Filtrer
Rayons
Support
Éditeurs
-
En novembre 1974, Werner Herzog apprend que son amie Lotte Eisner, critique et historienne du cinéma allemand, est très malade, on craint pour ses jours. Alors, il décide de se rendre auprès d'elle, à pied, de Munich à Paris. C'est un geste de chevalerie, un acte fou dicté par l'amitié, avec la certitude non moins folle qu'au bout du chemin Lotte Eisner serait vivante, et hors de danger. Du 23 novembre au 14 décembre 1974, il tient un carnet de route devenu depuis lors Sur le chemin des glaces. À travers cette marche qui anime de bout en bout le récit, Herzog nous réapprend à voir ce sur quoi notre oeil glisse, indifférent. Tout ici est mouvement : chemins, fleuve, oiseaux, arbres, pluie, neige. Reportage mais aussi témoignage d'un homme qui nous fait partager tour à tour ses moments d'exaltation, d'épuisement, de plénitude.
-
Alexander Kluge est relativement connu, en France, pour sa filmographie, abondante et variée, qui a d'ailleurs fait l'objet d'une large rétrospective à la Cinématèque Française en 2013. L'écrivain est en revanche ici pratiquement ignoré, sinon des germanistes, alors qu'il est une des figures les plus célèbres de la littérature allemande contemporaine et salué comme tel par les médias allemands, le public, l'édition.
Son originalité réside dans une manière de parler de la réalité contemporaine allemande en s'appuyant aussi bien sur son immense culture classique que sur un maniement très original de la fiction, à travers, le plus souvent, de brèves séquences qui sont autant d'apologues dont la juxtaposition et l'accumulation finissent par composer une véritable fresque de l'histoire de son pays et, au-delà, de celle de la pensée et de la sensibilité occidentales.
Cette écriture, cette démarche si originales sont actuellement absentes du paysage littéraire français, c'est la raison pour laquelle une traduction de l'ensemble de cette gigantesque entreprise qu'est « Chronique des sentiments » nous a paru indispensable.
Les sentiments sont les véritables occupants des vies humaines. On peut dire d'eux ce que l'on a dit des Celtes (nos ancêtres, pour la plupart d'entre nous) : ils sont partout, seulement on ne les voit pas. Les sentiments font vivre (et forment) les institutions, ils sont impliqués dans les lois contraignantes, les hasards heureux, se manifestent à nos horizons, pour s'élever au-delà vers les galaxies. On les trouve dans tout ce qui nous concerne.
Ce dont les hommes ont besoin au cours de leurs vies, c'est de l'ORIENTATION. Comme il en faut aux bateaux. Telle est la fonction d'un si gros livre : que l'on compare, se sente rebuté ou attiré, dans la mesure vu qu'un livre fonctionne comme un miroir.
Nul ne lira autant de pages d'un seul coup. Chacun se contentera d'aller vérifier, comme dans un calendrier ou, précisément, une CHRONIQUE, ce qui le regarde. L'orientation subjective - savoir à quoi me fier, ce que je dois craindre, à quoi tiennent les actes délibérés - donnent ce courant de fond, que le temps qui court ne suffit pas à transformer et qui constitue la vraie chronique.
-