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Decadrages
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René Vautier (1928-2015), cinéaste militant français est à l'honneur de ce dernier numéro de Décadrages, revue de cinéma suisse à parution semestrielle.
Pionnier du cinéma anticolonialiste (son court-métrage Afrique 50 est considéré comme l'un des premiers films anticolonialistes français), Vautier a su user du cinéma comme d'un outil de combat dans les luttes politiques comme lors de la guerre d'Algérie et l'Apartheid en Afrique du Sud. -
Décadrages, n° 32-33/2016 : Cinéma, à travers champs
Por Berton Mireille
- Decadrages
- 22 Septembre 2016
- 9782970096320
Sans adopter un angle d'approche particulier ou une thématique définie, ce numéro de Décadrages cherche à interroger, non pas pourquoi les séries télévisées ont du succès, mais comment elles fonctionnent, à savoir quels sont les modèles esthétiques, idéologiques, narratifs qui les gouvernent. À défaut d'être exhaustif dans les objets et approches choisis, il propose plus modestement un échantillon de ce que des chercheuses et chercheurs en études du cinéma et autres médias peuvent produire à partir de leurs branches respectives de compétence (Star Studies, Gender Studies, Fan Studies, histoire des genres, esthétique, narratologie, sociologie des médias). Alors que certains articles proposent des lectures théoriques, d'autres développent une réflexion à partir d'une étude de cas.Ces articles traitent par exemple:de la question de la sérialité comme forme idéologique (David Buxton)de l'expérience esthétique offerte par la série TV (Stéphane Benassi)de la représentation des technologies numériques qui induisent des fantasmes panoptiques (Mireille Berton)du genre télévisuel du western dans ses liens avec le cinéma, notamment à partir de Deadwood (HBO) (Achille Papakonstantis)de la figure du fan dans la série Sherlock (BBC) (Jeanne Rohner)de l'apparition de la guest star vieillissante dans les séries TV (Gwénaëlle Le Gras)ainsi que des questions raciales et sociales soulevées par The Wire (HBO) (Linda Williams).Un dernier article présente le résultat d'une table ronde qui a eu lieu aux Journées de Soleure en janvier 2016 à propos des séries et web-séries produites en Suisse (Sylvain Portmann et Anne-Katrin Weber).
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Décadrages Tome 28 : Arnaud Desplechin
Co Oesterle Raphael
- Decadrages
- Decadrages
- 6 Mars 2015
- 9782970066897
Ce numéro de la revue Décadrages est consacré au réalisateur Arnaud Desplechin. Il particulièrement les amateurs de cinéma français
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Décadrages, n° 40-42/2019 : Cinéma ethnographique
François Bovier, Serge Margel
- Decadrages
- 21 Novembre 2019
- 9782970096368
Le dossier du numéro 40-42 de la revue Décadrages, consacré au cinéma ethnographique, repose sur deux ensembles distincts mais articulés: le film ethnographique tel qu'il s'est développé depuis les années 1950 au sein de comités nationaux en France ou en Belgique d'une part, et l'anthropologie visuelle telle qu'elle s'est déployée aux Etats-Unis, infléchissant le film ethnographique dans une direction plus artistique, d'autre part. Le premier volet de ce dossier est connu de ce côté de l'Atlantique, voire résumé au travail de Jean Rouch, dont l'oeuvre est encore trop souvent départagée entre documents destinés à des spécialistes et films adressés aux cinéphiles, alors que lui-même a toujours explicitement contesté cette distinction. Le second volet n'est guère pris en compte dans l'histoire et la théorisation du cinéma documentaire, alors que ces films réalisés par des cinéastes-ethnographes - Tim Asch, Robert Gardner, John Marshall, pour citer les plus reconnus d'entre eux - sont très largement reconnus dans le champ de l'anthropologie visuelle. Le présent dossier entend interroger, rapprocher et distinguer ces démarches qui émergent autour des années 1940-1950 et tendent à s'institutionnaliser dans les années 1960-1970. Dans ce but, nous avons fait appel à différents spécialistes, pour certains inscrits dans le champ des études cinématographiques, mais la plupart dans celui de l'anthropologie visuelle. Ce dossier porte donc sur des films qui font figure de « classiques » et qui ont fait l'objet d'analyses approfondies (à l'instar des Maîtres fous de Jean Rouch ou des Statues meurent aussi de Chris Marker et Alain Resnais), mais il aborde aussi et surtout des démarches filmiques, dont l'invention formelle et le goût pour l'expérimentation nous paraissent pourtant évidents, qui n'ont guère été intégrées à la théorisation du cinéma documentaire, du moins en dehors des Etats-Unis.
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Decadrages, n 26-27/printemps 2014. drones, cartographie et images a utomatise es
Claus Gunti
- Decadrages
- 15 Novembre 2014
- 9782970066880
Le dossier «Drones, cartographie et images automatisées » aborde la production d'images par ces technologies - les satellites, les sondes spatiales, Google Maps, les caméras de surveillance, les téléphones portables ou les drones - afin d'en interroger les implications à des niveaux tre's divers. En analysant la représentation de ces dispositifs de surveillance dans le cinéma d'action hollywoodien, Alain Boillat examine autant l'expression implicite des angoisses suscitées par l'utilisation de ces technologies à travers leur manifestation diégétique que leurs caractéristiques visuelles et narratives, en insistant sur l'interconnexion entre les propriétés des machines figurées et le support médiatique qui les représente : le cinéma lui-me^me. En retraccant leur généalogie dans le cinéma de science-fiction et en analysant leur utilisation exponentielle dans le cinéma dominant depuis les attaques du 11 septembre 2001, l'auteur propose une étude systématique des enjeux multiples que posent ces entités machiniques autonomes. Selim Krichane questionne le statut de l'image photographique au sein du syste'me de cartographie Google Maps, interrogeant le régime scopique spécifique de ce type d'interfaces, dans lesquelles visualisation et modélisation tendent à converger. A travers un prisme théorique issu du champ des nouveaux médias, Krichane évalue le statut de ces réali- tés générées par des algorithmes, afin d'appréhender le ro^le du spectateur humain dans cette économie automatisée. Claus Gunti quant à lui interroge diverses pratiques artistiques basées sur l'utilisation de photographies enregistrées par des machines (sondes spatiales, drones ou Google Street View) et de démarches basées sur des images préexistantes tirées d'internet, esquissant les implications esthétiques et politiques de l'image automatisée dans le champ de l'art contemporain. Par son intervention photographique Shooting animals, réalisée dans le cadre d'un projet de recherche de master à l'Ecole cantonale d'art de Lausanne, Laurence Kubski questionne les particularités techniques et les re'gles déontologiques présidant à la réalisation de documentaires animaliers; son travail réve'le l'étonnante proximité visuelle, terminologique ou technologique entre l'univers de la chasse et celui de la capture d'images. A travers un examen de la notion de responsabilité dans la tradition républicaine, Marc-André Weber introduit une réflexion éthique sur l'emploi de drones dans les conflits armés. Retraccant les origines de la dépolitisation de la guerre et de sa dimension spectaculaire, l'auteur pointe le ro^le de la déresponsabilisation du citoyen, cause principale de ces développements. Quant à Joel Vacheron, il interroge la prolifération de technologies de gestion informatique de flux vidéo dans le cadre de pratiques de surveillance (reconnaissance faciale, etc.). Sa réflexion se concentre sur le constat de la transformation graduelle de la fonction strictement informationnelle de la vidéosurveillance en acte décisionnel automatisé et autonome, qui évacue progressivement le facteur humain de son économie. Enfin, l'article de Derek Gregory traduit de l'anglais établit une topographie du drone dans un contexte militaire, évaluant la dimension disruptive des espaces multiples - centres de contro^le aux Etats-Unis, pays surveillés ou zones attaquées, corps des victimes, espaces juridiques, etc. - qui participent à son fonctionnement.
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Décadrages, n° 43/2020 : Cinéma, à travers champs
Selim Krichane, Achilleas Papakonstantis
- Decadrages
- 19 Novembre 2020
- 9782970096375
Que nous disent les films d'Abdellatif Kechiche?
Le quarante-troisième numéro de la revue Décadrages. Cinéma, à travers champs propose un voyage à la fois distancié et critique sur les films du cinéaste franco-maghrébin qui, à l'image de La Vie d'Adèle (2013) ou des récents Mektoub, My Love (2017/2019), ont défrayé la chronique et suscité de nombreux débats. À travers un faisceau pluriel de méthodes et d'approches, les six articles académiques regroupés dans ce dossier thématique visent à offrir un regard alternatif et documenté sur le cinéma de Kechiche pour nourrir le débat public, dans une optique de rapprochement du monde universitaire avec l'actualité sociopolitique. -
Décadrages Tome 16-17 : les abimes de l'adaptation
François Bovier
- Decadrages
- Decadrages
- 17 Janvier 2011
- 9782970066811
Dossier consacré à des récits filmiques mettant en jeu un écrivain « projeté » dans le monde même de son oeuvre. Des biopics tels que Les Contes de la folie ordinaire (Ferreri), Le Festin nu (Cronenberg), Kafka (Soderbergh), The Hours (Daldry), Les Frères Grimm (Gilliam) ou encore Le Scaphandre et le papillon (Schnabel) sont examinés dans leur dimension narrative, esthétique et idéologique. En abordant de façon inédite la question de l'adaptation, les articles contribuent à nourrir une réflexion plus générale sur le devenir de l'écrit à l'écran, et sur les « mythes » véhiculés par le cinéma à propos de la littérature.
La rubrique dédiée au cinéma suisse permet quant à elle de discuter l'apport de films d'hier (Züri brännt) et d'aujourd'hui (Traders de Bron), et comprend une retranscription du débat critique qui s'est tenu durant les « Journées de Soleure » 2010 à propos de la production helvétique récente.
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Le dossier du numéro 34-36 de la revue Décadrages interroge le cinéma de re-montage, à travers deux axes principaux: les films de compilation [compilation films], dont on peut faire remonter l'origine à la pratique du re-montage dans les années 1920 en Union soviétique; et le found footage, dont la perspective est plus « artistique » qu'« archivistique », et qui connaît un développement sans précédents dans les années 1960. L'enjeu de ce numéro thématique consiste à articuler et à penser ensemble ces deux paradigmes d'appropriation de plans « trouvés », sans nier leurs spécificités, ni leurs distinctions.Sollicitant des spécialistes internationaux, ce dossier propose dans son premier volet des essais sur la documentariste Esfir Choub, sur les cinéastes militants Joris Ivens et Henri Storck, sur la pratique situationniste du détournement, sur le statut des documents d'archive, ainsi que sur le film de montage de Jean-Gabriel Périot, Une Jeunesse allemande (2015). Dans son second volet, des essais portent sur l'artiste surréaliste Joseph Cornell, sur les expérimentations d'Arthur Lipsett à l'ONF, sur l'artiste assemblagiste Bruce Conner, sur un film « trouvé » approprié par le cinéaste expérimental Ken Jacobs, sur l'artiste et turntablist Christian Marclay, sur le projet épique de Jean-Luc Godard, Histoire(s) du cinéma, et enfin sur la pratique collagiste de l'artiste et cinéaste Abigail Child. Par ailleurs, les cinéastes indépendants Cécile Fontaine et Noel Lawrence ainsi que l'artiste Claude Closky ont développé des contributions plastiques pour la revue.
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Les différentes contributions consacrées à la migration au cinéma s'intéressent aux modes de représentations cinématographiques de l'étranger dans des films suisses, espagnols, sénégalais, camerounais et maliens. Le couple notionnel cinéma/migration s'en trouve par ailleurs inversé dans certains articles qui interrogent la manière dont les institutions liées au phénomène migratoire - et avant tout les migrants eux-mêmes - s'emparent du cinéma.
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Décadrages Tome 15 : Raoul Ruiz
Raphael Oesterle
- Decadrages
- Decadrages
- 22 Février 2010
- 9782970066804
Aborder le travail d'un cinéaste comme Raoul Ruiz dans un simple dossier de revue peut paraître ambitieux, voire inadéquat. Com ment cerner, en effet, une filmographie comptant à l'heure actuelle plus d'une centaine d'entrées, se déployant sur une durée de plus de quarante ans, accompagnée de surcroît d'une production théorique non négligeable ? Ce foisonnement explique peut-être le fait que peu d'ouvrages lui soient consacrés, ce qui contraste avec l'ampleur de la production du cinéaste, tant artistique que théorique. A ceci s'ajoute l'accès difficile à ses films, de nombreuses oeuvres demeurant encore indisponibles.
C'est pourquoi le présent dossier propose une approche transversale : l'on tente de dégager un certain nombre de traits récurrents - tant thématiques que stylistiques - en vue d'éclairer une oeuvre qui multiplie les pistes de lecture, les voies d'interprétation et les chausse-trapes.
Nous ne chercherons dès lors pas à ériger un système rendant compte de la pratique du cinéaste : cette démarche nous semble illusoire, voire antinomique à une oeuvre qui postule en son centre une pluralité des clefs de déchiffrement et provoque un mouvement d'indécidabilité du sens. Pour circonscrire un objet aussi fuyant, nous avons pris le parti de revenir au texte filmique, en l'articulant à certains motifs qui nous ont paru signifiants. Ce souci de précision permet, nous en émettons la gageure, d'éviter l'écueil qui consisterait à évaluer les films du réalisateur exclusivement à l'aune de sa production théorique et littéraire. En effet, celle-ci vient souvent éclipser la part proprement cinématographique du travail de Raoul Ruiz, réduisant ses films à une illustration ou à un prolongement redondant d'une poétique préexistante.
Alain Boillat soumet le cinéaste à une approche inspirée par les outils de la narratologie. Partant des textes théoriques, et de leurs échos formels, il démontre en quoi le cinéma de Raoul Ruiz échappe aux modes conventionnels d'appréhension du récit, et finalement à la tradition narrative occidentale, de par la prolifération des récits, souvent paradoxaux, et la mise en crise de la notion d'identité qu'il cultive.
Auteur d'une thèse de doctorat sur Raoul Ruiz, Richard Bégin évoque l'utilisation particulière que fait ce dernier des objets. Si cet usage est avant tout de nature ludique, il n'en demeure pas moins dé stabilisant. Ce déséquilibre bientôt inquiétant apparaît alors comme révélateur de son approche « baroque » du cinéma.
Pour sa part, Valentine Robert place la pratique du tableau vivant au coeur de son article. Cette notion, trop souvent associée à la seule Hypothèse du tableau volé (France, 1979), traverse pourtant de nombreux films, et permet de mettre au jour plusieurs thèmes qui travaillent en profondeur la production du cinéaste. Elle relève l'appropriation mise en oeuvre par le Chilien via trois jalons de sa filmographie. Outre L'Hypothèse sus-nommée, on s'attardera sur Généalogies d'un crime (France/Portugal, 1996) et sur le plus récent Klimt (Autriche/France/Allemagne/Grande-Bretagne, 2006), pour dégager les rapports - étroits - que ces films tissent entre tableau vivant et théories de la perception.
François Bovier revient sur Tres Tristes Tigres (Chili, 1968). Ce film hermétique, le premier à rencontrer un public et un retentissement internationaux - comme en témoigne le Léopard d'or que lui attribue le festival de Locarno - a pourtant peu été traité jusqu'à présent. Tout au plus lui accorde-t-on le statut d'oeuvre de jeunesse, envisagée à la lumière des productions ultérieures. On tente ici de mettre à jour son fonctionnement propre, mettant ainsi l'accent sur son statut authentiquement expérimental, entendu au sens le plus large.
Une part importante des films de Raoul Ruiz procède, sinon de l'adaptation littéraire proprement dite, tout au moins de la transposition d'un prétexte. Alain Freudiger s'attache au cas précis du Temps retrouvé (France, 1999), condensation de l'oeuvre de Marcel Proust. Il l'aborde à travers la question de la reconnaissance, soit la question de l'identité passée au crible du temps et de la subjectivité. Ici encore, s'il n'est pas besoin d'insister sur l'importance que cette notion revêt chez Proust, celle-ci se révèle nodale pour la compréhension de la logique filmique de Ruiz.
L'entretien que nous a accordé Raoul Ruiz vient compléter ce dossier. C'est pour lui l'occasion d'effectuer un retour sur son parcours et d'évoquer la part la plus récente de son travail, marquée par des productions chiliennes encore invisibles sous nos latitudes.
Quant à la rubrique suisse, elle est presque entièrement consacrée à l'édition 2009 du NIFFF - soit le Neuchâtel International Fantastic Film Festival. Freddy Landry couvre l'ensemble du festival, tandis qu'Alain Boillat revient plus précisément sur Shinji Aoyama, invité d'honneur du festival et objet d'une rétrospective qui fut l'occasion de voir plusieurs films demeurés inédits en Suisse. Marthe Porret, pour sa part, envisage le cas particulier de Quelques jours avant la nuit (Suisse, 2008) de Simon Edelstein, qui met en évidence les conditions précaires non seulement de réalisation, mais encore de diffusion des films helvétiques en Suisse.
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Décadrages Tome 37-38 : Lionel Rogosin
Corthesy Faye
- Decadrages
- Decadrages
- 17 Mars 2018
- 9782970096344
Le dossier de ce numéro double de la revue est consacré au cinéaste indépendant américain Lionel Rogosin (1924-2000) dont les premiers films remontent aux années 1950. Son oeuvre aborde des thèmes sociaux comme le racisme, l'exclusion ou encore l'alcoolisme. Il s'agit d'un représentant méconnu du nouveau cinéma américain.
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Décadrages, n° 44-45/2020-2021 : Dossier Alexander Kluge
Por Bovier Francois
- Decadrages
- 10 Juin 2021
- 9782970096382
Le dossier est consacré à l'écrivain et cinéaste allemand Alexander Kluge. Il porte avant tout sur des films réalisés durant les années 1960 à 1980. Signataire du manifeste d'Oberhausen en 1962 et figure incontournable du Nouveau Cinéma allemand, il demeure relativement méconnu dans la culture francophone malgré une filmographie abondante et une production pléthorique d'émissions télévisuelles. Son oeuvre écrite a récemment été traduite en français et connaît un regain d'intérêt. Nous entendons par ce dossier faciliter l'accès à ses films pour un public francophone, tout en proposant des outils d'analyse qui n'ont pas été systématiquement appliqués à sa filmographie, et ceci malgré l'abondante secondaire produite dans les espaces anglo-saxons et germanophones. Son cinéma est fortement marqué par l'expérience traumatique de la Seconde Guerre mondiale et différentes formes d'oppression. Théoricien, sociologue et avocat de formation, il s'inscrit dans la postérité de la théorie critique telle qu'elle a été développée au sein de l'École de Francfort. Il développe à travers ses films une réflexion sur le processus de deuil, la mémoire, la résistance politique et artistique, notamment à travers des personnages qui se caractérisent par leur obstination. La forme de ses films se caractérise par le collage, un montage sur le mode du heurt, la disparité des matériaux utilisés et une stratégie de saturation du sens par la multiplicité des strates de signification déployées sur la bande image et la bande son. Une des raisons qui nous a poussé à réaliser ce dossier sur les films de Kluge est la récente édition par le Filmmuseum de Munich de l'intégralité de sa filmographie sous-titrée.La rubrique suisse est constituée d'un dossier thématique qui porte sur l'histoire de la télévision en Suisse romande, des années 1960 à 1980. Elle s'ouvre sur une reconsidération des liens de la télévision et du cinéma en retraçant les origines du Groupe 5 (Alain Tanner, Claude Goretta, Jean-Jacques Lagrange, Michel Soutter, Jean-Louis Roy). La production de long-métrages antérieurs au pacte de l'audiovisuel fait également l'objet d'une étude historique. Figurent finalement dans cette rubrique un entretien avec une figure importante du service dramatique de la TSR (Maurice Huelin), une analyse d'une chaîne de télévision privée, Télécinéromandie, ainsi qu'une réflexion sur les critères d'établissement d'une filmographie neuchâteloise prenant en compte la production télévisuelle.
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Le dossier du numéro 20 de la revue Décadrages est consacré aux films militants de Peter Watkins, qui mobilisent concurremment des effets de réel et des structures fictionnelles, déplaçant dans un univers inquiétant et fantasmatique les marques du style télévisuel (telles que l'adresse au spectateur, le tournage «direct» caméra à l'épaule ou encore le caractère omniscient du commentaire en voix-over). Les deux premières contributions à ce dossier parcourent l'ensemble de l'oeuvre filmique de Peter Watkins, en vue de ressaisir les stratégies et la logique caractéristiques d'un cinéma de «politique-fiction». Les autres articles se focalisent sur certains films privilégiés: il s'agira d'interroger l'écriture de l'histoire, qu'il s'agisse de parcours singuliers et exemplaires (Munch ou Strindberg), de voix outrancièrement médiatisées (le phénomène de la starification) ou d'une aventure collective (la Commune). Nous traduisons également pour la première fois en français un essai de Scott McDonald qui revient sur la genèse du film «fleuve» The Journey (14 heures 30), reposant sur un modèle unique de réalisation collective et de production alternative.
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C'est la singularité d'auteur excédant et déjouant en partie le système auteuriste qui nous a retenus dans l'examen des films de David Lynch. Aussi jouons-nous sa série Twin Peaks contre le film qui en est dérivé (sur le mode du pre-sequel), celle-là constituant un exemple réussi de l'intégration d'une logique auteuriste à la culture de masse, selon nous (cf. article de François Bovier et André Chaperon). Par ailleurs, la constitution de la figure de l'Auteur dans la presse spécialisée française est analysée dans une intervention de nature historiographique (cf. article de Raphaël Pasche). En consacrant plusieurs articles à des films-culte, il s'agit pour nous de prendre acte de cette double logique auteuriste et cultuelle qui détermine autant le discours de Lynch lui-même que celui de la critique qui en rend compte. Wild at Heart est interrogé dans son rapport à la culture de masse, notamment à travers une analyse des représentations ethniques qui s'appuie sur un examen minutieux des musiques utilisées par Lynch et sur une discussion de leurs implications esthétiques et idéologiques (cf. article de Laurent Guido). Le cas plus précis de l'intégration de chansons préexistantes, données comme préenregistrées dans Muholland Drive et variées dans leurs modes d'interaction avec la diégèse dans Blue Velvet, est également examiné (cf. article de Julia Canonica et Maria Da Silva).
Lost Highway et Mulholland Drive sont analysés dans leur mise en oeuvre d'une logique des possibles narratifs qui tend à délinéariser le récit filmique en vue de constituer un film palimpseste dont il revient alors au spectateur d'établir les significations, dans un mouvement d'émancipation par rapport au balisage opéré par le cinéaste (cf. article d'Alain Boillat). Enfin, Dick Tomasovic aborde les phénomènes d'immersion du spectateur dans l'univers de Lynch dont «l'inquiétante étrangeté» doit beaucoup au régime sensoriel particulier induit par certaines caractéristiques sonores.
Notre rubrique «cinéma suisse» débute par deux entretiens, dont l'un nous permet de revenir sur un film largement sous-estimé par l'ensemble de la critique suisse (Absolut de Wyder), tandis que l'autre donne la parole à Christophe Marzal peu avant la sortie de son film Au large de Bad Ragaz. Contrairement à ce film, Achtung, fertig, Charlie! a connu un succès public exceptionnel: les stratégies de production et de promotion dont il procède permettent de discuter le statut d'un film suisse réalisé selon un mode hollywoodien (cf. article d'Anne-Katrin Weber).
La question toujours largement débattue aujourd'hui de l'adaptation de sources littéraires à l'écran est analysée dans les termes juridiques du droit d'auteur (cf. article de Luc Amgwerd).
La trace filmique d'une installation réalisée par l'artiste lausannoise Elodie Pong invite à examiner comment le dispositif de la télésurveillance est pris en compte dans l'art contemporain (cf. article de Mireille Berton).
Notre rubrique se clôt sur un aspect historique à travers une étude qui retrace les activités menées en Suisse par le célèbre cinéaste d'avant-garde Hans Richter et les implications de la pratique du film de commande (cf. article de Pierre-Emmanuel Jaques). -
Si Fredi Melchior Murer est unanimement reconnu comme un des plus importants réalisateurs suisses, il n'existe que quelques publications consacrées au cinéaste, celles en français se comptant sur les doigts de la main. Le succès public de Vitus (2006), le dernier film de Murer à ce jour, ainsi qu'une récente rétrospective montée par la Cinémathèque suisse nous ont incités à réunir un dossier proposant d'une part des analyses fines de certains films et permettant d'autre part de réinterroger certains aspects réputés centraux dans la carrière de Murer. Celle-ci a suivi des orientations extrêmement diverses, d'un «cinéma privé» parfois quasi expérimental au long métrage narratif et humaniste en passant par le portrait d'artiste, le documentaire ethnographique, le film de critique sociale, l'allégorie utopiste ou le drame oedipien. Tout en soulignant ces variations, il s'agissait donc de dégager certains traits récurrents, notamment le rapport que Murer entretient à la société qui l'entoure. Car si comme plusieurs critiques et historiens l'ont souligné, Murer cherche souvent à se dégager du lieu dans lequel il vit pour élargir son propos à des questions plus générales, nombre de ses films ne sauraient cependant se concevoir et être perçus hors de cet espace dont il tire son inspiration et avec lequel il se confronte - ne serait-ce déjà qu'au plan de la réception critique, ses films ayant circulé en premier lieu en Suisse.
C'est en effet dans un dialogue constant avec des acteurs locaux du champ cinématographique que les films de Murer ont paru et ont circulé. Le témoignage de Marcel Leiser insiste ainsi sur l'impact que les premiers films de Murer ont eu sur toute une génération, notamment suite à leur présentation aux premières Journées de Soleure et aux débats qu'ils suscitèrent. Le cinéaste Richard Dindo s'appuie ainsi sur Wir Bergler in den Bergen sind eigentlich nicht schuld, dass wir da sind (1974) pour affirmer qu'il est possible en Suisse de développer une pratique cinématographique authentique au plan documentaire: en mettant à jour les fondements idéologiques d'un peuple, le documentaire révèlerait ce qu'il y a «de mensonger dans les récits de notre histoire». On pourrait ainsi repartir de zéro selon Dindo et, grâce à cette pratique documentaire, fonder un cinéma de fiction qui échappe à la tradition, au patriotique. Grâce à ce regard documentaire, Grauzone, bien que situé dans un avenir de science-fiction, dresse un portait fidèle de notre société. On le voit, Murer se trouve ainsi propulsé à une place élevée dans la hiérarchie du cinéma suisse, comme le soulignait aussi Freddy Buache.
Mais plutôt que de revenir sur la place de Murer dans ce classement, il nous a paru utile de nous replonger plus directement dans les films et notamment sur certaines périodes moins connues de la carrière du cinéaste. François Bovier resitue les premiers films de Murer - réputés «expérimentaux» - par rapport aux avant-gardes en insistant sur le décalage qu'ils présentent avec les films de ses contemporains, Schoenherr notamment. Ce «cinéma privé» le mène à une interrogation des frontières entre des genres jugés totalement hétérogènes. Il en va de même pour Christopher & Alexander (1973) qui questionne les limites du film de famille: Alexandra Schneider montre comment le film redéfinit les notions de cercle privé et d'intime en se présentant comme un faux film de famille. Une même interrogation formelle est au fondement de Hohenfeuer (1985) qui tout en étant situé dans le cadre traditionnel du cinéma suisse cherche par diverses stratégies finement analysées par Jacob Lachat à échapper à la représentation de la montagne majestueuse et chargée de connotations morales et patriotiques.
Enfin, ce sont les derniers films qui ont retenu l'attention. Marcy Goldberg propose une analyse transversale des fictions de Murer, dont la forme allégorique cache une critique sociale radicale. Les deux derniers longs métrages de Murer, Vollmond (1998) et Vitus, présentent un contraste marqué avec ses oeuvres antérieures, particulièrement Vitus dont se dégage un manifeste souci de divertissement. Il convenait de saisir en quoi ces films marquent un tournant dans la production du cinéaste tout en montrant que, malgré ces différences manifestes, des thématiques se retrouvent, présentes dès les débuts de Murer. Il convenait aussi de se demander dans quelle mesure les modifications des aides fédérales et plus généralement du financement du cinéma suisse ont eu un impact sur la carrière phénoménale de Vitus. Christian Davi, producteur du film, s'en est expliqué à Marthe Porret. Malgré la différence générationnelle, c'est un souci commun de faire leurs films dans l'indépendance, de pouvoir travailler hors de la pression du succès qui réunit ces deux cinéastes.
Par ailleurs, dans ce qui constitue un cahier à part, nous publions certaines esquisses de Fredi Murer qui figurent dans le scénario original de Hohenfeuer.
Enfin, comme à l'habitude, des articles liés à l'actualité nationale complètent le dossier. Alain Freudiger s'est ainsi penché sur Un vivant qui passe de Claude Lanzmann (1997), consacré à Maurice Rossel, délégué du CICR qui se rendit à Auschwitz durant la guerre. Alors que ce sont une série de trois dvd (Zeitreisen in die Vergangenheit der Schweiz) qui ont retenu notre attention dans la mesure où ils permettent de découvrir un pan encore peu connu de l'histoire du cinéma suisse: les courts métrages de commande, Séverine Graff rend compte de la sortie du dernier numéro de la Revue historique vaudoise consacré à divers aspects de l'histoire du cinéma en Suisse romande, tandis que Patrick Straumann fait le compte rendu de la dernière publication de Margrit Trohler, Professeure au Seminar für Filmwissenschaft de l'Université de Zurich, publication consacrée au film choral. -
Décadrages Tome 13 : Anna Sanders ; films, cinéma et art contemporain
Collectif
- Decadrages
- Decadrages
- 1 Septembre 2008
- 9782970058281
A l'image des artistes regroupés depuis 1997 dans la structure Anna Sanders qui assument les contraintes et les conventions du «cinéma d'auteur», nous avons mobilisé dans ce dossier les outils de l'analyse de films en les confrontant aux déclarations d'intention des réalisateurs. Nous reproduisons délibérément les a priori formels et méthodologiques associés aux études filmiques, tout en nous inscrivant dans une perspective auteuriste. Paradoxalement, nous allons ainsi à l'encontre du caractère industriel et collectif du cinéma qui est la raison d'être de la Sàrl Anna Sanders Films. Ce parti pris présente l'avantage selon nous de se distinguer de la littérature secondaire consacrée à leurs activités d'artistes-cinéastes. Cette dernière est principalement constituée d'articles de revues d'art (Art Press, Parachute, Purple Prose), d'entretiens et de livres illustrés qui oscillent entre la rhétorique du manifeste et la forme du catalogue d'exposition. Il faut encore remarquer que ces ouvrages sont eux-mêmes produits par des structures auxquelles Anna Sanders Films est étroitement associée, allant même jusqu'à nommer une collection aux Presses du réel.
Cette structure de production de films est en décalage par rapport au milieu de l'art contemporain, autour duquel gravitent Pierre Huyghe, Dominique Gonzalez-Foerster, Charles de Meaux, Philippe Parreno et Apichatpong Weerasethakul. Nous assistons à la superposition du dispositif de la salle obscure au white box qui est la règle d'usage dans les espaces d'exposition. Cette rencontre instille dans le champ de l'art contemporain différentes problématiques cinématographiques, telles que la durée, l'expérience du tournage et l'expérimentation des formes du récit. Inversement, la pratique de l'installation et l'attention mobile et acentrée mise en jeu dans l'exposition ou l'environnement imprègnent leur pratique de cinéastes. Anna Sanders Films constitue un ensemble vide, un lieu de disponibilité pouvant être investi par différents auteurs.Rappelons en effet que les deux artistes ont acheté sur catalogue les droits d'exploitation de ce personnage de manga à une entreprise japonaise qui crée des silhouettes prêtes à être animées à travers différents media (publicité, dessins animés, bande-dessinée). Aussi, Huyghe, Parreno, Gonzalez-Foerster ou encore Rikrit Tiravanija ont-ils investi le support AnnLee. Cette circulation entre les supports (photographie, affiche, sculpture, film, vidéo, installation, magazine) manifeste un certain nombre de préoccupations (fictionnalisation, disponibilité, transversalité) qui se cristalliseront autour des films produits par Anna Sanders.
Ces productions de courts comme de longs métrages sont appréhendées dans le présent dossier selon leurs spécificités de textes filmiques. En faisant porter l'accent sur la logique interne des oeuvres et en la confrontant aux déclarations d'intention des auteurs, nous pouvons dégager les stratégies de représentation mises en jeu. Nous éprouvons ainsi la validité de ces objets autonomes, en prenant à la lettre le projet d'occupation du territoire du cinéma énoncé par l'outil de production Anna Sanders. En analysant tour à tour les démarches des signataires des films Anna Sanders, nous mettons en lumière le caractère non uniforme des esthétiques et des logiques, qui sont tiraillées entre la forme du cinéma d'essai (d'où la réception majoritaire de Weerasethakul dans les revues de cinéma et les chroniques de films au sein des quotidiens) et la pratique de plasticiens (d'où la prise en compte des dispositifs de projection de Huyghe, Parreno et Gonzalez-Foerster par la critique d'art principalement). Quant à De Meaux, qui occupe la fonction de producteur, il s'inscrit résolument dans le champ du cinéma, tout en convoquant des stratégies issues de l'art conceptuel.
La rubrique suisse est entièrement dévolue à la 61e édition du Festival de Locarno. C'est l'occasion de revenir sur les débuts en cinéma de Nanni Moretti, auquel le festival a consacré sa rétrospective. Les dernières productions de Lionel Baier, Antoine Cattin et Pavel Kostomarov, Fernand Melgar, Jacqueline Veuve et Jean-Charles Fitoussi sont ainsi passées en revue, parmi d'autres films. Sur un plan plus institutionnel, la polémique qui s'est nouée autour des déclarations du chef de la section cinéma de l'OFC est également rapportée. -
Werner Herzog s'est construit un véritable personnage au fil des années. Réalisateur indépendant du nouveau cinéma allemand, complice légendaire de Kinski, ou encore inlassable aventurier, les diverses facettes qui constituent le cinéaste sont...
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Décadrages n.48-50 : Dossier sonimage : Les années video de Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville
Margel Bovier
- Decadrages
- Decadrages
- 23 Février 2024
- 9782970169901
Sonimage - à comprendre comme l'articulation de sons et d'images et comme " son image ", la sienne propre - est un collectif de production audiovisuel fondé et animé par Jean-Luc Godard et Anne-Marie Miéville en 1973. Choisissant la périphérie (Grenoble, puis Rolle) contre le centre (Paris), l'ambition de cette structure consiste à se doter de moyens de production autonomes, qui ne sont pas dépendants des structures de financement du cinéma. Plusieurs films tournés en 16mm (Ici et ailleurs, 1976) ou 35mm (Comment ça va?, 1976) sont réalisés à cette enseigne. Mais l'investissement de la vidéo non professionnelle paraît comme l'accomplissement le plus remarquable de Sonimage: Six fois deux, Sur et sous la communication (1976) et France/tour/détour/deux/enfants (1978) réinventent la conception de l'émission télévisuelle, en donnant la parole à des personnes non médiatisées. Des spécialistes suisses, français, canadiens et mexicains éclairent les enjeux de cette oeuvre réalisée à deux et l'utopie de l'autogestion qui la sous-tend, en se focalisant à chaque fois sur un film ou une série d'émissions. Deux entretiens complètent l'ensemble (avec le technicien vidéo qui a permis à Godard et Miéville de s'équiper et avec le cofondateur de l'atelier Cinéma/Video à l'Ecole supérieure des arts visuels de Genève).
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Avec ce 31e numéro, Décadrages croise pour la première fois l'histoire du cinéma, la didactique et les sciences de la communication afin de questionner en France et en Suisse les rapports entre le cinéma et l'institution scolaire. Comment et à quelles fins le film est-il introduit à l'école? Pour répondre à cette vaste question, le numéro Education au cinéma invite des historiens du cinéma à retracer la place grandissante du film dans la classe et des spécialistes de l'école à préciser la fonction pédagogique du médium.
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Décadrages Tome 3 : Hitchcock ; côté cour
Mireille Berton
- Decadrages
- Decadrages
- 1 Mai 2004
- 9782970058205
Ce numéro propose un ensemble de réflexions à partir d'un seul film : Rear Window d'Alfred Hitchcock (Fenêtre sur cour, 1954). Ce classique des classiques joue à la fois sur la perfection d'un produit hollywoodien (décors entièrement reconstruits en studio, Technicolor, écran large, présence de stars, etc.) et sur une certaine complexité formelle qui en fait une réflexion sur le médium cinéma, puisqu'il place la question du regard et du voyeurisme en son centre, c'est-à-dire en ce lieu privilégié où s'instaure le «point de vue», dans une chambre que le héros et la caméra prennent le parti de ne jamais quitter. Ce double jeu sur l'expérimentation et le divertissement explique peut-être que ce film soit en même temps le plus grand succès financier de Hitchcock (environ 22 millions de dollars de recette), notamment grâce à ses ressorties de 1962 et de 1983, et l'une des pierres de touche de l'approche auteuriste, la «politique des auteurs» des jeunes Turcs des Cahiers du Cinéma s'étant avant tout focalisée sur sa production des années 50-60. L'admiration cinéphilique pour ce film fut par ailleurs attisée en Europe par le fait qu'il ne fut pas distribué pendant vingt ans, les droits d'exploitation ayant été bloqués par James Stewart. Face à la masse d'écrits d'obédiences diverses qui tendent à opacifier un tel film-dispositif corvéable à merci, susceptible d'illustrer à peu près n'importe quelle théorie (psychanalytique, narratologique, gender studies, etc.), nous avons opté pour un déplacement des enjeux, un décadrage qui consiste à ne pas l'aborder frontalement, mais à prendre en compte les phénomènes de «reprise» auxquels il a donné lieu. Pour accéder à ce film qu'il n'est désormais plus vraiment possible de «voir», tant nous sommes contraints à traverser les filtres élaborés par les discours multiples qu'il a suscités, il nous semble nécessaire de passer par d'autres images qui, de l'extérieur, lui font écho.Plus que toute autre production hollywoodienne, le cinéma d'Alfred Hitchcock s'est avéré particulièrement apte à susciter des prolongements chez d'autres cinéastes comme Chris Marker ou Gus Van Sant, de même que chez des artistes contemporains tels que Douglas Gordon ou Stan Douglas. Le passage du cinéma à l'installation se présente comme une modalité productive de la reprise. En ce sens, le travail de retournage (analysé dans l'article de François Bovier) entrepris en vidéo avec des acteurs amateurs à partir de Rear Window par Pierre Huyghe (dont l'oeuvre est actuellement exposée au Castello di Rivoli de Turin, jusqu'au 18 juillet), tout naturellement intitulé Remake, procède d'une démarche qui implique certains croisements entre le champ du cinéma et celui de l'art contemporain, tout en demeurant un objet «film». En re-jouant le film de Hitchcock sur un mode dénaturalisant, Remake nous incite à interroger ses liens à l'original dans le sens d'un effacement de ce dernier. Une femme / un film / disparaît.Plus récemment, dans le cadre du cinéma hollywoodien, le film Paycheck de John Woo (2004) est truffé de clins d'oeil à la période américaine de Hitchcock. Si la suite de Mission: Impossible réalisée par Woo était radicalement différente du premier volet dû à Brian De Palma (notamment parce qu'elle impliquait un éclatement et une déréalisation de l'origine du regard), le recours dans Paycheck à la citation hitchcockienne rapproche en apparence les deux cinéastes. Toutefois, comme le montre l'article «Les reprises du dispositif narratif de Rear Window chez Brian De Palma», le pastiche depalmien ne se réduit pas à un jeu d'allusions (signe probable d'une volonté d'intégration du cinéaste chinois à l'héritage américain), mais doit se comprendre comme une composante fondamentale de l'esthétique et de la narration de ses films: Rear Window fait à la fois office de matrice à récits, et se voit travaillé en retour par les transformations apportées au dispositif par De Palma, chez qui le sujet du regard est généralement lui-même l'objet d'une manipulation.Tout phénomène de reprise nous confronte à une certaine conception de l'histoire du cinéma: il n'est donc pas étonnant qu'une image représentative de Rear Window, souvent utilisée pour les affiches du film - Jefferies tenant son appareil photo affublé d'un téléobjectif -, apparaisse dans les Histoire(s) du cinéma de Jean-Luc Godard. La fonction de cette référence au sein d'une section qu'elle initie, et donc irradie de ses significations, ainsi que la représentation de la figure de Hitchcock dans un autre épisode de la série de Godard sont examinées dans l'article «Jefferies et son contre-champ godardien» (André Chaperon). La citation de Hitchcock constitue alors une clé d'entrée pour la réflexion sur cet essai dans lequel Godard exploite à l'extrême les potentialités de la technique vidéo.En faisant graviter nos réflexions autour d'un seul film, nous pensons toutefois fournir une contribution plus précise et plus fouillée, la répétition de l'original s'effectuant également de manière transversale entre Godard, Huyghe et De Palma, alors que la question des rapports entre la réception cinématographique et télévisuelle, frontalement abordée dans un des articles, apparaît en filigrane de tous les textes.Sur un mode littéraire, Denis Martin initie avec l'«Abécéd'hitch» un travail consistant à extraire de Rear Window certains éléments ponctuels et à les retravailler, une opération qu'effectuent à leur manière les films traités dans chacun des articles qui suivent. L'«Abécéd'hitch» détourne la visée informative et révérencieuse de la nomenclature, évitant ainsi le rapport fétichiste au film dont font souvent montre les réflexions sur Hitchcock, comme en a témoigné l'exposition «Hitchcock et l'art» tenue au Musée des Beaux-Arts de Montréal et à Beaubourg en 2000-2001.La sortie du dernier film de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Une visite au Louvres est l'occasion de donner un prolongement aux documents relatifs à sa genèse que nous avions fait paraître dans le numéro précédent. Dans son article, François Albera examine et commente la démarche qu'engagent les cinéastes pour filmer la peinture, notamment en effectuant certains détours productifs par les célèbres écrits de Bazin et Malraux.Notre rubrique «Cinéma suisse» est majoritairement consacrée à un film qui a connu un succès national sans précédent (du moins en regard de la production suisse romande de ces 25 dernières années) et dont il a également été beaucoup question, non pas dans des écrits théoriques, mais dans la presse helvétique: il s'agit de Mais im Bundeshuus (Le génie helvétique) de Jean-Stéphane Bron. Alors que les discussions ont souvent pris la tangente d'un questionnement portant sur la politique suisse exposée par le film plus que sur le film lui-même, il nous paraît nécessaire de revenir tant sur le travail du cinéaste (dans un entretien approfondi) que sur l'organisation formelle de ce film qui tend pour certains à brouiller les frontières entre fiction et documentaire. En abordant Mais im Bundeshuus, on touche tant aux conditions de réalisation d'un film en Suisse qu'à la question du fonctionnement interne des films «documentaires» dont la prédominance en Suisse appelle une tentative de théorisation. L'article de Teresa Hoefert de Turégano qui clôt cette rubrique se concentre sur le domaine de la production en Suisse dans le cas spécifique du soutien apporté aux pays économiquement défavorisés de l'Est et du Sud. Cette perspective économique lui permet d'exposer le fonctionnement d'acteurs importants dans ce secteur (DDC, FMCV, trigon-film) et de discuter certains fondements de la politique culturelle de la Suisse.
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Decadrages, n 21-22/hiver 2012. cinema elargi
François Bovier, Adeena Mey
- Decadrages
- 12 Mars 2013
- 9782970066859
Le dossier du numéro 20-21 de la revue Décadrages constitue le second volume en langue française consacré au phénomène du cinéma élargi, pratique intermédiatique par excellence. Mais à la différence d'Extended cinéma : le cinéma gagne du terrain (édité par Philippe Dubois, Frédéric Monvoisin et Elena Biserna, Campanotto Editore, 2010), actes d'un colloque portant sur un ensemble de pratiques qui ne recoupent que périodiquement le cinéma élargi tel qu'entendu historiquement, le dossier de Décadrages s'attache à circonscrire les principaux dispositifs à travers lesquels se déploie ces manifestations, depuis les années 1960 jusqu'à la période contemporaine.
Soulignant l'hétérogénéité du cinéma élargi, qui met en crise l'idéologie moderniste de la spécificité des supports d'expression, les études réunies dans ce numéro se concentrent sur des études de cas, mettant en évidence l'hybridation du cinéma avec la scène musicale underground (les performances de l'Exploding Plastic Inevitable de Warhol, la manifestation itinérante « Underground Explosion »), le happening ou les events (autour de Fluxus), l'art contemporain (à travers les oeuvres de Barba, Borinski et Maljkovic), la conférence illustrée (par le biais de Frampton) ou encore la photographie (ou plutôt l'absence d'une prise en compte de la paraphotographie dans les études photographiques). D'autres essais, investiguant des corpus plus larges, examinent la situation au Japon ou en Allemagne. Par ailleurs, Jacobs et Le Grice, qui nous ont accordé un entretien, reviennent sur leur propre pratique, tandis que trois artistes (Borinski, Copeland & Decrauzat, Winterling) proposent des interventions sur le plan visuel. -
Décadrages, n° 18/2011 : Dossier : Mario Ruspoli et le « cinéma direct »
- Decadrages
- 7 Février 2011
- 9782970066828
Ce numéro de Décadrages est consacré, à partir de sources inédites notamment celles appartenant à la famille Ruspoli, à l'apport fondamental de Mario Ruspoli dans l'émergence, vers 1960, du cinéma documentaire en caméra légère, afin d'éclairer le contexte technique, discursif, théorique et artistique de cette production.
Ce volume espère ainsi pallier cette méconnaissance de Mario Ruspoli en apportant quelques clés de lecture au spectateur qui découvre son oeuvre souvent évoquée mais jamais analysée.
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En 2006, le cinéma de Stephen Dwoskin fait l'objet d'une actualité, tant internationale que nationale. D'une part, le 35e Festival international du film de Rotterdam a consacré, du 25 janvier au 2 février 2006, une rétrospective au cinéaste. D'autre part, les Films du Renard ont édité un premier volet de l'intégrale de son oeuvre en DVD (disponible sur le site www.renardfilms.org). Mais qu'en est-il de cette terra incognita cinématographique, que l'on découvre à nouveau?
Dans notre dossier, nous nous sommes concentrés sur deux pans de sa pratique filmique: ses portraits féminins, auxquels son cinéma est souvent associé, et ses adaptations littéraires. Suivant cet axe duel, le dossier s'ouvre sur son dernier film, Oblivion, une libre transposition du Con d'Irène d'Aragon, et se clôt sur ses premiers courts métrages, centrés sur des modèles féminins. François Albera, à travers une lecture attentive du texte «pornographique» et poétique qui constitue la source lointaine d'Oblivion, met en évidence le rapport singulier que Dwoskin entretient à l'«adaptation»: «prétexte», le livre d'Aragon permet de reposer le rapport au handicap, à la sexualité et au voyeurisme, au centre du cinéma de Dwoskin. La «variation» qu'opère Oblivion éclaire en retour certains aspects du Con d'Irène qui n'auraient pu apparaître sans cette torsion.
La première «transposition» littéraire de Dwoskin, Tod und Teufel, constitue un pivot dans sa filmographie. Fort de ce constat, nous émettons l'hypothèse que Dwoskin découvre, à travers la pièce de Wedekind qui dénonce l'asservissement de la femme, l'économie réifiante de la «monnaie vivante» et de l'«esclave industrielle» théorisée par Klossowski.
Mathias Lavin analyse la construction de l'espace dans les courts métrages et les premiers longs métrages de Dwoskin, en se focalisant sur l'occupation des lieux et la fonction de découpe du cadre. Il met ainsi au jour le caractère paradoxal de la présence excessive des corps dans un lieu clos, étouffant: plus le cadre se resserre, plus l'espace confine à l'abstraction.
Andreas Stauder et François Bovier interrogent la relation entre les images de Dwoskin et les bandes son du compositeur minimaliste Gavin Bryars (recoupant en partie le corpus étudié par Lavin). Ils stigmatisent l'ambivalence entre le caractère physique, discontinu, du cadrage et du montage, et le caractère évidé, mécanique, de la musique.
Laurent Guido soutient que les courts métrages de Dwoskin s'inscrivent dans le programme du minimalisme et du cinéma «structurel». Pour le démontrer, il analyse avec rigueur le rythme et la durée des plans, la gestuelle et les poses des «girls», ainsi que le travail de la mise en forme filmique.
Marthe Porret analyse le documentaire de Claudine Desprès et Julien Schmid sur Dwoskin: Self-Made Portrait, centré sur la présence insinuante du cinéaste sur la bande son et derrière la caméra, réalise le programme d'effacement définissant un «degré zéro» de subjectivité des auteurs du film.
En dehors du plan textuel, Stephen Dwoskin et Véronique Goël ont réalisé une séquence de photomontages pour ce dossier, témoignant de la dynamique intersubjective de leurs échanges artistiques, et de vie.
Dans la rubrique cinéma suisse dirigée par Alain Boillat et intégralement consacrée au Festival de Soleure, on passe en revue certaines productions helvétiques récentes présentées à cette occasion, et on s'interroge sur les discours institutionnels prononcés dans ce cadre, qui n'ont pas manqué de susciter la polémique. -
Décadrages Tome 8-9 : le monde de Star Wars
Collectif
- Decadrages
- Decadrages
- 1 Septembre 2006
- 9782970058243
Les analyses de ce dossier montrent combien Star Wars - "phénomène de société" plus encore qu'un ensemble de films - est un lieu privilégié d'exploration d'un bon nombre de préoccupations contemporaines. Qu'il soit question de nouvelles technologies, de représentations sociales aux implications interprétables dans un cadre issu des gender studies (voir l'article de Charles-Antoine Courcoux), de narration (notamment dans le texte d'Alain Corbellari, qui s'intéresse aux motifs empruntés à la littérature médiévale), du rôle de la musique et de l'héritage qui le sous-tend, des liens instaurés entre cinéma classique hollywoodien et «post-modernisme», etc., le monde posé par les deux trilogies réalisées entre 1977 et 2005 constitue un support stimulant de réflexion, ne serait-ce qu'en raison des nombreux paradoxes qui les traversent, et à partir desquels on peut aisément extrapoler une pensée plus large sur les blockbusters actuels.
Si la prise en compte rigoureuse du fonctionnement discursif de ces six films n'a pas été négligée, nous avons toutefois mis l'accent sur ce qui les entoure, voire sur ce qui excède l'unité circonscrite par la saga. Car «Star Wars», ce n'est plus seulement le titre d'un film, ni même d'un ensemble de réalisations sérialisées, mais la franchise principale (avec Indiana Jones) de l'estampille «Lucasfilm Limited». Il ne peut dès lors plus être question d'une «oeuvre», puisque cet éclatement nous conduit au-delà du champ cinématographique, dans le domaine des «produits dérivés» bien souvent sous-estimé par les études spécialisées. Dérivons donc «à travers champs», en espérant développer au gré de ce parcours sélectif un regard différent sur le «phénomène» Star Wars, machine à monde(s) qui est elle-même un monde de machines, à la fois sans cesse convoqué dans les discours sur le cinéma et, finalement, rarement analysé dans le détail. Les objets périphériques auxquels nous nous sommes attachés sont de diverses natures: fragments de films qui s'entrechoquent dans des clips vidéo commercialisés sur un DVD (A Musical Journey dont il est question dans l'article de Laurent Guido), prolongements narratifs sous forme vidéoludique (voir l'article de Dominic Arsenault et Bernard Perron) ou bédéique (voir la dernière section de l'introduction), figurines façonnées à l'effigie des personnages de la saga (voir l'article d'Alain Boillat) sont autant de productions qui appellent une approche renouvelée des faits (para)filmiques.
Notre rubrique consacrée au cinéma en Suisse est cette fois marquée par des référents ou des enjeux situés au-delà de nos frontières. Les programmations internationales de trois autres festivals de notre pays ont été considérées sous des angles particuliers: examen de la démarche et des grandes lignes esthétiques de l'oeuvre de Rithy Panh, invité d'honneur à Nyon dont les préoccupations prolongent celles d'autres cinéastes «arpenteurs de mémoires» comme Resnais ou Lanzmann, avec cette insistance que l'on trouve par exemple chez l'écrivain Robert Antelme sur la nécessité pour la victime d'un génocide d'affirmer son humanité face au bourreau (voir l'article d'Alain Freudiger); rencontre avec Christian Lelong, documentariste sélectionné à Fribourg qui sillonne le Niger; état des lieux de la production horrifique à partir de quelques oeuvres montrées au Festival du film fantastique de Neuchâtel. Enfin, Felix Berger, responsable des ventes de pellicule chez Kodak, nous ouvre les portes de cette entreprise internationale sise à Renens, revenant sur plus de trente années d'activités au moment précis où le développement de la célèbre pellicule Super 8 vit ses derniers jours... alors que, dans une «galaxie (pas si) lointaine», un George Lucas se fait le chantre du «tout-numérique».