«Pourquoi les humains sont-ils si bêtes ? Pourquoi se laissent-ils traîner par le bout du nez ? Les ânes ont de longues oreilles ridicules par lesquelles ils se font bêtement attraper, mais quand ils ne veulent pas avancer, rien ne peut les forcer à obéir.»Boualem Sansal adresse aux peuples et aux nations de la terre un manifeste athée, plein d'un humour féroce et rageur, pour les appeler à sortir de l'âge des dieux et à entrer dans celui des hommes. L'humanité doit trouver le moyen de résister aux forces qui la détruisent : les religions et leurs sempiternelles pénitences, l'argent tout-puissant, les passions guerrières, ou encore la malbouffe omniprésente sur la planète, symptômes indubitables d'un effondrement des civilisations.Après un rappel des errements et des crimes du passé, le grand écrivain algérien propose une «Constitution universelle» censée servir de base à la République mondiale qu'il appelle de ses voeux, qui fédérerait les peuples et les nations enfin libres.Il est temps, nous dit-il, de choisir la vie.
Dans un moment où l'histoire des cultures est en cours de réécriture et ne peut plus être réduite à la chronique des avant-gardes occidentales, et alors que les études postcoloniales ont plusieurs décennies d'ancienneté, une notion est demeurée jusqu'ici à l'abri de toute révision critique : primitivisme. Le mot est d'usage courant dans la langue de l'histoire de l'art autant que dans celle de la critique et du marché de l'art actuel. La notion dont il est dérivé, primitif, ne saurait plus être employée. Mais primitivisme résiste, fort de l'autorité qu'acheva de lui conférer une exposition célèbre du MoMA de New-York en 1984 et les noms de ses plus fameux artistes - Gauguin, Matisse, Picasso, Kirchner, Nolde, Kandinsky, Klee, Miró, Giacometti, etc. - et de ses plus illustres écrivains - Jarry, Apollinaire, Cendrars, Tzara, Breton, Éluard, etc.
Aussi est-il nécessaire de mettre à nu tout ce qu'il contient de sous-entendus et de stéréotypes depuis que primitif, dans le dernier tiers du XIXe siècle, est une notion centrale de la pensée occidentale. Premier constat flagrant : le colonialisme des puissances européennes, avec ce qu'il suppose de racisme et de conquêtes, est la condition nécessaire du développement de l'ethnologie, de l'anthropologie et des musées. Sans colonies, pas de collections africaines et océaniennes à Berlin, Londres et Paris ; ni de « village canaque » ou « du Congo » dans les Expositions Universelles. Moins attendu : par primitif, cette époque entend évidemment les « sauvages », mais aussi les enfants, les fous et les préhistoriques. Qu'ont-ils en commun ? De n'être ni civilisés, ni rationnels au sens où l'époque veut l'être : ces primitifs sont le contraire des hommes modernes, urbains, savants, industrialisés et surpuissants. En un mot, le primitif est l'envers du moderne, son opposé, sa négation, ce qui résiste au mouvement général qu'on nomme progrès. Freud est l'un de ceux qui l'a écrit le plus tôt.
Ph. D.
Emmanuel Pierrat, avocat spécialisé dans le droit de la culture, auteur de nombreux essais et chroniqueur juridique, se passionne depuis une trentaine d'années pour l'art africain. Plus généralement, son activité l'amène à observer de près le marché de l'art, le fonctionnement des musées et la politique des États en matière de sauvegarde du patrimoine. Étant lui-même collectionneur d'art tribal, et en particulier d'art africain classique, il a arpenté la plupart des musées liés à l'art africain de France, d'Europe ou d'Afrique, continent où il se rend plusieurs fois par an.
S'appuyant sur une documentation très complète, Emmanuel Pierrat analyse la complexité de la question de la « restitution » des oeuvres d'art africaines et invite à ne pas prendre position trop hâtivement dans un débat relancé sous forme de polémique depuis le discours d'Emmanuel Macron au Burkina Faso en novembre 2017. Celui-ci avait en effet déclaré : « Je veux que d'ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique. » avant de commander à Bénédicte Savoy et Felwine Sarr un rapport, qui a suscité de multiples réactions à travers le monde.
Alors que le rapport Sarr-Savoy insiste sur la nécessité de « rendre » les oeuvres d'art à l'Afrique et fixe un calendrier devant s'appliquer sans tarder, Emmanuel Pierrat dresse un panorama complet de la question afin d'écarter les affirmations simplificatrices ou moralisatrices qui finiraient par entraver l'accès à la culture.
Didier Raoult a surgi en même temps que le coronavirus et s'est imposé sur les écrans de télévision, dans les conversations, les querelles de famille, parfois les ordonnances. Il a traversé nos vies plus vite qu'une comète, comme sorti de nulle part, avec cette dégaine étrange et familière empruntée à de vieux archétypes : « le Professeur », le scientifique, le savant fou, le magicien, le druide, le Gaulois, l'imprécateur, le rebelle, le gourou, le sauveur... Adulé ou détesté, mais désormais connu de la planète entière ou presque. Génial pour les uns, escroc mégalo pour les autres, ou simplement grand scientifique parti en vrille sur fond de catastrophe épidémique, il en est venu à incarner une nouvelle mythologie hexagonale.
Avec sa chloroquine, il a transcendé les clivages, ravi les complotistes, hypnotisé une partie du pays. Son remède fétiche s'est même invité dans la campagne présidentielle américaine, divisant démocrates et républicains comme si la science était devenue une opinion.
Jamais, du moins au cours du dernier siècle, un médecin n'a suscité pareille passion. Dans un pays affolé par un virus qui a causé 100 000 morts en un an, Didier Raoult a cristallisé espoirs et ressentiments. Pourquoi lui ? Et qui est-il vraiment ?
Voici l'histoire d'une folie française et d'un homme qui se rêvait un destin.
Les « banlieues » sont devenues l'un des principaux enjeux du débat politique français, et il est probable que ce terme soit l'un des maîtres mots de la campagne pour l'élection présidentielle de 2012. Or, « banlieues », dans cet usage, désigne en réalité les quartiers populaires périphériques où se concentrent notamment des populations d'origine immigrée - et non les banlieues en général, dont la plupart sont « résidentielles ».
Enjeu complexe, les « banlieues » représentent à la fois la cristallisation des peurs d'une société inquiète face à des nouvelles « classes dangereuses » du XXIe siècle, et la mauvaise conscience de celle-ci, accusée d'avoir laissé se développer et perdurer des zones d'exclusion en marge de sa prospérité. Cette ambivalence est propice à l'emballement du discours médiatique sur un sujet propre à toutes les surenchères idéologiques ainsi qu'aux simplifications des images-chocs - voitures brûlées, caches d'armes dans les HLM, musulmans en prière sur la chaussée. autant de « figures » de la banlieue dont l'accumulation est censée produire du sens, au détriment d'une construction rationnelle de celui-ci. Ces « figures » sont au coeur du malentendu persistant entre la presse et les habitants des banlieues concernées, qui discrédite à leurs yeux la pratique journalistique « stigmatisante ».
Le « trou noir » d'une représentation rationnelle de ce problème crucial renvoie à une question très douloureuse, centrale, qui touche à l'identité même de la France au moment où celle-ci connaît une crise profonde. Cette crise est relayée sur le territoire français par ces zones d'exclusion qui paraissent à la fois défier le pacte républicain traditionnel (elles produiraient le communautarisme) et rester en marge du monde du travail malgré des aides et subventions massives prélevées sur les impôts des classes moyennes - les « banlieues » sont perçues comme un parasite sur le corps malade du pays. Ce sentiment de malaise et de crainte est encore accentué par le vieillissement de la population française « de souche » alors que ces banlieues populaires bigarrées, jeunes et en plein essor démographique, portent en partie l'avenir de la France.
Face à l'ampleur de ces bouleversements, et à l'importance des enjeux dont on peut penser qu'ils vont s'exacerber lors de la prochaine élection présidentielle puisqu'il auront une incidence directe sur la conquête du pouvoir politique en France et où Mme Le Pen a déjà pris date, avec ses remarques sur les musulmans comme « force d'occupation », il est important de disposer de travaux et d'un livre qui puissent faire référence afin que les débats de société soient nourris d'une matière que l'on voudrait originale, substantielle et gouvernée par la « neutralité quant aux valeurs » prônée par Max Weber.
«Je fais et ferai tout pour que cette épidémie ait eu au moins ce mérite:nous obliger à retrouver le sens de l'École. Il y a encore dix-huit mois, avant que le virus ne barre le chemin des salles de classe aux enfants, l'effet de l'habitude avait comme dilué ce sens. La fermeture des écoles, à l'échelle de la France comme à celle du monde, a constitué un point de bascule historique.Dans cette situation incertaine s'est joué le choix entre une École vue comme notre institution fondamentale ou comme la variable d'ajustement de nos peurs. C'est pourquoi, dans ce livre comme dans la vie, je l'écrirai avec une majuscule en tant que référence centrale de notre existence collective.»
«De la tuerie de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, à l'assassinat du père Hamel, le 26 juillet 2016, le terrorisme islamiste a causé la mort de deux cent trente-neuf personnes en France. Et des listes de cibles incitent des "solitaires" à continuer le massacre.
L'objectif de ces provocations meurtrières est de fracturer la société française par une guerre civile larvée dressant, au nom d'une religion dévoyée, un nouveau prolétariat d'enfants d'immigrés contre les classes moyennes.
Pour y parvenir, les djihadistes tentent d'embrigader les musulmans de France, qui leur sont massivement hostiles. Des stratégies de rupture sont mises en oeuvre afin de souder cette communauté contre l'"islamophobie" imputée à la société.
Cela nourrit la propagande de politiciens qui cherchent leur avantage en vue des élections de 2017, tombant dans le piège des terroristes alors même que la patrie est en danger, tandis que l'Europe se fissure et que le Moyen-Orient explose.
Conçu autour des chroniques radiophoniques que j'ai tenues chaque semaine sur France Culture entre les étés 2015 et 2016, La Fracture restitue en contexte cette année terrible et plaide pour un engagement lucide de nos concitoyens.»
Une jeune fille de seize ans, Marie-Claire C..., se fait avorter avec la complicité de sa mère. Employée de métro, mère célibataire de trois filles qu'elle élève d'une manière exemplaire, Mme Chevalier est jugée devant le tribunal de Bobigny. «Procès d'un autre âge», disent les personnalités (médecins, savants, artistes) et les femmes citées par la défense comme témoins. L'association «Choisir» transforme le procès de ces femmes en acte d'accusation contre la loi de 1920 qui réprime l'avortement et, dans les faits, ne touche que les pauvres. En quelques semaines, l'affaire de Bobigny crée un mouvement d'opinion irréversible. Dans cette nouvelle édition d'un livre qui a fait date, on trouvera un texte où, pour la première fois, Marie-Claire, aujourd'hui elle-même mère d'une fille de seize ans, s'exprime. Récit des souffrances et bilan de son combat. On trouvera également un avant-propos inédit de Gisèle Halimi, l'avocate du procès, qui assimile cette phase de la libération des femmes à la désobéissance civique. Refuser une loi injuste pour en faire naître une autre, conforme au droit pour les femmes de choisir de donner (ou non) la vie. La plus fondamentale de leurs libertés.
«Confrontés à la modernité, les chrétiens sont déstabilisés. Que valent leurs dogmes à la lumière de la raison? Et l'avènement d'une humanité réconciliée avec elle-même, au-delà des frontières des cultures et des religions, n'exige-t-il pas qu'ils se rallient à un monde postreligieux, fusionnant tout message singulier dans une spiritualité universelle?
Mais, à son tour, le rêve moderne est en crise, entre les effets destructeurs de la mondialisation libérale, la hantise du terrorisme islamiste, la perte de confiance dans les responsables politiques et la montée des populismes. Le projet d'émancipation porté par les Lumières, dont on attendait tant, a dégénéré en fantasme de toute-puissance. On a oublié que la manière dont chacun habite la condition humaine marque de son empreinte la vie de la cité. Le projet démocratique n'en a pas fini avec la spécificité chrétienne, et non plus le désir, tant bafoué de nos jours, de respecter la dignité des pauvres.
Une identité chrétienne est à reconstruire, aussi attentive aux apports de la modernité, dans sa quête de vérité, que sans illusions sur ses ombres. Et une identité de moderne qui accepte la finitude reste à construire elle aussi.»
Pendant les dix ans qui séparent les émeutes de l'automne 2005 des attentats contre Charlie Hebdo en janvier 2015, la France a vu se creuser de nouvelles lignes de faille. La jeunesse née dans l'Hexagone et issue de l'immigration postcoloniale en constitue le principal enjeu symbolique. Cette génération, de nationalité française, qui grandit dans les cités trouve un mode privilégié d'expression de ses valeurs avec Internet. Celles-ci mêlent recherche d'un modèle d'« islam intégral » inspiré du salafisme et consultation d'une islamosphère qui promeut la rupture avec le modèle « mécréant » de l'Occident.
L'outil numérique et le référentiel extrahexagonal auquel il donne accès débouchent sur l'édification d'une frontière de plus en plus stricte entre les sphères du halal (licite) et du haram (illicite), qui favorise les ambitions des réseaux associatifs, actifs dans le tissu social comme dans le cybermonde. L'extension de ces réseaux est encore démultipliée par les mutations du monde digital, qui connaît, durant la décennie 2005-2015, la révolution dite 2.0. C'est par les réseaux sociaux émergents que la troisième génération de l'islam de France est mise en contact direct avec la troisième vague du djihadisme, qui commence à se former cette même année 2005 après la publication en ligne de l'opus fondateur de son principal idéologue, le Syro-Espagnol Abu Musab al-Suri, intitulé Appel à la résistance islamique mondiale.
Pareille coïncidence entre les mutations des banlieues, le changement de génération de l'islam de France et les transformations de l'idéologie du djihadisme a tout d'une « rencontre du troisième type ». C'est bien elle, pourtant, qui produit l'hybridation d'où sortiront les djihadistes français exaltés par le champ de bataille syro-irakien, que plus de huit cents d'entre eux ont rejoint en 2015 et où plus de cent ont déjà trouvé la mort, sans compter ceux qui, à l'instar des Mohamed Merah, Mehdi Nemmouche, Chérif et Saïd Kouachi, Amedy Coulibaly, Sid Ahmed Ghlam perpètrent des attentats inspirés par cette idéologie ou sont arrêtés quand ils s'apprêtent à passer à l'acte.
C'est à l'étude de ce phénomène qu'est consacré ce livre.
Avec la collaboration d'Antoine Jardin
Le football, le sport aujourd'hui le plus populaire et le plus médiatique, a conquis la planète en moins d'un siècle. En France, sa longue et complexe histoire en fait un miroir de notre société. Comme l'a noté Didier Braun : « L'équipe de France de football, c'est l'histoire en raccourci d'un siècle d'immigration ». En 1998, la victoire de l'équipe aux tonalités « black-blanc-beur » lors de la Coupe du monde, véritable événement historique, semble convaincre la France entière du mythe de la réussite du « métissage par le football » et redonner toute sa force au modèle français d'intégration.
Le football, comme tous les sports à la recherche de l'efficacité, a, depuis ses débuts en France, favorisé le brassage des populations, sur le terrain et dans les tribunes, souvent à l'avant-garde de la société.
Suivant une approche pluridisciplinaire (histoire, sociologie, anthropologie), cet ouvrage explore le rapport fécond - mais aussi controversé et ambigu - entre football et immigration, et fait revivre les destins de footballeurs, d'Auguste Jordan à Zinedine Zidane - amateurs ou professionnels, connus ou anonymes - qui ont passé les frontières pour venir jouer en France.
Daech déclare la guerre aux valeurs de l'humanisme moderne et prétend le faire au nom d'un retour à l'islam des origines. Il lance par là un défi frontal aux musulmans, qui sont mis en demeure de le condamner moralement, mais aussi et surtout de le réfuter sur le plan théologique afin de délégitimer son discours. S'ils sont si peu nombreux à le faire, c'est que cela suppose la remise en question du dogme selon lequel, le Coran étant la Parole de Dieu, tous ses versets sont imprescriptibles.
Mahmoud Hussein démontre que ce dogme ne découle pas du Coran, mais d'un postulat idéologique plaqué sur le Coran longtemps après la mort du Prophète, et qui le contredit de part en part. La Parole de Dieu se présente comme un dialogue entre Ciel et Terre, elle entremêle le spirituel et le circonstanciel, elle s'implique dans le quotidien des premiers musulmans, dans le contexte de l'Arabie du VIIe siècle. Une partie de son contenu apparaît ainsi comme étant indissociablement liée à une époque révolue.
Relever le défi de Daech sur le plan doctrinal peut être, pour de nombreux musulmans, l'occasion de recouvrer leur liberté de conscience, en faisant sauter le verrou du dogme.
«La culture est un investissement, pas un coût !» Telle est la conviction partagée par l'ensemble des 450 participants : philosophes, artistes, décideurs privés et publics, universitaires et étudiants, venus de plus de 40 pays différents, invités à réfléchir ensemble sur le thème «Investir la culture». La qualité des contributions individuelles et collectives et la pertinence des débats passionnés permettent de faire avancer la réflexion et de formuler des propositions concrètes sur des sujets aussi importants que la propriété intellectuelle, l'investissement culturel, le référencement des contenus culturels ou encore les terminaux et services connectés. «Investir la culture», c'est d'abord un engagement personnel. C'est aussi un engagement public, afin de fournir le cadre qui permet de continuer à rêver, imaginer et penser. Le Forum d'Avignon et son laboratoire d'idées poursuit, depuis sa création en 2008, l'objectif audacieux de mettre en avant les liens essentiels entre la culture, l'économie et les médias. Interdisciplinarité, échanges internationaux et implications artistiques sont au coeur des débats 2011. Parmi les participants de l'édition 2011 interviennent Nicolas Sarkozy, président de la République française, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication, Arjun Appadurai, Patricia Barbizet, James Boyle, Robert Darnton, Tishani Doshi, David Drummond, Victoria Espinel, Francis Gurry, Barbara Hendricks, Neelie Kroes, Jean-Bernard Lévy, Euzhan Palcy, Richard-David Precht, David Throsby, Régis Wargnier...
Par rapport à l'ouvrage Les Banlieues de l'islam (1987), qui se basait notamment sur une enquête effectuée durant le Ramadan de juin 1985, cet ouvrage, basé sur une nouvelle enquête effectuée durant le Ramadan d'août/septembre 2010 (certaines des questions sont identiques afin de mesurer les évolutions sur 25 ans), ne parcourt pas la France entière, mais se concentre sur une zone particulièrement symbolique, Clichy/Montfermeil, visant ainsi à une sorte de « portrait total ».
Il s'agit ici d'analyser et de comprendre comment s'imbriquent concrètement des variables comme la relégation et l'enclavement spatial, les problèmes de l'éducation et de l'emploi, de la sécurité, pour produire une émeute qui se répand à travers tout le pays, et comment les réactions à celle-ci - de l'injection massive de fonds à travers la Politique de la Ville, les Zones Franches Urbaines, etc., à l'émergence d'une contre-élite politique dans la jeunesse d'origine immigrée - sont à même ou non, et selon quelles modalités, de relever le défi.
On sera particulièrement attentif à observer comment la référence à l'islam a pénétré en profondeur l'espace social, et comment celle-ci peut se combiner à l'expression politique soit dans une logique de participation à la vie de la cité avec des revendications propres, soit dans une logique de rupture. Outre l'observation directe et la consultation des sources, l'enquête porte une grande attention aux propos des habitants, ce qui permet, pour la première fois à cette échelle, d'entendre et de comprendre la parole des principaux intéressés, par-delà les propos normatifs et généralement réducteurs tant de la presse que des militants associatifs.
Les réseaux numériques semblent aujourd'hui réaliser le rêve prodigieux d'une bibliothèque de tous les savoirs, dépositaire d'un nombre toujours croissant d'images, de sons et d'écrits, suivant une logique d'exhaustivité et de classement constamment plus performante et précise. La possibilité de diffuser et de rendre accessibles immédiatement l'information et la culture permet des développements formidables pour la démocratie et pourrait transformer en réalité le rêve d'André Malraux d'une «culture pour chacun». Mais ce mouvement menace cet horizon autant qu'il le dévoile : économiquement, il déstabilise le financement de la création et de l'information ; politiquement, il crée des monopoles contraires au besoin de pluralisme et de diversité ; culturellement, il génère de nouveaux illettrismes en exigeant de la part des individus des connaissances et des capacités d'orientation inédites pour faire face au flux considérable d'informations. La troisième édition du Forum d'Avignon a placé la question du numérique au centre des débats menés avec plus de 400 acteurs internationaux, de tous les secteurs, parmi lesquels : Christine Albanel, Arjun Appadurai, Souleymane Cissé, Joi Ito, Nathalie Kosciusko-Morizet, Neelie Kroes, Frédéric Mitterrand, Hartmut Ostrowski, Aton Soumache, Bernard Stiegler...
En Occident, les églises cathédrales et paroissiales ont façonné le paysage urbain et rural. Elles structurent le territoire de la ville et sont souvent le coeur du village. Le lien entre l'église et le cimetière, qui rapatrie très tôt la communauté des morts au côté de celle des vivants, crée une continuité des générations et une identité historique.
Mais qu'est-ce qu'une église ? Elle est d'abord le lieu du rassemblement des chrétiens, où se manifeste l'ecclesia. Elle réunit clergé et laïcs pour célébrer le dialogue permanent des fidèles avec Dieu. Ces rassemblements rythment le temps commun autour des grandes fêtes (temps liturgique), le temps des familles (baptêmes, mariages, décès) et le temps personnel de chaque chrétien.
Signe dans la ville, lieu du rassemblement, l'église est une création humaine qui, par son architecture et son décor, présente ce dialogue de l'homme avec son Dieu et de l'Église avec la société. Naissant dans une société romaine où l'image est omniprésente, la pastorale chrétienne utilisera, dès ses débuts, la création artistique, d'abord à l'intérieur puis à l'extérieur des édifices.
Ce livre retrace l'histoire de cette forme architecturale et de son décor, montrant comment elle est tributaire de deux évolutions qui s'interpénètrent, celle de l'Église et celle des formes artistiques. Alain Erlande-Brandenburg livre ici une synthèse passionnante qui s'étend sur vingt siècles d'histoire, de Constantin à nos jours.