Des voix s'élèvent de la nuit d'Athènes pour célébrer l'amour. Les invités du banquet d'Agathon - ce sont ses talents de tragédien que l'on fête - livrent tout à tour leur version d'Eros. Le vin lourd et épicé délie les langues. L'invention va atteindre des sommets d'extravagance avec le mythe d'Aristophane. L'intensité dramatique, modulée de main de maître, va crescendo. Enfin, Socrate prend la parole, mais plutôt que de pousser son avantage dialectique, il choisit de rapporter les propos que lui a tenus jadis la prêtresse de Mantinée. C'est unique dans l'oeuvre de Platon, et disons-le rarissime dans l'histoire de la pensée occidentale : c'est à une femme que revient la tâche d'initier le philosophe au mystère de l'amour.
Ce que dit Diotime va changer l'histoire de notre sensibilité ; George Steiner le montre dans la préface : "l' 'Eros authentique est une quête de l'immortalité, notre vie n'est valable que si elle aspire à la vision de la beauté absolue, qui est aussi vérité".
Texte établi et traduit par Paul Vicaire, annoté par François L'Yvonnet.
Préface de George Steiner.
Jamais, peut-être, socrate ne fut aussi tranquille qu'en cette journée particulière qui s'achève par un arrêt de mort .
Le procès, banal par certains côtés (ce n'est ni la première ni la dernière fois que l'on aura la peau d'un homme libre), a pour nous valeur de symbole. il est l'un des événements fondateurs de notre identité intellectuelle : il décidera de la vocation philosophique de platon. l'histoire de la pensée occidentale porte la marque de cette césure : il y a l'avant et l'après socrate. chaque fois qu'une communauté tente, par la censure, l'ostracisme ou le meurtre, de réduire au silence un étranger moral ou intellec tuel à l'intérieur de ses murs, de bâillonner ou d'effacer ses interrogations intolérables, elle vit une heure socratique.
" (george steiner).
Gloria Steinem raconte dans ces deux textes ce qui l'anime : l'écriture et l'activisme. I- Comment je suis devenue écrivaine - Pour la 1ere fois traduit en français. A 86 ans, Gloria Steinem est désormais une figure incontournable de l'histoire du fémi- nisme, mille fois récompensée pour son travail, elle est aussi le sujet du film, The Glorias, incarnée par Julianne Moore, et un des personnages principaux de la série America. Ce que l'on connait moins est sa conviction que l'écriture est son moyen d'action le plus puissant pour faire changer les mentalités et obtenir l'égalité entre femmes et hommes : « Trouver les mots qui permettront aux gens d'agir ensemble tout en appréciant leurs individualités respectives est sans doute la fonction la plus féministe et la plus profondément révolutionnaire de l'écrivain(e) » écrit-elle dans Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes (Texte pour la première fois traduit en fran- çais aux Éditions du Portrait - 2018-). Dans Comment je suis devenue écrivaine paru en 1965 dans Glamour, Gloria Steinem remonte le chemin qui l'a mené à comprendre que les mots, lorsqu'ils sont justes, participent à changer le monde pour le rendre plus égalitaire. Elle raconte son enfance passée dans une caravane, avec ses parents et sa soeur où ses seuls amis sont Wonder Woman, Autant en Emporte le Vent et Les 4 filles du docteur March. Sédentarisée, vers l'âge de 11 ans, elle suivra un excellent cursus et décroche le diplôme de sciences politiques à Smith College, l'une des seven sisters. Elle part alors en Inde, devient correspondante pour la presse et fondera plus tard Ms Magazine. L'écriture et l'activisme donnent le sens à sa vie et cela lui permet de signer des textes sensibles qui mettent à jour des constructions sociales à changer lorsqu'on rêve d'un monde plus juste. II- Suivi de Après le Black Power, la libération des femmes. Pour la 1ere fois traduit en français. Pour Gloria Steinem, le « sexisme est un racisme ». Dans ce texte paru dans le New York Magazine en 1971, elle établit des parallèles entre l'histoire du mouvement des femmes et celui des droits civiques. Les Afro-américains et les femmes partagent le fait d'être rabaissés, discriminés, réduits au statut de l'en- fant, ou de soutien à l'homme, de soutien à l'homme blanc. Ils partagent aussi une même dynamique dans leur mouvement d'émancipation : l'obtention de droit est toujours suivi d'un retour de bâton; l'obtention du droit de vote des Noirs est suivie par l'instauration des lois Jim Crow et de la ségrégation. Les femmes, depuis l'obtention du leur et de nouvelles libertés, sont plus oppressées. Les deux mouvements sont protéi- formés et divisés. Mais ces réalités n'ont pas empêché les concernés de se rassembler, de créer des alliances et de voir leurs luttes monter en puissance. Elle rappelle toutefois (comme James Baldwin et donc Eddie Glaude) qu'il faut impérativement recon- naitre les oppressions pour aller de l'avant.
Les médias français se proclament " contre-pouvoir". Mais la presse écrite et audiovisuelle est dominée par un journalisme de révérence, par des groupes industriels et financiers, par une pensée de marché, par des réseaux de connivence. Alors, dans un périmètre idéologique minuscule, se multiplient les informations oubliées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices, les services réciproques. Un petit groupe de journalistes omniprésents - et dont le pouvoir est conforté par la loi du silence - impose sa définition de l'information-marchandise à une profession de plus en plus fragilisée par la crainte du chômage. Ces appariteurs de l'ordre sont les nouveaux chiens de garde de notre système économique.
Les Métamorphoses d'Ovide (43 av. J.-C.-17 ap.) sont pour la poésie latine une sorte de livre des records, de longueur (11995 vers évoquant ou narrant 250 métamorphoses en quelque 150 épisodes), mais aussi de variété des genres, des styles et des procédés narratifs. Couvrant toute l'histoire du monde, du chaos originel au temps d'Auguste où écrit le poète, sorte d'oeuvre-univers dont la structure labyrinthique fait un véritable et fascinant palais des mirages, "Légende dorée" ou "Vatican du paganisme", "Mille et une nuits de l'Antiquité" elles s'ouvrent sur un récit de la Genèse et s'achèvent, après un long et passionnant prêche philosophique prononcé par Pythagore (569-475 av. J.-C.), sur la promesse de divinisation de l'empereur régnant et d'immortalité du poète, après avoir offert au lecteur, sans jamais l'ennuyer, une profusion de récits épiques et de contes burlesques, édifiants, émouvants ou galants dont la postérité n'a cessé de recycler les inépuisables joyaux.
Olivier Sers a traduit Ovide, entreprise sans précédent, vers pour vers, en 11995 alexandrins classiques restituant fidèlement le phrasé et la frappe poétique des hexamètres latins. Pour la première fois le lecteur moderne des Métamorphoses est placé dans la situation même du lecteur antique.
Plantes invasives, maladies émergentes, pertes de biodiversité : dans le sillage des déséquilibres créés par le monde moderne (ce qu'Anna Tsing appelle les « ruines du capitalisme »), une foule de vivants se met à habiter les écosystèmes de façon troublante.
Autour de la notion de « prolifération », l'anthropologue explore ici, en trois courts textes, les différentes facettes des multiples déséquilibres biologiques en cours.
Une invitation à découvrir ce que les espèces proliférantes peuvent raconter sur notre monde en plein bouleversement.
Elevé en Angleterre, nourri au lait d'or des fanfares royales, le dessinateur grandit dans une famille à la pauvreté aristocrate. La meule de l'école broie l'enfant au coeur visionnaire. Le monde est une fourmilière, une trop grande sensibilité y signe votre arrêt de mort. «Trop vivant pour plaire» est le verdict. On fait garder les chefs d'oeuvre d'un musée par celui qui en dessine nuit et jour dans l'atelier en feu de son coeur.
Cela faisait vingt ans que nous n'avions pas édité de textes de Christian Bobin. Sa poésie n'en garde pas moins la fraîcheur des premiers volumes que nous avions publiés. Elle porte cette fois sur un peintre inconnu, ou «le peintre inconnu» pourrait-on dire, comme tant d'autres, gardien de musée, se cachant pour dessiner des portraits solitaires.
Foxconn est le plus grand fabricant du monde dans le domaine de l'électronique. Ses villes-usines font travailler plus d'un million de Chinois, produisent iPhone, Kindle et autres PlayStation. Elles ont été le théâtre de suicides d'ouvriers qui ont rendu publiques des conditions d'exploitation fondées sur une organisation militarisée de la production, une taylorisation extrême, l'absence totale de protection sociale et une surveillance despotique jusque dans les dortoirs. Ce livre propose une analyse du système Foxconn à partir du portrait que fait la sociologue Jenny Chan d'une ouvrière qui a survécu à sa tentative de suicide en 2010. Complété par le témoignage de Yang, un étudiant et ouvrier de fabrication à Chongqing, il retrace également le parcours de Xu Lizhi, jeune travailleur migrant chinois à Shenzen, qui s'est suicidé en 2014 après avoir laissé des poèmes sur le travail à la chaîne, dans L'atelier, là où ma jeunesse est restée en plan.
Aucun homme n'a consumé sa vie avec autant d'ardeur qu'Emmett Grogan. Et ne l'a contée avec autant de talent. Né à New York en 1942, il vit une jeunesse des plus agitées, sillonnant plusieurs pays. Quant il s'installe à San Francisco, dans le quartier hippie de Haight Ashbury, il fonde en 1966, avec quelques amis survoltés, le légendaire groupe des Diggers. Ils vont faire de la rue un terrain de fête et d'expérimentation sociale. Au détour des pages de cette extraordinaire autobiographie, on croise les grandes figures de la contre-culture américaine des années 1960 (Angela Davis, Bob Dylan, Allen Ginsberg, Jack Kerouac, les Hell's Angels, les Panthères noires...) et l'on sent le souffle, comme nulle part ailleurs, d'une époque explosive.
Les Essais de Montaigne sont le fruit de près de vingt ans d'écriture, de réécriture et de questionnement, rassemblés en trois tomes et cent-sept chapitres. Hervé Briaux en adapte des morceaux choisis pour la scène : son monologue dresse un portrait vivant et moderne du grand philosophe humaniste. La création de Montaigne, les Essais a eu lieu le 27 août 2021 au Théâtre de Poche-Montparnasse dans une mise en scène et une scénographie de Chantal de la Coste et avec Hervé Briaux.
Les deux fils d'oedipe, Etéocle et Polynice, se sont entre-tués au combat. Leur oncle Créon, le roi de Thèbes, décide que le cadavre de Polynice - qui a trahi sa patrie - demeurera exposé sans sépulture. La jeune Antigone, sa soeur, viole volontairement le décret : elle est arrêtée, et récidive. Pour elle, les lois immuables de la conscience, les "lois non écrites", se situent au-dessus des décrets des hommes. Antigone est celle qui désobéit, celle qui dit non, celle qui va au-devant de la mort.
Version poche largement revue et augmentée, du titre « C ritiquer Foucault » épuisé chez Aden. La traduction américaine du livre eut un énorme retentissement outreatlantique et engendra une polémique jusque dans les colonnes du Washington Post. Cette énorme controverse a mené a une publication augmentée et plus complète aux Etats-Unis, recentrée sur les liens entre Foucault et le néolibéralisme chez Polity Press. C'est cet ouvrage remodelé que nous publions chez Aden.
Le livre contient un article rare de Michel Foucault sur le thème.
Livre de référence pour toute réflexion sur la poésie et sur la théorie littéraire en Europe depuis près de vingt-trois siècles. En examinant l'épopée et la tragédie, Aristote en décrit les structures et en explique les origines et les fins. Ce faisant, il se démarque radicalement de Platon, qui avait banni toute forme de poésie de sa cité idéale.
Jubilant dans le baroque aux confins de l'érotisme, du fantastique et de la mort, Les Métamorphoses d'Apulée (IIe siècle), seul roman latin dont nous possédions le texte intégral, racontent à la première personne les tribulations d'un naïf trop curieux qu'une opération de sorcellerie ratée a transformé en âne mais qui n'en pense pas moins, et tissent dans tous les styles la trame parodique d'une comédie humaine dont le dénouement est procuré par l'intervention d'Isis-Reine, Déesse Éminentissime. "Ce livre est un chef-d'oeuvre. Il me donne à moi des vertiges et des éblouissements ; la nature pour elle-même, le paysage, le côté purement pittoresque des choses sont traités là à la moderne et avec un souffle antique et chrétien tout ensemble qui passe au milieu. ça sent l'encens et l'urine, la bestialité s'y marie au mysticisme, nous sommes bien loin encore de ça nous autres comme faisandage moral." (Gustave Flaubert, 1852)
Phèdre est un des nombreux dialogues socratiques transmis par Platon. Il y est question de la beauté et de l'amour, entendu comme désir, dans un premier temps, puis de la beauté d'un discours et de la rhétorique dans un second temps. L'amour comme la rhétorique peuvent éléver la beauté de l'âme mais ils peuvent tout aussi bien l'abaisser, en s'attachant seulement au plaisir et à la domination d'autrui. Au contraire, celui qui, à travers l'être aimé ou à travers le beau discours, contemple des idées pures, gagnera en sagesse et en beauté.
Le destin de Cornelia Hesse-Honegger : une artiste témoignant des blessures invisibles des insectes irradiés « Je regarde cette photo de Cornelia Hesse-Honegger dans son appartement de Zurich et j'essaie d'imaginer ce qu'elle voit au microscope. Sous la lentille, se trouve un tout petit insecte vert et doré, une de ces punaises des plantes du sous-ordre hétéroptère qu'elle peint depuis plus de trente ans. Le microscope binoculaire les grossit quatre-vingts fois. L'échelle millimétrée qui se trouve sur l'oculaire gauche lui permet de reproduire le moindre détail du corps observé avec une précision minutieuse.
Cornelia a ramassé ce spécimen non loin de la centrale nucléaire de Gundremmingen, dans le sud de l'Allemagne.
Comme la plupart des insectes qu'elle peint, il est déformé.
Ici, c'est l'abdomen dont la forme est irrégulière, légèrement plissé sur son flanc droit. Même pour moi, cette difformité apparaît nettement au microscope. Mais imagine un instant, me dit-elle, l'effet que doit faire une telle altération quand on ne fait qu'un demi-centimètre de long ! »
Auteur favori aux Enfers ? Commence une quête qui va confronter le dieu fantasque aux dures réalités du monde des ombres : des grenouilles qui le célèbrent dans un grotesque chant moderniste, un monstre puant, des coups. L'art ne sert alors à rien.
Chez les morts, Dionysos doit arbitrer un conflit entre Eschyle et Euripide. Aristophane offre aux spectateurs un concours tragique qui n'a jamais eu lieu, puisque Euripide a commencé sa carrière juste après la mort d'Eschyle. Le combat analyse des poétiques opposées et montre leurs ridicules : l'art sublime d'Eschyle, qui produit de la réalité grandiose, mais abrutit les spectateurs; ou au contraire l'art d'Euripide, qui prétend enseigner le langage et la dialectique aux Athéniens, mais qui, trop subtil, les rend inefficaces et fourbes.
Dionysos choisit Eschyle : Athènes, tout près d'être défaite dans sa guerre avec Sparte (hiver 405), a besoin d'un auteur qui rappelle un âge ancien et meilleur. Le vieil Eschyle remonté sur terre servira à dénoncer le présent. C'est la comédie qui décide, souverainement, de ce que vaut la tragédie et des besoins politiques de la cité.
Cet entretien se déroule à Saint Paul de Vence, un mois avant le décès de James Baldwin. Ce sont les derniers mots publiés de l'écrivain. Quincy Troupe connaissait l'état avancé du cancer de son ami. Ce contexte rend leur échange encore plus profond et essentiel. L'un et l'autre n'avait rien à perdre et ils le savaient. Quincy Troupe a su, peut- être, mieux que quiconque rendre compte du lien entre écriture et engagement, si cher à James Baldwin.
Troupe interroge Baldwin sur sa relation à Miles Davis. Il confie ressentir avec le mu- sicien une fraternité, un sentiment qui s'inscrit presque dans l'histoire des afro-améri- cains. Baldwin s'exprime aussi sur le travail de Le Roi Jones, Toni Morrison et Ralph Ellison. Ils abordent également la relation de l'auteur à la France comme la remise de sa légion d'honneur par François Mitterand.
Dans cet entretien, Baldwin continue de mettre des mots sur la façon dont l'Amérique met au banc de la société la communauté noire et de défendre, malgré tout, la nécessité d'adopter un comportement de solidarité entre tous. Il insiste sur le pouvoir que cha- cun possède pour changer le cours des choses.
Pouvait-on rêver meilleur texte pour accompagner Ici recommence l'Amérique, conseils de James Baldwin - à suivre d'urgence d'Eddie S. Glaude Jr, qui, sans surprise, se réfère aussi à Quincy Troupe dans son livre.
Imany, son truc c'est la break dance. Mais à l'école, le problème, c'est que la cour est trop petite et Alessio et sa bande prennent toute la place pour jouer au foot. Un jour, alors qu'elle traverse la cour, elle interrompt sans le vouloir une partie de foot, ce qui met les garçons dans une colère noire. C'est la goutte d'eau... Imany, élève de CM2 au caractère bien trempé, en a marre et avec ses deux meilleurs copains Nell et Aslan, elle décide de changer les choses. La révolution est en marche ! Elle va confronter les amateurs de foot et leur expliquer qu'elle aussi a besoin d'avoir de la place pour danser à la récréation. Elle propose même à Alessio un battle. À force d'échanges, Imany, Alessio et leurs camarades vont finir par opter pour la solution « chacun son tour » afin que tous puissent profiter de leur cour. Ce nouveau Kapoche aborde une thématique d'actualité, bien connue des enfants : les problèmes de cour d'école. En effet beaucoup d'enfants sont confrontés à des cours de récréation sexistes où les filles ont du mal à trouver leur place et où les croyances telles que « seuls les garçons peuvent jouer au foot », « c'est normal qu'ils prennent toute la place » sont courantes. Dans ce Kapoche, Nancy Guilbert tente de replacer les enfants dans leur capacité d'agir de manière collective. Un roman chorale qui adopte le point de vue de chacun des personnages principaux. 4 chapitres porte le nom d'un des enfants (Imany, Aslan, Nell, Alessio). Quant aux illustrations qui ponctuent la lecture de ce petit roman, elles sont modernes, graphiques et colorées.
L'actualité des Chiens de garde, nous aurions préféré ne pas en éprouver la robuste fraîcheur.
Nous aurions aimé qu'un même côté de la barricade cessât de réunir penseurs de métier et bâtisseurs de ruines. Nous aurions voulu que la dissidence fût devenue à ce point contagieuse que l'invocation de Nizan au sursaut et à la résistance en parût presque inutile. Car nous continuons à vouloir un autre monde. L'entreprise nous dépasse ? Notre insuffisance épuise notre persévérance ?
Souvenons-nous alors de ce passage par lequel Sartre a résumé l'appel aux armes de son vieux camarade : "Il peut dire aux uns : vous mourez de modestie, osez désirer, soyez insatiables, ne rougissez pas de vouloir la lune : il nous la faut.
Et aux autres : dirigez votre rage sur ceux qui l'ont provoquée, n'essayez pas d'échapper à votre mal, cherchez ses causes et cassez-les." Serge Hamili Extrait de la préface.
Mandelstam qui avait été dans le Caucase au début des années 20, a rêvé de l'Arménie pendant des années avant de pouvoir enfin s'y rendre, grâce à l'appui de son ami Boukharine, en 1930. Les quelques mois de ce séjour (de mars à octobre) seront pour lui comme « une dernière journée de sursis » (Ralph Dutli) dans son existence de proscrit. Le journal de ce voyage, qui sera sa dernière oeuvre publiée de son vivant, survient, dans son oeuvre, comme une bouffée de l'air des hautes terres et des premiers temps de l'histoire humaine (« J'ai eu la chance d'assister au culte que les nuages rendent à l'Ararat ») emplissant les poumons du poète. Loin de l'oppression soviétique évoquée à la toute fin du volume avec l'hisoire du tsar arménien Archak qu'a emprisonné par l'Assyrien Shâpur, qui le prive « de son ouïe, de son goût et de son odorat ». Or ce sont précisément les notations sensorielles, la finesse de la perception, qui font le prix de ces pages où le narrateur-voyageur ne cesse de nous faire partager son émerveillement, tout en soulignant l'unité du monde où se lit partout la grande écriture chiffrée des signes. Paradoxalement cette unité est saisie de manière discontinue, par une succession d'éclats. Ces ruptures donnent à ce petit livre toute sa fraîcheur et sa fantaisie, qui sont ceux de la vie-même dont son oeil s'empare « avec une rage de grand seigneur ». Lui-même le souligne dans une réponse à ses détracteurs : « Mon petit livre explique que le regard est l'instrument de la pensée, que la lumière est une force et l'ornement une réflexion. Il y est question d'amitié, de science, de passion intellectuelle et non de «choses». » Et, dans son livre : « les dents de la vue s'effritent et se brisent, lorsqu'on regarde pour la première fois les églises d'Arménie. »
Le vivant a-t-il une valeur en soi ? La nature est-elle libre ? Qu'est-ce que la crise écologique ? Qu'est-ce que la «nature humaine» ?
Depuis un demi-siècle environ, les humanités écologiques recomposent les relations entre nature et culture, homme et animal, éthique et biologie, connaissance et imagination. Sur ces grands enjeux politiques et moraux de notre époque, qui mobilisent les jeunes générations, ce manuel assemble des textes clefs, des autrices et des auteurs, des questions structurantes - mais présente aussi des lignes de faille et de débat.
Ce manuel repose sur une conviction simple : l'écologie n'est pas une nouvelle thématique qui s'ajoute aux autres - mais elle affecte l'intégralité des notions philosophiques et des enjeux de notre temps.
«Nous sommes moins seuls que nous l'imaginons. Nous sommes si peu seuls qu'un des vrais problèmes de cette vie est de trouver notre place dans les présences environnantes - écarter les morts sans les froisser, demander aux vivants ce rien de solitude nécessaire pour respirer. Dans la logique du monde, on ne peut faire sa place sans aussitôt prendre la place d'un autre. Mais on ne fait pas plus sa place qu'on ne fait sa vie : on trouve l'une et l'autre, et le sentiment de cette trouvaille inespérée c'est la joie même.»
Amanda Wingfield vit avec ses deux enfants adultes, Tom et Laura, dans un petit appartement à Saint-Louis. Hantée par sa jeunesse perdue et aspirant à réparer ses échecs passés, elle échafaude pour eux des plans de mariage. Elle organise un dîner où elle convie Jim, un jeune homme qu'elle compte présenter à sa fille. Frappée d'un handicap indéfinissable qui la rend inapte à toute vie normale, Laura se croit, un court moment, libérée de son destin par un amour inespéré.
Mais l'illusion se dissipe et le poids de cette joie inaccomplie fait basculer leurs existences...