Dans les épreuves et les violences du monde contemporain. l'invivable est la pointe extrême de la souffrance, de l'injustice, et du soin qui peut et doit y répondre. Mais qu'est-ce qui est invivable ? Puisqu'il exige immédiatement une action et un soin, comment s'en prémunir et le réparer? Judith Butler critique les normes qui rendent des vies « précaires » et « invivables » (depuis Trouble dans le genre ), mais sans pour autant la lier à une philosophie de « la vie » ou du « soin ». Frédéric Worms, de son côté revendique un « vitalisme critique », pour lequel tout ce qui cause la mort relève de la vie, mais d'une manière différenciée selon les vivants, de sorte que « l'invivable » qui tue quelque chose en nous, reste littéralement vital et révèle la spécificité des vivants humains.
Mais tous les deux voient dans la différence entre le vivable et l'invivable le fondement critique pour une pratique contemporaine du soin. Pour l'un et pour l'autre, le soin complet rendra la vie humaine vivable, « plus que vivante ». Il faut s'appuyer pour cela sur les pratiques concrètes des humains confrontés à l'invivable, les réfugiés dans le monde contemporain, les témoins et les écrivains des violations du passé. Ce sont eux qui nous apprennent et nous transmettent ce qui dans l'invivable est insoutenable, mais aussi indubitable, et ce qui permet d'y résister.
Un dialogue transcrit et traduit d'une séance tenue à l'Ecole normale supérieure.
À partir de l'expérience de Mariette, sa grand-mère, et du portrait cinématographique réalisé par son frère, le réalisateur Christophe Reyners, Nathalie Zaccaï-Reyners, sociologue, entreprend un parcours réflexif sur les ressorts du soin apporté à nos aînés et les conditions de leur accueil en institution. S'appuyant sur différents travaux de sciences sociales et humaines, mais aussi de philosophie morale et politique, visitant des expériences extraordinaires et innovantes, discutant les fondements des politiques publiques de ces vingt dernières années, ce parcours interroge les conditions de possibilités d'un accueil souhaitable, tant pour les personnels engagés dans le soutien aux personnes âgées que pour le maintien d'un environnement vivant pour ces derniers comme pour leurs proches.
Depuis le printemps 2020, il nous a fallu tenir ensemble face à la pandémie. Cela a été l'occasion d'éprouver nos valeurs et nos priorités. Plutôt que faire la guerre au virus, soigner et prendre soin sont ressortis comme faisant partie des choses les plus « essentielles » dans nos vies individuelles et collectives. Pour autant, le soin, rudement mis à l'épreuve, n'a pas encore été suffisamment reconnu, pensé et revalorisé. A partir de ce constat, cet ouvrage issu d'expériences variées - y compris de patients - et mobilisant des disciplines différentes (médecine, sciences humaines et sociales, philosophie) éclaire ce à quoi nous tenons dans le soin à l'aune de cette épreuve collective.
Cet ouvrage explore la complexité et la richesse de l'événement de la naissance, la diversité des approches sociales et culturelles, la force des enjeux qui en découlent, qu'ils soient psychiques ou politiques. Comment se déroule une naissance, quels soins l'entourent, la précèdent, la prolongent, l'accompagnent ? Quels sont ceux et celles, parents, soignants, figures médicales ou symboliques, mythologiques ou magiques, qui participent à la naissance ou à la renaissance d'un individu ?
Autour du paradigme de la naissance, se croisent d'anciennes questions et de véritables défis contemporains autour de la conception et de la fabrication des enfants. Que nous apprennent ceux qui accueillent les nouveau-nés et secondent leurs parents, mais aussi ceux qui entendent dans la souffrance d'un adolescent ou d'un adulte la douleur d'une impossible naissance à soi ?
L'expérience de la maladie nous confronte aux limites du langage. Que peut-on dire de l'expérience de la maladie, de son accompagnement et de son soin ?
Fruit d'une journée d'étude consacrée aux récits de maladie, entre philosophie, littérature et médecine, cet ouvrage réunit des chercheurs, soignants et patients. Il s'agit ici de questionner le rapport au « dire » de la maladie, en croisant les savoirs et les expériences. Que peut-on dire de la maladie ? La maladie peut-elle-même se dire ? En partant des difficultés qui conditionnent l'accès à la parole dans la maladie, les récits qui s'en dégagent questionnent, en miroir, ce que la maladie fait au langage, et ce que la parole peut faire dans la traversée de la maladie.
Cet ouvrage cherche à retisser les liens unissant éthique et médecine, distendus par l'avènement de la bioéthique. Si cette nouvelle figure de la responsabilité éthique, à l'allure d'une déontologie défensive, assure une protection de la dignité des patients des risques de dérives, elle tend cependant à compromettre le primat de l'engagement moral du médecin face à l'appel à l'aide mobilisant un soin relationnel, nourri par un dialogue interhumain de confiance, sans lequel le fondement éthique de l'activité clinique serait dénué de tout point d'appui authentique.
Comment dès lors repenser une clinique portée par une éthique qui articule ces deux figures du soin irréductibles l'une à l'autre et pourtant indissociables dans la pratique de la médecine ? Pour relever ce défi, cet ouvrage, puisant aux sources des pensées de Paul Ricoeur et d'Emmanuel Lévinas, propose une philosophie du soin animée par une éthique de l'hospitalité et de la disponibilité, qui intègre ces deux figures paradoxales du soin en les articulant dans le cadre de l'exercice d'une sagesse pratique.
Alors que le monde est secoué par les effets dévastateurs d'une pandémie, la question du soin est plus que jamais au coeur des enjeux de notre société. Les auteurs et interlocuteurs de la collection " Questions de soin " prennent la parole et proposent ici leur contribution à cette réflexion, comme autant de jalons pour l'avenir. Au-delà de l'intervention, sur le moment, il faut en effet reprendre et s'appuyer sur le temps de la recherche, de la pratique, de l'enseignement à tous niveaux, du débat public sur le long terme, qui sera aussi celui de cet événement hors-normes
Cet ouvrage offre une nouvelle édition d'une conférence du psychanalyste anglais Donald Winnicott, intitulée « Cure » qui fut prononcée en 1970 devant des soignants dans une église, et la fait suivre de plusieurs lectures, pensées comme des conversations entre l'auteur et des philosophes, anthropologues, sociologues et médecins. Ces lectures mettent en évidence la richesse de cette conférence et l'importance de cette réflexion sur l'articulation de la dépendance et de la fiabilité, que ce soit dans le cadre d'une relation médicale ou dans la perspective d'une anthropologie philosophique. Comment repenser la dépendance et la vulnérabilité ? Qu'est-ce qu'offrir un cadre professionnel à la confiance ? C'est la posture du soignant, sa capacité à se mettre à la place de l'autre sans se laisser envahir par sa souffrance, mais sans non plus la nier, qui est ici très finement analysée. Dans ce bref texte, Winnicott fait pivoter toute sa pensée autour de la question du soin.
Le livre s'ouvre sur la transcription intégrale de témoignages recueillis auprès de soignants en première ligne durant la pandémie. Ils font étonnamment écho à la psychothérapie de l'avant pratiquée par de futurs analystes de la folie et des traumas mobilisés dans les hôpitaux militaires de la Première Guerre mondiale. La seconde partie du livre revient sur cette orientation de la psychanalyse largement ignorée en France, en explore les grands principes au fil d'une enquête sur ses traces dans l'histoire de la discipline, et surtout dans les histoires dont rend si bien compte la littérature. Freud abandonna cette approche pour y revenir à plusieurs reprises, affirmant l'existence d'un inconscient non refoulé, fait d'images sensorielles intenses s'imposant dans une temporalité au présent, et dont l'enjeu est « la vérité historique ». Cet inconscient dissocié et sa thérapie sont une constante dans le soin psychique de la folie et des traumas depuis l'Antiquité.
Les possibilités en matière de prédiction génétique, ouvertes par les technologies biomédicales, suscitent à la fois espoir et inquiétude. Elles soulèvent également d'importants enjeux subjectifs car elles interrogent profondément notre rapport à l'origine et notre conception du possible. François Ansermet s'appuie à la fois sur les questions cliniques sus citées par l'usage de la prédiction génétique et sur des références littéraires et mythologiques pour interroger les bouleversements produits et ouvrir une réflexion sur l'impact de ces avancées biotechnologiques.
Ce que révèle la clinique, c'est que l'origine peut sans cesse être rejouée dans les tourbillons du devenir. L'enfant ne cesse de s'inventer à travers ses propres réponses, singulières et ina ttendues. Entre le passé et le futur, la béance du présent offre à chaque sujet la possibilité d'un acte qui l'amène au-delà de ce qui avait été prédit.
L'enfant, par ses choix, résiste à ce qui le détermine : son devenir reste imprévisible.
Mais du mythe de l'oracle aux cas les plus contemporains de prédiction génétique, l'enfant à naître, dès lors qu'une société prétend le « prédire », nous oblige à une vigilance critique sur le statut des possibles aujourd'hui.
Dans un texte bref et essentiel prononcé et publié en 1992, Paul Ricoeur interrogeait l'expérience de la souffrance au coeur de l'existence humaine. Il en dépliait les horizons dans le rapport à soi et à l'autre, depuis la douleur corporelle jusqu'à la souffrance morale. Ce volume se propose de donner aujourd'hui à relire ce texte clé tant pour sa compréhension que pour une réflexion sur l'anthropologie philosophique et l'éthique du soin. Les contributions qui le suivent, chacune à leur manière, rebondissent sur les éléments d'analyse aujourd'hui particulièrement stimulants qui sont les siens, tout en les mettant en perspective avec certains enjeux très concrets du soin dans nos vies.
Pourrait-on endurer le pire, si l'on n'attendait le meilleur ? C'est l'interrogation qui relie ces quatre études et qui ont pour objet, respectivement, la douleur physique, la douleur morale, la douleur de vieillir et le rapport entre la douleur et l'art. Une telle attente ne sait pas ce qu'elle attend. Le plus souvent, elle s'ignore elle-même. Elle est non un sentiment particulier mais une forme universelle du temps humain. Cette forme, cependant, resterait vide, si l'on ne pouvait identifier plus précisément les contraires du pire. Ils ont ici pour noms parole, mémoire, musique et amour, envisagés comme des dimensions du soin dû à l'homme souffrant, et qui répondent diversement à son appel.
Les évolutions contemporaines de la médecine, technologiques ou managériales, numériques ou politiques, sapent les conditions d'une médecine authentiquement clinique : il importe alors d'en dégager les lignes de force qui ont traversé les âges, pour déterminer ce que nous voulons vraiment pour demain. Tel est le but de ce livre, qui repart de l'expérience fondamentale du clinicien : la consultation. De quoi est faite la consultation ? Quelle crise affronte le thérapeute, quelle réalité délimite son champ d'action ? Comment intègre-t-il le principe d'incertitude? Quelle est la tension entre la créativité de l'intelligence pratique et le refuge dans la standardisation ? Refusant la dichotomie stérile entre science et art, l'auteur décrit la clinique comme un ensemble de gestes et de paroles ajustés à une situation singulière, et élabore une conception de l'éthique comme tact. Le traitement du corps est indissociable de l'accueil de la parole, comme sont indissociables l'absence de garantie et la confiance, ainsi que l'autonomie du patient et la liberté du médecin. À Strasbourg, Jean-Christophe Weber dirige un service de médecine interne aux Hôpitaux Universitaires et est professeur à la Faculté de médecine. Il mène des recherches sur la pratique médicale au sein de l'Institut de recherches interdisciplinaires sur les sciences et la technologie (IRIST).
Sommaire Introduction Chapitre I - Tensions et violence de l'annonce de maladie 1 - La violence de l'annonce Une vie disloquée L'annonce à faire par le patient Parole et action Le silence de la douleur 2 - Une parole difficile L'angoisse d'avoir à dire Pauvreté du langage 3 - Un noeud de la relation médicale Chapitre II - Les écueils de l'annonce de la maladie 1 - L'annonce brutale 2 - L'annonce escamotée 3 - L'annonce ratée Chapitre III - Comment porter les difficultés de l'annonce ?
1 - L'origine éthique du langage 2 - Les conditions d'une parole juste Engagement Risque Courage Que dire ?
Peut-on mentir ?
3 - L'annonce comme engagement dans le temps de la relation 4 - Après l'annonce
Ce livre tente de faire sortir la question de l'autonomie du patient des contradictions stériles au sein desquelles elle se débat (doit-il être totalement libre de ses choix ou sous tutelle ?). Le vrai problème, comme sa solution, résident peut-être dans la conception de la norme. L'auteur propose l'hypothèse d'une potentialité "auto-normative" chez le patient, qui le rendrait susceptible de penser par lui-même sa norme de santé, en étroite collaboration avec le médecin.
Celle-ci implique une relation à la fois éthique et pédagogique avec le patient ; elle favorise un indéniable enrichissement mutuel. Par une succession de prises de conscience normatives, le patient peut parvenir à une revalorisation de sa vie avec la maladie, qui lui permettra éventuellement de découvrir une dimension éthique à son "épreuve de la maladie".
Depuis Claude Bernard jusqu'à la médecine fondée sur les preuves, quelle place la médecine scientifique fait-elle à la clinique et au soin du patient individuel ? De Freud à la prise en charge des vétérans souffrant de stress post-traumatique, en quoi le soin psychique permet-il de mieux comprendre la vie quotidienne avec la maladie et de questionner les critères du « bon soin » bien au-delà de la santé mentale ? De la compassion critiquée par Nietszche à la reconnaissance de la vulnérabilité et de l'interdépendance des sujets promue par les éthiques du care, quelles sont les valeurs fondatrices du soin ?
En quoi les savoirs médicaux, les relations sociales et les choix économiques les mettent-ils à l'épreuve, au point de faire basculer le soin en son envers fait de domination et d'exclusion ? De Franz Fanon à Joan Tronto, les approches contemporaines du soin offertes ici ancrent le questionnement éthique dans les analyses anthropologiques et politiques dont il a résolument besoin.
Cet ouvrage constitue le second volume des Classiques du soin (Puf, 2015).
Essais sur l'accompagnement des mourants, dans le contexte des soins palliatifs, à la lumière de l'approche de la mort par Jankélévitch.
Le corps, centre névralgique de notre vitalité, conditionne l'ensemble de notre vécu. De fait, qu'est-ce que la maladie, si ce n'est l'entrave de notre puissance d'agir, une atteinte directe à notre « corporéité » ? En parallèle de l'approche classique sur le traitement médical, l'ouvrage développe une nouvelle théorie, s'appuyant sur de nombreuses recherches scientifiques, autour des bienfaits de l'activité physique adaptée, afin de lutter contre les pathologies et les conséquences du vieillissement. Bien plus qu'une simple méthode pour réparer un « corps machine », l'activité physique adaptée permet de saisir la santé comme l'expérience d'un « corps vivant », à la fois individuelle et singulière. Ainsi par-delà ses vertus thérapeutiques, le programme d'APA offre aux patients la possibilité de retrouver le sentiment d'unité et de complétude, abîmé par la maladie.
« L'amour de Dieu et le malheur » (1942) de Simone Weil pose de manière tranchante la question du soin qui peut être apporté aux êtres humains dans le malheur, interrogeant la possibilité de l'amour qui se dessinerait néanmoins dans la plus profonde détresse alors même que le malheur semble interdire toute capacité à aimer encore, jusqu'à susciter le dégoût. Que peut encore le soin dans ces situations extrêmes ? Touche-t-il ici ses limites ? Encore faut-il apprendre à percevoir le malheur lui-même, qui sait si bien se rendre invisible et dont nous détournons volontiers le regard ; Simone Weil nous y enjoint. Prenant appui sur leur expérience propre, des médecins, philosophes, sociologues et écrivains proposent une réception du texte de Simone Weil à la coloration à chaque fois spécifique, participant à un approfondissement des questions les plus contemporaines et les plus urgentes pour penser le soin. C'est également un apport essentiel et pourtant peu connu de la pensée de Simone Weil qui est ici exploré.
Symboles par excellence d´une médecine qui sauve des vies, les unités hospitalières de réanimation et de soins intensifs portent également à leur paroxysme le danger d´une déshumanisation des soins. Dans l´imaginaire collectif, cette médecine démiurge apparaît sous un double visage : elle redonne la vie, mais est aussi le possible lieu de l´acharnement thérapeutique, de pratiques froides et impersonnelles. Les patients se retrouvent dépendants de machines, observés et soumis à des procédures multiples, objets de soins dont la finalité avouée est la prise de contrôle de l´organisme. Ici plus qu´ailleurs, l´opposition entre technique et relation apparaît éclatante. Pourtant, à regarder de plus près le travail d´une unité de soins intensifs, les choses ne sont pas si simples. Cet ouvrage nous invite à réinterroger les liens entre technique et relation dans les pratiques soignantes.
Analyse des enjeux politiques du soin, de chacune de ses dimensions. Le soin n'est pas le seul secours, il est nécessaire de prendre en compte ses différents aspects et de montrer qu'il existe pour chacun d'eux une tâche politique précise.