« Il fallait écrire ce livre [...] pour garder la trace des luttes et des accomplissements des peuples noirs, de leurs persécutions et de leurs révoltes contre ces persécutions », écrit Nancy Cunard en ouverture de l'Anthologie noire. Son intuition singulière fut de documenter les violences infligées aux Noirs tout en célébrant d'un même geste les cultures héritées d'Afrique à travers le monde. Pour ce faire, ce livre sans équivalent multiplie les types de sources (iconographie, archives, articles de presse, témoignages, extraits d'ouvrages, photographies, discours politiques, tracts, poèmes ou encore chansons), les points de vue (Amérique, Afrique, Europe) et les contributeurs (historiens, anthropologues, militants, artistes, poètes...).
À partir de son expérience personnelle, Grothendieck dresse un double constat :
L'indifférence des savants pour les implications pratiques de leurs travaux comme pour la manière dont les connaissances scientifiques sont diffusées et son corollaire : le divorce accentué entre la population et la communauté scientifique. Il vise ainsi à désacraliser la science pour développer une nouvelle pratique scientifique qui soit ferment de transformations d'un type de civilisation à un autre. Il s'agit aussi de déconstruire le mythe de la science pure afin de révéler son rôle crucial dans la poursuite d'un développement industriel désastreux. Si ce texte développe, à l'instar du groupe Survivre... et Vivre cofondé par son auteur, une critique radicale, il témoigne aussi d'une intuition visionnaire.
Ainsi il va, il court, il cherche. Que cherche-t-il ? A coup sûr, cet homme, tel que je l'ai dépeint, ce solitaire doué d'une imagination active, toujours voyageant à travers le grand désert d'hommes, a un but plus élevé que celui d'un pur flâneur, un but plus général, autre que le plaisir fugitif de la circonstance. Il cherche ce quelque chose qu'on nous permettra d'appeler la modernité.
Baudelaire
Dans cette lettre à son cher ami Rivière, Proust mêle considérations sur le dandysme en général et sur Charles Baudelaire en particulier. Baudelaire, poète des correspondances et des beautés inattendues s'y révèle, dans la confidence à l'ami, comme un véritable double littéraire.
Nos dictionnaires comportent de nombreux mots d'une seule lettre. Il était temps de les répertorier. Yves Frémion s'y est collé, non sans faire appel à quelques amis, dont certains ont réagi avec finesse. Voici le résultat. Bien entendu, hormis pour quelques verbicrucistes et lettrés titillés par les curiosités du vocabulaire, ce livre ne sert strictement à rien. C'est pourquoi son besoin se faisait généralement sentir.
« La bibliothèque a ses docks, ses jetées, ses quais », écrit Stéphane Mahieu. Répertoriant la flotte lancée « aux quatre vents de l'imaginaire », il enjoint le lecteur à prendre le large. Que ce soit à bord de l'Argo, la mythique nef d'Apollonios de Rhodes, du Gardenia d'Alphonse Allais, des bateaux de plaisance de Conrad ou de Daumal, du cargot mixte du Voyage au bout de la nuit, du Karnak de Mort sur le Nil, de la goélette de Kipling, des baleiniers de Melville et de Poe, du Nautilus de Verne, le plus célèbre des sous-marins de fiction, sans oublier les vaisseaux de pirates, le voyage, dans ces zones géographiquement incertaines, s'avère des plus dépaysants. Un livre qui entraîne à l'aventure et porte à la rêverie.
" L'entrée dans le royaume des masques, dont James Ensor est roi, se fit lentement, inconsciemment, mais avec une sûre logique. Ce fut la découverte d'un pays, province par province, les lieux pittoresques succédant aux endroits terribles et les parages tristes prolongeant ou séparant les districts fous. Grâce à ses goûts, mais aussi grâce à son caractère, James Ensor n'a vécu pendant longtemps qu'avec des êtres puérils, chimériques, extraordinaires, grotesques, funèbres, macabres, avec des railleries faites clodoches, avec des colères faites chienlits, avec des mélancolies faites croque-morts, avec des désespoirs faits squelettes.
Il s'est improvisé le visiteur de lamentables décrochez-moi-ça, de malodorantes arrière-boutiques de marchandes à la toilette, de piteux bric-à-brac en plein vent. "
Emile Verhaeren
« Le mot rare qu'on sort de sa boîte, le mot usé qu'on réinstalle dans la parole, le mot vieilli qu'on rhabille de vêtements neufs, le mot savant, le mot précieux, le néologisme, et le mot populaire, le mot d'argot, le patois, le lapsus linguæ, et le mot-bête et le mot à consonnance amusante ou obscène, et cette pauvre victime du sérieux contemporain, le généreux calembour, ce furieux appel de l'inouï, voilà qui devrait unir dans notre jugement tous les poètes qui méritent notre amitié et notre confiance. » Noël Arnaud Élaborée dans les années 1960 par le 'Pataphysicien Noël Arnaud avant d'être exhumée par Patrick Fréchet, cette anthologie rend compte de sept siècles de littérature nourrie de langues parodiques et inconnues, de convention ou de circonstance, d'anagrammes, glossolalies, tautogrammes, contrepèteries, boniments, incohérences ou encore parodies. Une réjouissante promenade, des poètes satiriques du Moyen-Âge aux avant--gardistes du xxe siècle, dans « le secteur clandestin de notre littérature, celui des jeux interdits ».
"Puisque la médecine, qui était un art, devient une science, pourquoi la littérature elle-même ne deviendrait-elle pas une science, grâce à la méthode expérimentale ?" Emile Zola. Le manifeste du surréalisme, texte clé de la réflexion sur le roman, enfin réédité.
Christophe Bier a 15 ans lorsqu'il découvre Attelages humains, réédition en poche d'un roman des années 1930. Il s'intéresse alors à sa maison d'édition d'origine, la SelectBibliothèque, et s'émerveille à son catalogue qui compte 98 titres plus troublants les uns que les autres. Dès lors, il n'aura de cesse d'en reconstituer la totalité - sans doute sa collection la plus ardue, qui l'entraînera jusqu'à Pigalle où se vendaient alors à prix d'or des photocopies de certains de ces textes. En un récit aussi intime que pudique, l'auteur raconte comment, née aux confins d'un Matto-Grosso fantaisiste, cette obsession riche d'images saisissantes, qui réunit en elle le lecteur, le collectionneur et l'écrivain, aura influencé son parcours.
Découvrez La nature du gothique - Chapitre extrait des Pierres de Venise, le livre de John Ruskin. A mes yeux, et je pense pour quelques autres aussi, c'est une des choses les plus importantes que l'auteur ait écrites, et elle sera considérée dans les temps à venir comme l'une des rares expressions nécessaires et incontournables de ce siècle. Pour certains d'entre nous, quand nous le lûmes pour la première fois, il y a bien longtemps maintenant, cela semblait nous indiquer une route nouvelle sur laquelle le monde devait s'engager. ( ..) Nous ne pouvons toujours pas voir d'autre issue à la sottise et à la dégradation de la Civilisation. Car la leçon que Ruskin nous enseigne ici est que l'art est l'expression du plaisir de l'homme à l'ouvrage, et qu'il est possible à l'homme de se réjouir dans son travail, car, aussi étrange que cela puisse paraître à nos yeux aujourd'hui, il y eut des époques où il y trouvait vraiment du plaisir.
L'auteur examine la grotte de Lascaux et les images énigmatiques qu'elle abrite, avec un regard distancié et souvent amusé.
Les trois parties de l'ouvrage éclairent chacune une facette de la pensée politique de Castoriadis. La première propose un ensemble sur les rapports entre écologie et politique et met en relief la profondeur de sa pensée sur des questions comme le rôle de la technique ou les rapports entre savoir et pouvoir. Y ont été joints quelques échanges avec J. Ellul, qui a joué un rôle pionnier dans l'étude critique de la technique.
La deuxième est un choix substantiel de sa correspondance politique avec d'anciens camarades, des philosophes, un philologue...
Des inédits, enfin, traitant de l'imaginaire social, des rapports entre éthique et politique ou des imaginaires religieux et nationaux complètent le volume. Écrits il y a plus de trente ans, ces textes sont pourtant on ne peut plus actuels.
Sur la bouche de chaleur où il somnole en se laissant brûler, dans les rues alentour où il erre à moitié nu, et jusqu'à l'endormissement final, François Esperet s'acharne à déchiffrer la vie hermaphrodite puante et pure, maudite et sainte, misérable et pleine de grâce d'un jeune sans-abri. Autour de la figure d'un homme déchu à la gueule d'ange, on découvre ceux qui partagent sa parcelle de macadam le long du Marché aux Fleurs : un mendiant africain hâbleur et obèse, un ancien légionnaire méticuleux, un oiseleur bruissant d'ailes... Dans ce monde où tout ordre semble aboli et où ne demeurent que des vies errantes et incertaines, l'auteur entraîne le lecteur dans une dérive initiatique, picaresque et mystique, au terme de laquelle les révélations n'épuisent pas le mystère.
Recueil d'aphorismes et de prédictions burlesques dictés à l'auteur par un archange, alors qu'il délirait à cause de la fièvre après s'être fait piquer par un serpent dans le désert du Sahara.
Adrien entreprend un voyage fantastique. Reprise de l'album à trous conçu par le dessinateur humoriste, dont les découpes dans les pages invitent à jouer sur la logique et la temporalité.
À travers des textes qui s'échelonnent de 1947 à 1978, le lecteur suit le chemin qui va des considérations du jeune Castoriadis marxiste sur le « capitalisme décadent » et la guerre comme aboutissement du processus de concentration des forces productives à ce que le Castoriadis d'âge mûr appelle ses « résultats ».
La première partie reprend deux articles parus en 1953- 54 dans la revue Socialisme ou Barbarie auxquels ont été joints un certain nombre d'inédits tirés de ses archives. La deuxième reprend le volume publié sous ce titre en 1979, lequel s'attèle aux affrontements entre puissances - thème essentiel et de plus en plus pertinent si l'on veut bien voir que la volonté d'expansion et l'exploitation des passions nationalistes reviennent, et ce un peu partout, sur le devant de la scène.
Transgressif, virtuose et désinvolte, mal connu du grand public mais désormais reconnu par les institutions, comme la Bibliothèque nationale qui lui consacre depuis peu un fonds, le graphzine désigne une mouvance graphique et éditoriale héritière du mouvement punk et de la culture de l'autonomie. Ce premier essai d'envergure sur le sujet, à la fois historique et critique, rassemble de nombreux témoignages d'acteurs de cette scène en rupture avec le marché de l'art. Publié en coédition avec Le Dernier Cri (Marseille), ce livre à la couverture sérigraphiée bénéficie d'une très riche iconographie, imprimée en bi et trichromie.
Si la plupart des artistes d'avant-garde ont trouvé dans les arts premiers une source d'inspiration, Péret est sans doute le seul à avoir voyagé à la rencontre de ces objets de fascination. Peu avant sa mort, il préparait un ouvrage généreusement illustré consacré aux arts primitifs et populaires du Brésil qui n'a jamais pu voir le jour.
La redécouverte inespérée, dans un fonds d'archives, de 150 négatifs nous permet aujourd'hui de rendre concret ce projet important et séduisant : parmi des formes plus familières, il a découvert de véritables hapax, des objets inconnus à ce jour des ethnologues.
Imprimé en couleur pour restituer toutes les nuances des clichés de Péret, le livre est enrichi de nombreux documents donnant à voir la véritable aventure brésilienne que constitua cette enquête.
D'esprit borgésien, le Répertoire des métiers imaginaires s'attache, à l'écart des entreprises et enseignes officielles, aux activités en quelque sorte non déclarées : celles qui se pratiquent dans l'envers du visible.
Dans le compagnonnage de Borgès et de Hardellet, mais aussi de Cami, Michaux, Cortázar, Daumal et bien d'autres qui ont observé les formes si souvent curieuses de l'occupation humaine, le lecteur y rencontre des artistes et artisans singuliers, voire déroutants, dont beaucoup d'entre nous sont loin de deviner l'existence et ignorent plus encore la fonction ou le mode opératoire : ainsi le chasseur de rêves, la rieuse de banquet, le démorveur, le maçon de musique, le professeur d'apparences, le percepteur d'épouses ou encore l'écorcheur de nuages.
Membre fondateur du Mercure de France, grand ami de Gourmont, admiré par Mirbeau, découvreur de Van Gogh, soutien de Gauguin et des peintres synthétistes, G.-Albert Aurier est un promoteur du modernisme, un éclectique revendiqué. Si le critique d'art a été, à juste titre, réhabilité par l'histoire de l'art, l'ensemble de ses écrits n'avait jamais fait l'objet d'une édition. Faisant la part belle à ses oeuvres littéraires encore méconnues tout en présentant la cohérence de ses projets esthétique, critique et littéraire, celle-ci souhaite lui rendre la place qu'il mérite dans l'histoire du symbolisme et du décadentisme. Elle témoigne aussi de sa position centrale dans les réseaux de l'avant-garde littéraire et artistique de son temps.
Supports de rencontres secrètes, laboratoires de l'image fantaisiste ou convulsive, les cartes postales ne sont pas simplement, comme on pourrait le croire, ce royaume de la banalité fait de porches d'églises, de tours Eiffel et autres monuments vus et revus. Hyperboles, récréations photographiques, analogies animalières, féeries... autant de jeux formels qui réjouissent les yeux, engendrent des images radicalement nouvelles et racontent des histoires. L'histoire des sociétés, l'histoire d'un art aussi, quand bien même il est officieux et populaire.
Pourquoi le surréalisme « réellement existant » a-t-il occulté le non-conformisme absolu de la révolution surréaliste ? Comment les partis dits ouvriers ont-ils eu raison de la critique révolutionnaire pour la faire servir à moderniser le capitalisme ? Un plagianisme insidieux laboure aussi bien les terrains de la culture que le champ politique : la reconfiguration du passé fait resurgir des auteurs, des livres, des événements comme autant de références destinées à légitimer le présent système de représentation politique.
Revenir aux mots perdus de La Révolution surréaliste et du Manifeste communiste, c'est trouver le sens de la contrerévolution sociale et culturelle en cours. Et renouer avec la poésie et la critique vivantes (Lautréamont, Nerval, Artaud, Rosa Luxembourg, Otto Rühle...).