Couronnement d'une oeuvre protéiforme et inclassable, explorant avec une gourmandise et une intelligence sans équivalent les mille et un avatars de la pop culture afin d'en faire les révélateurs du présent, La Victoire des Sans Roi apparaît comme le chef-d'oeuvre de Pacôme Thiellement. Prenant pour point de départ la découverte du corpus de textes gnostiques excavé en 1945 à Nag Hammadi, en Égypte, il y propose une vertigineuse relecture de l'histoire de la chute de l'Occident à l'aune de la sagesse de ceux qui n'ont jamais accepté de se plier aux règles des religions officielles. En oubliant les leçons des Gnostiques, nous nous sommes fermé l'accès à une autre voie que celle de la tristesse, de la méchanceté et du ressentiment - une autre voie que celle de l'échec. Mais à l'heure où il est devenu impossible de se cacher que l'Occident consomme les dernières conséquences de sa médiocrité, peut-être n'est-il toujours pas trop tard. Peut-être que rouvrir les textes gnostiques, et apprendre avec eux à pratiquer une autre exégèse du contemporain, une exégèse considérant la pop culture comme l'ultime dépositaire de leur sagesse, seraient encore susceptible de nous sauver. OEuvre prophétique, pamphlet poétique, traité à l'érudition époustouflante, livre de vie autant que diagnostic d'époque aussi implacable que hilarant, La Victoire des Sans Roi ne ressemble à aucun autre livre.
Un spectre hante l'université française : le spectre de la déconstruction. Crée par Jacques Derrida à la fin des années 1960, il est devenu, dans l'esprit des réactionnaires de tout poil, le mot-valise désignant tout ce qu'ils haïssent dans la pensée, lorsque celle-ci cherche à émanciper davantage qu'à ordonner. Dégénérescence de la culture, mépris pour les grandes oeuvres, délire interprétatif, amphigouri linguistique, danger politique, confusion sexuelle, licence morale : à en croire les ennemis de la déconstruction, tout ce qui va mal dans le monde lui est imputable. Mais que signifie cette peur ? Que signifie la fixation frénétique d'une frange d'intellectuels pour tout ce qui peut ressembler à une pensée différente, libre, inventive et fondamentalement démocratique ? Que cela signifie-t-il, si ce n'est la volonté de policer la pensée et ses institutions, pour pouvoir mieux, ensuite, policer les corps ? Telle est, en tout cas, l'interrogation qui a présidé au colloque « Qui a peur de la déconstruction », qui s'est tenu à la Sorbonne en janvier 2023. Il a fait scandale chez les tenants de la police. En voici les actes.
Nous n'aimons pas les obstacles. Au mieux, ils nous font perdre du temps?; au pire, la vie. Pourtant, les obstacles qui se trouvent devant nous ne sont pas que des défauts à éliminer - des erreurs ou des malédictions. Ils sont aussi l'une des composantes essentielles de nos mouvements et de notre existence. Dès qu'il est question de rester ou de passer quelque part, de trajet et de migration, de frontière ou de mur, mais aussi de corps à corps, de contact entre les chairs, il y a toujours quelque chose, ou quelqu'un, ou une foule, qui se tient là et qu'on ne peut effacer.
Et si le monde était avant tout la somme de ces obstacles?? Et si, plutôt que de tenter de les contourner, de les surmonter ou de les ignorer, il s'agissait d'apprendre de ces obstacles pour en devenir un soi-même - une résistance opposée à un mouvement d'appropriation ou de destruction?? Et si, en somme, il n'y avait rien de plus politique qu'un obstacle?? Car penser l'obstacle, c'est aussi penser une manière nouvelle de repartir - malgré tout.
Rien de plus quotidien que l'acte de manger. Rien de plus vital non plus. Mais n'y a-t-il pas davantage qu'une simple nécessité dans l'art d'apprêter les mets et de les goûter ? Dans cet essai gourmand et érudit, traversant avec grâce l'histoire de la philosophie comme celle de la gastronomie, Valentin Husson suggère qu'il y en effet a plus - beaucoup plus. Manger est un art - un art qui relève autant de l'esthétique que de l'éthique, du savoir que de la politique ou de l'écologie. Goûter, c'est apprendre à recréer un rapport avec notre environnement direct. C'est retrouver la saveur possible d'un terroir, d'une saison ou d'un produit. C'est choisir comment s'orienter par la bouche dans un monde qui aimerait décider de notre goût à notre place. C'est, surtout, se réconcilier avec l'idée que la vie puisse être bonne au sens le plus littéral du terme : au sens de sa saveur. Et si l'art de vivre était d'abord un art des vivres ?
Vous est-il arrivé de douter de la réalité du monde autour de vous ? Avez-vous déjà été hanté par certains indices troublants, par une sensation d'hallucination généralisée, par une impression tenace de mystification ? N'avez-vous jamais pensé que votre vie entière n'était qu'illusion, contrefaçon et même imposture ? Peut-être aviez-vous raison : il faudrait alors vous résoudre à vivre dans un monde factice. De Gabriel Tarde à Maurice Renard, de H. G. Wells à Philip K. Dick, David Cronenberg ou Ted Chiang, une riche lignée d'écrivains et de cinéastes a été obsédée par ce sentiment diffus d'irréalité. Ils ont, dans leurs récits, imaginé puis fait l'expérience d'une multitude de mondes faux, dans lesquels on croise, avec jubilation et inquiétude, des humains réduits à l'état de cobayes par des extraterrestres, des scientifiques fabriquant des simulacres d'univers ou des dieux défaillants infiltrant la psyché malade de leurs fidèles. En inventant ces mondes factices, souvent effrayants, toujours fantasques, écrivains et cinéastes sont devenus philosophes, et plus précisément métaphysiciens. Ils nous ont révélé un abîme sous nos rassurantes certitudes : une manière étrange et nouvelle de voir, de sentir et de penser le monde.
La collection "Perspectives critiques", dirigée par Roland Jaccard, écrivain et journaliste, et Paul Audi, philosophe et écrivain, publie des textes de psychiatrie, de psychanalyse, de sociologie, de pédagogie et d'esthétique, échappant à toute orthodoxie et s'inscrivant dans un cadre interdisciplinaire. Elle propose des essais clairs, rigoureux et polémiques, écrits par des universitaires ou des chercheurs et visant à démystifier l'imaginaire personnel et collectif. Elle accueille également les témoignages de ceux qui ont contribué à façonner l'univers mental et social de l'homme post-marxien et post-freudien.
La collection a fêté son 25ème anniversaire en septembre 2000.
Qu'est-ce que la civilisation ? Qu'est-ce que cette construction étrangère mêlant politique, économie, morale et même écologie, à laquelle nous continuons à nous rattacher comme à une bouée de sauvetage ? Qu'est-ce que la civilisation lorsqu'il devient de plus en plus évident que les « civilisés » le sont bien peu - et qu'en leur nom se perpètrent les pires violences, les pires injustices, jusqu'à la destruction même de la planète ? S'inscrivant dans les pas des figures fondatrices de l'anthropologie anarchiste telles que David Graeber ou James C. Scott, Edouard Jourdain propose un vaste périple au coeur des ambiguïtés de cette si étrange civilisation - et de son double nécessaire : la sauvagerie. Car, bien loin de ne concerner que des simples détails esthétiques ou des divergences de moeurs, le pas de côté du côté du « sauvage » devient une manière de remettre en cause jusqu'aux évidences en apparence les mieux assises de notre « civilisation » : propriété, État, individu, droit, démocratie. Face à l'effondrement de la civilisation issue de la modernité, c'est du côté du sauvage que les civilisés trouveront peut-être de quoi penser enfin leur condition - et ses possibles échappatoires.
Partout autour de nous règne le danger. Il nous effraie lorsqu'il est trop précis et nous angoisse lorsqu'il nous échappe. Face à lui, nous ne réclamons qu'une chose : la sécurité. Pourtant, cette réclamation ne vient pas de nous. Nous n'en sommes que les porte-parole - les hérauts inquiets d'une réalité qui nous dépasse davantage que nous le croyons. Car le danger n'est pas un sentiment personnel. Ce qui angoisse ou fait peur est d'abord l'enjeu d'un vaste processus politique de définition, où ce qui se joue n'est rien moins que la possibilité d'une distinction entre le pensable et l'impensable.
Mêlant musique et droit romain, philosophie et histoire de l'assurance, psychanalyse et théologie, Laurent de Sutter nous rappelle combien craindre le danger est se faire l'écho de la crainte d'un pouvoir pour qui la sécurité est la meilleure manière de se perpétuer.
Le petit Grégory, Alfred Jarry, Jack l'Éventreur, Ronald Reagan, David Bowie, Saddam Hussein, Edgar Allan Poe, Christine Chubbuck, Nicolas Sarkozy, Vincent Van Gogh, Mouammar Kadhafi, Martin Shkreli, Philip K. Dick, Nelson Mandela, Léona Delcourt, Otis Redding ou André Breton, qu'ont-ils en commun ces individus hantant le XXe siècle comme s'il était un théâtre grinçant ? Sans eux, l'histoire de ce siècle - notre histoire - serait incompréhensible. Car il y a les récits de manuels, avec ses grands hommes et ses grands événements. Et puis il y a le reste - les légendes dont est tissée la réalité, et qu'on ne peut raconter qu'au coin du feu ou dans l'ombre d'une porte, de peur de passer pour fou. Pacôme Thiellement n'a pas peur de la folie. Et lorsqu'il choisit de raconter « son » xxe siècle, c'est à travers le plus étonnant des réseaux de correspondance, où la poésie fait écho au fait divers, les stars médiatiques à d'obscures préoccupations mystiques et les nobles déclarations politiques aux tentatives incessantes de rendre la vie des humains impossible. Qu'y a-t-il donc de commun entre toutes ces figures ? Elles firent de la question « Qu'est-ce que vivre ? » celle du siècle dernier.
Qui sommes-nous ? À cette demande, chacun nous intime désormais de répondre. Du développement personnel aux documents d'identité, des luttes politiques aux relations intimes, de la vie professionnelle aux moments d'illumination mystique, réussir à enfin être soi-même semble constituer la condition essentielle de tout. Mais d'où provient cette obsession pour le fait d'être quelqu'un ? Et, surtout, que révèle-t-elle de l'ordre du monde dans lequel nous vivons ? Dans son nouveau livre, Laurent de Sutter, propose une solution inédite à ces questions au terme d'une dérive surprenante, saisissant dans un même mouvement la méthode Coué et le très ancien droit romain, l'invention philosophique du moi et la pensée chinoise, la psychanalyse et la spiritualité indienne, le théâtre et la neurologie. Et si être soi-même n'était rien d'autre que le nom de la police ? Et si, pour résister aux appels à être « quelqu'un », il fallait enfin apprendre à devenir n'importe qui ?
Nous sommes les héritiers de la plus sinistre des histoires : celle qui a fait de l'amour un piège. De Adam et Eve aux séries contemporaines, elle n'a pas cessé d'être rejouée, définissant l'horizon de vie des femmes et des hommes errant sur la terre sous l'oeil mauvais du Démiurge. Il s'agit d'une histoire dans laquelle l'amour n'est pas ce qui sauve, mais ce qui enf erme ; il n'est pas ce qui rend bon et joyeux, mais triste et méchant, égoïste et cruel. L'amour est un sickamour - un amour malade. Comment faire pour en échapper ? Comment faire pour retrouver ce qui a été perdu lorsque, jaloux du bonheur d'Adam et Eve, Dieu décida de les flanquer à la porte du Paradis ? Telle est la question que s'est posé Pacôme Thiellement dans Sycomore Sickamour, une promenade hallucinée et somptueuse dans les méandres d'un savoir amoureux perdu, mêlant le théâtre de William Shakespeare et les textes gnostiques, les images de Jacques Rivette et celles de David Lynch, mais aussi Buffy et Clair de lune, Raymond Roussel et John Lennon, Gérard de Nerval et Martha & The Vandellas. Une promenade à la recherche du twist de l'amour heureux.
À l'heure de l'Anthropocène, quel pourrait être le rôle de l'art ? Dans une culture qui a accéléré jusqu'au délire le passage de la marchandise à l'ordure, de la valeur au déchet, il n'est désormais rien qui ne puisse prétendre s'extraire de la logique de crise affectant la totalité des habitants de la planète Terre. À la crise climatique et à la crise économique répond en effet une crise de la culture, mêlant gaspillages, exclusions, pollutions, appropriations brutales - faisant de l'art le collaborateur de la destruction planétaire. Comment réagir à cet état des choses ?
Dans ce nouvel essai, urgent et passionné, Nicolas Bourriaud se fait l'avocat d'une conception nouvelle de l'art, qui prenne la mesure d'une écologie et d'une économie instituant la décroissance, la décolonisation et l'inclusion en maîtres-mots. Convoquant les plus grands créateurs de notre temps ainsi que les derniers apports de l'anthropologie, de la philosophie ou de l'esthétique, Inclusions est un vibrant plaidoyer pour une forme enfin soutenable de vie, dont l'art pourrait constituer le modèle.
Il fallait établir ce constat?: avant d'être un problème individuel, le burn-out est d'abord une pathologie de civilisation. Marquée par l'accélération du temps, la soif de rentabilité, les tensions entre le dispositif technique et des humains déboussolés, la postmodernité est devenue un piège pour certaines personnes trop dévouées à un système dont elles cherchent en vain la reconnaissance. Mais ce piège n'est pas une fatalité. Face aux exigences de la civilisation postmoderne, on peut se demander comment transformer l'oeuvre au noir du burn-out afin qu'il devienne le théâtre d'une métamorphose, et que naisse de son expérience un être moins fidèle au système, mais en accord avec ses paysages intérieurs.
Né d'une rencontre avec une classe de lycéens belges, ce livre incarne l'accomplissement d'un défi : celui qui consiste, pour un philosophe célèbre pour l'ambition et la richesse de son travail, à en proposer une introduction qui n'en perde pourtant jamais la pointe. C'est ce défi qu'a relevé Alain Badiou dans ce petit livre, mêlant entretiens et textes inédits, qui parcourt avec autant d'allégresse que de pédagogie plus de soixante années de publications, et traverse la totalité des domaines dans lesquels sa pensée s'est illustrée : ontologie fondamentale, mathématiques, politique, poésie ou amour - non sans multiplier les digressions en direction des grandes figures de l'histoire de la philosophie.
A l'heure où l'oeuvre d'Alain Badiou est enseignée et commentée dans les universités et les grandes écoles du monde entier, il était temps qu'on dispose d'une boussole fiable afin de s'orienter dans son fantastique foisonnement. On la tient entre les mains.
Qu'est-ce qu'une nymphe ? Figure imaginaire venue de la mythologie grecque, jeune fille incarnant les pouvoirs mystérieux d'une nature toujours plus vivante que ceux qui la peuplent, elles ne cessent de signer de leur présence troublante l'histoire de l'Occident et de ses images. Dans Nymphes , Giorgio Agamben, suivant une piste ouverte par Aby Warburg, part à leur recherche afin de tenter de comprendre le curieux nouage entre imagination, désir, féminité et inquiétude qu'elles en sont venues à représenter. Virevoltant d'une installation vidéo de Bill Viola aux plus savants traités de la Renaissance, de la théorie de l' « image dialectique » de Walter Benjamin au Décameron de Boccace, il ouvre ainsi une perspective radicalement nouvelle sur le monde des images - à jamais humaines et à jamais impossibles.
Paru originellement dans Image et mémoire, aujourd'hui épuisé, ce texte avait fait l'objet d'une publication séparée en langue italienne. C'est sous ce format que, conformément à la volonté d'Agamben, il est aujourd'hui réédité.
En 1966, Louis Althusser a 48 ans. Auréolé de l'énorme succès de Pour Marx et de Lire « Le Capital », il se lance dans une vaste recherche sur la possibilité d'une théorisation de l'idéologie. La thèse qu'il avance se résume en une phrase : l'idéologie est une pratique matérielle dont les fondements sont pour l'essentiel inconscients. L'homme étant un « animal idéologique », il ne peut pas être question d'échapper à l'idéologie. Mais il est possible d'élaborer un savoir scientifique de l'idéologique et du réel, susceptible de nourrir un projet d'émancipation sociale dont le but serait la création d'une société sans classes. Dans Socialisme idéologique et socialisme scientifique et autres textes, le philosophe jette ainsi les linéaments d'une théorie de la pratique politique qui renoue avec l'horizon révolutionnaire alors abandonné par le PCF - un horizon qui devra passer, selon lui, par la lutte idéologique avant toute autre. À l'heure où l'idéologie a pris, par la grâce des réseaux sociaux et des médias de masse, un visage ubiquitaire, ses enseignements sont plus vitaux que jamais.
Ce texte, André Comte-Sponville l'a conçu quand il avait 26 ans et ne l'avait depuis jamais donné à publier. Il trouve donc seulement aujourd'hui la forme d'un livre, précédé d'une ample préface où l'auteur en restitue la génèse. L'oeuvre est une méditation de jeunesse. Elle se présente à bien des égards comme un exercice d'admiration (Montaigne et Pascal, Épicure et Lucrèce, Spinoza et Descartes, Marx et Freud...) mais relève aussi d'une déprise radicale d'avec la modernité littéraire et intellectuelle (Foucault, Deleuze, Barthes, Derrida...). Une douzaine de sections aborde quelques grands thèmes philosophiques, l'art, la liberté, la vérité, la religion..., dans un style libre et concis, proche de l'aphorisme qui fascinait déjà le jeune écrivain. Vingt-huit ans plus tard, l'auteur a à peine révisé son manuscrit. Il lui reconnaît un caractère certes juvénile et imparfait mais en endosse la paternité avec le regard mûr de l'homme accompli. "Il faut savoir penser contre son temps" : telle était déjà la ligne de conduite que s'était fixé l'écrivain au sortir de Normale Sup. En faisant paraître ce texte aujourd'hui, il n'y déroge pas.
Il n'y a pas de crise climatique. Il y a une volonté politique pour que le climat soit en crise.
Telle est la thèse provocante défendue par Mark Alizart dans ce petit ouvrage brillant et intempestif. Quand des États laissent non seulement brûler leurs forêts, mais qu'ils les mettent eux-mêmes à feu ; quand ils ne se contentent pas de ne pas appliquer les accords de Paris, mais qu'ils les déchirent en public ; quand ils ne se satisfont pas de douter des scientifiques mais qu'ils les intimident, - on ne peut plus simplement dire qu'ils n'en font pas assez pour sauver la planète : manifestement, ils font tout pour qu'elle soit détruite. Car le changement climatique va créer d'innombrables perdants, mais aussi quelques gagnants - quelques individus pariant sur l'effondrement du monde comme on parie, en Bourse, sur des valeurs à la baisse. S'il s'agit de se battre contre la crise climatique, il ne suffit donc pas de le faire en changeant seulement nos comportements individuels. Il faut déjouer le complot « carbofasciste » ourdi contre l'humanité. Comment ? En commençant par penser les conditions d'une révolution dans la pensée politique de l'écologie - une révolution en faveur d'un véritable « écosocialisme ».
Le 18 novembre 2020, en pleine pandémie de Covid-19, un étrange pilier métallique fait son apparition soudaine dans la vallée de San Juan County dans l'Utah. Il suscite immédiatement une fascination mondiale qui atteint bientôt son climax hystérique lorsque d'autres structures identiques sont découvertes aux quatre coins du globe. D'où venaient-elles ? Qu'étaient-elles ? Que signifiaient-elles ? Renvoyant à l'imagerie antique des monolithes, dont Stanley Kubrick avait fait l'icône de son film 2001, L'Odyssée de l'espace, ce phénomène a réactivé une fascination ancienne, mêlant angoisse et excitation. Bien loin de se réduire à de simples traces d'un passé révolu, les monolithes traduisent la victoire de forces mystérieuses sur le cours du temps, dont le message persiste malgré l'oubli et la destruction des civilisations. Traversant les époques et les continents, passant du mythe de Cthulhu à la théosophie, du cosmisme russe aux druides des romantiques ou encore aux théories complotistes sur les « Anciens Astronautes », Antonio Dominguez Leiva, le maître de la pop culture, raconte ici l'histoire de cette fascination pour le pouvoir occulte de puissances immémorielles.
La pratique des arts martiaux est une pensée. Elle est une manière de reconfigurer ce que nous croyons savoir à propos des évidences les plus élémentaires de notre existence : la vie, la mort, l'espace, le temps, la force, le corps. En pratiquant un art martial, ce ne sont pas seulement les gestes et les mouvements qui changent, mais la manière même de voir le monde - la manière même de le réfléchir. Et si ce que peut un corps consistait d'abord à résister à la tentation de la maîtrise ? Et si atteindre un niveau plus élevé de sophistication dans notre rapport à la force impliquait d'abord de l'abandonner ? Et si la puissance véritable était d'abord une impuissance ?
Conviant les grands maîtres de l'aïkido autant que Henri Bergson, Ludwig Wittgenstein ou Edmund Husserl, les grands poètes japonais que Spinoza ou Leibniz, Coralie Camilli propose dans ce court essai toute une série de réponses inattendues à ces questions, nourries de sa double expertise martiale et philosophique - des réponses qui restituent les arts du combat à leur horizon fondamental : celui de la sagesse.
Ils s'appellent Anna, Ashkan ou Julia. Ils vivent dans une banlieue industrielle de Londres, dans un camp de réfugiés en Grèce ou un terrain vague réservé aux gens du voyage aux portes de Paris. Ce sont des enfants, et ils sont malades. Tous souffrent de saturnisme - cette maladie du plomb qui coupe la respiration. Chacun dans leur cadre, ils sont les témoins d'un monde qui a choisi de cultiver l'irrespirable. Les usines pharmaceutiques anglaises et leurs fumées toxiques, la politique européenne qui rejette les migrants dans des zones où personne ne devrait pouvoir vivre, les autorités françaises qui cherchent à toutes forces à sédentariser les nomades sur les terrains d'anciennes décharges : voilà ce monde. Derrière la maladie des enfants, c'est donc celle du présent qui se dresse - une maladie dont Camille Louis, en un geste panoramique, à la fois virtuose et sensible, dresse le portrait terrifiant autant que plein d'espoir. Car, même différents, même isolés, même relégués dans les tréfonds de l'anormalité ou de l'indésirabilité, les enfants dont elle raconte les aventures livrent une leçon inattendue : celle d'une nouvelle manière de respirer ensemble - d'une nouvelle conspiration.
Les esprits éclairés aiment à se moquer de Donald Trump. Il serait le symbole d'une forme de stupidité politique qui n'attendrait que le réveil des gens de bonne volonté pour s'évanouir comme un mauvais rêve. Mais rien n'est plus faux. Plutôt qu'un symbole, Trump est un symptôme : celui de la disparition progressive de la politique dans un gigantesque processus d'unification, où les camps en apparence les plus hostiles se tiennent en réalité la main. Pour en finir avec Trump, c'est cette disparition qu'il convient de combattre, en restaurant les possibilités d'une opposition qui résiste au consensus fondamental de notre temps. Ce consensus porte un nom : capitalisme démocratique. Son opposition aussi : idée du communisme. Toute la difficulté tient donc dans la façon dont Trump et ses semblables rendent chaque jour plus impossible de la rendre effective - au moment même où nous en avons le plus besoin.
En 1980, au sortir de la période la plus intensément politique de son oeuvre et de sa vie, Louis Althusser décide de rédiger un manuel de philosophie qui serait enfin accessible à tous, sans préparation. Initiation à la philosophie pour les non-philosophes en est le résultat. Mais bien loin d'être un simple ouvrage de vulgarisation ou d'introduction, c'est en réalité un véritable précipité des thèses les plus fondamentales de sa propre pensée qu'offre Althusser.
Entre cent autres considérations, nulle part ailleurs ne va-t-il aussi loin dans la distinction entre la philosophie et les autres pratiques ; nulle part non plus ne développe-t-il avec tant de détails le concept de "pratique" lui-même. Pourtant, parmi les nombreux apports cruciaux d'Althusser au "moment philosophique des années 1960", ce concept est peut-être celui qui a bénéficié du plus grand succès et été à la source du plus grand nombre de malentendus.
Moment de synthèse dans l'oeuvre d'Althusser, instantané d'une des plus influentes philosophies de la seconde moitié du XXe siècle, cette Initiation est donc aussi un manifeste pour la pensée à venir - une pensée dont le succès contemporains des enfants d'Althusser (de Rancière à Badiou, de Zizek à Balibar) manifeste assez la contemporanéité et l'urgence.
Toute l'expérience d'une vie se résume, chez proust, à celle de ses déceptions.
" toujours déçu comme je l'avais été en présence des lieux et des êtres, je sentais bien que la déception du voyage, la déception de l'amour, n'étaient pas des déceptions différentes ". d'oú vient une déception aussi généralisée ? pour répondre à cette question sont analysés la séparation de la conscience et du monde, le deuil du réel, les illusions de l'imaginaire, les contradictions du désir, et les horreurs de l'amour.