Ce volume rassemble la plupart des écrits publiés par Yves Bonnefoy de sa venue à Paris, vers 1945, à 1951, quand déjà il s'éloignait du groupe surréaliste, à proximité duquel il avait vécu un moment. On y trouvera des essais et des poèmes parus alors en revue et parfois réimprimés depuis de façon confidentielle; et aussi le Traité du pianiste, un récit qui avait fait l'objet d'un petit volume en 1946, mais que son auteur n'avait jamais repris en langue française - il y eut une édition anglaise et une italienne - du fait de l'étonnement, plutôt réprobateur, qu'il en éprouvait. Ce retour sur le passé s'accompagne d'un long essai autobiographique, dans lequel Yves Bonnefoy s'interroge sur ces écrits d'autrefois, croit en comprendre le sens, formule en tout cas des hypothèses et assiste à la remontée de souvenirs qui lui expliquent beaucoup de ses préoccupations de l'époque et même une part de son travail ultérieur.
A mesure qu'ils avancent dans leur oeuvre de prospection, les sémioticiens s'aperçoivent que tout est communication, la langue bien sûr, mais aussi les images, les sons, les objets, les gestes, et que tous ces phénomènes constituent des systèmes de signes qui doivent être étudiés en ramenant chaque message aux codes qui en régissent l'émission et la compréhension.
Comprendre les systèmes de signes impose toutefois d'envisager les codes comme des structures, puis de recouvrir à des structures toujours plus vastes, dans un mouvement de régression vers la matrice originelle de toute communication possible, vers un prétendu Code des Codes qui devrait représenter la détermination " naturelle " précédant toute culture. Mais si la sémiotique s'engageait dans cette voie, elle ne pourrait qu'aboutir à la " source " de toute structure possible, forcément non structurée, à ce qu'Umberto Ecco appelle la structure absente.
Son livre, tout en refusant ce Code des Codes, essaie de montrer que tout acte communicatif est dominé par la présence massive de codes socialement et historiquement déterminés. La sémiotique découvre ainsi dans la dialectique entre code et message les rapports entre l'univers de signes et l'univers des idéologies, qui se reflètent dans les modes communicatifs préconstitués, et elle relie le monde des choses au monde de la culture, qui formalise les choses non pas pour les reconnaître comme elles sont mais afin de les transformer.
Après avoir étudié dans L'oeuvre ouverte (1965) les structures des langages expérimentaux de l'art contemporain, Umberto Ecco traite ici l'ensemble des problèmes sémiotiques et ce livre constitue à la fois sa contribution à la recherche en cours et le panorama actuellement le plus vaste et le plus complet sur les préalables constitutifs à toute sémiotique et sur l'état présent du structuralisme.
L'oeuvre poétique d'Adonis est unanimement reconnue comme l'une des plus marquantes de notre temps. Elle se double, depuis plus de trente ans, d'une réflexion sur les enjeux de l'écriture.
Les essais réunis dans ce volume offrent la quintessence d'une pensée attentive à rappeler que la défense de la dignité humaine et de la démocratie commence par le respect absolu des facultés créatrices de l'homme.
Ce livre tranche sur les études historiques, sociologiques ou politiques qui ont voulu rendre compte d'une façon extérieure des réalités du monde arabe. Il propose la pensée d'un grand créateur arabe sur le monde d'où il est issu. On y trouvera une introduction originale et claire aux grandes lignes d'un héritage culturel et poétique souvent méconnu, et une analyse de l'emprise qu'exercent, sur la société islamique, par leur alliance permanente, la religion et le pouvoir - la prière et l'épée.
Adonis dénonce aussi bien les interdits qui pèsent sur la culture arabe que l'hypocrisie occidentale. Toujours soucieux de saluer l'apport des courants de pensée les plus novateurs (notamment la mystique arabe), il nous donne un ouvrage capital pour la compréhension de notre propre culture et pour la perception de ce que les deux rives de la Méditerranée ont à apprendre l'une de l'autre.
Pour comprendre, pour lire Sacher-Masoch, il faut d'abord se débarrasser de l'équivoque du masochisme et des interprétations cliniques ou philosophiques qu'on en a données. Reste alors une parole, dont l'être n'est pas affirmation, nomination claire et consciente de soi, mais balbutiement. La recherche de l'être de Masoch devient alors une sorte d'enquête étymologique, qui recourt aussi bien à l'étude des racines grecques et latines qu'à des sortes de parenthèses - sur Heidegger ou le Roman de Renart - permettant d'approcher, comme des ruses de guerre de l'esprit, l'énigme masochienne. Ainsi Pascal Quignard développe-t-il un discours qui n'est ni psychanalytique ni structuraliste, ni historique ni marxiste, mais dévoilement d'une lecture indépendante, elle-même insérée dans le vaste discours des oeuvres littéraires, toujours contemporaines les unes des autres, toujours perdues les unes dans les autres, toujours en train de se lire.
« J'ai intitulé ce livre Le siècle où la parole a été victime, et je vois bien les risques que cela me fait encourir. Je peux donner l'impression que je m'estime capable de me porter ou me maintenir au niveau de pensée où ces grands mots ont leur sens. Ou laisser croire que je vais poser un problème ou même en traiter, ce qui n'est nullement le cas. Je n'ai fait dans ces pages que rassembler des études sur des oeuvres particulières, avec aussi, toutefois, quelques réflexions sur ce qui me semble que la poésie pourrait être.
Mais je voulais attirer l'attention sur ce qui me paraît que notre époque doit bien comprendre : sur l'évidence dont il importe que nos sociétés se pénètrent, sinon elles vont périr. Et quant aux poètes ou penseurs ou artistes que j'aborde dans ce volume sous divers angles, je puis en dire qu'ils ont oeuvré, chacun, avec la pleine conscience de la menace qui pèse sur la parole. Ils n'en ont pas parlé, explicitement. Mais il n'est de vers de Séféris ou de Dotremont, de réclamation de Chestov ou d'André Breton, d'intuitions de Giacometti ou d'Henri Cartier-Bresson, qui ne tendent à lui rendre toute sa place à l'avant du possible humain. » Yves Bonnefoy.
Dans l'Orlando furioso - le Roland furieux - l'Arioste, met en évidence, bien que de façon figurée, une des situations en puissance dramatiques qui sont le lot de l'être parlant quand son langage se subordonne à l'emploi conceptuel des mots : avec ces mots abstraits il est en risque d'élaborer des figures idéales, qu'il substitue à telle ou telle personne qui a éveillé son besoin d'aimer ; et quand un hasard de sa vie lui découvre l'écart entre cette personne et cette image irréelle, tout son monde de représentations et de valeurs s'effondre, il peut achever de le mettre en pièces : c'est la folie, la « fureur », qui s'emparent de Roland quand il comprend ce qu'est véritablement celle qu'il aime, Angélique. L'Arioste voit le problème, mais, soit par prudence, soit parce que les poèmes, et le sien tout le premier, tendent irrésistiblement à rêver, idéaliser, il ne l'explicite pas et n'en tire pas les conclusions nécessaires : qui sont que le travail de l'esprit doit être de déconstruire les idéalités ; et qu'il faut constater d'abord que les femmes sont prioritairement les victimes de cette transfiguration des objets du désir ou de l'affection.
L'hypothèse de ce petit livre est de remarquer que Shakespeare a lu l'Arioste, y a réfléchi, lui empruntant ce nom, Orlando, pour le rêveur qu'il va, dans As you like it, mettre en scène. Mais ce qu'il veut, lui, c'est comprendre comment ces nécessaires déconstructions peuvent s'accomplir. Et voyant bien que tout se joue dans l'emploi des mots il invente une jeune fille qui, obligée pour sauver sa vie de se déguiser en garçon, s'avise qu'elle peut profiter de cette vêture, qui empêche Orlando de la reconnaître, pour « guérir » ce rêveur, qu'elle aime, en transgressant dans ses conversations avec lui les façons figées, radicalement réductrices, dans lesquelles l'idéologie de la société enferme les femmes. Elle ne veut pas qu'il soit le nouveau Roland qui la détruira et se détruira. Elle emploie pour cette commune délivrance les ressources de la pleine parole, celle dans laquelle les mots en savent plus que les concepts auxquels on veut les réduire, et par leurs ambiguïtés, leurs sous-entendus ruinent d'emblée les constructions idéalisantes.
Je n'ai pas tenté, toutefois, de faire dans ces pages une analyse d'As you like it, qui est une pièce complexe, où la pensée de Shakespeare, essentiellement intuitive, se cherche autant qu'elle se sait, et se risque, chemin faisant, à des aperçus très neufs sur la connaissance que prend de soi cette Rosalinde se refusant à ne dire que ce que la société veut lui faire dire. Mon dessein était d'inciter à lire la pièce, qui est chez Shakespeare au seuil même de la grande époque des tragédies, de cette particulière façon. Et de demander que l'on pense davantage à ce grand problème de l'idéalisation, qui prive les poèmes d'être pleinement poésie.
Publiée la première fois en deux volumes (1952 et 1957), plusieurs fois rééditée, ici préfacée par Philippe Sollers, la Vie du marquis de Sade de Gilbert Lely (1904-1985) est une recherche unique sur la vie et l'oeuvre de l'écrivain le plus controversé du XVIIIe siècle.
Grand poète et historien, Lely présente ainsi sa méthode ; " Idolâtre de l'heure et du nom et du lieu, toujours imbu du respect sacré de la plus chétive circonstance, parce qu'elle a été vécue, nous n'avons voulu tendre à rien de moins qu'à la"recherche du temps perdu ", dans les fastes maudits du marquis de Sade. "