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Gallimard
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C'est l'histoire d'un banquier qui veut tout dépenser. Au début des années 90, le jeune Bataille arrête la philosophie pour s'inscrire dans une école de commerce et décroche son premier poste à Béthune, dans la succursale de la Banque de France. Dans cette ville où la fermeture des mines et les ravages du néolibéralisme ont installé un paysage de crise, la vie du Trésorier-payeur devient une aventure passionnée : protégé par le directeur de la banque, Charles Dereine, il défend les surendettés, découvre le vertige sexuel avec Annabelle, une libraire rimbaldienne, s'engage dans la confrérie des Charitables, collabore avec Emmaüs et rencontre l'amour de sa vie, la dentiste Lilya Mizaki. Comment être anarchiste et travailler dans une banque ? Peut-on tout donner ? Yannick Haenel raconte comment il est possible, par la charité et l'érotisme, de résister de l'intérieur au monde du calcul.
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Un homme a écrit un énorme scénario sur la vie de Herman Melville : The Great Melville, dont aucun producteur ne veut. Un jour, on lui procure le numéro de téléphone du grand cinéaste américain Michael Cimino, le réalisateur mythique de Voyage au bout de l'enfer et de La Porte du paradis. Une rencontre a lieu à New York : Cimino lit le manuscrit. S'en suit une série d'aventures rocambolesques entre le musée de la Chasse à Paris, l'île d'Ellis Island au large de New York, et un lac en Italie. On y croise Isabelle Huppert, la déesse Diane, un dalmatien nommé Sabbat, un voisin démoniaque et deux moustachus louches ; il y a aussi une jolie thésarde, une concierge retorse et un très agressif maître d'hôtel sosie d'Emmanuel Macron. Quelle vérité scintille entre cinéma et littérature ? La comédie de notre vie cache une histoire sacrée : ce roman part à sa recherche.
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Jan Karski est ce résistant polonais qui, en 1942, tandis que la Pologne est dévastée à la fois par les nazis et par les soviétiques, a réussi à entrer clandestinement dans le ghetto de Varsovie, afin de témoigner de l'extermination des Juifs d'Europe. Trente-cinq ans plus tard, il relatera sa traversée du ghetto dans Shoah, le grand film de Claude Lanzmann.
Ce livre raconte comment Jan Karski a risqué sa vie pour porter le message des Juifs du ghetto ; comment il a tenté d'avertir les Alliés ; comment il a rencontré personnellement le président Roosevelt. Et surtout comment il s'est confronté à l'incrédulité, au soupçon, au refus. Pourquoi les Alliés ont-ils laissé faire l'extermination des Juifs d'Europe ? En quoi cette passivité est-elle une complicité ? La figure héroïque de Jan Karski révèle un point de vue nouveau sur cette question.
Le livre décrit d'abord le témoignage de Jan Karski dans Shoah, puis rend compte de ses " mémoires de guerre " - d'abord prisonnier des camps soviétiques, puis résistant torturé par la Gestapo. Enfin, il s'interroge sur la vie de Karski aux Etats-Unis jusqu'à sa mort en 2000. Vie discrète de professeur d'Université qui se tait pendant trente-cinq ans. Qu'y a t-il dans ce silence ? Comment vit-on quand on sait que le monde occidental s'est bâti sur "l'abandon des Juifs" par les Alliés, comme dit l'historien David S. Wyman ?
C'est là que l'auteur recourt au roman - ou plutôt à la fiction intuitive.
Il interroge l'effroyable solitude de Jan Karski, ses nuits blanches, son catholicisme inquiet, sa fondamentale insoumission aux idéologies, les questions qu'il se pose sur la responsabilité, le mal, l'humanité. En se concentrant sur le massacre de Katyn et l'infamie du pacte germano-soviétique, il médite sur le XXe siècle comme histoire de l'infamie. Il montre comment Jan Karski n'a cessé d'être hanté par le message du ghetto de Varsovie ; et comment, même dans son silence, il n'a cessé de le répéter - témoignant ainsi pour un héroïsme de la mémoire.
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«Puisque le Domaine est une propriété privée et qu'il ne passe ici qu'un ou deux véhicules par jour, nous marchons en plein milieu de la chaussée, la route nous appartient, on dirait qu'elle a été tracée pour nous seuls au milieu des vallons, percée à flanc de coteau puis parfaitement aplanie, égalisée et goudronnée uniquement pour que toi et moi puissions y marcher tous les deux côte à côte le plus confortablement possible, et parler, parler sans cesse, expliquer, imaginer, se souvenir, inventer, interroger, démontrer, raconter, échanger nos idées, nos mots, nos vies.»
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Un homme décide, un matin, de ne plus aller à son travail. Il rompt ses attaches et se met à errer librement dans Paris. Il découvre ce qu'il nomme l'«existence absolue». Des phrases ruissellent dans son corps ; des extases surgissent à chaque instant. Il rencontre une danseuse de la troupe de Pina Bausch, qui l'ouvre à la dimension poétique.
Cette expérience de liberté lui donne accès à un étrange phénomène - l'événement -, dans lequel se concentrent à la fois le secret de la jouissance et la destruction qui régit le monde. Son odyssée le conduit à travers l'Europe de l'Est. Elle passe par Berlin, Varsovie et Prague, et fait l'épreuve de l'invivable contemporain. Elle réveille la mémoire du mal : le «cauchemar de l'Histoire» dont parle Joyce, mais aussi un monde qu'il est possible de réenchanter par l'opération érotique des phrases.
Yannick Haenel est né en 1967. Depuis 1997, il dirige avec François Meyronnis la revue Ligne de risque. Il est notamment l'auteur de trois romans : Les petits soldats (La Table Ronde, 1996), Introduction à la mort française (L'Infini, 2001) et Évoluer parmi les avalanches (L'Infini, 2003).
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«Ce livre est le récit d'une expérience. J'ai vécu quatre ans à Florence, entre 2011 et 2014. Découverte éblouie d'une ville d'art, entièrement tournée vers ses fresques, ses sculptures, ses églises. Choc simultané de la crise, qui frappe avec violence les Italiens et dévaste leur culture.
En me consacrant à l'Annonciation de Fra Angelico ou au Déluge de Paolo Uccello, je redécouvre la passion politique.
Comment trouver une voie libre, un intervalle dans un monde ruiné?
Éclairage sur les naufrages de migrants à Lampedusa, hommage à saint François d'Assise, journal de lecture de Georges Bataille, ce livre est un récit initiatique : une aventure en temps de crise.» Yannick Haenel.
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Un homme choisit de vivre dans sa voiture. À travers d'étranges inscriptions qui apparaissent sur les murs de Paris, il pressent l'annonce d'une révolution.
Le Renard pâle est le dieu anarchiste des Dogon du Mali ; un groupe de sans-papiers masqués porte son nom et défie la France.
Qui est ce solitaire en attente d'un bouleversement politique? Qui sont les Renards pâles?
Leur rencontre est l'objet de ce livre ; elle a lieu aujourd'hui.
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«Cela se passe à Beyrouth et à bout portant ? Oui, mais le Liban, on le voit, est désormais partout, et la guerre est devenue une boucherie du tac au tac, pour un oui pour un non. Que faire ? Protester, s'indigner, aller voir et témoigner pour un résultat spectaculaire supplémentaire ? Non : écrire ce qui est, au plus près d'un non-sens fracassant. Ce récit est vrai puisque les corps n'y sont jamais abstraits. Beyrouth n'était qu'une simple préparation à une sauvagerie désormais ouverte et universelle. L'histoire, comme le désir de mort, n'a pas de fin.» Philippe Sollers.
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«J'avais vu juste, elle n'a personne dans sa vie actuellement. De son côté, elle sait que je suis séparé. Elle a été mariée, a divorcé, n'a pas d'enfants. Elle sort peu, mais elle aime aller au restaurant. Parler sans fin en mangeant est également un de mes grands plaisirs.»
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«Écrire, parler sur des tableaux ? Les tableaux ne parleraient donc pas d'eux-mêmes ? Ne serait-ce pas ajouter un bavardage inutile, un obstacle au libre plaisir des images ? Justement, non. Le paradoxe n'est qu'apparent. Autant que de toile, de bois, de pigments, les tableaux sont faits de mots. Pas de voir sans savoir. On ne voit pas avec ses yeux (ou seulement un peu), mais avec sa langue, son oreille, sa mémoire des mots (peut-être aussi bien son odorat). Sans énonciation, pas d'éveil de l'image. Engendrés par des textes, donc, les tableaux engendrent eux-mêmes des textes, à l'infini, comme dans une énumération de générations bibliques. Montrer, décrire, énumérer, narrer, comparer, interpréter, juger. Toute image est déjà discours. Tout montage d'images n'est que montage de textes. L'image d'une image est déjà une façon de lire. Lire l'Histoire, les mythes, les personnages, le paysage, les croyances, les objets, les couleurs pures ou mêlées, les corps nus, l'Enfer, le Paradis. Seule la jouissance des mots transcrit celle des images.»
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Papillon noir ; longer à pas de loup
Yannick Haenel
- Gallimard
- L'infini
- 15 Octobre 2020
- 9782072898488
«Une femme dit tout de sa vie:l'amour et les désirs, la douleur, la mort.J'ai écrit ce texte pour le compositeur Yann Robin, mais il se lit aussi sans musique, comme un petit roman intérieur.»Yannick Haenel
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'On peut très bien vivre dans des zones contaminées : c'est ce que nous assurent les partisans du nucléaire. Pas tout à fait comme avant, certes. Mais quand même. La demi-vie. Une certaine fraction des élites dirigeantes - avec la complicité ou l'indifférence des autres - est en train d'imposer, de manière si évidente qu'elle en devient aveuglante, une entreprise de domestication comme on en a rarement vu depuis l'avènement de l'humanité.' Michaël Ferrier.
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La mort n'a jamais tenu une grande place dans ma vie consciente. Je n'y pense guère et m'en préoccupe encore moins. Mourir au dernier moment, comme disait Céline, avec le courage et la dignité que j'ai vus aux bêtes, avec leur simplicité, voilà ce que je souhaite.À l'adolescence, alors que je ne m'en souciais pas davantage, il m'arrivait toutefois de me réveiller en sursaut la nuit avec la pensée qu'il allait falloir mourir un jour. Puis ces réveils disparurent.Plus tard, je m'intéressai aux philosophies antiques qui tiennent la mort pour rien, auxquelles faisait écho ce vers de Mallarmé:«Un peu profond ruisseau calomnié la mort.»J'ai récemment failli mourir du coronavirus.C.M.
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« L'impatience heureuse des commencements. L'horizon est un cercle parfait, la mer est déserte, vide comme la page blanche qui m'attend, comme les jours à venir, avec juste le soleil et la mer, et les îles. Et le soleil se lèvera sur la mer, se couchera sur la mer. Je pourrai sortir le matin sur le pont le regarder se lever jusqu'à ce que l'aube grise devienne la rose aurore, et ensuite me rendormir, tout enclose dans la beauté du jour naissant. Le bonheur se confond avec la mer et le soleil et l'écriture à venir, les longues matinées d'écriture, le temps rendu à sa liberté. »
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Un soir de novembre 2020, dans une petite ville balnéaire au bord de l'Océan où j'étais venu passer quelques jours pour finir d'écrire un autoportrait, j'ai été victime d'une violente hémorragie interne entraînant une perte d'oxygène dans le cerveau. On m'a emmené en urgence dans un hôpital, en haut d'une colline, qui me rappelait quelque chose...Entre veille et sommeil, dans les parages de la mort, de brèves scènes hypnotiques se déroulaient. Des blocs de réalité autonomes, étrangers à moi mais dont je faisais partie, très élaborés, comme mis en scène. Ils étaient menaçants et sauvages, reflets de notre temps.D'où venaient-ils?
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Je dînais seul un soir d'hiver dans un banal restaurant chinois presque désert lorsque le cinéaste Raul Ruiz, que je connais depuis longtemps mais que je croise trcs rarement, est venu ´r ma table et a prononcé ces mots : Je te propose de jouer le rôle du chirurgien dans Les Mains d'Orlac!
J'ai été intrigué puis fasciné que l'on puisse me proposer, ´r moi, d'etre cette créature du Mal. Mais n'étais-je pas justement en train d'écrire un roman fantastique noir au climat trouble et mystérieux?
Au bout d'une nuit farfelue durant laquelle se bousculaient divagations et souvenirs dans ma tete fatiguée, des fantômes assez spéciaux sont venus ´r ma rencontre dans la ville enneigée. Et avec eux ma Chance.
Jean-Jacques Schuhl.
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«Au début, il y a le silence. Celui qui m'est nécessaire. Le calme avant d'agir. Arriver avant les patients, avant les premiers appels. Écouter l'immeuble se réveiller, la ville s'animer. Ranger quelques dossiers, trier quelques papiers, regarder le planning, les rendez-vous, débrancher le répondeur, ouvrir l'ordinateur, scanner ce qui n'a pas été fait la veille, trop fatiguée, c'était l'heure de rentrer. Attendre le premier coup de téléphone, la sonnette qui va retentir. Et puis commencer à répondre, à parler, à conseiller, à organiser. La vie quotidienne du médecin s'éveille au rythme qu'il imprime, à la vitesse que les malades imposent chaque jour. Le cabinet reste son antre.»
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Un jeune marin à peine sorti d'une adolescence rêveuse fait escale à Valparaíso vers la fin des années cinquante. Port mythique, vénéré par les marins du monde entier, célèbre pour ses légendes, ses chansons, sa proximité relative avec le cap Horn, ses navires, ses escaliers entremêlés, ses ruelles labyrinthes, ses ascenseurs rouillés, ses bordels crasseux, la ville est aussi une sorte de piège, un bout du monde où l'exil et l'esprit d'aventure sont poussés à l'extrême, une expérience à sens unique dont on ne ressort pas indemne. À quai ou agrippé à l'échine des vagues, le héros de ce roman laisse derrière lui de formidables moments de vie, un sillage grouillant et étourdissant, une porte ouverte sur l'univers des sens. Il ne reste plus au lecteur qu'à s'embarquer pour partager cette course des tropiques.
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Une voix blanche, surgie au milieu de la nuit, annonce à Michaël Ferrier la mort de son ami François et de sa fille Bahia.
Dans la dévastation, la parole reprend et les souvenirs reviennent : comment deux solitudes, jeunes, se rencontrent, s'écoutent et se répondent ; les années d'études, d'internat ; la passion du cinéma, de la radio : la mémoire se déploie et compose peu à peu une chronique de l'amitié, un tombeau à l'ami perdu.
Entre France et Japon, Michaël Ferrier redonne vie aux fantômes, aux absents, aux disparus. Il confère aux choses et aux êtres une sombre beauté, celle de la passion de l'amitié.
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«J'avais rencontré la jeune femme par hasard et après quelques verres on s'était retrouvés dans une chambre en forme de cube aux murs faits de miroirs, le plafond aussi : un dé géant en miroirs, et comme j'avais bu j'ai eu l'impression à un moment que le dé commençait à rouler.
Sa robe tomba tout de suite et elle fut à quatre pattes sur le tapis, en dessous chics. Et elle déclara sur un ton naturel : "Je suis un cheval!" Cette information éveilla mon intérêt (après tout, je suis un grand fan de l'inconsistance humaine), mais me laissa désemparé (devrais-je dire désarçonné?) quant à la marche à suivre... Sur l'instant j'ai pensé : "Me voilà dans un dé avec une centaure." Je suis si romanesque!»
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Plaisirs ; messages secrets ; entretiens avec Patricia Boyer de Latour
Dominique Rolin
- Gallimard
- L'infini
- 25 Avril 2019
- 9782072849053
«Avec Plaisirs, j'entrais dans le monde de Dominique Rolin, éblouie par son rire, son courage, ses obsessions et ses dons. Messages secrets est d'une toute autre nature. Elle m'embarque avec elle dans un voyage d'où l'on ne revient pas. Elle le sait, elle m'entraîne et elle sait ce qu'elle fait. Elle sait que je peux l'entendre. Sans hystérie et sans pathos. J'entre dans son rêve. J'en suis la dépositaire. Je dois en transmettre les messages secrets. Je me fais traductrice d'une métaphysique concrète. Je redessine à l'infini l'espace de sa liberté. Et ensemble, nous nous approchons du miroir, le plus près possible de cet inconnu impensable où elle me précède.» Patricia boyer de Latour.
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L'art n'est pas la revanche de l'impuissance, mais la mise en oeuvre d'un désir qui rejoint sa source. Si chacun est écrit par ses rêves et ses symptômes, l'écrivain est celui qui ajoute l'acte à la lettre dont tous subissent la marque. Fils de ses oeuvres, il invente le chiffre de son origine. C'est le travail de la lettre, de ce qu'elle dérobe à ce qu'elle restitue, que Catherine Millot, psychanalyste, s'est attachée à suivre dans les oeuvres de Proust, Colette, Flaubert, Sade, Hofmannsthal, Joyce, Mallarmé et Rilke, montrant comment l'écriture s'accomplit à donner corps par le style à des objets étranges, comme un regard ou une voix. Regard dont À la recherche du temps perdu explore les facettes à travers les ravages de l'asthme, de la jalousie et du sadisme. Regard au coeur de l'expérience «mystique» du poète, épiphanies joyciennes ou Erlebnisse rilkéennes, ouvrant l'espace d'un monde où l'intime devient extime, là où seul l'écrit peut nouer, aux confins du langage, la jouissance du corps et celle des mots.
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«Rêvé cette nuit que le miroir ne me reflétait plus.En le scrutant attentivement, j'arrive pourtant à deviner ma physionomie de l'autre côté du miroir, à l'état d'ombre lointaine.Serais-je engagé dans ce que Deleuze appelerait un devenir-vampire ?»Clément Rosset.