberté et d'un bonheur de vivre qu'on n'enlève jamais tout à fait à ceux qui aiment la vie. Tout un monde enfin, nullement naïf, mais ingénu, et qui ne s'ouvre que quand on a appris à s'en approcher avec affection et respect.» Marguerite Yourcenar.
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Fleuve profond, sombre rivière : Les «Negro Spirituals»
Marguerite Yourcenar
- Gallimard
- 25 Avril 1974
- 9782070321285
«Le concert et le film ont familiarisé le public européen avec la musique des Negro Spirituals ; leurs paroles au contraire restent moins accessibles à l'auditeur de langue française, dépaysé, même s'il sait l'anglais, par ces formes dialectales propres aux nègres de États du Sud, ces mots anglo-saxons transformés et comme fondus par la voix chaude des hommes de couleur. Et cependant, ces textes, et pas seulement la musique qui les accompagne, sont souvent d'authentiques chefs-d'oeuvre. Dans ce patois si particulier, en dépit ou peut-être à cause des obstacles d'une langue étrangère, reçue de ses maîtres avec les premiers rudiments de l'esclavage, souvent nouvelle pour lui et imparfaitement apprise à l'époque où certains des grands Spirituals furent chantés pour la première fois, le poète aframéricain a réussi à exprimer, avec une intensité et une simplicité admirables, ses rêves et ceux de sa race, sa résignation, et plus secrètement sa révolte, ses profondes douleurs et ses simples joies, son obsession de la mort et son sens de Dieu.» Marguerite Yourcenar.
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Comme tous les héros de Marguerite Yourcenar, Alexis s'interroge pour mieux comprendre le monde et mieux se comprendre lui-même. Il cherche à sortir d'une situation fausse qui est l'échec de son mariage. Une longue lettre forme tout le récit où il prend sa femme à témoin du vain combat qu'il a mené contre son penchant naturel et sa vocation véritable. Didier Sandre met son intériorité, sa gravité, son timbre profond, sa présence dans un personnage qui ne peut que toucher les cordes les plus sensibles de l'être humain.