L'Établi, ce titre désigne d'abord les quelques centaines de militants intellectuels qui, à partir de 1967, s'embauchaient, « s'établissaient » dans les usines ou les docks. Celui qui parle, ici a passé une année, comme O S. 2, dans l'usine Citroën de la porte de Choisy. Il raconte la chaîne, les méthodes de surveillance et de répression, il raconte aussi la résistance et la grève. Il raconte ce que c'est, pour un Français ou un immigré, d'être ouvrier dans une grande entreprise parisienne.
Mais L'Établi, c'est aussi la table de travail bricolée où un vieil ouvrier retouche les portières irrégulières ou bosselées avant qu'elles passent au montage.
Ce double sens reflète le thème du livre, le rapport que les hommes entretiennent entre eux par l'intermédiaire des objets : ce que Marx appelait les rapports de production.
Pour quelqu'un de ma génération, né après la Seconde Guerre mondiale et désireux de savoir comment il se serait comporté en de telles circonstances, il n'existe pas d'autre solution que de voyager dans le temps et de vivre soi-même à cette époque. Je me propose donc ici, en reconstituant en détail l'existence qui aurait été la mienne si j'étais né trente ans plus tôt, d'examiner les choix auxquels j'aurais été confronté, les décisions que j'aurais dû prendre, les erreurs que j'aurais commises et le destin qui aurait été le mien.
La première édition de La Question d'Henri Alleg fut achevée d'imprimer le 12 février 1958. Des journaux qui avaient signalé l'importance du texte furent saisis. Quatre semaines plus tard, le jeudi 27 mars 1958 dans l'après-midi, les hommes du commissaire divisionnaire Mathieu, agissant sur commission rogatoire du commandant Giraud, juge d'instruction auprès du tribunal des forces armées de Paris, saisirent une partie de la septième réédition de La Question. Le récit d'Alleg a été perçu aussitôt comme emblématique par sa brièveté même, son style nu, sa sécheresse de procès-verbal qui dénonçait nommément les tortionnaires sous des initiales qui ne trompaient personne. Sa tension interne de cri maîtrisé a rendu celui-ci d'autant plus insupportable : l'horreur était dite sur le ton des classiques. La Question fut une météorite dont l'impact fit tressaillir des consciences bien au-delà des " chers professeurs ", des intellectuels et des militants. A l'instar de J'accuse, ce livre minuscule a cheminé longtemps.
Jean-Pierre Rioux, " La torture au coeur de la République ", Le Monde, 26-27 avril 1998
Le printemps 1943 : la bataille de Stalingrad venait de se terminer par la défaite des forces allemandes. Apparurent alors à Munich des affiches où on lisait :
Ont été condamnés à mort pour haute trahison :
Christoph Probst, 24 ans, Hans Scholl, 25 ans, Sophie Scholl, 22 ans.
La sentence a été exécutée.
Les trois étudiants décapités à la hache étaient, avec trois de leurs compagnons qui seront exécutés plus tard, les animateurs d'un mouvement de résistance, " La Rose blanche ", dont les Munichois avaient pu lire les tracts depuis quelques mois.
Inge Scholl, soeur des deux premiers, raconte ici leur histoire : l'enfance en Bavière dans une famille catholique, l'entrée dans la Jeunesse hitlérienne, puis, peu à peu, la découverte de la réalité nazie et, enfin, cette décision déchirante : la résistance contre leur propre pays en guerre. " La vraie grandeur, écrit Inge Scholl, est sans doute dans cet obscur combat où, privés de l'enthousiasme des foules, quelques individus, mettant leur vie en jeu, défendent, absolument seuls, une cause autour d'eux méprisée. " Ces six universitaires ont plus que personne contribué à sauver l'honneur de l'Allemagne. Pascal disait : " Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger. " Nous devons croire celle-ci, entre toutes, aujourd'hui.
On ne cesse d'affirmer, depuis l'Antiquité et plus encore depuis Freud, qu'oedipe aurait tué son père.
Mais cette accusation ne résiste pas à l'examen. En menant avec rigueur l'enquête sur les circonstances du meurtre et en révélant l'identité de l'assassin, ce livre montre que des pans entiers de notre culture reposent sur une erreur judiciaire.
Comment Foucault définit-il « voir » et « parler », de manière à constituer une nouvelle compréhension du Savoir ?
Qu'est-ce qu'un « énoncé », à cet égard, dans sa différence avec les mots, les phrases et les propositions ?
Comment Foucault détermine-t-il les rapports de forces, de manière à constituer une nouvelle conception du Pouvoir ?
Pourquoi faut-il un troisième axe, qui permette de « franchir la ligne » ? Quelle est cette Ligne du Dehors toujours invoquée par Foucault ? Quel en est le sens politique, littéraire, philosophique ?
En quoi la « mort de l'homme » est-elle un évènement qui n'est ni triste ni catastrophique, mais une mutation dans les choses et la pensée ?
Ce livre se propose d'analyser ces questions et réponses de Foucault, qui forment une des plus grandes philosophies du XXe siècle, ouvrant un avenir du langage et de la vie.
Dans une maison, derrière une fenêtre, deux femmes parlent. Nous entendons. Elles parlent lentement, entre de longs silences, cherchent leurs mots, les trouvent ou ne les trouvent pas, se taisent encore, essayent d'autres mots, se contredisent, se coupent, oublient le magnétophone, essayent de se souvenir, essayent de parler, avancent, se perdent, se retrouvent, se perdent encore, mais avancent toujours, sans modèle, sans plan, sans prudence et, pour la première fois peut-être, sans la peur du CENSEUR. D'où vient que ces propos soient publiés dans leur état premier ? qu'on les livre sans correction aucune ? qu'on ose proposer à la lecture cette incohérence, ce désordre, cette confusion, cette opacité, ces redites, ce piétinement de la parole ? D'où vient que ce qui n'est pas du tout écrit, remanié, mis en forme, élucidé, fascine à ce point ? Quel est le mystère de cet écrit de la parole ? Est-ce parce qu'il est, enfin, celui de la femme ? celui à venir ?
M. D.
Ce livre d'entretiens est paru en 1974.
Avec Sacher-Masoch s'ouvre un univers de phantasmes et de suspens, rempli de femmes de pierre, de travestis, de gestes punisseurs, de crucifixions et même de châtiments pour des fautes non encore commises. L'esprit artistique fait de chaque pose une oeuvre d'art, l'esprit juridique y noue de rigoureux contrats entre la victime et le bourreau. Gilles Deleuze montre que le masochisme n'est ni le contraire ni le complément du sadisme, mais un monde à part, avec d'autres techniques et d'autres effets.
Aucun texte littéraire n'a probablement suscité autant de lectures et d'interprétations qu'Hamlet et n'a fasciné à ce point les critiques, qui n'ont cessé de débattre des ambiguïtés et des contradictions de la pièce, s'interrogeant sur les circonstances mystérieuses dans lesquelles est mort le père du héros.
Mais tous ces auteurs parlent-ils bien du même texte ? Ce dont témoigne Hamlet, en raison du nombre de ses commentaires, est de la difficulté, dans l'échange littéraire, à éviter le dialogue de sourds. Il est en effet impossible, quand nous discutons d'une oeuvre, de sélectionner des passages identiques, de les percevoir à travers des théories semblables, d'inventer des questions qui ne soient pas marquées par une époque et par la personnalité de celui qui les pose. Bref, de parler de la même chose que les autres lecteurs.
Trouver la solution à ce problème du dialogue de sourds est pourtant un passage obligé si nous voulons reprendre l'enquête inachevée sur la mort du père d'Hamlet. Et tenter, en reconstituant ce qui s'est passé il y a cinq siècles à Elseneur, de résoudre l'une des plus vieilles énigmes criminelles de la littérature mondiale.
Le 11 juin 1957, Maurice Audin, mathématicien, assistant à la faculté des sciences d'Alger, membre du Parti communiste, était arrêté par les parachutistes du 1er R.C.P. Le 21 juin, selon ses gardiens, il se serait évadé. Nul ne l'a plus revu vivant et Henri Alleg, l'auteur de La Question, fut un des derniers à l'avoir vu pendant sa détention, alors qu'il venait d'être torturé. Jusqu'à la fin de la guerre d'Algérie et au-delà, face à la justice, les auteurs de ce rapt maintinrent, général Massu en tête, qu'Audin s'était effectivement évadé. Un comité Audin se constitua à Paris et décida de faire une enquête. En mai 1958, Pierre Vidal-Naquet, dont ce fut le premier travail historique, publiait, aux Éditions de Minuit, L'Affaire Audin. Il y démontrait que l'évasion était une imposture et émettait l'hypothèse qu'une comédie avait, effectivement, été jouée, dans laquelle un officier de parachutistes avait joué le rôle principal. Quant à Maurice Audin, il était mort au cours d'une séance de tortures. Il n'était pas un musulman que l'on pouvait passer par profits et pertes, il fallut bien camoufler sa mort.
L'enquête judiciaire, menée d'abord à Alger, fut transférée à Rennes, où fut jadis jugée l'affaire Dreyfus, et se prolongea jusqu'en 1962. Dans le présent livre, l'ouvrage de 1958 est réimprimé intégralement, avec quelques précisions supplémentaires. Pierre Vidal-Naquet a eu accès non seulement aux dossiers des enquêtes successives, mais aux archives conservées sur cette affaire au ministère de la justice. Ces archives permettent, pour la première fois, de faire l'histoire de l'affaire, avant le délai habituel de cinquante ans. On verra donc non seulement comment Audin a disparu, comment l'enquête confirma l'hypothèse de 1958, mais surtout comment l'autorité judiciaire, du juge d'instruction au ministre, en passant par les procureurs généraux, réussit à éviter que ce crime soit jamais jugé. Ce livre est donc l'histoire tout à la fois d'un meurtre et d'un déni de justice. Le meurtrier, un lieutenant de l'armée française, qui étrangla Maurice Audin le 21 juin dans l'après-midi, prit sa retraite comme colonel, en 1981, avec le grade de commandeur de la Légion d'honneur. L'affaire Audin ne fût pas l'affaire Dreyfus et la vérité ne triomphe pas, mais elle fut, en un sens, plus : le révélateur d'une société démocratique en crise. Par-delà la guerre d'Algérie, la mort d'Audin nous interpelle encore aujourd'hui.
Roman Jakobson est un des maîtres de la linguistique structurale. Né en Russie, membre, dès 1915, de l'école des Formalistes russes, il enseigna entre les deux guerres en Tchécoslovaquie et fut, avec Troubetzkoy, un des chefs de file du fameux Cercle linguistique de Prague. Il enseignait depuis la guerre aux États-Unis, où il est mort en 1982.
Dans un grand nombre de publications, en diverses langues, Jakobson a donné une impulsion décisive à l'étude des différents domaines de la linguistique - théorie générale, phonologie, morphologie, sémantique, poétique, métrique. Il a contribué à fonder la phonologie historique, l'étude des aires, la typologie des langues ; il a développé la notion de structure d'une manière qui rend possible la formalisation progressive de la linguistique, raffiné la théorie des fonctions du langage et élaboré la thèse saussurienne du lien indissoluble du signifiant et du signifié. Plus que tout autre linguiste, il a marqué de son influence les autres sciences de l'homme - ethnologie, mythologie, psychanalyse, études littéraires, théorie de la communication - et contribué à faire de l'anthropologie cette sémiologie générale qu'entrevoyait Saussure.
----- Table des matières ----- Préface du traducteur Première partie. Problèmes généraux : Chapitre 1. Le langage commun des linguistes et des anthropologues. Résultats d'une conférence interdisciplinaire - Chapitre 2. Deux aspects du langage et deux types d'aphasie - Chapitre 3. Les études typologiques et leur contribution à la linguistique historique comparée - Chapitre 4. Aspects linguistiques de la traduction - Chapitre 5. Linguistique et théorie de la communication Deuxième partie. Phonologie : Chapitre 6. Phonologie et phonétique - Chapitre 7. Tension et laxité Troisième partie. Grammaire : Chapitre 8. L'aspect phonologique et l'aspect grammatical du langage, dans leurs interrelations - Chapitre 9. Les embrayeurs, les catégories verbales et le verbe russe - Chapitre 10. La notion de signification grammaticale selon boas Quatrième partie. Poétique :Chapitre 11. Linguistique et poétique Appendices : Liste des abréviations - Bibliographie abrégée de Roman Jakobson
Il s'agit de correspondances publiées, depuis 1958 pour la plupart, à propos de faits ou d'articles concernant la guerre d'Algérie.
"Alors qu'auparavant, écrit Charlotte Delbo qui a composé ce recueil, l'indignation explosait en manifestations et en actions collectives..., elle n'a plus aujourd'hui le moyen de s'exprimer... Il n'y a plus de vie politique... Privé d'autres moyens d'agir on écrit des lettres." A propos de La Question, du Manifeste des 121, de Francis Jeanson, de Georges Arnaud... entre autres sujets. Parmi les textes rassemblés dans Les Belles Lettres certains n'avaient jamais été publiés dans leur intégralité.
Quelques-uns auraient mérité une diffusion plus large que celle qui leur fut accordée. Ainsi, par exemple, la lettre adressée par dom Robert Gillet, bénédictin, à Laurent Schwartz après ses démêlés avec le ministre des Armées : "J'ai toujours pensé que Dieu avait de l'imagination et de l'humour. Il est certainement très content de vous..." D'autres messages - comme les derniers mots des exécutés de Montluc ou de la Santé - sont tragiques et graves, peu connus eux non plus [...].
Ces Belles Lettres, pour la plupart, valent d'être lues et relues. AJ, Le Monde, 9-10 avril 1961.
En 1956, l'auteur de ce récit autobiographique a été rappelé en Algérie dans un régiment parachutiste pour participer à ce qu'on appelait faussement « La pacification ».
Mais un jour, afin de soustraire à une exécution sommaire un jeune rebelle blessé, il le libère et déserte avec lui pour l'aider dans son évasion.
Après une fuite d'une semaine dans le désert, ils réussissent à rejoindre l'Armée de Libération Nationale. L'auteur resta dix mois avec les combattants de l'A.L.N. avant de gagner Tunis et de là les États-Unis.
En 1966, blanchi des deux condamnations à mort prononcées contre lui, il a pu revenir en France.
Une semaine après sa parution aux Éditions de Minuit en octobre 1960, Le Désert à l'aube était saisi et sa diffusion interdite.
Le gouvernement a fait saisir, le 19 juin, les exemplaires d'un livre, La Gangrène, que venaient de publier Les Éditions de Minuit. Ce livre reproduisait des déclarations de cinq détenus algériens, pour la plupart étudiants, qui affirmaient avoir été abominablement torturés dans les locaux de la D.S.T., rue des Saussaies, à Paris, entre le 2 et le 12 décembre 1958.
Le gouvernement a justifié cette saisie, dans un communiqué officiel, par le caractère « infamant et mensonger » du livre. Jeudi, au Sénat, répondant à une interpellation de M. Deferre, M. le premier ministre ajoutait que cet « ouvrage infamant », « affabulation totale qui ne saurait représenter en quoi que ce soit l"ombre de la vérité » avait été « rédigé par deux écrivains stipendiés du parti communiste ».
Que le gouvernement considère les faits évoqués dans La Gangrène comme infâmes, il n'est pas un Français qui ne s'en réjouira.
Jérôme Lindon, 29 juin 1959 Ce livre publié en juin 1959 a été aussitôt saisi.
On se rappelle comment, en décembre 1961, l'opinion française assista à cet épisode grotesque, qu'on n'ose dire scandaleux, tant nous avons vu de scandales, mais d'une qualité particulière d'absurdité : le jugement et la condamnation de Jérôme Lindon, directeur des Éditions de Minuit, pour avoir publié Le Déserteur, roman. Jérôme Lindon vient de publier, sous le titre « Provocation à la désobéissance » le compte rendu sténotypique des débats, augmenté de quelques pièces annexes, lettres et documents. L'aspect mineur du scandale est celui qui apparaît le premier : poursuivre un éditeur, sous prétexte qu'il a publié un roman contenant certains traits autobiographiques (ce qui est le cas de bien des romans !) en lui imputant les opinions d'un personnage de ce roman. Mais le véritable scandale n'est pas là : il est d'abord d'entendre des magistrats user, pour arriver à une condamnation, d'une dialectique boîteuse, de citations tronquées, d'affirmations qu'on aimerait croire sincères. « Tout le monde est d'accord contre la torture », affirment juges et procureurs. Et de condamner Lindon. [.]. Dans les grands procès politiques de ces dernières années, celui du réseau Jeanson, celui de Georges Arnaud, celui de l'abbé Davezies, les débats prenaient l'allure d'un véritable combat politique, et la défense démontrait clairement l'inanité du prétendu « arbitrage » d'un tribunal acquis par avance, pour des raisons politiques, au thèses de l'accusation.
Paul-Louis Thirard, Tribune socialiste, 24 février 1962
La famille, agent naturel de reproduction de l'ordre établi ? C'était sûrement le cas sous l'Ancien Régime quand le père de famille recevait la garantie effective de son pouvoir par le souverain auquel il assurait en retour l'obéissance de ses sujets.
Mais dès le milieu du XVIIIe siècle, cet équilibre se défait. Quand la richesse, donc la puissance, devient affaire de production et non plus de dépense, de pillage, il faut économiser les corps et gérer les populations, donc intervenir sur la famille. C'est le rôle de la police, entendu alors dans une acception infiniment plus large que son actuelle version répressive : une science du bonheur au service de la puissance nationale.
Au XIXe siècle, elle prendra les multiples visages de la philantropie : le paternalisme dans les entreprises, la moralisation par l'épargne, l'hygiénisation par la médecine. Toutes pratiques qui confluent en début du XXe siècle dans la fabrication du secteur dit social. Et de ce social, la famille constitue l'épicentre. D'un côté, elle est la cible des entreprises hygiénistes qui déstabilisent l'autorité patriarcale pour pouvoir y perfuser les normes assurant conservation, qualité et disponibilité sociale des individus. D'un autre côté, elle est point d'appui pour une moralisation des relations par l'épargne, l'éducation et la sexualisation.
On comprendra le succès de la psychanalyse par sa capacité opérationnelle sur cette nouvelle disposition du rapport famille-société. Sa pertinence aux yeux aussi bien des individus que des familles et des institutions tiendra dans un discours permettant d'introduire un principe de circularité entre l'ambition familiale et les exigences normatives des appareils sociaux, donc une méthode qui permet à la fois de faire sortir l'individu de la famille et de l'y renvoyer. Entre le juridique et la norme, Freud établit un instrument de régularisation contemporain et homologue de celui de Keynes entre le « social » et l'économique.
Robert Bonnaud est professeur agrégé d'histoire à Marseille.
Rappelé en 1956 pour servir en Algérie, il a la pensée de refuser de partir, mais il cède et séjourne chez les Nementchas où il se livre à une propagande active contre la guerre d'Algérie, tandis qu'il fraternise volontiers avec les indigènes. Au retour, il témoigne de ce qu'il a vu, cherche à faire l'union des partis de gauche pour imposer la paix, contribue à fonder l'Union de la gauche socialiste sans accepter d'en faire partie.
Puis, dans les groupes de Jeune Résistance, continue inlassablement le même combat. Il est arrêté en juin 1961 et enfermé dans la prison des Baumettes. Sous le titre Itinéraire ont été rassemblées des lettres écrites d'Algérie, une correspondance avec Marius Chatignon, collaborateur de la revue Esprit, et des lettres de prison. La pensée est toujours ferme, toujours orientée dans le même sens, malgré les épreuves subies.
Evidemment, on est très loin de la littérature officielle. Telle quelle, cette plaquette vaut comme témoignage d'un état d'esprit plus répandu sans doute qu'il n'y paraissait parmi les hommes du contingent ou les rappelés, mais que la prudence ou la méfiance empêchaient de se manifester. AM, Les Livres, décembre 1962.
Même s'ils n'ont pas lu le chef-d'oeuvre d'Agatha Christie, Le Meurtre de Roger Ackroyd, de nombreux lecteurs, surtout parmi les amateurs de romans policiers, connaissent le procédé qui l'a rendu célèbre et croient pouvoir affirmer : l'assassin est le narrateur.
Mais est-ce si sûr ? Comment se fier à un texte où les contradictions abondent et qui s'organise autour d'un récit unique, celui du prétendu criminel ? Et qui peut dire qu'Hercule Poirot, dans son euphorie interprétative, ne n'est pas lourdement trompé, laissant le coupable impuni ?
Roman policier sur un roman policier, cet essai, tout en reprenant minutieusement l'enquête et en démasquant le véritable assassin, s'inspire de l'oeuvre d'Agatha Christie pour réfléchir sur ce qui constitue la limite et le risque de toute lecture : le délire d'interprétation.