L'histoire judiciaire qui forme l'intrigue principale de ce gros roman est en elle-même passionnante car elle est l'occasion pour l'auteur de décrire à la fois le système juridique typiquement anglais de la propriété foncière mais aussi les mÅ«urs de la classe moyenne des campagnes au XIXe siècle. Dans la pure tradition du roman victorien, cette intrigue principale est doublée voire triplée d'histoires annexes, surtout d'amour, qui sont l'occasion pour l'auteur de dresser des portraits d'une étonnante modernité de personnages secondaires parfois hauts en couleur. Anthony Trollope, sans doute l'un des trois plus grands écrivains de l'époque victorienne, est en tous cas le plus prolixe. Il a connu un immense succès au cours de sa vie et continue, cent cinquante ans plus tard, à fasciner et séduire de nombreux lecteurs à travers le monde. Cette traduction en français est inédite en livre : anonyme, elle a paru en feuilletons dans les années 1860 dans la Revue nationale et étrangère.
Et si le monde que nous connaissons, dépendant de l'électricité et des nouvelles technologies, était sur le point de disparaître ?
Par une froide soirée d'hiver, les lumières de Milan s'éteignent. Puis c'est au tour de la Suède, de l'Allemagne, de la France... : partout en Europe, le réseau électrique est en train de lâcher. Menace terroriste ou défaillance technique ? Tandis que l'Europe s'enfonce dans l'obscurité et cède à la panique, plusieurs centrales nucléaires menacent la vie de million d'êtres humains. Une véritable course contre la montre commence alors pour Manzano, ex-hacker italien, croit savoir qui est responsable et cherche désespérément à en informer les autorités.
Thriller européen brillamment mené, Black-out plonge le lecteur dans une réalité qui pourrait être demain la nôtre.
Années 1870. Will, étudiant à Harvard, tente l'aventure de l'Ouest sauvage pour donner un sens à sa vie. Parvenu à Butcher's Crossing, minable ville du Kansas, il se lie d'amitié avec un chasseur qui sait où se trouve un des derniers troupeaux de bisons. Le paradis est au rendez-vous mais, tout à leur massacre du troupeau, les deux hommes se font piéger par l'hiver.
L'année 1913 est l'apogée du XXe siècle tout juste né. Tout semble encore possible et ouvert et, en même temps, la lueur du déclin est déjà perceptible : pour les peintres, les écrivains, les musiciens, il est évident que l'humanité a déjà perdu son innocence.
À Paris comme à Londres, à Vienne comme à Berlin ou encore à Trieste ou Venise, les artistes agissent comme si il n'y avait pas de lendemain. Dans le hall d'un hôtel, Rilke et Freud débattent de la beauté et de la fugacité ; Proust s'engage dans la recherche du temps perdu ; et, pendant que Stravinski célèbre le sacre du printemps, à Munich, un barbouilleur de tableau autrichien nommé Adolf Hitler vend des vues urbaines pittoresques. Duchamp fixe une roue de bicyclette sur un tabouret. Armstrong apprend à jouer de la trompette. Kafka est amoureux et écrit des lettres bouleversantes et interminables à Felice Bauer.
Avec finesse et sensibilité, Florian Illies dresse un portrait fascinant d'une année exceptionnelle, au moment où le long XIXe siècle entre en collision brutale avec les guerres et les extrémismes du XXe siècle.
« Je crois que notre génération doit savoir que la Bête de l'événement est làâ?- et elle arrive. » Qui peut bien parler comme cela en ce début des années 2020 ? Un prédicateur évangélique américain ? Un thuriféraire de la cause ukrainienne dénonçant l'Ennemi ? Un partisan de Trump dans l'attente de The Storm ? Perdu ! Il s'agit du président Emmanuel Macron (dans un entretien accordé au Financial Times). S'il est toujours surprenant, en plein XXIe siècle, de rencontrer ce qui apparaît comme des résurgences eschatologiques provenant d'un lointain Moyen Âge, il est carrément incroyable de les voir reprises par un homme qui a fait de la rationalité pragmatique son unique idéologie. Face à la succession de crises qui ébranlent le monde depuis plusieurs années, analystes, penseurs et responsables politiques proposent des tentatives d'interprétation. Parmi elles, nombreuses sont celles qui font appel à des références théologiques traditionnelles du discours apocalyptiques : châtiment divin, fin des temps, figure de l'Antichrist, attente d'un nouveau monde. Après la chute du communisme et la « proclamation » du capitalisme financier comme horizon ultime de l'humanité, la résurgence d'un mode de pensée apocalyptique doit peut-être être envisagée comme la réaction d'une partie des perdants de la mondialisation. À défaut de l'espoir d'une vie meilleure et en l'absence d'une idéologie qui s'oppose au capitalisme, nombreux sont ceux, issus des classes populaires abandonnées, à s'être tournés vers cet instrument de consolation ancestral qu'est la religion. Et ce n'est pas vers les églises traditionnelles qu'ils sont allés mais vers celles qui portent un discours eschatologique.
Au début des années 1930, la jeune Marie est forcée de quitter le foyer familial : son père, catholique, s'oppose à sa relation avec l'instituteur protestant du village et l'envoie rejoindre ses deux frères installés à New York. Après un temps d'adaptation difficile dans un monde bien loin de sa Frise natale, elle entreprend de conquérir la ville et ses élites culturelles grâce à une recette de cheesecake qu'elle adapte avec les ingrédients locaux. Soixante-dix plus tard, Rona, sa petite-nièce qui vit en Allemagne est en pleine crise professionnelle et personnelle lorsqu'elle rend visite à Marie. Celle-ci lui raconte l'histoire de sa vie et lui confie avant son retour la recette du fameux cheesecake lui offrant ainsi la possibilité d'un nouveau départ.
Portée par un riche philanthrope anglais d'origine grecque et sise à Fontainebleau, SOAL, grande école de leadership, a tissé un réseau de partenariats prestigieux, dont Normale Sup. Son but est la formation secrète d'influenceurs infiltrés dans le monde des élites globales, en recrutant un noyau dur de surdoués formés, intellectuellement et physiquement, à l'entrisme, mais aussi à l'action directe. Son objectif est le bien commun et de déstabiliser le monde de Davos et des globalistes avec leurs propres armes : l'intelligence en action. Le lecteur arrive au moment où le professeur en stratégie George Simmel est en pleine opération de recrutement à Normale Sup. Simmel est un « mentor » : il choisit et forme, dans l'urgence, un groupe de quatre jeunes gens : un normalien matheux et rugbyman, un séduisant MBA norvégien qui paie de sa personne, un étudiant d'Oxford rameur et mystique et, hors série, le jeune motard Samuel, « chien perdu sans collier ». Ils vont devenir, avec lui, « le poing fermé et la main tendue » d'une cellule d'intervention. Les manÅ?uvres calculées du recrutement par Simmel entraînent le lecteur du club des journalistes à Hong Kong au réseau israélien en Argentine, des cercles aristocratiques londoniens à un Schloss autrichien, des Pyrénées au Paris du canal Saint-Martin. Rien n'est fortuit. Au passage, le lecteur en apprend pas mal sur la formation des agents, les méthodes du renseignement, les réseaux du temps de l'URSS, mais aussi sur l'univers à rébus de l'espiocratie anglaise et sur l'ambiance acrimonieuse à la française. Le ressort profond qui actionne cette double intrigue est révélé peu à peu et c'est seulement dans les dernières pages que la vérité se fait jour : il repose sur le serment de fidélité noué en 1931 entre trois élèves en prépa à Louis-le-Grand, le père du fondateur de SOAL, un élève étranger de Boston et un jeune Français issu de la ruralité. Mais n'en disons pas plusâ?- Clement Scholivé est franco-britannique. Il habite à Londres. Comme des espions de Dieu est son premier roman.
En 2005 à Bagdad, un chiffonnier à moitié fou nommé Hadi raconte à qui veut bien l'entendre qu'une créature faite des morceaux de corps des innocents tués dans les attentats de la ville écume les rues pour se venger. Un portrait pétrifiant de la ville occupée, oscillant entre réalité sordide, conte fantastique et croyances religieuses...
Sept cents ans après la victoire d'Hitler, le Saint Empire Germanique a soumis l'Europe à l'idéologie nazie, après avoir détruit toute trace de l'ancien monde. La nouvelle société, emprunt de mythologie et d'ignorance, repose sur une stricte hiérarchie : les Chevaliers et les Nazis en occupent le sommet, tandis que les étrangers servent de main d'oeuvre servile et les femmes, uniquement destinées à la perpétuation de la race, sont réduites à l'état animal.
Lorsqu'Alfred, jeune mécanicien anglais en pèlerinage en Allemagne, est impliqué dans une rixe, il est conduit auprès du chevalier von Hess, gouverneur du comté. Séduit par sa personnalité, von Hess ne tarde pas à lui révéler son secret : l'existence d'un unique exemplaire d'une chronique qui retrace l'histoire du monde disparu.
Partout où le monde est en feu, le grand reporter T om Hagen est présent, prêt à tout pour être le premier et le meilleur. Jusqu'au jour où, par sa faute, une libération d'otages en Afghanistan tourne à la catastrophe. Sa réputation ruinée, il se trouve vite à cours d'argent.
Trois ans plus tard, l'occasion de remonter en selle se présente lorsqu'il met la main sur des données ultra confidentielles volées au Shin Bet, le service de sécurité intérieure israélien. Mais ce qui devait être un énorme scoop se transforme en une mortelle réaction en chaîne.
Poursuivi à travers la région la plus explosive du monde par des agents secrets et de mystérieux tueurs, Hagen doit lutter pour sa survie, pris dans une gigantesque conspiration dont les racines remontent à la Palestine sous mandat britannique.
Depuis deux siècles, la personnalité et le parcours de Napoléon suscitent des débats passionnés aux positions tranchées. Génie quasi divin selon les uns, personnage romantique selon les autres, monstre malfaisant et mégalomaniaque pour certains ou encore «simple » petit dictateur détestable pour quelques-uns...
Et si il n'était aucun de ces personnages ? Et si ce n'était qu'« un homme » et même, comme Adam Zamoyski le décrit dans cette remarquable biographie, qu'un homme plutôt ordinaire ?
L'auteur s'emploie ici à faire sauter le vernis des préjugés, à pulvériser les mythes tenus pour vrai et à réfuter les hypothèses tenaces pour révéler au lecteur un Napoléon plus humain, plus facile à comprendre et, du coup, beaucoup plus intéressant. Il replace sa vie dans le contexte historique montrant comment, dans les années 1790, ce jeune provincial fut littéralement projeté sur la scène politique alors profondément marquée par la Révolution et un monde en guerre. Son manque de confiance en lui transforma son instinct de survie en une quête perpétuelle de reconnaissance à travers la conquête de toujours plus de pouvoir... ce qui le conduisit à la défaite finale de 1815.
Cinq cents ans de culture du livre sont-elles en train de prendre fin sous nos yeux ? Le livre électronique va-t-il remplacer le livre imprimé aussi rapidement et complètement que la voiture et le tracteur ont remplacé le cheval il y a cent ans ? Comment nos habitudes de lecture sont-elles en train d'évoluer ?
Burkhard Spinnen, auteur et lecteur, se pose des questions auxquelles nous sommes tous confrontés.
Mais au lieu de chercher à polémiquer, d'adopter une posture nostalgique ou de se lancer dans une plaidoirie pour ou contre telle forme de livre, il préfère évoquer tout ce que le livre en tant qu'objet physique nous apporte, comment il façonne notre vie quotidienne.
En choisissant l'illustration plutôt que la défense, Burkhard Spinnen rend un vibrant hommage au livre et à son avenir.
Pendant presque un siècle, Karl Marx a été pris en otage par les « -ismes », interprété de manière erronée dans les écrits d'Engels et par les visées totalitaires de Lénine et de Staline. S'opposant à cette image traditionnelle, Jonathan Sperber démontre que Marx est plus à rapprocher de Robespierre que des communistes du XXe siècle. En s'appuyant sur les archives complètes de Marx et Engels enfin accessibles, il juxtapose le portrait de l'homme dans sa vie privée et celui de l'homme public qui aida à fomenter les révolutions de 1848-1849 et dont les écrits incendiaires enflammèrent les milieux dissidents européens. Il resitue ainsi son parcours dans le contexte du XIXe siècle. À l'instar du Hitler de Kershaw, ce Karl Marx est le portrait définitif d'un personnage historique emblématique.
Lorsque Jimfish fait son apparition dans un petit port d'Afrique du Sud, les autorités ont bien du mal à lui assigner une place dans la société en fonction de sa couleur, comme c'est encore la règle en 1984. Pour les uns, il est aussi blanc qu'une toile vierge, pour les autres, sa peau est rose clair ou couleur miel, voire bleue. Ce qui est sûr c'est qu'il n'est pas du « bon » blanc aux yeux du chef de la police qui en profite pour le traiter comme son esclave. Contraint à l'exil après avoir fauté avec la fille de ce dernier, Jimfish est entraîné dans un très long voyage à travers le monde.
Dans ce Candide moderne, Christopher Hope revisite la tragique histoire de la fin du XXe siècle, de l'Afrique de l'apartheid et des tyrans sanguinaires à l'Europe des dictateurs communistes.
Un père décide de faire découvrir à son jeune fils de six ans son pays natal, l'Inde.
Une femme, employée comme cuisinière à Mumbai, est animée par une ambition surprenante. Un villageois abandonne tout pour mener une vie de vagabond, accompagné d'un ours qu'il dresse pour gagner de quoi survivre. Une jeune fille fuit son village ravagé par la guérilla maoïste et trouve refuge dans une grande ville.
Les tentatives des personnages de ce roman pour échapper à leur destin renvoient toutes à un des enjeux majeurs de notre siècle, celui du déplacement des populations en quête d'une vie meilleure. Il livre une réflexion sombre mais puissante sur ce que signifie être libre dans un pays divisé par les inégalités sociales extrêmes et décrit les sacrifices auxquels il faut consentir pour y parvenir.
Dans Médua, le narrateur, poète reconnu en quête autant de repos que d'inspiration, est en villégiature sur la côte belge. Un soir, il découvre, échouée sur la plage, une méduse qui lui fait penser à une jeune femme rencontrée dans le train dont la mystérieuse personnalité l'obsède depuis. Il décide de ramener sa trouvaille dans l'appartement où il séjourne. Le récit de son séjour bascule dès lors dans une dimension fantastique où les faits réels se juxtaposent avec les visions du poète submergé par les hallucinations. Pour écrire Médua (commencé en 1950 et terminé en 1976 !), Carême ne cache pas qu'il a été inspiré par La femme changée en renard de David Garnett. Pourtant le roman échappe à toutes les normes du genre. La nouvelle Nausica retrace l'histoire dramatique de deux êtres qui, bien qu'ils s'aiment, sont déchirés par l'action maligne d'une puissance destructrice. Pour l'auteur lui-même, ces deux portraits de femmes se répondent et doivent être publiés ensemble.
Carl Dale, spéculateur atypique à qui tout semble réussir, croit avoir réussi à maîtriser le hasard et caresse le rêve d'accéder à l'immortalité grâce à une hygiène de vie stricte et à la numérisation de ses gênes.
La mort soudaine de son fils Kurt, perdu de vue depuis des années, réveille chez lui une foule de souvenirs patiemment et méthodiquement enfouis. Débarquant à Bangkok pour récupérer le corps de son fils, Carl erre dans ses rues polluées et surpeuplées. Pour comprendre le mystère de son exil et de sa mort, Carl parcourt les dédales de sa propre vie, affrontant ses propres mensonges et ses illusions.
Cette quête initiatique lui permettra-t-elle de retrouver l'innocence perdue et de comprendre pourquoi son fils est venu se réfugier ici ?
Décontenancé par la métamorphose radicale de sa petite fille adorée en adolescente renfrognée, un père, journaliste et écrivain, décide de tenir un journal de bord dans lequel il consigne les comportements de sa progéniture comme si il avait à faire à un animal de laboratoire. Drôles et subtiles, ses réflexions et ses découvertes sur ce sujet universel tiennent à la fois du manuel de survie et du livre d'humour pour parents dépassés.
Dans un avenir proche, l'humanité connaît une expansion technologique vertigineuse grâce aux nano-machines auto-répliquantes. À travers la famille Macx, le lecteur suit un siècle d'évolution de la Singularité sur fond de querelle familiale. Dans la première partie, Manfred, altruiste courtier en idées technologiques de pointe, élabore, grâce à ses réseaux professionnels, les fondations de la posthumanité de demain. Dans la seconde partie, sa fille Amber, business woman de l'espace, un juge musulman, Sadeq Khurasani, et quelques amis créent des Copies d'eux-mêmes avant leur départ pour l'étoile Hyundai, lieu d'un signal extraterrestre. La troisième partie décrit la vie de Sirhan, petit-fils de Manfred génétiquement modifié, sur Saturne, au sein d'un système solaire complètement démantelé.
Béla, le narrateur de ce roman à plusieurs temps, noue une relation avec Roxane, qui valse. Lorsqu'elle est arrêtée, ils savent qu'elle ne ressortira pas de prison, sinon morte. Mais pour quelle raison est-elle emprisonnée ? Parce qu'elle valse ou parce qu'elle vit dans un appartement duquel il est possible d'observer Marconi ? Avec humour, exploitant un style indirect très libre, l'auteur fait glisser nos repères comme ceux de Béla : dans la ville nouvelle, Marconi est-il un homme libre ou un leurre, placé là par le pouvoir pour maintenir vivant l'espoir d'un autre monde possible - et annihiler toute tentation de révolte ?
L'islamologue se trouve dans un champ de mines. D'un côté, grincement de dents : pas de doute, le Coran fait bien partie de notre histoire et il faut inclure ses savoirs historiques dans une réflexion commune. De l'autre : encore faut-il que les musulmans intégristes mais aussi les traditionnalistes l'acceptent et se soumettent à la loi commune de la république.
Olivier Hanne raconte sa spécialité et son métier, qui d'expert en voie de disparition est revenu au coeur des connaissances décisives depuis les attentats de 2015. Il raconte ses rapports houleux avec les salafistes et autres croyants antirépublicains, et ses moments possibles avec la communauté musulmane. Il affronte le terrorisme islamique et défend ses convictions à l'épreuve des tragédies qui ensanglantent la France.
9 mars 1942 : Tony Bloncourt, vingt ans, étudiant natif de Haïti, est fusillé au Mont-Valérien avec ses six autres camarades, juifs polonais et italiens, pas plus âgés. Le groupe, dans l'attraction du Parti communiste, a été l'un des tout premiers de la résistance française. Capturés par la police française et livrés à la Gestapo, leur procès militaire à grand spectacle a été organisé au sein même de l'Assemblée nationale, qui quatre-vingts ans plus tard peine à se souvenir. Et elle n'est pas la seule : le Parti communiste a, lui aussi, préféré oublier cette poignée de desperados venus de l'étranger. Quand aux archives sténographiées et même filmées du procès, elles ont été détruites.
Grâce à une enquête minutieuse et aux rencontres avec les derniers témoins, l'auteur reconstitue le parcours de Tony Bloncourt, et le fonctionnement obscur d'un Palais Bourbon qui cachait bien d'autres fantômes sous l'Occupation.
Ostende, la station balnéaire huppée belge, le soleil, la mer, l'ambiance des cafés d'avant-guerre : pour les deux amis qui s'y retrouvent en cet été 1936, cela ressemble à de banales vacances où l'essentiel est de prendre du bon temps. Sauf que ces deux amis, ce sont Stefan Zweig, le richissime écrivain de bonne famille, et Joseph Roth, l'alcoolique miséreux mais génial, désormais indésirables dans une Allemagne nazie où leurs livres sont interdits. Les écrivains qui les rejoignent, dont Arthur Koestler, sont, comme eux, traqués, bannis, à mesure que la situation politique en Europe empire. Ostende 1936 est un « roman vrai » dans lequel Volker Weidermann raconte l'histoire envoutante d'un été pas comme les autres, à la veille des atrocités de la Seconde Guerre mondiale. Un été au cours duquel Zweig, Roth et bien d'autres se sont réunis pour célébrer la vie comme on ne le fait que par désespoir. Une fête d'adieu à la culture européenne.
Sous nos yeux, notre société matérialiste, frappée de pestilence, s'est décomposée en quelques semaines. Ce que d'aucuns appellent d'un mot approprié le « darwino-capitalisme », ce pouvoir économique hostile aux faibles et impitoyable aux inutiles, a trouvé plus fort que lui.
Cet essai n'est pas un livre de plus sur la pandémie mais sur ce que nous avons consenti à perdre. Et si la nouvelle peste affectait nos sensibilités et nos valeurs humanistes depuis longtemps ? Ce drame attente à notre vérité profonde, à notre dignité, et telle est bien la seule question qui vaille la peine d'être posée : sommes-nous restés humains ? À moins que dans le culte de la performance et son progressisme militant, ce fanatisme propre aux utopies, nous ayons progressivement perdu notre humanité.