Comment se départir d'un état d'alarme permanent, abandonner le souci et s'ouvrir authentiquement à une vie plus généreuse, plus libre ? Comment oser la nonpeur et la confiance ? À l'heure où l'individualisme gagne du terrain, il est tentant, pour moins souffrir, de se cacher, voire de démissionner. Chögyam Trungpa comme le Bouddha, Spinoza, Nietzsche et tant d'autres peuvent nous inspirer une voie bien plus audacieuse.
Les Cahiers d'insouciance constituent une tentative, un essai pour s'affranchir de la tyrannie des passions tristes et nous jeter dans la joie inconditionnelle. Une vie spirituelle qui ne rendrait pas meilleur, plus solidaire et qui laisserait quiconque sur le bas-côté ne vaut pas une heure de peine !
Deux défis traversent ces Cahiers : se détacher de tout mais sans renoncer au don de soi, à l'engagement, et contribuer ainsi à une société plus éveillée ; faire passer l'autre avant la voracité du moi. Ces carnets de route envisagent le quotidien, les blessures et les manques, les désirs et la peur, les liens et le partage, bref, tout ce qui habite un coeur comme un laboratoire, un tremplin vers la liberté.
Le zen, « rameau délié du bouddhisme » depuis le Ve siècle, selon la belle expression d'Antoine Arsan, est une école de méditation. Naguère l'auteur d'un essai sur le haïku, il s'aventure cette fois jusqu'à l'improbable « porte sans entrée » du zen. À l'Occident chrétien obsédé de réponse et de résultat, le zen propose un chemin de déprise : le maître initie son disciple en ne lui apprenant rien. Un seul adversaire : l'ego. Un seul horizon, l'éveil. Le haïku cherchait à fixer l'instant, le zen cherche à se couler dans son flux éternel.
Avec subtilité et simplicité, Antoine Arsan entraîne son lecteur sur ce chemin de dépossession, « lisse et nu, énigmatique et impénétrable ». Loin de la foire aux spiritualités de pacotille, l'essai d'Antoine Arsan approche son sujet sans jamais poser au sage. La porte sans entrée, célébration légère de l'indicible.
« Hannah Arendt est l'une des intellectuelles les plus importantes du XXe siècle. Son oeuvre irrigue tant la philosophie que la politique et l'éthique.
Penseuse des chaos du monde et militante antinazie de la première heure, elle fut à la fois une combattante des droits de l'homme, une théoricienne des périls qui menacent la démocratie, une penseuse de l'antitotalitarisme et une femme engagée dans les principaux combats du siècle.
Penseuse de l'événement, philosophe de la fragilité humaine, elle a vécu dans sa chair ce qu'elle a théorisé. C'est sans doute aussi pour cette raison que son oeuvre nous bouleverse trente ans après sa mort.
J'ai tenté de mettre mes pas dans les siens, de reconstituer son itinéraire, de rencontrer ses amis et, grâce à des correspondances inédites, d'éclairer ses relations amoureuses - en particulier Martin Heidegger, avec qui elle a vécu, selon Jacques Derrida, une nouvelle histoire d'Héloïse et d'Abélard.
Ce livre se veut une enquête qui cherche à comprendre cette femme généreuse, politiquement incorrecte, d'un courage exceptionnel, qui pratiquait le culte de l'amitié comme un éros et la philosophie comme un art du savoir-vivre. »
Laure Adler.
Le désir de plaire et les comportements de séduction semblent atemporels, depuis que des espèces se reproduisent par voie sexuelle. Néanmoins, l'hypermodernité libérale marque une rupture majeure dans cette histoire millénaire, tant elle impose à nos sociétés la généralisation de l'ethos de séduction et la suprématie de ses mécanismes.
Le mot d'ordre ne paraît plus être de contraindre, ordonner, discipliner, réprimer, mais de «plaire et toucher». La visée du théâtre classique selon Racine est désormais l'une des grandes lois, partout à l'oeuvre, dans l'économie, les médias, la politique, l'éducation.
L'économie consumériste sature d'offres commerciales attractives notre quotidien, dominé par l'impératif de captation des désirs, de l'attention et des affects ; le modèle éducatif s'élabore sur la compréhension, le plaisir, l'écoute relationnelle ; dans la sphère politique, l'heure n'est plus à la conviction par la propagande, mais à la séduction par la vidéocommunication, parachevant la dynamique de sécularisation de l'instance du pouvoir.
La séduction-monde a provoqué l'émergence d'une individualisation hypertrophiée du rapport à autrui - ultime manière d'agir sur le comportement des hommes et de les gouverner, ultime figure du pouvoir dans les sociétés démocratiques libérales.
Sans conteste, Jürgen Habermas est l'un des derniers intellectuels majeurs au niveau international. «Défenseur de la modernité» et conscience publique de la République fédérale», il est aussi un éminent penseur de l'Europe. Par ses monographies et nombreux articles, recueillis en volumes, traduits dans plus de quarante langues, il s'est acquis, en tant que philosophe, une réputation mondiale et, en tant qu'auteur, il a reçu un écho qui excède de loin le monde académique. Un tel constat conduirait aisément à en inférer que sa biographie devrait au fond être celle de son oeuvre. Mais si cette vie fascine, c'est qu'elle ne peut aucunement se résumer à une pile de livres savants. En effet, Habermas a toujours plus quitté l'espace protégé de l'univers académique pour endosser le rôle du polémiste pugnace, et peser de cette façon sur l'histoire des mentalités de l'Allemagne et de l'Europe. Aussi l'ouvrage de Stefan Müller-Doohm, à qui l'on doit déjà une biographie d'Adorno, noue-t-il deux trames:d'une part la description des allers-retours sinueux entre activité professionnelle principale et activité seconde, et d'autre part l'interdépendance entre les évolutions de la pensée du philosophe et les interventions de l'intellectuel public dans le contexte de son temps. L'action conjuguée de la réflexion philosophique et de l'intervention intellectuelle, qui caractérise l'activité de Jürgen Habermas, explique que cette biographie soit celle tant d'une vie que d'une oeuvre en devenir perpétuel.
Agile et d'accès aisé, ce livre novateur dans sa facture ne juxtapose pas un texte et des images (environ deux cents) mais les fait dialoguer.
Le texte explique et l'image questionne l'explication. On ne peut lire sans regarder ni regarder sans lire. Le sacré est un sujet crucial et d'actualité. Dans le monde d'abord, où s'enflamment guerres de religion et « chocs des civilisations », autour d'enjeux insurmontables parce que sacralisés. En France ensuite, où chaque communauté brandit son sacré à elle (génocide, viande halal, embryon, euthanasie.) pour se replier sur son périmètre et s'opposer à ses voisines.
Tandis que notre pays, obscurément, court après des valeurs fédératrices et rassembleuses. Jeunesse du sacré s'adresse à ceux qui croient au ciel comme aux autres. Aux lycéens, parce que c'est un album avec des images insolites ou cocasses. Aux enseignants, parce que c'est un mémento qui résume en termes simples des études érudites et lance des ponts entre disciplines : géographie, histoire, beaux-arts, littérature, philosophie. A l'honnête homme, parce que c'est un mode d'emploi sans jargon ni appareil de notes, qui l'aidera à faire le net dans sa tête et sa vie : « Au fond qu'est-ce qu'il y a de sacré aujourd'hui pour moi ? » Jeunesse du sacré est un livre utile pour nous débarrasser de fausses idées reçues, quitte à fâcher un peu en secouant des certitudes - la première de toutes étant celle qui confond sacré et religieux : Auschwitz n'est pas une synagogue, ni la flamme du Soldat inconnu un sanctuaire chrétien. Utile également à remettre en perspective les événements du jour dans les longues durées.
On pourra en somme faire servir ce vade mecum illustré aussi bien à l'instruction civique qu'à des méditations personnelles et à l'histoire sociale du présent, y compris dans ses aspects les plus ordinaires.
Une biographie d'Adorno s'expose à l'objection qu'il n'appréciait guère lui-même ce genre et émettait au contraire les plus expresses réserves sur le fait d'exploiter des oeuvres littéraires ou philosophiques pour parler de leurs auteurs. Assurément, Adorno a lu et utilisé des biographies, à commencer par celle de Richard Wagner, mais, s'agissant de sa propre personne, il exprimait l'espoir qu'on ferait passer ses écrits avant les accidents de son existence. Il n'eut de cesse de refuser, face à des compositions musicales ou à des textes littéraires, qu'on y cherche du vécu, des intentions subjectives, ou des affects de l'auteur. Or, ses propres textes contiennent, à de nombreux endroits, des propos autobiographiques, invitation à penser l'interdépendance entre la teneur objective de l'oeuvre et son lieu historique-ce qu'il appelait le champ de forces entre la situation historique du sujet-auteur, sa vie et son oeuvre. Cette maxime a guidé l'enquête présente : reconstruire le contexte de vie d'Adorno dans son interaction avec d'autres - notamment Kracauer, Benjamin, Mann, Horkheimer, Habermas...-, voilà ce qu'entreprend Stefan Müller-Doohm. Grâce à un corpus de sources comprenant les écrits d'Adorno, ses lettres publiées ou conservées en archives, diverses notes et transcriptions de ses cours et conférences, ainsi que ses entretiens avec des témoins contemporains.