Oeuvre fondatrice du genre fantastique, Le Diable amoureux n'avait pas encore connu d'édition critique en France. Pourtant, les publications du vivant de l'auteur présentaient de sensibles différences, importantes aussi bien sur un plan stylistique que pour l'interprétation du récit. Ce fait rendait à la fois nécessaire et intéressante la mise au net d'un texte fiable jusque dans ses détails (ainsi dans sa ponctuation, qui pouvait être source de mauvaises lectures) et accompagné de toutes ses variantes significatives. L'édition proposée ici s'est donc avant tout attachée à offrir la présentation textuelle la plus apte à favoriser l'approche du lecteur. En dehors de tout commentaire interprétatif, l'apparat critique accompagnant l'oeuvre dans sa fidèle littéralité se déploie sur trois niveaux, de façon à distinguer nettement les variantes textuelles, les termes du glossaire (plus nombreux qu'on ne l'imagine) dont le sens appelle une précision et les notes explicatives (histoire, géographie, moeurs, allusions littéraires...). L'ambition de cet établissement novateur d'un texte classique est donc de fournir l'ensemble des éléments utiles à sa compréhension, fonction essentielle de toute édition critique.
Le premier roman de Gautier, Mademoiselle de Maupin, paraît à la fin de l'année 1835. Auréolé d'une réputation qui sent le soufre, accompagné d'une préface qui scandalise (et qui est restée aussi célèbre que celle de Cromwell ou celle de Pierre er Jean), il fascine et dérange. Il constitue, selon Baudelaire, un « véritable événement ». Les romantiques, les néo-classiques puis les défenseurs de l'art pour l'art le revendiquent tour à tour et, si l'on juge à sa nombreuse postérité fin de siècle, la Décadence aussi, qui y puise largement et en fait l'une des Bibles. Gautier ne s'intéresse que de très loin à la vie tumultueuse de la cantatrice qui lui a servi d'inspiration, Julie d'Aubigny, la véritable Mademoiselle Maupin (1670-1707), contrairement à ce que le titre laisse attendre. Son roman ne s'enferme dans aucun genre et bouscule joyeusement les catégories, en empruntant au roman par lettres, au poème lyrique aussi bien qu'au théâtre. Régi par une esthétique de la fantaisie, il privilégie les détours, l'arabesque, la confrontation des contraires, la sinuosité de la ligne et érige la féerie en modèle. L'histoire de la vraie Maupin n'est en fait qu'un point de départ, voire un prétexte : Gautier soulève avec Mademoiselle de Maupin des questions qui passionnent son temps, comme celles de l'identité du Poète, de sa place dans le monde, de son rapport à la création. Il y répond, en recourant au langage des mythes (celui de l'androgyne d'abord, mais aussi ceux de Pygmalion, de Narcisse et d'Ixion) et en prenant appui sur tout un ensemble de références, littéraires et picturales, extrêmement cohérent, avec une acuité, une finesse et une lucidité rarement égalée. Mademoiselle de Maupin peut être lu, à cet égard, comme un des premiers grands romans de l'artiste que le XIXe siècle a produits.
Ce volume contient les oeuvres suivantes : Le Jugement de Renart - Le Siège de Maupertuis - Renart teinturier. Renart jongleur - Le Duel judiciaire - La Confession de Renart - Le Pèlerinage de Renart - Le Puits - Le Jambon enlevé. Renart et le grillon - L'Escondit - Les Vêpres de Tibert - Chantecler, Mésange et Tibert - Tibert et l'andouille - Tibert et les deux prêtres - Tiécelin. Le Viol d'Hersent - Renart et les anguilles - Pinçart le héron - Renart et Liétard - Renart et Primaut - Renart et Primaut - Renart le Noir - Renart médecin - Renart empereur - Le Partage des proies - La Mort de Renart. Les autres branches du «Roman de Renart» : La Mort de Renart (fin) - Isengrin et le prêtre Martin - Isengrin et la jument - Isengrin et les deux béliers - La Monstrance du cul - Comment Renart parfit le con - Renart magicien - Les Enfances de Renart - L'Andouille jouée au morpion. Autres écrits renardiens : Du noble lion ou La Compagnie de Renart - Philippe de Novare : Mémoires (extrait) - Récits d'un ménestrel de Reims : Exemple d'Isengrin et de la chèvre - Rutebeuf : Renart le bestourné. Sur Brichemer - Le Couronnement de Renart (vers 1675-2794) - Jean de Condé : Dit d'Entendement (vers 762-1075) - Dit de la queue de Renart. Édition publiée sous la direction d'Armand Strubel avec la collaboration de Roger Bellon, Dominique Boutet et Sylvie Lefèvre. Édition bilingue.
Chantefable du XIIIe siècle. Deuxième édition revue et complétée.
Ces oeuvres médiévales rassemblées constituent le prologue des trois plus anciennes épopées de la croisade.
La première édition bilingue de ce diptyque.
Les Enfants-Cygnes et La Chanson du Chevalier au cygne visent à glorifier la famille Boulogne-Bouillon en lui attribuant un aïeul mythique, parangon d'une chevalerie christique, digne du héros de la première croisade, Godefroy, " l'avoué du Saint-Sépulcre ".
Si le poète des Enfants-Cygnes rédige un conte courtois dont les éléments merveilleux sont rationalisés et christianisés, l'auteur de La Chanson du Chevalier au cygne offre une chanson de geste classique mais il l'enrichit de traits féeriques et d'aspects romanesques.
La première édition bilingue de ce diptyque retranscrit et traduit le texte du manuscrit BnF fr. 12558.
Dans notre mémoire littéraire, l'apparition des lais narratifs bretons a fait deux fois événement : pour les auditeurs du XIIe siècle, qui en ont fait un succès littéraire - déterminant ainsi la constitution d'un genre qui a fait école - mais aussi pour nous, lecteurs contemporains, qui n'avons cessé, depuis leur découverte, de les éditer, de les traduire, d'en commenter l'énigmatique attrait.
En proposant de lire côte à côte les lais de Marie de France et plusieurs lais anonymes, le présent volume voudrait faire apparaître la cohérence d'un corpus constitué sur plusieurs décennies. Choisis pour la richesse des résonances qu'ils offrent avec les lais de Marie, les cinq lais anonymes ici présentés bénéficient d'une édition et d'une traduction nouvelles. Les lais de Marie de France ont été traduits d'après l'édition de Jean Rychner, entièrement revue.
Édition bilingue établie, traduite, présentée, annotée et revue par Nathalie Koble et Mireille Séguy, 2018.
Le Chevalier au lion est l'un des romans les plus aboutis, les plus captivants et les plus attachants de Chrétien de Troyes. Sa structure savamment élaborée, sa fine analyse du coeur humain et de ses paradoxes, la quête qu'il propose d'un idéal chevaleresque nouveau, généreux et désintéressé, incarné par le lion que le titre unit au héros, confèrent à ce récit le statut de chef-d'oeuvre de la littérature médiévale.
L'édition de ce roman à partir du manuscrit 794 de la BnF rend hommage aux mérites de la copie réalisée par le scribe Guiot confrontée systématiquement à l'ensemble de la tradition manuscrite.
Ce recueil se destine à tous ceux qui douteraient que l'érotisme ait pu exister dans la littérature médiévale. Des textes du XIIe au XVe siècle empruntés à des genres variés révèlent la manière dont s'expriment le désir et le plaisir sexuel au Moyen Âge, des premiers troubles sensuels aux voluptés charnelles les plus transgressives, de la fin amor à la luxure assumée. Ces oeuvres revendiquent la légitimité de la vie sexuelle, l'accès à la jouissance et l'intellectualisation de la sensualité. Elles présentent un large éventail de positions et de pratiques qui secouent le cadre conventionnel de la relation hétérosexuelle. Elles exposent les besoins primordiaux du corps libéré des entraves morales, religieuses ou sociales cherchant à maîtriser ou refouler ses pulsions, et le transforment en univers à explorer et à exprimer. Elles permettent de découvrir le rapport qu'entretenaient les hommes et les femmes de l'époque avec leur part charnelle, elles nous donnent accès à leurs fantasmes dans toute leur richesse et leur complexité. En matière de caresses, de comportements, de projections fantasmées, de représentations suggestives ou de sublimation par le langage et par l'art, le raffinement de l'imaginaire médiéval n'a guère à envier aux siècles ultérieurs. Chantant la vie et la vérité des corps, il ne peut laisser personne indifférent.
Dans la longue histoire de la fable, d'Ésope et Phèdre à La Fontaine, le Romulus de Nilant occupe une place unique. Probablement composé pour les écoles de la Renaissance carolingienne, ce recueil de fables latines est le meilleur représentant d'une tradition qui servit de socle à l'éducation pendant tout le Moyen Age. Son auteur s'est inspiré des récits frustes qui subsistaient à la fin de l'Antiquité pour composer un recueil dans une langue aussi classique qu'élégante. Son but : fournir à ses élèves un manuel de latin mais également d'initiation à la rhétorique.
Sous sa plume sont rassemblés aussi bien des classiques du genre comme Le corbeau et le renard que d'autres apologues tout aussi connus, qu'ils traitent de politique, fassent l'éloge de la liberté ou prennent des formes incongrues (L'homme enceint). Sa réussite se mesure à son influence : le Romulus de Nilant a été lui-même maintes fois imité et a notamment servi à la première mise en français du genre dans les Fables de Marie de France.
Un siècle après l'Arcadia de Sannazar (1504), L'Astrée marque l'achèvement de la conquête de l'antique fable pastorale par les littératures européennes en langues vulgaires : paru entre 1607 et 1628, le roman d'Honoré d'Urfé est le dernier des grands chefs-d'oeuvre nourris de la veine des histoires de bergers. Mais la narration des amours d'Astrée et Céladon dans la Gaule du Ve siècle inaugure aussi une nouvelle époque de la littérature française. Premier des grands récits publiés au moment où la France répare les plaies nées des guerres de Religion, l'oeuvre est très vite apparue comme une étape décisive dans l'art du roman, en même temps que, par sa philosophie de « l'honnête amitié », elle s'est imposée à ses lecteurs comme une référence commune, offrant ainsi la mémoire littéraire des manières de sentir et d'aimer de l'âge classique.
Le présent volume livre le texte de la troisième des cinq parties de L'Astrée, précédé d'une introduction qui en dégage la couleur propre : tandis que Céladon, sous un travestissement féminin, goûte un bonheur fragile auprès d'Astrée, dans les cours princières l'Amour apparaît plus que jamais menacé par le Pouvoir, et le monde arcadien des bergers est précipité dans le temps de l'Histoire.
Parti à la recherche de la cour du Roi Pêcheur, où il a vu le Graal et la lance qui saigne, Perceval est entraîné dans une quête parallèle par une demoiselle qui exige la tête d'un Blanc Cerf en échange de son amour. Après bien des détours du côté de la féerie, Perceval retrouve le Château du Graal, où se pose la question d'une autre continuation du roman. Cette édition bilingue de la Deuxième Continuation du Conte du Graal donne accès à une nouvelle édition, accompagnée de sa traduction en français moderne, mais également aux passages les plus substantiels d'un manuscrit où ce texte était copié de manière indépendante. Il peut ainsi être lu aujourd'hui, comme il l'a été au Moyen Âge, avec ou sans le texte qu'il promettait de continuer.
Dans L'Âtre périlleux, roman arthurien en vers du milieu du XIIIe siècle, le héros, Gauvain, est victime d'une méprise : l'annonce de sa mort violente le contraint à partir à la recherche de ses présumés assassins et à faire taire la fausse rumeur de sa disparition pour tenter de reconquérir son identité. Ce faisant, il est confronté à un foisonnement d'aventures au fil desquelles l'auteur, en réinventant et reconstruisant le célèbre personnage, ne cesse de bousculer le confort de son lecteur, de le tromper, de l'égarer dans un véritable labyrinthe narratif dont le périlleux cimetière constitue une mystérieuse entrée.
Le présent volume offre une nouvelle édition du Livre du duc des vrais amants de Christine de Pizan, accompagnée de la première traduction de l'oeuvre en français moderne.
Entre 1403 et 1405, après de nombreuses oeuvres lyriques et narratives consacrées à l'amour, et à une époque où elle s'adonne plutôt à des ouvrages politiques et moraux, Christine se fait l'interprète d'un jeune duc dont elle relate l'éducation sentimentale, telle qu'il la lui a contée. S'agit-il, sous couvert d'une oeuvre de commande, de se faire le relais d'un langage courtois, essentiellement masculin ? L'oeuvre marque ses distances par rapport à la tradition et aux clichés du dit amoureux. Elle prend la forme d'un récit polyphonique entremêlant vers et prose, clos par un recueil lyrique. Au travers de lettres et de poèmes, Christine fait entendre également les voix féminines, et souvent discordantes, de la dame et de sa gouvernante, Sibylle de la Tour. Aussi peut-on lire la dernière fiction romanesque de l'auteur, dans le prolongement du débat sur Le Roman de la Rose auquel Christine prit part au tournant du XVe siècle, comme une nouvelle pièce à charge à verser au dossier des illusions de l'amour.
Composé au début du XIIIe siècle, Merlin est une oeuvre pionnière. Premier roman en prose de la littérature française, il est aussi le premier à rapprocher le héros de la figure de l'auteur et à concevoir le récit à la fois comme une entité autonome et comme le point central de cycles romanesques plus vastes consacrés au Graal. Il donne à la chevalerie bretonne une mission nouvelle, la quête de ce vase sacré, symbole de rédemption. Il innove également en proposant une lecture cohérente et signifiante du personnage de Merlin, fils du diable sauvé par Dieu, puissant devin et magicien, conseiller des princes et prophète du Graal. Parmi la cinquantaine de manuscrits conservant ce texte et attestant de son succès à l'époque médiévale, le ms. A'-BnF 24394 était resté inédit jusqu'à présent. Éditée et traduite ici pour la première fois, cette copie remarquable permet de mieux mesurer les multiples richesses recélées par ce roman fondateur.
Composé vers 1170, le Tristan de Thomas remodèle en profondeur une tradition déjà solidement constituée.
Aux péripéties héroïques et amoureuses, l'écrivain préfère l'exploration minutieuse du désordre amoureux. D'un fragment à l'autre s'approfondissent la pitié, l'incompréhension et la peur qu'inspirent au moraliste la passion, ses tourments et ses pièges, et l'impossible maîtrise, au coeur de l'homme, des forces du désir.
Le scénario des deux Folies se fonde sur une mémoire du texte tristanien dont le héros lui-même met en scène les moments clés.
Mais peut-on impunément plier le langage au jeu dérisoire de la folie ? Tristan échoue à se faire reconnaître d'Yseut : l'instinct du chien est plus efficace que l'amour de la femme. Autre manière de dire l'impuissance du langage à révéler la vérité de l'être ?
Dans le corpus des contes à rire, les fabliaux qui mettent en scène des protagonistes de naissance noble méritent d'être étudiés séparément : le jongleur devait en effet faire rire un auditoire de cour - qui le rétribuait -, en malmenant parfois les héros bien nés et certaines conventions courtoises.
Il s'en tirait sans mal si le rire pouvait éclater aux dépens d'un prêtre cupide (Le Prêtre et le Chevalier), d'un paysan anobli (Bérengerau long Cul, d'un bourgeois (le Fouteur), d'une dame autoritaire et acariâtre (La Mégère émasculée). Tous les acteurs d'un petit drame courtois peuvent même échapper au ridicule (Guillaume au Faucon), et le comique vient alors de l'habileté avec laquelle un jeu de mots grivois permet de dénouer l'intrigue...
Jean-Luc Leclanche a procuré une édition avec traduction de ces textes alertes, peu connus, rarement édités, dont certains n'avaient jamais été traduits.
Il a joint, à titre documentaire, deux textes brefs qui ne sont pas des fabliaux mais qui peuvent aider à comprendre le rire courtois : Les Putains et les jongleurs, et le Lai du Libertin.
Le Couronnement de Louis, composé entre 1131 et 1150, est la plus ancienne chanson de geste appartenant au Cycle de Guillaume d'Orange. Fondée en partie sur des données historiques mêlant des souvenirs carolingiens à des réalités et des rêves capétiens, cette oeuvre est un chastoiement politique, illustré par un guerrier exemplaire qui lutte obstinément contre les Sarrasins et les factieux, et défend, avec loyauté et abnégation, la Chrétienté et la monarchie héréditaire de droit divin, dont il garantit le principe, quelle que soit la personnalité du roi, aussi pusillanime soit-il.
Le poète possède le souffle épique mais il sait l'entrecouper par moments de répliques vives ou amusantes et de traits humoristiques ou burlesques. Le message convaincra d'autant plus l'auditoire chevaleresque que la chanson ne se borne pas à reprendre les techniques, les thèmes et les topiques traditionnels, mais innove en variant les tonalités et les scènes majestueuses ou légères. C'est la principale réussite du Couronnement de Louis qui ne manque pas de panache.
Cette première édition bilingue retranscrit et traduit le texte du manuscrit BnF fr. 1449, amendé seulement en cas de nécessité.
Composée en Angleterre à la fin du XIIe siècle, la chanson de Beuve de Hamptone raconte les tribulations d'un jeune héros orphelin vendu à un roi sarrasin par une mère dénaturée, et qui, à force d'exploits et de conquêtes, après avoir vengé le meurtre de son père et être rentré en possession de ses biens héréditaires, parvient à épouser une fille de roi et devient finalement roi lui-même d'un pays païen dont il a converti la population à la foi chrétienne. C'est l'un des plus anciens exemples de ces récits d'aventures échevelées, d'inspiration largement romanesque et folklorique, qui caractériseront les chansons de geste tardives. Cette histoire a connu un succès considérable, puisque, entre le XIIIe et le XVIe siècle, on en trouve au moins trois remaniements épiques et deux mises en prose en français continental, et des adaptations en vers comme en prose en moyen anglais, gallois, irlandais, norrois, néerlandais, italien, yiddish et même russe. C'est aussi un document de premier ordre pour l'étude du français tel qu'il était pratiqué à cette époque en Angleterre.
La présente édition, entièrement nouvelle, fournit en outre la première traduction de cette chanson en français moderne.
Un siècle après l'Arcadia de Sannazar (1504), L'Astrée marque l'achèvement de la conquête de l'antique fable pastorale par les littératures européennes en langues vulgaires : paru entre 1607 et 1628, le roman d'Honoré d'Urfé est le dernier des grands chefs-d'oeuvre nourris de la veine des histoires de bergers. Mais la narration des amours de Céladon et Astrée dans la Gaule du Ve siècle inaugure aussi une nouvelle époque de la littérature française. Premier des grands récits publiés au moment où la France répare les plaies nées des guerres de Religion, l'oeuvre est très vite apparue comme une étape décisive dans l'art du roman, en même temps que, par sa philosophie de « l'honnête amitié », elle s'est imposée à ses lecteurs comme une référence commune, offrant ainsi la mémoire littéraire des manières de sentir et d'aimer de l'âge classique. Le présent volume livre le texte de la deuxième des cinq parties de L'Astrée, précédé d'une introduction qui en dégage la tonalité originale : le monde de la pastorale s'enrichit ici d'une nouvelle matière historique, élargie aux dimensions de l'Empire romain finissant.
La chanson d'Aspremont, composée vers 1190 dans l'entourage de la cour de Messine est liée aux préparatifs de la troisième croisade. À travers le récit d'une lutte menée par Charlemagne et Girard de Vienne ou de Fraite contre une invasion sarrasine conduite jusqu'en Calabre par Agoulant et Eaumont, elle prône l'union de toutes les forces chrétiennes contre l'ennemi de la foi. Mais ce texte de propagande pour la croisade est aussi un récit original, oeuvre d'un poète féru de littérature épique : la Chanson de Roland, mais aussi les épopées des barons rebelles (Girart de Roussillon ou son modèle) et celles de la croisade (Antioche, Jérusalem) l'ont marqué sans le conduire à des imitations serviles. Le récit des enfances de Roland, la composition de certains personnages comme celui de Girard ou du païen Eaumont, montrent son habileté dans l'art de la transposition. Il était donc légitime de reprendre, plus de quatre-vingts ans après Louis Brandin, et d'après un manuscrit différent (BNF fr. 25529), l'édition de cette "chançon vaillant" et de l'accompagner d'une traduction.
Huon le Roi accumule au long de son oeuvre les signes qui rattachent Le Vair Palefroi au lai et qui sont des embrayeurs du merveilleux. Mais dans ce texte qui ne comporte pas de personnages ni danimaux merveilleux, ni non plus de châteaux périlleux, ni de chapelle aux cercueils, on assiste à une rationalisation constante et appuyée des événements. De bout en bout, lauteur explique rationnellement laventure. Il témoigne de lesprit nouveau qui sépanouit dans le Roman de la Rose de Jean de Meun, et qui, se proposant délargir le champ de la causalité naturelle, donne la priorité aux causes secondes pour les choses de la nature. Ce qui fait lintérêt du Vair Palefroi, cest non seulement que Huon le Roi écrit un plaidoyer en faveur des jeunes chevaliers aux dépens des vieux seigneurs, mais aussi quil prend le contre-pied des évidences courtoises dont il renouvelle les clichés « dans une inversion piquante et savamment ménagée» (Marie-Luce Chênerie) : la prouesse, qui nenrichit guère, ne suffit pas à conquérir la femme ; la vie aventureuse de Guillaume et son absence permettent à son oncle félon de perpétrer sa trahison ; laction se dénoue favorablement non pas par la quête et le courage du chevalier, mais par lerrance de la jeune fille désespérée, qui se laisse porter par le vair palefroi, et dont la faiblesse est compensée par laide de Dieu, qui prend parti, comme Huon le Roi, pour la jeunesse, lamour et la générosité.
Thibaut IV, comte de Champagne et de Brie et roi de Navarre, dit « Thibaut le chansonnier », compte parmi les trouvères les plus originaux et les plus prolifiques. Célébré par Dante, ce poète et mélodiste de talent s'avère un maître avisé de tous les genres lyriques pratiqués à son époque. Remarquable pour son interprétation de la mythologie et du bestiaire antiques, ce grand prince et héros de croisade est aussi un pionnier de la chanson mariale, et transforme de quelques habiles retouches la dame lyrique en Dame céleste. Cette nouvelle édition, la première depuis celle préparée par Axel Wallensköld voilà bientôt cent ans, présente non seulement tous les poèmes accompagnés de leur mélodie, mais note également les variantes des mélodies concordantes ainsi que les mélodies isolées. Les traductions en français moderne sont agrémentées de notes complétant le glossaire. Le recueil que nous présentons reflète ainsi le fruit de décennies de travaux philologiques et musicologiques.
Édition bilingue établie, traduite, présentée et annotée par Christophe Callahan, Marie-Geneviève Grossel et Daniel E. O'Sullivan.