La dynamique conquérante des populismes, particulièrement en Europe, est le symptôme d'un problème démocratique. Elle reflète ce phénomène considérable de l'antipolitique qui est à la fois le rejet de toute politique et l'aspiration à une autre forme de régime.
Après l'ère de la démocratie des partis et des parlements au sortir de la guerre, puis au tournant du siècle, la démocratie du public, marquée par le déclin des cultures politiques traditionnelles, le recul des grands partis et le personnalisation du pouvoir, sa présidentialisation et sa médiatisation, nous entrons dans une nouvelle ère, qu'Ilvo Diamenti et Marc Lazar appellent la « peuplecratie ».
La peuplecratie résulte d'un double processus. D'une part, l'ascension des mouvements et partis populistes ; de l'autre, par effet de contamination, la modification des fondements de nos démocraties. Les populistes sacralisent le peuple souverain dans le même temps où ils s'attaquent aux représentants politiques et se livrent à une critique radicale des formes institutionnelles organisant cette même souveraineté populaire. Le peuple est systématiquement valorisé en tant qu'entité homogène, porteur de vérité et considéré comme fondamentalement bon, par opposition aux élites supposées sans racines nationales. Cet antagonisme, à l'heure de la prise immédiate de parole numérique, donne une nouvelle vigueur et une toute autre dimension à la vieille idée de l'expression directe, voire référendaire, de l'opinion vraie des « vraies gens ». Ainsi, est altérée la signification de la démocratie en tendant à récuser la représentation et les contre-pouvoirs ; ainsi est favorisée la montée en puissance des figures, pour le moins autoritaires, de l'incarnation.
Cet ouvrage, qui a eu en Italie un formidable écho, réfléchit à partir de la France et de l'Italie à l'émergence sous nos yeux de la peuplecratie.
«La domination du capitalisme fut telle qu'elle cessa d'être perçue comme une idéologie. Elle est devenue le modèle par défaut, le comportement naturel. Elle s'est infiltrée dans la normalité, a colonisé l'ordinaire, au point que la contester est apparu comme aussi absurde ou ésotérique qu'une remise en cause de la réalité elle-même. Dès lors, le pas fut aisément et promptement franchi pour affirmer : "Il n'y a pas d'alternative"».
Dans cette série d'essais, Arundhati Roy, l'auteure du sublime roman Le Dieu des Petits Riens, s'intéresse à la face cachée de la démocratie indienne - un pays de 1,2 milliard d'habitants où les cent personnes les plus riches po sèdent l'équivalent d'un quart du produit intérieur brut.
Ce texte virulent présente un portrait féroce et lucide d'un pays hanté par ses fantômes : ceux des centaines de milliers de fermiers qui n'ont pour seule échappatoire à leurs dettes que le suicide ; ceux des centaines de millions de personnes qui vivent avec moins de deux dollars par jour.
Face à eux, une infime minorité de la population contrôle la majorité des richesses et parvient à dicter la politique gouvernementale. Cette classe corrompue par l'omniprésence des ONG et des fondations est au coeur du système remis en cause par l'auteure. Cependant, Roy va au-delà du pamphlet contre le capitalisme et propose une véritable réflexion sur son histoire et ses rouages. Avant de conclure par plusieurs propositions pour en sortir, le temps d'un discours aux militants d'Occupy Wall Street.
L'Europe peut disparaître. Non pas le marché unique, mais le projet politique. Jamais les forces d'éclatement n'ont été aussi fortes depuis le traité de Rome de 1957 : des tensions internes entre pays membres de l'Union européenne se font jour, alors que le Royaume-Uni a décidé de sortir de l'Union. Mais surtout, l'affrontement des États-Unis et de la Chine, dont la maîtrise des technologies et les forces financières nous surpassent, nous impose un choix radical entre une Europe souveraine et une Europe soumise.
Il est donc temps que l'Europe affirme elle aussi sa puissance. Celle d'un continent riche de la diversité de ses nations, avec de véritables frontières. Une puissance technologique, qui favorise la création de champions industriels européens, capables de créer les emplois et d'assurer la formation des centaines de millions d'Européens. Une puissance au service de la paix, qui défend ses intérêts économiques et militaires, ses entreprises comme ses citoyens.
L'Europe doit définir un projet politique et s'affirmer, au XXle siècle, comme un nouvel empire.
« Ceci est un document, pas un écrit. Il s'agit de la transcription, la plus fidèle possible, de deux carnets de notes que j'ai tenus lors d'un voyage clandestin en Syrie, en janvier de cette année. Ces carnets devaient au départ servir de base pour les articles que j'ai rédigés en rentrant. Mais peu à peu, entre les longues périodes d'attente ou de désoeuvrement, les plages de temps ménagées, lors des conversations, par la traduction, et une certaine fébrilité qui tend à vouloir transformer dans l'instant le vécu en texte, ils ont pris de l'ampleur. C'est ce qui rend possible leur publication. Ce qui la justifie est tout autre : le fait qu'ils rendent compte d'un moment bref et déjà disparu, quasiment sans témoins extérieurs, les derniers jours du soulèvement d'une partie de la ville de Homs contre le régime de Bachar al-Assad, juste avant qu'il ne soit écrasé dans un bain de sang qui, au moment où j'écris ces lignes, dure encore. » Jonathan Littell a passé deux semaines et demie à Homs, au coeur des quartiers opposés au régime syrien. C'est, on le sent page après page, un texte écrit dans des conditions extrêmes, où les protagonistes, à chaque instant, jouent leur vie. Constituant un documents tout à fait unique, véritable enquête sur le terrain, ces carnets témoignent de la vie quotidienne du peuple en révolte de la ville de Homs, de la résistance des déserteurs de l'Armée syrienne libre, et des atrocités commises par les forces gouvernementales.
Depuis qu'elle a quitté l'Iran, Fariba Hachtroudi n'a cessé d'interroger avec passion, à travers ses livres, la réalité contemporaine de son pays. Elle propose aujourd'hui un portrait du Guide suprême de la République islamique, Ali Khamenei. Personnage essentiel de la théocratie chiite, le grand ayatollah ne se livre pas aux outrances médiatiques qui ont rendu célèbre le président Mahmoud Ahmadinejad. Pour être moins bruyant, son pouvoir n'en est que plus grand. Commandant en chef des armées, il dirige et oriente la politique du pays, valide la nomination du président, arbitre les conflits éventuels entre le clergé, l'armée et la classe politique.Cloîtré dans sa demeure, le Beyt, où ne pénètre qu'une élite de collaborateurs triés sur le volet, le « Lieutenant du Messie » édicte ses lois au milieu d'une cour servile et fanatique.
Fariba Hachtroudi a obtenu des témoignages de première main - notamment ceux du neveu d'Ali Khamenei et d'un haut gradé longtemps intime du sérail, aujourd'hui réfugié à l'étranger - qui tracent un portrait captivant de ce personnage énigmatique, pilier du pouvoir iranien. Érudit, fin lettré, amateur de poésie et de luxe, Ali Khamenei met chaque jour en pratique l'enseignement de son prédécesseur, l'ayatollah Khomeyni, qui avait fait du mensonge et de la violence les armes licites du prosélytisme islamiste. Ce livre, qui fourmille d'anecdotes et de faits réels, donne à voir les rouages complexes d'un régime dont dépend en partie l'avenir du monde. L'auteur y rend aussi hommage à son grand-père, l'ayatollah Esmaïl Hachtroudi, grande figure de la révolution constitutionnaliste, qui s'est battu, au début du XXe siècle, pour un islam démocratique et humaniste.
Existe-t-il encore un camp de la paix en Israël ? Au début des années 1980, il occupait une place centrale, jusqu'à faire descendre dans la rue des centaines de milliers de personnes. Mais depuis, il semblait décliner alors que le conflit israélo-palestinien s'enlisait dans la violence, surtout avec la seconde Intifada. Aujourd'hui, il peine à se faire entendre et à mobiliser en masse. Ce livre en retrace l'histoire, avec ses succès et ses échecs. C'est surtout après la guerre des Six jours que le mouvement de la paix prend forme, aussitôt confronté aux partisans d'une colonisation à outrance des territoires conquis. Mais son étoile pâlit à mesure que la question palestinienne s'invite dans le débat national et que les attentats-suicide sapent la confiance dans le processus de paix engagé par Yitzhak Rabin. Le terrorisme a déstabilisé une opinion publique de plus en plus obsédée par sa sécurité ; le sentiment gagne que les « colombes » mènent un combat aussi illusoire qu'inactuel. Pourtant, le mouvement de la paix n'a pas disparu. Il s'est métamorphosé, donnant naissance à une multitude de petites organisations d'une vitalité insoupçonnée, y compris en Israël même : forum de familles endeuillées, associations de réservistes, de médecins, de juristes, des vigies des droits de l'homme et même d'anciens hauts responsables de la diplomatie et de la sécurité. Ce sont ces héros, nombreux et souvent méconnus, que cette enquête fait découvrir.
Le tome I comprend notamment:les premiers articles du jeune militant radical, qui annoncent déjà les lignes de force de sa pensée politique et économique; l'essentiel de ses deux premiers livres sur l'oeuvre financière de Poincaré (1928) et la construction de l'Europe (1930); ses analyses des menaces contre la République:à l'intérieur les mouvements fascistes, à l'extérieur le nazisme; ses déclarations comme maire de Louviers et député de l'Eure; ses prises de position pendant le Front populaire;
Son livre Liberté, liberté chérie (1943) et les pièces de son procès de Clermont-Ferrand; les carnets de notes du groupe Lorraine, récits quotidiens, totalement inédits, écrits au cours des cent trente jours de l'été 1943 passés en missions de bombardement avec les Forces françaises libres basées en Angleterre.
«À la manière d'un journal, ce petit livre recueille des réflexions dictées par un temps, le mien, où j'ai été témoin, en tant que Mexicain et Latino-Américain, de la crise politique suscitée par l'administration de George W. Bush aux États-Unis et dans le monde entier. Le temps, a écrit Susan Sontag, existe pour que des choses m'arrivent. L'espace, pour qu'elles ne m'arrivent pas toutes en même temps. Ce que je raconte ici, c'est un temps vécu dans maints espaces, entre août 2000 et juin 2004, tel que je l'ai saisi dans son instant, comme une réponse immédiate à des événements vivants.»Carlos Fuentes.
Dans ce bref pamphlet, Hans Magnus Enzensberger s'attaque frontalement à l'Europe.
Une provocation supplémentaire de la part de cet Européen convaincu ? Non, un cri d'alarme contre la bureaucratie bruxelloise qui, sous prétexte d'harmoniser, détruit peu à peu l'idéal qui a présidé à la construction de l'Union. Absence de démocratie flagrante, organismes innombrables, langue sclérosée, l'Europe, Enzensberger en est convaincu, travaille aujourd'hui à sa perte. Une contribution argumentée et mordante au débat sur l'avenir de l'Europe.
Ce texte est une lettre, adressée à nos enfants.
Elle est née sous le coup de la colère : colère devant les difficultés de mes compatriotes, colère devant le rabaissement de la France, colère devant le départ pour l'étranger de tous ces jeunes qui désespèrent de notre pays.
Je dis dans cette lettre ce que la France est pour moi. Je montre ce que je lui dois. Je veux expliquer à mes enfants quelles sont leurs origines et pourquoi ils peuvent en être fiers. Je leur raconte la vie de ma grand-mère maternelle, et pourquoi elle a tant compté pour moi. Elle m'a appris la langue française, qui est le vrai ciment de notre nation. Elle m'a donné le goût du risque et le sens de la liberté. Je leur parle de mon grand-père, né en Algérie et blessé dans la guerre de 14, et de cet autre grand-père prisonnier en Allemagne. Je leur parle de mon propre père qu'ils n'ont pas connu. À travers la vie de ces parents, je leur rappelle une histoire dont ils sont les dépositaires : la grandeur nationale, la colonisation, la guerre, la débâcle, la reconstruction, les doutes actuels.
Le tome II comprend notamment:le Plan économique d'Alger proposé en février 1944 au Gouvernement provisoire; les comptes rendus de la conférence monétaire internationale de Bretton Woods (juillet 1944); le programme de nationalisations de la Libération (mars 1945); les causeries radiophoniques hebdomadaires (novembre 1944 - mars 1945); les textes de la rupture avec le général de Gaulle (janvier-avril 1945); le récit et les documents de la crise de succession du général de Gaulle (janvier 1946); la dénonciation de l'inflation et la définition d'une politique de rigueur; les critiques de la stratégie militaire française en Indochine; les propositions de réforme de la constitution et du mode de scrutin; les débats parlementaires de l'investiture manquée de juin 1953. Ces textes de Pierre Mendès France, souvent inédits, et tous ceux contenus dans ce tome II marquent une étape décisive de la formation de sa pensée politique et économique.
Ce tome III, consacré au gouvernement de Pierre Mendès France (juin 1954-février 1955), comprend notamment : les documents relatifs à la Conférence de Genève, qui mit fin à l'intervention française en Indochine, en particulier les entretiens avec Chou En-lai et Molotov ; la déclaration de Carthage sur l'accession de la Tunisie à l'autonomie interne ; les prises de position sur l'évolution en Algérie et au Maroc ; les discussions sur la place de l'Allemagne en Europe et le débat sur la Communauté Européenne de Défense (C.E.D.) ; la conclusion des accords de Paris ; les entretiens avec Eisenhower, Dulles, Eden et Adenauer ; les interventions publiques du président du Conseil sur la politique du gouvernement en matière économique et sociale et l'action en faveur de la jeunesse ; les causeries radiophoniques du samedi ; les discours de Pierre Mendès France à la tribune de l'Assemblée et sa dernière déclaration après la chute du gouvernement ; les correspondances avec les hommes politiques français et étrangers.
Depuis le milieu de XIX? siècle, la France est une terre d'immigration. On peut estimer que l'apport de celle-ci représente aujourd'hui plus d'un cinquième de la population. Notre pays a assimilé des vagues successives d'immigrés - Italiens, Polonais, Portugais, Africains, Arabes - et continue de le faire. Cependant, depuis quelques années, le «modèle français d'intégration» est entré en crise sous l'effet de plusieurs phénomènes convergents : exaltation des droits de l'individu et des différences, communautarisme à l'anglo-saxonne, tandis que s'affaiblissaient, au moins chez les élites, le sentiment d'appartenance à la nation et le sens de l'intérêt général. Cette crise s'est surtout manifestée dans les rapports de la République avec l'islam. D'abord, de façon spectaculaire, sur le terrain de l'école avec plusieurs «affaires de foulard» ; puis, plus discrètement, avec les subventions versées au culte musulman. Chaque fois ou presque, les pouvoirs publics se sont dérobés à leur mission, partagés entre la crainte et l'aveuglement. Or, si la pratique religieuse de la majorité des musulmans est aujourd'hui des plus paisibles, il n'en va pas toujours ainsi des autorités et des leaders d'opinion islamiques, que ce comportement incite à la surenchère et à l'irresponsabilité. Et de concessions en compromis, nous paraissons revenir sur ce à quoi nous tenons tant, après des siècles de rivalité entre l'Église et l'État : la laïcité.
Et si, dans les années qui viennent, l'hégémonie américaine en matière de technologie culturelle, au sens le plus large du terme, allait placer la France, pourtant assurée d'une certaine forme de supériorité et d'avance dans le champ intellectuel comme artistique, au rang de puissance mineure ? De pays dominé, confiné à la muséification de ses richesses, résigné à un acte de capitulation culturelle et linguistique inédit dans son histoire ? Car le retard français est patent et sans espoir de rattrapage face au monopole américain et à la concentration commerciale. Non seulement les États-Unis possèdent et maîtrisent les outils du «hardware» et du «software» mais ils contrôlent Internet et ont inventé tous les nouveaux outils de la connaissance moderne : Google, Facebook, Wikipedia, Amazon, iTunes, Yahoo, YouTube, Twitter... La véritable révolution culturelle, celle de l'accès, de la participation du public à l'édification du savoir, a été gagnée par le Nouveau Monde. Notre «logiciel», fondé sur la vieille Encyclopédie et son pouvoir de «prescription», est à l'évidence hors d'usage. Comme celui, et c'est encore plus grave, de l'Europe et des nations qui la composent, incapables de penser ou de produire des objets culturels européens forts. Avec ce texte vif, tranchant, Olivier Poivre d'Arvor réveille notre désir perdu d'exception culturelle.
Pierre Mendès France (1907-1982) a marqué la vie politique française et les relations internationales de son empreinte d'homme d'État. Plus jeune député de France à partir de 1932, il participe au second gouvernement de Front populaire dirigé par Léon Blum en 1938. Au cours de la guerre, il s'engage dans les Forces françaises libres et combat avec le groupe Lorraine. Il devient ministre de l'Économie nationale du général de Gaulle à la libération de la France. En 1954, il dirige le gouvernement et accomplit en sept mois et dix-sept jours une oeuvre exceptionnelle au premier rang de laquelle figure la paix en Indochine. Il s'attache dans les années soixante à reconstruire la gauche brisée par la guerre d'Algérie et l'avènement de la V? République. Dans les années soixante-dix, marquées par la crise économique, il définit les conditions du développement des pays industrialisés et du tiers monde:il favorise la recherche d'un compromis de paix au Proche-Orient. En 1981, il soutient François Mitterrand lors de son accession à la Présidence de la République. Les archives de Pierre Mendès France témoignent de l'intensité de ces cinquante années de vie politique. Ses amis et collaborateurs ont entrepris de les publier, en les accompagnant de notices explicatives, afin que son oeuvre - articles, discours, notes, lettres, livres - reste disponible pour les générations actuelles et à venir.
Guerre sainte, multinationale est le fruit de quatre années de recherches, entreprises par Peter Bergen bien avant les événements du 11 septembre 2001, dans le but de retracer l'évolution du terrorisme islamiste. En appuyant ses arguments sur une analyse subtile d'un certain islam incarné et popularisé par Ben Laden, l'ouvrage revient sur les aspects les plus importants du sujet : la présence des États-Unis en Arabie Saoudite, les bombardements en Irak, le conflit israélo-palestinien, le parcours personnel de Ben Laden. Il décrit leur importance respective dans le développement international d'al-Qaida, développement qui a abouti aux événements récents.L'ouvrage de Peter Bergen s'impose comme une référence sur le sujet, tant par sa connaissance parfaite du fonctionnement des réseaux islamistes à travers le monde que par la clarté du propos et sa très grande lisibilité.
Dans cet essai, publié simultanément en France, en Italie et en Allemagne, Tahar Ben Jelloun livre à chaud son analyse de ce mouvement de révolte qui traverse depuis novembre 2010 le monde Arabe, et qui depuis ne cesse de se propager.
C'est « un immense mur de Berlin qui tombe » écrit-il, un moment historique, car il est maintenant acquis que plus rien, dans la région, ne sera comme avant. On ne reverra en effet pas de si tôt autour de la méditerranée des dictateurs à la longévité de Moubarak et Ben Ali, tant cette forme d'exercice du pouvoir a perdu toute légitimité au yeux des populations arabes. Des millions de manifestants sont descendus dans la rue pour réclamer dignité et égalité, et aucun régime n'a réussi à les empêcher, aussi verrouillé soit-il.
Même le soutien hypocrite et intéressé des pays occidentaux, qui redoutaient tant l'islamisme et voulaient se ménager de bonnes opportunités commerciales, n'est plus d'actualité. Pourtant bien peu de gens ont vu venir ce vent de révolte qui semble maintenant irréversible. Pour nous l'expliquer, Tahar Ben Jelloun nous projette habilement « dans la peau » de Moubarak puis « dans la peau » de Ben Ali, acculés à la fuite, puis « dans la peau » de ces hommes ordinaires, tel Mohamed Bouazizi qui s'immola par le feu en Tunisie, et quelques autres en Egypte, en Lybie, en Algérie, qui furent les étincelles qui enflammèrent cette révolution.
Mais, se refusant à considérer ces révolutions comme un seul et même phénomène, global et uniforme, Tahar Ben Jelloun, dans la deuxième partie de son essai, examine au cas par cas la situation des pays arabes touchés par la contestation : Tunisie, Egypte, Algérie, Yemen, Maroc, Lybie, Syrie, et évalue les chances de réussite de ces mouvements en tenant compte de leurs spécificité et de l'histoire de ces pays.
L'occasion pour lui de souligner et saluer le rôle nouveau et décisif de la jeunesse arabe dans ces révoltes immensément courageuses. Un essai clairvoyant et instructif sur ces événements à l'actualité brûlante, par l'un de nos écrivains les plus informés et attentifs au sujet en France.
'Notre époque est traversée d'un grand doute. Bonne raison pour parler un peu de demain, pour rever un peu ´r demain. Tu viens? D'y aller ensemble, d'en parler ensemble, la destination gagnera en clarté, et le chemin en sera facilité. Il traverse déj´r l'écologie et le numérique.
Tu viens? L'invitation peut paraître racoleuse, mais partager des idées pour demain vaut bien de prendre quelques risques. Et puis la place des femmes dans la galerie des prophctes et dans la société tout enticre est encore suffisamment incertaine. Il faut ruser avec l'ordre établi, pour finalement etre entendue.' Nathalie Kosciusko-Morizet.
Arundhati Roy et John Cusack se lancent dans un pari un peu fou : aller rendre visite à Edward Snowden à Moscou, où il est réfugié politique. De ce défi naît une passionnante série d'essais et de conversations, de l'émergence de cette idée jusqu'à la rencontre avec ce fameux lanceur d'alerte, ancien employé de la CIA et de la NSA. Accompagnés pour cette entrevue historique de Daniel Ellsberg, un autre lanceur d'alerte qui avait fourni en 1971 les «papiers du Pentagone» au New York Times, ils abordent au fil du texte la question de la guerre, de l'espionnage, du terrorisme, du patriotisme... et décortiquent de façon salutairement implacable le fonctionnement actuel du monde.
Une première édition de cet ouvrage parut en 1981. Les auteurs écrivaient alors : « La France n'est pas une nation comme les autres : elle n'est pas un peuple mais cent, qui ont décidé de vivre ensemble. Or du nord au sud, de l'est à l'ouest de l'Hexagone les moeurs varient aujourd'hui comme en 1750. Chacun des pays de France a sa façon de naître, de vivre et de mourir. L'Invention de la France est un Atlas qui cartographie cette diversité en révélant le sens caché de l'histoire nationale : hétérogène, la France avait besoin pour exister de l'idée d'homme universel, qui nie les enracinements et les cloisonnements ethniques. Produit d'une cohabitation réussie, la Déclaration des droits de l'homme jaillit d'une conscience aiguë mais refoulée de la différence » L'idéologie aujourd'hui dominante, analysée dans la nouvelle partie inédite de cet ouvrage augmenté, pourrait être décrite comme un programme de défense d'une homogénéité menacée, ou, chez les plus radicaux, le rêve d'un retour à une homogénéité perdue. Mais ce que montrait justement L'Invention de la France, dès 1981, c'est que cette homogénéité n'a jamais existé. Les défenseurs autoproclamés de l'identité nationale ne comprennent pas l'histoire de leur propre pays. Osons le dire : ils sont aveugles à la subtilité et à la vérité du génie national. Alors, pourquoi ne pas ajouter quelques différences, parfois importantes, quelques nouvelles provinces mentales, maghrébine africaine ou chinoise, pour les atténuer, les apprivoiser avec le temps, comme on l'a toujours fait en France ? Il n'y est pas question de fixer des différences pour l'éternité, d'essentialiser des pays et des peuples. La culture est mouvement, progrès, diffusion, homogénéisation bien sûr, mais sans oublier que de nouvelles différences apparaissent sans cesse. L'Invention de la France s'achève par une partie politique. L'effondrement du catholicisme, puis du communisme ont engendré un vide religieux et idéologique qui a fini par couvrir tout l'hexagone. On peut donc parler d'une nouvelle homogénéité par le vide, qui explique l'apparition, parmi bien d'autres choses, dans un pays où les Français classés comme musulmans ne pratiquent pas plus leur religion que ceux d'origine catholique, protestante ou juive,, d'une islamophobie laïco-chrétienne, qui prétend que la seule bonne façon de ne pas croire en Dieu est d'origine catholique. Le vide métaphysique du moment Sarkozy est ici saisi à sa source.