Afin de penser l'Europe, Edgar Morin nous invite à abandonner les discours rhétoriques et les idées fragmentaires qui produisent des Europe imaginaires, idéales ou mutilées. Son essai, qui est en même temps un voyage interrogatif dans l'histoire et la culture européennes, conçoit l'Europe comme une unité multiple et complexe, unissant les contraires de façon inséparable.Pour la première fois dans les Temps modernes, l'Europe vit un destin commun. Il nous faut en prendre conscience si nous voulons élaborer un dessein commun.
Cinq ans après les attentats qui ont ensanglanté la France - de la tuerie de Charlie Hebdo au massacre du Bataclan -, ce livre est le premier récit de l'intérieur du processus qui a vu croître le jihadisme français. Né dans les «cités» enclavées des banlieues populaires, il a mené ses activistes, en passant par le «califat» de Daech au Levant, jusqu'aux prisons de l'Hexagone. À partir de quatre-vingts entretiens avec des terroristes incarcérés, Hugo Micheron analyse la nature du jihadisme français. Loin d'être coupée du reste de la société, la prison est en interaction constante avec les quartiers. Dans quel terreau français se creuse le jihadisme? Comment se transplante-t-il dans le jihad syrien? Comment s'épanouit-il dans les prisons de l'Hexagone? Voici le récit édifiant d'une emprise moderne, méthodique, qui a bouleversé les profondeurs de la société.
Pap Ndiaye, historien, est maître de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales (Paris). Son ouvrage est d'ores et déjà considéré comme le travail fondateur des black studies à la française
«Il y a une figure qui apparaît et réapparaît tout au long de ce livre. Ses instincts sont fondamentalement cruels ; sa manière est intransigeante. Il propage l'hystérie, mais il est immunisé contre elle. Il est au-delà de la tentation, parce que, malgré sa rhétorique utopiste, la satisfaction est le cadet de ses soucis. Il est d'une séduction indicible, semant derrière lui des camarades amers comme Hansel ses miettes de pain, seul chemin pour rentrer chez soi à travers un fourré d'excuses qu'il ne fera jamais. C'est un moraliste et un rationaliste, mais il se présente lui-même comme un sociopathe ; il abandonne derrière lui des documents non pas édifiants mais paradoxaux. Quelle que soit la violence de la marque qu'il laissera sur l'histoire, il est condamné à l'obscurité, qu'il cultive comme un signe de profondeur. Johnny Rotten/John Lydon en est une version ; Guy Debord une autre. Saint-Just était un ancêtre, mais dans mon histoire, Richard Huelsenbeck en est le prototype.» Greil Marcus.
" j'ai entrepris cet inventaire de la condition du colonisé d'abord pour me comprendre moi-même et identifier ma place au milieu des autres hommes ce que j'avais décrit était le lot d'une multitude d'hommes à travers le monde.
Je découvrais du même coup, en somme, que tous les colonisés se ressemblaient ; je devais constater par la suite que tous les opprimés se ressemblaient en quelque mesure. " et sartre d'écrire : " cet ouvrage sobre et clair se range parmi "les géométries passionnées" : son objectivité calme, c'est de la souffrance et de la colère dépassée. " cet essai est devenu un classique, dès sa parution en 1957 : il soulignait combien les conduites du colonisateur et du colonisé créent une relation fondamentale qui les conditionne l'un et l'autre.
Ce livre est une présentation provocatrice et cynique des sept étapes qui permettent aux leaders populistes de passer du statut de «personnage ridicule» à celui d'«autocrate terrifiant».
Ces sept étapes qui matérialisent le moment où une démocratie bascule dans une dictature, Ece Temelkuran les a identifiées dans son pays d'origine, la Turquie. Mais elle en observe aussi les prémices dans bien d'autres États, y compris des démocraties que nous pensions très solides : création de mouvements qui veulent s'adresser au «vrai peuple», bêtise érigée en moyen de communication, complotisme comme obscurantisme contemporain...
La journaliste en exil, qui a observé ces dérives lors de ses nombreux déplacements dans le monde, développe l'idée d'un «mal de la banalité» qui devrait nous inciter à toujours rester vigilants pour éviter de basculer hors de la démocratie. Un livre salutaire pour qui veut voir le monde tel qu'il est, et non tel qu'on espère qu'il perdurera.
Un dépôt de bilan peut se consigner dans la bonne humeur, avec clins d'oeil et sourires. C'est cette variante teintée d'humour, rarement pratiquée au tribunal de commerce, qu'a choisie Régis Debray, dans cette lettre d'un père à son fils bachelier, en quête de conseils sur la filière à suivre. Littérature, sociologie, politique, sciences dures ? En empruntant le langage entrepreneurial, celui de notre temps, l'auteur lui expose les bénéfices qu'un jeune homme peut dorénavant attendre de ces divers investissements. En lui recommandant instamment d'éviter la politique. Bien au-delà de simples conseils d'orientation professionnelle, ce livre-testament voudrait faire le point sur le métier de vivre dans le monde d'aujourd'hui, sans rien sacrifier aux convenances. Beaucoup d'adultes et quelques délurés sans âge particulier pourront sans doute y trouver leur compte.
La crise de la société française - et des sociétés occidentales en général - conduit à se poser une question de fond : faut-il envisager la disparition du système démocratique ? Et, par voie de conséquence, quel système serait alors susceptible de le remplacer ?
Cet ouvrage combine l'analyse instantanée et l'étude des processus de longue durée pour envisager la situation de la politique et de l'économie et l'évolution des structures familiales. De ce travail d'investigation se dégagent, entre autres thèmes, le caractère fondamentalement religieux de la crise actuelle (le religieux étant considéré comme structurant la société), le pessimisme culturel ambiant (conséquence de la stagnation éducative), la réapparition d'une stratification de la société (l'ascenseur social cher à la démocratie fait place à l'instauration d'une nouvelle oligarchie), l'impact du libre-échange provoqué par la mondialisation, la possibilité d'une réémergence de la lutte des classes (conséquence de la disparition des classes moyennes).
Dans ce nouvel ouvrage qui ne ménage personne dans aucun camp, Emmanuel Todd brille une fois de plus dans son rôle d'historien et d'observateur et se passionne pour ce sujet essentiel : où va notre société ?
Certains hommes croient en un dieu ; d'autres en plusieurs ; d'autres encore sont athées ou agnostiques.
Tous ont à vivre ensemble. cette vie commune, selon la première déclaration des droits de l'homme, doit assurer à chacun et la liberté de conscience, qui exclut toute contrainte religieuse ou idéologique, et l'égalité de droit, incompatible avec la valorisation privilégiée d'une croyance. la puissance publique promeut le bien commun. elle devra donc être neutre sur le plan confessionnel et développer, par l'instruction, l'exercice autonome du jugement.
Afin que tous apprennent à vivre leurs convictions sans fanatisme ni intolérance. ainsi comprise, la laïcité n'est pas de l'ordre d'une option spirituelle particulière, mais constitue une condition de possibilité fondamentale de la vie publique. on ne saurait en conséquence la renégocier sans cesse, notamment au gré des fluctuations du paysage religieux et des rapports de forces qui les sous-tendent.
Pendant les dix ans qui séparent les émeutes de l'automne 2005 des attentats de 2015 contre Charlie Hebdo puis le Bataclan, la France voit se creuser de nouvelles lignes de faille. La jeunesse issue de l'immigration postcoloniale en constitue le principal enjeu symbolique.
Celle-ci contribue à la victoire de François Hollande aux élections de 2012. Mais la marginalisation économique, sociale et politique, entre autres facteurs, pousse certains à rechercher un modèle d'«islam intégral» inspiré du salafisme et à se projeter dans une «djihadoshère» qui veut détruire l'Occident «mécréant».
Le changement de génération de l'islam de France et les transformations de l'idéologie du djihadisme sous l'influence des réseaux sociaux produisent le creuset d'où sortiront les Français exaltés par le champ de bataille syro-irakien. En 2015, plus de huit cents d'entre eux le rejoignent et plus de cent trente y trouvent la mort, sans compter ceux qui perpètrent leurs attentats en France.
Dans le même temps, la montée en puissance de l'extrême droite et les succès électoraux du Front national renforcent la polarisation de la société, dont les fondements sont aujourd'hui menacés de manière inédite par ceux qui veulent déclencher, dans la terreur et la désolation, la guerre civile.
C'est à dénouer les fils de ce drame qu'est consacré ce livre.
Photographies de Patrick Robert
Figure des transformations que connaît la France, le département de la Seine-Saint-Denis (93) s'inscrit, avec l'importante présence musulmane, au coeur des bouleversements démographiques et migratoires - de la marche forcée de la désindustrialisation à la haute technologie, de la persistance du chômage et d'une intégration sociale difficile à mettre en oeuvre à la percée des nouvelles générations dans le champ politique, culturel ou économique.
Ces contrastes très accusés sont l'une des caractéristiques les plus saillantes et les moins connues de l'islam de France.
Quatre-vingt-treize partage avec le lecteur l'expérience du terrain au quotidien, depuis les mosquées et les HLM jusqu'aux lambris des palais de la République, et la perspective historique de trois décennies écoulées, à travers l'islam des «darons», des Frères et des jeunes. Entre la tentation salafiste et la participation aux élections, le halal et l'internet, l'islam de France déploie une multiplicité de facettes qui s'inscrivent dans une citoyenneté encore inaccomplie.
Liberté, égalité, fraternité : «Les trois marches du perron suprême», disait Victor Hugo. Peut-on encore accéder à la marche d'en haut sans retomber dans la terreur ou bien dans la niaiserie? Et comment, au royaume morcelé du moi-je, retrouver le sens et la force du nous? C'est ce défi, peut-être le plus crucial de notre temps, que Régis Debray s'emploie à relever dans ce livre.
Un nous durable faisant toujours référence à une sacralité, séculière ou révélée, il se demande d'abord ce que sacré veut dire, concrètement ; et les droits de l'homme se donnant comme l'expression contemporaine de la solidarité humaine, il ose examiner ce que cette nouvelle religion civile nous fait faire, actuellement.
Ce pénible devoir accompli, Régis Debray dégage les voies d'accès à une fraternité sans phrases, qui puissent en faire autre chose qu'un fumigène : un labeur de chaque jour. Dans la conviction que l'économie seule ne fera jamais une société.
Alors que semblent triompher la démocratie et la liberté dans une planète largement débarrassée des régimes autoritaires, les censures et les manipulations, sous des aspects divers, font un paradoxal retour en force.
De nouveaux et séduisants « opiums des masses » proposent une sorte de « meilleur des mondes », distraient les citoyens et les détournent de l'action civique. Dans ce nouvel âge de l'aliénation, à l'heure de la world culture, d'Internet et de la « télévision-réalité », les technologies de la communication jouent, comme jamais, un rôle idéologique central : plus on communiquera, nous dit-on, plus notre société sera harmonieuse, plus grand sera notre bonheur.
S'imposant comme l'obligation absolue, inondant tous les aspects de la vie sociale, politique, économique et culturelle, la communication exerce déjà sa tyrannie.
La biotechnique contemporaine menace-t-elle d'altérer la nature humaine et de nous propulser ainsi dans une «post-humanité» effraynate ?
La nature humaine modèle et détermine les différents types possibles de régimes politiques. Toute technique assez puissante pour remodeler ce que nous sommes menace potentiellement la démocratie libérale et la nature de la politique elle-même. Nous devons refuser ces mondes futurs qui nous sont proposés sous le faux étendard de la liberté - qu'il soit celui des droits de reproduction illimités ou celui de la recherche scientifique sans entraves.
La liberté véritable signifie la liberté, pour les communautés politiques, de protéger les valeurs qui les fondent contre la révolution biologique d'aujourd'hui.
Soixante ans après son vote par les Nations unies, que reste-t-il aujourd'hui de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de ses promesses, des engagements à la respecter pris par les Etats? Les plus grands juristes français commentent le préambule et les trente articles de ce texte fondateur. Des analyses qu'enrichissent les témoignages de personnes dont les droits ont été bafoués, en violation des principales dispositions de la Déclaration. Avec cet ouvrage, chacun pourra évaluer la réalité de ce que Robert Badinter, dans sa conclusion, appelle "l'horizon moral de notre temps".
Le terme de citoyenneté est galvaudé.
Jugé passéiste il y a vingt ans, il est aujourd'hui comme un nouveau talisman que l'on brandit pour appuyer toute revendication. le terme a pourtant un sens historiquement précis : l'appartenance à une communauté politique autonome, définissant des droits et des devoirs. il n'en reste pas moins que les grandes traditions politiques l'ont interprété différemment, lorsqu'il s'est agi d'articuler la citoyenneté à l'individu, à la nationalité, aux croyances religieuses, aux inégalités sociales, aux traditions historiques et communautaires.
C'est donc l'histoire, les idéologies, la sociologie de la " citoyenneté " que retrace cet ouvrage qui est en soi un véritable manuel contemporain d'instruction civique.
Sommes-nous aujourd'hui les acteurs d'une troisième révolution industrielle, après une première fondée sur l'essor de la machine à vapeur et du chemin de fer, puis une deuxième symbolisée par l'exploitation de l'électricité et du pétrole ? Elles ont en commun de grands réseaux (chemin de fer, électricité, Internet), des innovateurs (James Watt et sa machine à vapeur, Thomas Edison et son empire industriel, Bill Gates et son entreprise Microsoft) et un imaginaire qui annonce la naissance d'une nouvelle humanité.
À partir du domaine de la culture (cinéma, photographie, livre, musique, arts, presse, radio, télévision...), Rémy Rieffel prend l'exacte mesure de cette révolution dans les relations à soi-même et aux autres, dans l'accès au savoir ou aux connaissances, dans le rapport à l'information et à l'argumentation. Est-ce une rupture anthropologique de nos sociétés, ou plutôt une nouvelle transformation de nos usages des moyens de communication comme l'humanité en a connu à plusieurs reprises au cours de son histoire ? Simple changement d'échelle ou véritable changement de nature, dans un univers où s'affrontent des valeurs d'émancipation et d'ouverture d'un côté et des stratégies de contrôle et de domination de l'autre ?
On croyait la chose acquise : la République est, selon sa propre étymologie, le bien commun. Or, l'actualité récente prouve que la notion, pourtant invoquée sur tous les airs, a perdu jusqu'à son évidence.
La République, ce sont trois grandes valeurs : l'universalité des droits, c'est-à-dire l'assurance que les hommes ne tirent leurs droits d'aucune appartenance ou qualité particulière, mais de leur simple qualité d'être humain ; la devise constitutive liberté, égalité, fraternité - valeurs auxquelles nul ne saurait déroger ; la laïcité, qui proclame la liberté de conscience et permet la liberté religieuse. Où, sinon à l'école - lieu d'éveil libre et critique de la conscience citoyenne -, transmettre les valeurs de la République?
Cette anthologie de textes juridiques, politiques, philosophiques, constitue un corpus républicain pour les enseignants, les parents, les particuliers. Il incarne notamment les quatre objets de l'enseignement moral et civique : la sensibilité (soi et les autres avec les principes, les valeurs et les symboles de la citoyenneté française et de la citoyenneté européenne), le droit et la règle (des principes pour vivre avec les autres, avec les différentes déclarations des droits de l'homme), le jugement (penser par soi-même et avec les autres, avec les principes de la laïcité et la traduction des principes d'un État démocratique dans les institutions de la République) et l'engagement (agir individuellement et collectivement, avec l'exercice de la citoyenneté dans une démocratie).
Qu'il soit monarchique, impérial ou républicain, le pouvoir en France s'est accaparé, au nom d'une mystique nationale, la protection d'un patrimoine artistique et l'encouragement à son enrichissement. Cela s'est appelé «la politique culturelle».
Mais ce mythe aujourd'hui se fissure.
Jean-Michel Djian se livre à son anatomie : celle des instruments, nationaux, régionaux, administratifs et privés, qui agissent au nom de cette politique au même titre que des associations en mal de subventions et des artistes en voie de précarisation. Mais aussi celle de l'avenir d'une telle politique à l'heure de la concentration des industries de loisirs, de la civilisation télévisuelle de masse, des limites de l'intégration culturelle butant sur les inégalités sociales et scolaires.
Barack Obama a-t-il l'étoffe d'un président de guerre ? Parmi tous les périls qui planent sur son mandat, la guerre d'Afghanistan est sans doute le défi le plus important qu'il ait à relever.
Au lendemain de sa victoire, l'ancien candidat " anti-guerre " a dû endosser l'habit du commandant en chef pour sortir l'Amérique du bourbier dans lequel George W. Bush l'avait précipitée. C'est cette mue que raconte Bob Woodward, poursuivant son exploration des coulisses du pouvoir américain. Fort d'un accès privilégié aux documents les mieux gardés et des confidences des personnalités les plus haut placées à Washington, il décrit sous un jour nouveau les deux premières années de l'administration Obama et dresse un portrait inédit du 44e président des États-Unis.
Dans Les guerres d'Obama, on assiste ainsi à son premier briefing par les services de renseignement, où il apprend que la CIA entretient une véritable armée clandestine au Pakistan, on suit au jour le jour la constitution de l'équipe chargée de la sécurité et de la politique extérieure des Etats-Unis, notamment comment Barack Obama a convaincu Hillary Clinton, pourtant son adversaire, de le rejoindre, et on est plongé dans la véritable guerre de tranchées qui voit s'affronter la Maison Blanche et le Pentagone sur la conduite à tenir en Afghanistan.
Car c'est bien à une guerre dans la guerre que Barack Obama a été confronté, avec le risque de voir les militaires prendre le pas sur le pouvoir civil. Au-delà des événements cruciaux qu'il est le premier à évoquer, Bob Woodward nous permet ainsi de mieux comprendre comment Barack Obama pense, décide et agit.
Né de l'inquiétude sur les nouvelles formes de vie sociale que suscitait la modernité, le concept d'intégration recouvre les modalités spécifiques de la vie collective dans les sociétés contemporaines. A l'origine, Durkheim le réserve au problème de la société dans son ensemble. Puis les sociologues s'interrogent sur la formation et le maintien des entités collectives, sur les relations entre l'individu et le groupe. Les recherches montrent alors que l'assimilation des immigrés n'est pas un processus unique ou rectiligne, mais comporte des dimensions et des modalités différentes, voire discordantes. Désormais, les sociologues distinguent entre l'adoption des traits culturels de la société - selon les auteurs, on parlera d'" acculturation ", d'" assimilation ", voire d'" intégration culturelle " - et la participation aux diverses instances de la vie sociale - l'" assimilation sociale " ou l'" intégration structurelle ". Toute la richesse comme l'ambiguïté particulière de l'intégration - puisque le mot appartient en même temps aux registres du politique et de la sociologie - se tiennent là, dans le fait que le concept porte à la fois sur l'intégration des individus à la société et sur l'intégration de la société dans son ensemble.
" L'abus des drogues représente une menace aussi destructrice pour cette génération et les générations futures que les épidémies de peste qui ont ravagé de nombreuses régions du monde au siècle passé.
" : cette déclaration d'un secrétaire général de l'ONU dit bien comment habituellement le phénomène de la drogue est envisagé - comme un fléau venu frapper de l'extérieur des populations désarmées. Or la drogue, aujourd'hui, est une économie qui se développe avec toutes les phases de la mondialisation : du pays producteur, généralement pauvre mais qui tire d'une faible mise de fonds des profits sans commune mesure, à la respectable institution financière d'un pays riche et consommateur qui recycle l'argent de la drogue, les circuits se mondialisent, rendant de plus en plus floue la frontière entre économie illicite et économie légale.
En sorte que toute lutte contre la drogue qui se voudrait nationale est vouée à l'échec. S'il est une mondialisation souhaitable, c'est bien celle du combat contre les drogues.
Peu d'idées sont autant galvaudées aujourd'hui que celle de «réalité». Hommes politiques, chefs d'entreprise, mais aussi économistes, romanciers s'en réclament:seul le réalisme semble recevable, et il suffit à tout justifier. La réalité constitue désormais, dans notre mentalité collective, la valeur étalon. Elle est le nouveau dieu que nous vénérons; le dernier qui reste en magasin, peut-être. Mona Chollet épingle l'usage pernicieux de cette notion dans tous les types de discours et démontre pourquoi l'injonction réaliste relève de l'imposture. Dans ce livre mordant et salutaire, elle met à nu l'idéologie implicite de certains «réalistes», elle ouvre aussi joyeusement un chemin de traverse. Elle nous rappelle les bienfaits de l'imagination et du rêve, non pas pour «fuir la réalité», mais au contraire pour se donner une chance de l'habiter pleinement.