Placés sous le signe du temps qui passe, les poèmes d'Alcools récréent tout un monde : celui des lieux où son existence a conduit leur auteur et dont ils entrecroisent les souvenirs, comme celui de ces grandes figures féminines qui ont traversé sa vie. Mais ils sont en même temps imprégnés d'une culture à la fois populaire et savante qui permet au poète de recueillir l'héritage du passé tout en s'ouvrant à la modernité de la vie ordinaire - les affiches ou bien les avions. On aurait ainsi tort de croire que ce recueil où s'inaugure la poésie du XXe siècle soit, à sa parution en 1913, un livre de rupture. Nourri de poèmes anciens aussi bien que récents, le chant que font entendre ceux d'Apollinaire, à l'oralité si puissante, tire ses ressources du vers régulier comme du vers libre, et il ne s'agit pas pour le poète de céder au simple plaisir du nouveau : seule compte ici sa liberté et ce que lui dicte la voix inimitable d'un lyrisme qui n'a pas cessé de nous toucher.
Édition présentée, annotée et commentée par Didier Alexandre. Chronologie de Laurence Campa.
Maupassant Bel-Ami A qui Georges Duroy doit-il son irrésistible ascension ? Aux femmes séduites par sa jeunesse et sa beauté. La petite fille de l'une de ses maîtresses le surnommera Bel-Ami. Et ce fils d'aubergistes normands, à Canteleu, deviendra baron Du Roy de Cantel. L'amitié lui ouvrira la carrière journalistique. L'amour lui donnera l'argent et la gloire. Maupassant a été journaliste. Il a connu ce monde parisien du xixe siècle, les salles de rédaction qui font et défont les ministères, et leurs annexes, les salons mondains où naissent intrigues et liaisons. Ses portraits de femmes dévorées d'amour ou d'ambition, ses tableaux de la vallée de la Seine à Rouen, ses fiacres, avenue du Bois de Boulogne, sont oeuvre de peintre. Maupassant était un maître du récit.
Préface de Jacques Laurent.
Notes et commentaires de Philippe Bonnefis.
Édition enrichie (Préface, notes, dossier sur l'oeuvre, chronologie et bibliographie)A Angoulême, David Séchard, un jeune poète idéaliste, embauche dans son imprimerie un ami de collège, Lucien Chardon, qui prendra bientôt le nom de sa mère, Rubempré. Poète lui aussi, il bénéficie d'une sorte de gloire locale et fréquente le salon de Louise de Bargeton à qui le lie bientôt une intrigue sentimentale qui fait tant jaser que tous les deux partent pour Paris. Voilà bientôt Lucien lancé dans le monde des lettres aussi bien que de la haute société, mais si Paris est la ville des « gens supérieurs », ce sera également pour lui celle des désillusions.
C'est bien la figure de Lucien, en effet, qui donne surtout son unité aux Illusions perdues qui ont d'abord été, de 1837 à 1843, une suite de trois romans devenus plus tard les trois parties de celui que nous lisons, quand Balzac eut conçu le projet de La Comédie humaine et décidé de faire de sa trilogie l'une des Scènes de la vie de province. Car si Paris reste bien au coeur du triptyque, c'est à Angoulême, néanmoins, que se noue le destin des héros, à Angoulême encore qu'il s'assombrit. Revenu dans sa ville natale, Lucien n'est pas loin d'y sombrer - avant une véritable ascension dont Balzac fera le récit dans un autre grand livre : Splendeurs et misères des courtisanes.
Edition de Patrick Berthier.
Balzac
Le Père Goriot
« J'ai trouvé une idée merveilleuse. Je serai un homme de génie », s'exclame Balzac au moment où il écrit
Le Père Goriot. Il venait d'imaginer La Comédie humaine, ce cycle romanesque dans lequel les mêmes personnages réapparaissent d'un roman à l'autre. Il venait de créer un monde, le monde balzacien.
Les plus beaux romans, dit André Maurois, sont des romans d'apprentissage. Les illusions de la jeunesse s'y heurtent au monde féroce et pourtant plein de délices. L' amour devient coquetterie, la vertu s'achète, l'argent ruine tout. Seule la passion balzacienne, ici l'amour paternel, résiste, dévorante et implacable. Le Père Goriot est la clef de voûte d'une oeuvre géniale.
Edition de Stéphane Vachon.
Racine Andromaque A l'issue de la guerre de Troie, Andromaque, veuve d'Hector, est devenue, en même temps que son jeune fils Astyanax, la captive de Pyrrhus, roi d'Epire. Epris d'elle alors qu'il devait épouser Hermione, il lui donne à choisir : le mariage avec lui ou la mort de son fils. Mais sacrifier l'enfant qu'Hector lui a confié ou le sauver en épousant Pyrrhus, c'est toujours trahir la mémoire de son époux défunt.
Fidélité ou trahison est aussi le dilemme d'Oreste épris d'Hermione. Chargé d'une ambassade auprès de Pyrrhus qui doit lui livrer Astyanax, il espère essuyer un refus : si Pyrrhus par amour garde le fils d'Andromaque, il renverra Hermione.
En 1667, toute l'originalité d'Andromaque, qui remporte un éclatant succès, est sans doute de construire face à face deux univers si différents et dont les tensions s'entrecroisent : celui d'Hermione, de Pyrrhus et d'Oreste, portés par la plus aveugle passion, tout entiers tendus vers l'accomplissement de désirs trop humains, et celui d'Andromaque qu'habite seul l'amour d'un enfant et d'un mort - Andromaque silhouette sombre dressée sur un fond d'incendie.
Edition de Patrick Dandrey.
Collection « Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety Baudelaire Le Spleen de Paris Petits poèmes en prose Lorsqu'il commence à publier ses petits poèmes en prose dans des revues et des journaux, Baudelaire a beau les qualifier modestement de « bagatelles », il a pleinement conscience de ce qu'ils ont de singulier. Et nous le savons mieux désormais, ce qui s'inaugure de manière capitale dans ces textes qui visent à capter l'étrangeté du quotidien de son temps, ce n'est rien moins qu'une forme littéraire nouvelle. Rimbaud et Mallarmé vont s'en souvenir très vite - et bien d'autres après eux.
Bien que le poète y songeât depuis 1857, l'année des Fleurs du Mal, Le Spleen de Paris ne parut que deux ans après sa mort, en 1869. Ses poèmes en prose constituaient pourtant à ses yeux le « pendant » de ses pièces en vers, et les deux livres, en effet, se font écho à maints égards. Mais à la différence des Fleurs du Mal, ce n'est pas ici un recueil composé qui nous est offert : un espace de liberté, bien plutôt, où le ßâneur témoigne d'un nouveau regard venu à l'homme moderne pour lequel la réalité multiplie ses images.
Edition de Jean-Luc Steinmetz.
>Molière L'Ecole des femmes Un barbon, Arnolphe, a élevé dans l'ignorance une jeune paysanne, Agnès, afin de pouvoir plus tard l'épouser sans craindre d'elle les infidélités des femmes trop éclairées. Or, de retour de voyage, il rencontre le jeune Horace qui, par un quiproquo qui ne cessera qu'à la fin, l'informe lui-même qu'il s'est épris de sa protégée. Et Agnès apprend vite à l'école de l'amour.
Le comique de la pièce repose ainsi pour une large part sur la «confidence perpétuelle» que le jeune blondin fait au vieux barbon, et Molière focalise l'attention sur les réactions désopilantes d'Arnolphe confronté à la narration enthousiaste de ses déconfitures : par un procédé neuf, il soumet donc l'intrigue à l'effet qu'elle provoque. Le 26 décembre 1662, au théâtre du Palais-Royal, le public fit fête à cette pièce qui marque la naissance de la grande comédie de moeurs et de caractères, et dont le sujet - comment le désir vient aux jeunes filles - souleva bien des remous. Quant aux accusations de plagiat et aux calomnies, le dramaturge y répondit bientôt par La Critique de l'Ecole des femmes. La fameuse «querelle» était née...
Edition de Patrick Dandrey.
Boston, 1642. Hester, dont le mari est porté disparu, est mise au pilori car elle a commis l'adultère. Condamnée par la colonie puritaine à porter jusqu'à la fin de sa vie sur la poitrine un A écarlate, elle part vivre à la périphérie de la ville, seule avec sa fille, car elle a refusé de livrer le nom de son amant... Considéré comme le premier grand roman du continent américain, cet ouvrage connut à sa publication en 1850 un immense succès, mais par sa peinture d'une société intégriste et d'une femme éprise de liberté, il n'a rien perdu aujourd'hui de sa force et de son attrait. « Un roman admirable, extraordinaire [.] il possède le charme et le mystère des grandes oeuvres d'art » (Henry James).
Molière L'Avare Elise, fille d'Harpagon, souhaite se marier avec Valère, tandis que son frère Cléante veut épouser Mariane. Mais le père a d'autres vues pour ses enfants, et a jeté lui-même son dévolu sur la jeune fille. La pièce, créée par Molière en 1668, serait donc une comédie amoureuse si, derrière cette première intrigue, ne se dessinait surtout la comédie d'un caractère, l'avare, dont la précieuse cassette, un moment dérobée, fait opportunément retour afin de permettre un dénouement heureux.
Créature comique, objet de moqueries et de vengeances, mais aussi nature monstrueuse et tyran domestique, Harpagon est bien la figure qui domine presque toutes les scènes, assure l'efficacité dramatique de la pièce et permet à la comédie de confiner à la farce. Par la satire, le quiproquo et l'ironie, Molière brosse de lui un portrait d'une drôlerie sans pitié.
Edition de Jacques Morel.
Notes complémentaires de Jean-Pierre Collinet.
Édition illustrée et enrichie (Illustrations de Gustave Doré, introduction, notes, chronologie et bibliographie)« Il était une fois un roi et une reine... », « il était une fois une petite fille de village... » Il suffit de cette clé magique pour que s´ouvre à nous le monde où paraissent tour à tour la belle au bois dormant, le petit chaperon rouge, la barbe bleue ou Cendrillon. Perrault puise dans le folklore ancien pour nous conter dans des récits courts et alertes des histoires qui nous éloignent délicieusement du monde, avant que la morale finale nous y reconduise. Des contes de fées ? Sans doute. Mais, autant que le merveilleux, ce qui nous enchante, c´est le naturel et la savante simplicité d´un art d´écrire qui, à chaque page, séduit notre imagination.
D´abord parus séparément en 1694 et 1697, ce n´est qu´à la fin du XVIIIe siècle que les contes en vers et en prose seront réunis en un même volume, signe que l´engouement qu´ils avaient suscité du vivant de Perrault ne se démentait pas, en dépit du jugement sévère des gens de lettres, à l´époque des Lumières, pour ces puériles bagatelles. Mais le public le plus large demeurait fidèle à ces contes - et ce public, c´est aujourd´hui nous dont l´esprit d´enfance ne s´est pas perdu.
Édition de Catherine Magnien.
Collection « Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety Goethe Les Souffrances du jeune Werther « Werther. Je me souviens de l'avoir lu et relu dans ma première jeunesse pendant l'hiver, dans les âpres montagnes de mon pays, et les impressions que ces lectures ont faites sur moi ne se sont jamais ni effacées ni refroidies. La mélancolie des grandes passions s'est inoculée en moi par ce livre. J'ai touché avec lui au fond de l'abîme humain... Il faut avoir dix âmes pour s'emparer ainsi de celle de tout un siècle. » A ces lignes de Lamartine pourraient s'ajouter le témoignage de Mme de Staël - « Werther a fait époque dans ma vie » -, celui de Napoléon qui disait avoir lu le roman sept fois, et bien d'autres encore. Très tôt, le livre entre dans la légende, jusqu'au suicide, dit-on, de certains de ses lecteurs.
Si à sa parution, en 1774, il établit d'un coup la réputation du jeune Goethe encore presque inconnu, s'il est réédité l'année suivante et immédiatement traduit en français, c'est sans doute parce que, dans ce roman par lettres dont la forme est depuis longtemps familière au lecteur, la voix même du personnage fait retentir l'intransigeance de la passion, mais c'est surtout que Werther, dont on fit volontiers le premier héros romantique, exprime de manière éclatante la sensibilité aussi bien que le malaise de son temps où l'individu se heurte à la société. Avec ce livre dont l'influence fut considérable, la littérature allemande prend sa place sur la scène de l'Europe.
Introduction et notes par Christian Helmreich.
Traduction de Pierre Leroux revue par Christian Helmreich.
Molière Le Médecin malgré lui Pour se venger d'avoir été battue par son mari Sganarelle, Martine le fait passer pour un médecin, mais si fantasque qu'il faut le bastonner pour qu'il accepte d'exercer son art. Contre toute attente, ce médecin malgré lui fait merveille. Au mois d'août 1666, la pièce rencontre un succès éclatant devant le public du Palais-Royal. C'est que Molière, au sommet de son art, combine avec éclat le vieil héritage de la farce française et la leçon de la commedia dell'arte, non sans emprunter à ses propres pièces antérieures. Simple assemblage de sources diverses ? Certainement non, mais une pièce construite pour mettre en valeur les exploits de Sganarelle joué par Molière lui-même, une pièce dont l'allant ne faiblit jamais et où le génie du dramaturge - acteur, farceur, metteur en scène - n'oublie jamais l'action. Lui-même nous l'avait dit : « Les comédies ne sont faites que pour être jouées. » Edition de Bernadette Rey-Flaud Notes complémentaires de Claude Bourqui.
Dorante aime en secret Araminte, une riche et jolie veuve, qui est hélas d´une classe sociale supérieure à la sienne et s´apprête à épouser un vieux comte. Aidé de son valet Dubois, il imagine alors un stratagème pour conquérir en une journée le coeur de la jeune femme. Représentée pour la première fois en 1737 par les Comédiens Italiens, Les Fausses Confidences est la dernière grande pièce de Marivaux. À travers les demi-vérités et les manipulations de Dubois, cette comédie douce-amère révèle que l´amour est bien souvent affaire d´amour-propre.
Barbey d'Aurevilly Les Diaboliques Quant aux femmes de ces histoires, pourquoi ne seraient-elles pas les Diaboliques ? N'ont-elles pas assez de diabolisme en leur personne pour mériter ce doux nom ? Diaboliques ! il n'y en a pas une seule ici qui ne le soit à quelque degré. Comme le Diable, qui était un ange aussi, mais qui a culbuté, la tête en bas, le... reste en haut ! Pas une ici qui ne soit pure, vertueuse, innocente. Monstres même à part, elles présentent un effectif de bons sentiments et de moralité bien peu considérable. Elles pourraient donc s'appeler aussi « les Diaboliques », sans l'avoir volé... On a voulu faire un petit musée de ces dames. L'art a deux lobes, comme le cerveau. La nature ressemble à ces femmes qui ont un oeil bleu et un oeil noir. Voici l'oeil noir dessiné à l'encre - à l'encre de la petite vertu.
Barbey d'Aurevilly Plus qu'il ne se livre, Barbey se trahit. Toute son oeuvre romancière exhale l'odor di femmina ; on y découvre, foncièrement, l'obsession de la femme au point de croire qu'il s'en délivrait par le style.
Jean de La Varende, Les Grands Normands.
Introduction et notes de Pierre Glaudes.
Le huis clos d'une vieille demeure dans la campagne anglaise. Les lumières et les ombres d'un été basculant vers l'automne. Dans le parc, quatre silhouettes - l'intendante de la maison, deux enfants nimbés de toute la grâce de l'innocence, l'institutrice à qui les a confiés un tuteur désinvolte et lointain. Quatre... ou six ? Que sont Quint et Miss Jessel ? Les fantômes de serviteurs dépravés qui veulent attirer dans leurs rets les chérubins envoûtés ? Ou les fantasmes d'une jeune fille aux rêveries nourries de romanesque désuet ? De la littérature, Borgès disait que c'est « un jardin aux sentiers qui bifurquent ». Le Tour d'écrou n'en a pas fini d'égarer ses lecteurs.
Lorsque Gide découvrit Le Cousin Pons, ce fut, dit-il, "dans le ravissement, dans l'extase, ivre, perdu..."; "... c'est peut-être, de tant de chefs-d'oeuvre de Balzac, celui que je préfère : c'est en tout cas celui que j'ai le plus souvent relu".
Et le livre, en effet, suscite la compassion aussi bien que l'effroi. Quand en 1847 Balzac le fait paraître, il constitue, après La Cousine Bette, le second volet des Parents pauvres où résonne le destin de grands coeurs injuriés. Vieux musicien gourmand, collectionneur d'oeuvres d'art bientôt cerné par la haine des plus vils intrigants d'en haut comme d'en bas, guetté par la mort mais lié à Schumcke d'une indéfectible amitié - un moment le livre eut pour titre Les Deux Musiciens -, le cousin Pons est la figure finalement sublime d'un roman sombre, travaillé par la dérision et l'angoisse, mais que l'humour et la drôlerie éclairent pour en faire également - le mot est de Balzac - une "comédie terrible".
Le Coran est un livre sacré pour plus de un milliard quatre cents millions de croyants dans le monde. Il est aussi le plus lu et le plus médité. La présente traduction directe de l'arabe au français vise à le rendre plus accessible qu'il ne l'a jamais été auparavant. Le Coran, prodige de sens multiples et d'images, se révèle ainsi dans sa grandeur et dans sa beauté. Malek Chebel.Nouvelle traduction de Malek Chebel.
Collection « Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety Pouchkine La Dame de pique et Les Récits de feu Ivan Petrovitch Belkine Un jeune homme tue sans le vouloir une vieille comtesse à qui il aurait souhaité arracher le secret qui permet de gagner au jeu. Sa conscience le harcèle : « Tu es l'assassin de la vieille ! », et la morte revient, car si la dame de pique est bien une carte, elle reste aussi une figure de femme...
Cette brève histoire d'une obsession fatale, Pouchkine l'écrit dans le village de Boldino, à l'automne de 1833. Trois ans plus tôt, c'était déjà à Boldino que l'écrivain avait décidé de conter désormais des histoires en prose, et non plus en vers. Il s'était alors cherché un prête-nom et avait inventé Ivan Petrovitch Belkine, un brave gentilhomme de campagne, lequel d'ailleurs se serait borné à mettre par écrit les histoires qu'il avait ouï dire à diverses personnes.
Jeu de masques. Prétexte à essayer tous les tons. Du fantastique à la fantaisie, du sentimental à la tragédie, de la moquerie à la compassion. Prétexte à essayer toutes les techniques : métamorphose des narrateurs, maniement virtuose des points de vue... Cinq nouvelles, cinq miniatures écrites en moins d'un mois.
Traduction de Dimitri Sesemann.
Préface et notes de Jean-Louis Backès.
Ce volume comporte La Dame de pique et Les Récits de feu Ivan Petrovitch Belkine : « Le coup de pistolet », « La tempête de neige », « Le marchand de cercueils », « Le maître de poste » et « La demoiselle paysanne ».
Accepté comme guerrier par la nation indienne des Natchez en 1725, René obtient, une nuit, que Chactas, son père adoptif, lui fasse le récit de ses aventures. Le vieux Sachem commence alors à lui conter comment, après avoir été jadis fait prisonnier d'une tribu, il fut sauvé par Atala et s'enfuit pour vivre avec elle une passion tragique. Les rôles s'inversent plus tard dans René, quand le jeune homme, devant Chactas et le père Souël, fait le récit de son existence marquée par le « dégoût de tout » - existence souvent proche de celle que le jeune Chateaubriand lui-même a vécue. Le Français René qui s'est fait sauvage constitue ainsi le pendant de l'Indien Chactas qui avait voyagé en France, et les deux oeuvres ne sont pas séparables. Chateaubriand avait en effet le projet de les intégrer dans le grand roman américain des Natchez, puis il décida de faire paraître Atala de manière séparée en 1801, avant de l'intégrer l'année suivante dans le Génie du christianisme en même temps que René dont « le vague des passions » fera l'emblème du mal du siècle.
Edition de Jean-Claude Berchet.
« Le mariage ne vous réussit point. » Tout est là. L'histoire de cette jeune femme qui a épousé étourdiment son bellâtre très fort sur l'équitation est l'histoire implacable des déceptions de la vie conjugale, des déceptions de l'intimité conjugale. En dépit du décor, tout est brutal. C'est une confession de jeune mariée. Tout est admirable : la nullité du mari soutenu en secret, le dévouement pour garder les apparences sans les compensations de l'amour, et, au fond de tout cela, l'égoïsme de l'homme, une existence vide à perpétuité entrevue avec désespoir. La répugnance pour l'intimité conjugale est le secret de toute cette vie. La douairière ne s'y méprend pas. « Le mariage ne vous réussit point. » C'est l'histoire d'un mauvais départ.
A partir de ce livre, Balzac est devenu le peintre des femmes, non pas seulement le peintre de la femme de trente ans, mais l'écrivain qui sait dire ce qu'elles n'osent pas s'avouer.
Collection « Classiques de la philosophie » dirigée par Jean-François Balaudé Socrate : Cher Pan, et vous, tous les autres dieux d'ici, accordez-moi d'acquérir la beauté intérieure. Faites que tout ce qui me vient de l'extérieur soit en accord avec ce qui est à l'intérieur.
Phèdre : Fais les mêmes voeux pour moi : entre amis tout est commun.Phèdre.
Chatoyant, virtuose, profond, le Phèdre constitue l'un des chefs-d'oeuvre de Platon. De l'amour et de l'art de discourir : c'est d'abord ce double thème qu'explore Socrate dans un dialogue à bâtons rompus avec Phèdre, sur les bords ombragés de l'Ilissos, au pied de l'Acropole écrasée de chaleur. La rhétorique est dangereuse quand elle n'est pas guidée par le souci du vrai, et l'amour funeste quand il n'élève pas. Pourtant, que la visée de la vérité et l'amour divin pour le beau s'emparent des âmes, et tout s'inverse : Socrate, de mythes en discours, dessine les contours de l'essence de l'âme, et trace la voie de la connaissance vraie, celle de la dialectique, qui jetterait les bases d'une rhétorique philosophique. Enfin, il statue sur la redoutable écriture, un jeu sans valeur, à moins que par l'imitation des discours philosophiques vivants, elle ne contribue à féconder les âmes. Pourquoi et comment devient-on philosophe ? Tel est bien au total l'enjeu central du Phèdre.
Introduction, traduction et notes par Létitia Mouze.
Collection « Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel JarretyGoethe Première partie de la tragédie Aux yeux mêmes de Goethe, cette Première partie de la tragédie de Faust, qu'il fait paraître en 1808 et qui sera plus tard suivie d'un Second Faust, est une oeuvre étrange et barbare, qui ne vise à rien de moins qu'à présenter le « théâtre du monde ». Une oeuvre complexe aussi, où le protagoniste, Faust, assure le lien entre le drame du savant amer, désespérant de percer les secrets de la nature vivante, et celui de Marguerite qui s'éprend du vieil homme rajeuni par Méphistophélès, avant de devenir mère, de tuer son enfant et, condamnée à mort, de refuser de suivre Faust qui, finalement, a tout perdu.
Vingt ans plus tard, la traduction de Nerval rencontre un accueil enthousiaste auprès des écrivains, mais aussi de musiciens comme Berlioz, qui composera La Damnation de Faust, ou de peintres comme Delacroix. Faust devient partie intégrante de la culture romantique française. Si le personnage ne s'efface pas non plus de la nôtre, c'est aussi pour une part grâce au génie de Nerval : tout autant qu'à l'oeuvre de Goethe, cette éblouissante traduction appartient à la sienne.
Traduction de Gérard de Nerval. Edition de Jean Lacoste.
Chrétien de Troyes est, à la fin du xiie siècle, le premier grand romancier français. Ses romans nous enchantent par l'évocation des merveilles et des aventures qui, au temps du roi Arthur, surviennent aux chevaliers de la Table Ronde. Chacun d'eux suit le cheminement et l'errance d'un jeune chevalier qui révèle sa vaillance, découvre l'amour, prend la mesure de son destin.
Dans le Conte du Graal, il est le premier à mentionner ce vase extraordinaire qui garde aujourd'hui encore son mystère et sa fascination. Perceval, le jeune naïf, sorti de sa forêt natale, découvre le monde, la chevalerie, la douce Blanchefleur. Il voit passer le cortège du Graal au château du Roi Pêcheur. Mais il ne pose pas la question salvatrice. Il repart, comme part à son tour Gauvain, le neveu du roi Arthur, pour une histoire sans fin.
Comme Roméo et Juliette, Paul et Virginie sont le symbole de la jeunesse et de l'amour parfait. Leurs mères, rejetées par la société, se sont réfugiées dans l'île de France, aujourd'hui l'île Maurice, et élèvent ensemble leurs enfants. Paul et Virginie se sont baignés dans la même eau, nourris des mêmes fruits. Ils s'aimaient en frère et soeur jusqu'à ce qu'ils grandissent, s'aiment autrement et soient séparés. L'effondrement de leur bonheur au bord de l'eau, à l'ombre des bananiers et des citronniers en fleur, a ému chaque génération depuis 1787. Après Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre redit la nostalgie du paradis perdu, le scandale du mal en réponse au bien, la perversion de l'homme naturel par la société. Paul était la générosité, Virginie la vertu. Pourquoi l'océan les a-t-il arrachés l'un à l'autre ?
Edition présentée et commentée par Jean-Michel Racault.