Edition bilingue, établie, traduite, présentée et annotée par Jean Dufournet, Laurence Harf-Lancner, Marie-Thérèse Medeiros et Jean Subrenat Il n'existe pas un mais des Romans de Renart, plusieurs collections, plusieurs anthologies d'histoires, de « branches » conservées par des manuscrits différents dont chacun présente son Roman de Renart. On trouvera ici le texte du manuscrit de Cangé (B), précédemment édité par Mario Roques. Ses vingt branches offrent les principales étapes de la carrière de Renart, de sa naissance (branche III, Les enfances de Renart) à son apothéose impériale (branche XX, Renart empereur). Tout se passe comme si les auteurs avaient voulu faire un bouquet flamboyant de tous les types de mésaventures agréables ou malheureuses de Renart jusqu'à ce qu'il obtienne une place de choix, probablement définitive, à la cour.
Le plus remarquable est la cohérence littéraire et idéologique de cette oeuvre construite en plusieurs décennies par des auteurs divers, conscients de leur participation à une oeuvre collective.
Le Chevalier au lion est l'un des romans les plus aboutis, les plus captivants et les plus attachants de Chrétien de Troyes. Sa structure savamment élaborée, sa fine analyse du coeur humain et de ses paradoxes, la quête qu'il propose d'un idéal chevaleresque nouveau, généreux et désintéressé, incarné par le lion que le titre unit au héros, confèrent à ce récit le statut de chef-d'oeuvre de la littérature médiévale.
L'édition de ce roman à partir du manuscrit 794 de la BnF rend hommage aux mérites de la copie réalisée par le scribe Guiot confrontée systématiquement à l'ensemble de la tradition manuscrite.
Composé au début du XIIIe siècle, Merlin est une oeuvre pionnière. Premier roman en prose de la littérature française, il est aussi le premier à rapprocher le héros de la figure de l'auteur et à concevoir le récit à la fois comme une entité autonome et comme le point central de cycles romanesques plus vastes consacrés au Graal. Il donne à la chevalerie bretonne une mission nouvelle, la quête de ce vase sacré, symbole de rédemption. Il innove également en proposant une lecture cohérente et signifiante du personnage de Merlin, fils du diable sauvé par Dieu, puissant devin et magicien, conseiller des princes et prophète du Graal. Parmi la cinquantaine de manuscrits conservant ce texte et attestant de son succès à l'époque médiévale, le ms. A'-BnF 24394 était resté inédit jusqu'à présent. Éditée et traduite ici pour la première fois, cette copie remarquable permet de mieux mesurer les multiples richesses recélées par ce roman fondateur.
Le présent volume offre une nouvelle édition du Livre du duc des vrais amants de Christine de Pizan, accompagnée de la première traduction de l'oeuvre en français moderne.
Entre 1403 et 1405, après de nombreuses oeuvres lyriques et narratives consacrées à l'amour, et à une époque où elle s'adonne plutôt à des ouvrages politiques et moraux, Christine se fait l'interprète d'un jeune duc dont elle relate l'éducation sentimentale, telle qu'il la lui a contée. S'agit-il, sous couvert d'une oeuvre de commande, de se faire le relais d'un langage courtois, essentiellement masculin ? L'oeuvre marque ses distances par rapport à la tradition et aux clichés du dit amoureux. Elle prend la forme d'un récit polyphonique entremêlant vers et prose, clos par un recueil lyrique. Au travers de lettres et de poèmes, Christine fait entendre également les voix féminines, et souvent discordantes, de la dame et de sa gouvernante, Sibylle de la Tour. Aussi peut-on lire la dernière fiction romanesque de l'auteur, dans le prolongement du débat sur Le Roman de la Rose auquel Christine prit part au tournant du XVe siècle, comme une nouvelle pièce à charge à verser au dossier des illusions de l'amour.
Huon le Roi accumule au long de son oeuvre les signes qui rattachent Le Vair Palefroi au lai et qui sont des embrayeurs du merveilleux. Mais dans ce texte qui ne comporte pas de personnages ni danimaux merveilleux, ni non plus de châteaux périlleux, ni de chapelle aux cercueils, on assiste à une rationalisation constante et appuyée des événements. De bout en bout, lauteur explique rationnellement laventure. Il témoigne de lesprit nouveau qui sépanouit dans le Roman de la Rose de Jean de Meun, et qui, se proposant délargir le champ de la causalité naturelle, donne la priorité aux causes secondes pour les choses de la nature. Ce qui fait lintérêt du Vair Palefroi, cest non seulement que Huon le Roi écrit un plaidoyer en faveur des jeunes chevaliers aux dépens des vieux seigneurs, mais aussi quil prend le contre-pied des évidences courtoises dont il renouvelle les clichés « dans une inversion piquante et savamment ménagée» (Marie-Luce Chênerie) : la prouesse, qui nenrichit guère, ne suffit pas à conquérir la femme ; la vie aventureuse de Guillaume et son absence permettent à son oncle félon de perpétrer sa trahison ; laction se dénoue favorablement non pas par la quête et le courage du chevalier, mais par lerrance de la jeune fille désespérée, qui se laisse porter par le vair palefroi, et dont la faiblesse est compensée par laide de Dieu, qui prend parti, comme Huon le Roi, pour la jeunesse, lamour et la générosité.
Thibaut IV, comte de Champagne et de Brie et roi de Navarre, dit « Thibaut le chansonnier », compte parmi les trouvères les plus originaux et les plus prolifiques. Célébré par Dante, ce poète et mélodiste de talent s'avère un maître avisé de tous les genres lyriques pratiqués à son époque. Remarquable pour son interprétation de la mythologie et du bestiaire antiques, ce grand prince et héros de croisade est aussi un pionnier de la chanson mariale, et transforme de quelques habiles retouches la dame lyrique en Dame céleste. Cette nouvelle édition, la première depuis celle préparée par Axel Wallensköld voilà bientôt cent ans, présente non seulement tous les poèmes accompagnés de leur mélodie, mais note également les variantes des mélodies concordantes ainsi que les mélodies isolées. Les traductions en français moderne sont agrémentées de notes complétant le glossaire. Le recueil que nous présentons reflète ainsi le fruit de décennies de travaux philologiques et musicologiques.
Édition bilingue établie, traduite, présentée et annotée par Christophe Callahan, Marie-Geneviève Grossel et Daniel E. O'Sullivan.
Un enfant orphelin de père recueilli puis élevé par la fée Morgane en Sicile, la conquête de la fille de l'empereur byzantin par un chevalier chrétien, un amour réciproque entre deux jeunes coeurs d'égale valeur, tels sont les ingrédients essentiels du roman arthurien en vers Floriant et Florete.
Si l'on ajoute à cela une princesse tueuse de dragon et les chevaliers de la Table Ronde surgissant devant Palerme, l'on tient quelques-unes des composantes de ce roman écrit, sans doute, pendant le dernier tiers du XIIIe siècle. Face à cette débauche de péripéties, l'on peut s'étonner que cette oeuvre, qui recycle si habilement une tradition romanesque déjà plus que centenaire, n'ait pas attiré davantage les lecteurs.
Le présent livre fournit le texte de Floriant et Florete, accompagné de sa traduction en français moderne. Une introduction littéraire et linguistique, un glossaire et un index des noms propres, ainsi que de nombreuses notes éclairant le texte imprimé offrent tous les éléments nécessaires pour découvrir et comprendre cette oeuvre méconnue. De la production littéraire du Moyen Age français, le lecteur moderne ne connaît guère que quelques noms et quelques oeuvres, la plupart justement célèbres.
Le pari de cette nouvelle collection est de leur donner une plus large diffusion en proposant des éditions remises à jour, assorties de traductions originales et de tout ce qui peut en faciliter la compréhension. Mais il a paru tout aussi important d'associer à ces valeurs établies des oeuvres moins connues, souvent peu accessibles, capables cependant de susciter à leur tour le plaisir de la découverte.
Robert de Clari a t amen crer une nouvelle forme de chronique, aux antipodes de celle de Villehardouin qui est un texte " press ", fortement li, allant droit au but sans digressions ni excroissances.
Sur la trame d'une chronique, celle de la Quatrime Croisade, qui relve elle-mme, bien des points de vue, de la merveille et du miracle, Robert de Clari a greff un recueil de mirabilia et de memorabilia, de choses merveilleuses qu'il convient de rapporter, explorant toutes les formes du surnaturel (merveilleux, miraculeux et magique), en sorte que son rcit clat est le moins unifi, cause de son got prononc pour l'anecdote et la digression.
Si Villehardouin s'impose nous par sa forte personnalit, son action constante la tte de la Quatrime Croisade comme ambassadeur, ngociateur, conseiller et capitaine, et le rle important qu'il y joua, Clari, qui se fond dans la masse, est un bon chantillon de la petite chevalerie des XIIe et XIIIe sicles, qui nous permet de pntrer au coeur du Moyen ge et nous procure de prcieux renseignements grce auxquels nous pouvons mieux apprcier les divergences qui opposrent les croiss.
Composé au début du XIIIe siècle, Robert le Diable retrace le parcours exemplaire d'un héros qui, né des oeuvres du diable, s'illustre d'abord par les pires atrocités puis, apprenant le secret de sa naissance, accomplit une pénitence l'obligeant à feindre la folie, la mutité et l'animalité, jusqu'à sa réhabilitation finale, permise par ses exploits guerriers, et à sa mort, auréolée de sainteté. Le récit repose sur une écriture syncrétique, où l'auteur revisite les stéréotypes romanesques, féeriques,
épiques et hagiographiques, dans une fiction mêlée d'allusions à l'histoire et aux débats scientifiques ou théologiques de l'époque. Si le personnage de Robert le Diable a jamais existé, comme tendent à le prouver les nombreux candidats au titre, c'est surtout dans une filiation littéraire, qui l'apparente aux plus célèbres héros des XIIe et XIIIe siècles et qui fait de lui le support de l'imaginaire collectif.
De la production littéraire du Moyen Âge français, le lecteur moderne ne connaît guère que quelques noms et quelques oeuvres, la plupart justement célèbres. Le pari de cette nouvelle collection est de leur donner une plus large diffusion en proposant des éditions remises à jour, assorties de traductions originales et de tout ce qui peut en faciliter la compréhension. Mais il a paru tout aussi important d'associer à ces valeurs établies des oeuvres moins connues, souvent peu accessibles, capables cependant de susciter à leur tour le plaisir de la découverte.
Cette édition bilingue de la Prise d'Orange se fonde sur l'un des meilleurs manuscrits, A2, Paris, BNF fr. 1449 qui n'avait jamais encore été publié dans son intégralité. Appartenant au Cycle de Garin de Monglane, la Prise d'Orange, chanson de geste composée à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe siècle, est une oeuvre pour le moins paradoxale. Il était en effet naturel de penser que Guillaume, qui fut jusqu'alors un vaillant guerrier au service du roi et de Dieu, s'illustrerait encore davantage pour conquérir la ville d'Orange et le coeur d'Orable. Or il n'en est rien. Guillaume Fierebrace se métamorphose en Guillaume l'Amïable, un amoureux plaintif et passif, qui s'empare de la cité sarrasine et épouse la reine Orable-Guibourc, sans accomplir d'exploit héroïque. Et cette transformation entraîne des changements de perspective et d'esthétique.
Placée dans la continuité narrative du Couronnement de Louis et du Charroi de Nîmes, la Prise d'Orange s'en détache en partie par sa tonalité courtoise, sa grâce orientale et son écriture parodique. En s'inspirant de la poésie lyrique et du roman, l'auteur malicieux joue avec les habitudes du public et les stéréotypes du genre. Il se plaît à "bestourner" les personnages, les poncifs et les clichés de la tradition épique. Même si cette transposition ludique reste mesurée, elle illustre l'évolution sociale et morale de cette époque qui s'ouvre à un idéal plus individualiste.
Contrairement à une idée trop souvent reçue, la Chanson de Roland, la plus ancienne oeuvre littéraire de langue française, n'est pas restée figée, comme intouchable, aux yeux de la postérité. Elle s'est au contraire remarquablement adaptée au grand essor littéraire initié sous le règne de Louis VII qui atteint son épanouissement au temps de Philippe-Auguste. Tout en s'enrichissant de ce nouveau milieu historique, intellectuel et culturel et sans rien renier de son prestige, elle trouve naturellement sa place dans le vaste domaine épique qui se développe alors. Le manuscrit de Châteauroux, ici publié, est un témoin privilégié de cette belle évolution qui a incontestablement contribué au rayonnement de la Chanson de Roland.
Le présent volume offre une nouvelle édition de trois textes hagiographiques que le clerc normand Wace composa vraisemblablement entre 1135 et 1150, et leur première traduction en français moderne.
Quelques années avant son Roman de Brut, inspiré de l'Historia Regum Britanniae, qui, dès 1155, introduisit la figure du roi Arthur, et son Roman de Rou, qui retrace l'histoire des ducs de Normandie, Wace exploite les potentialités narratives du genre hagiographique en adaptant en langue vernaculaire romane des oeuvres représentatives des trois grands modèles fixés par la tradition latine (la passio, la vita et les miracula). Avec sa Vie de sainte Marguerite, sa Vie de saint Nicolas et sa Conception Nostre Dame, premier texte français consacré à la vie de la Vierge, il s'inscrit dans le vaste mouvement de translatio studii, qui fut l'une des grandes réussites culturelles de l'espace anglo-normand, où la production des vies de saints fit partie intégrante de la Renaissance du XIIe siècle.
Le plus ancien texte narratif connu en langue française (début du xiie siècle), le Voyage de saint
Brendan se range dans la série de pèlerinages fantastiques dans l'Autre Monde, qui a tant obsédé
le Moyen Âge celtique. Brendan, moine irlandais légendaire dont le prototype historique vivait au
vie siècle, navigue parmi les îles enchantées de l'Atlantique à la recherche du Paradis terrestre. Le
texte -source du poème anglo -normand de Benedeit (Benoît) est la Navigatio sancti Brendani
abbatis, qui remonte au ixe siècle, sinon plus loin encore. Les éditeurs présentent ce récit
extraordinaire d'exploration et d'aventures dans le cadre d'une odyssée spirituelle, en le situant
dans la longue tradition des poèmes de même inspiration, qui de l'Antiquité mène à la Divine
Comédie.
Le Roman de Thèbes représente notre premier roman. C'est une oeuvre plurielle, qui tantôt suit de très près son modèle, tantôt s'en affranchit avec une extrême liberté. Comme la Thébaïde de Stace, sa source, l'auteur médiéval relate la guerre fratricide opposant les deux fils d'oedipe, à la manière des chansons de geste contemporaines. Cependant le péché de Jocaste semble bien loin, et d'autres figures féminines, comme Antigone et Ismène, prennent un relief particulier. Le monde antique apparaît sous des traits médiévaux, mais la pratique de l'anachronisme semble ici concertée. La coexistence de l'antique et du médiéval aboutit à des synthèses de caractère baroque, répondant à un goût certain de l'insolite. C'est dire que, dès son apparition, le Roman de Thèbes frappe par sa nouveauté, sa liberté de ton, son originalité.
Composé dans le premier tiers du XIIIe siècle, Meraugis de Portlesguez de Raoul de Houdenc suit les aventures souvent cocasses d'un jeune chevalier qui, après avoir gagné la sage et jolie demoiselle dont il était épris, part en quête de Gauvain avec elle, mais l'oublie en chemin, avant de parvenir, au terme d'un parcours semé de nombreuses péripéties, à la reconquérir.
Ce périple est l'occasion pour Raoul de revisiter, non sans humour, de nombreux motifs utilisés par ses prédécesseurs, en particulier Chrétien de Troyes, à qui il a été comparé dès le Moyen Age. Éblouissant travail de réécriture, Meraugis illustre brillamment la veine ironique et le goût du jeu qui caractérisent bon nombre de romans arthuriens en vers du XIIIe siècle.
La chanson de Doon de la Roche est un témoin sensible de l'infléchissement du genre épique vers le romanesque en cette fin du XIIe siècle.
En effet, à partir des sombres manigances d'un traître jaloux souhaitant la perte d'Olive, l'épouse vertueuse de Doon, le récit exploite à la fois la veine de l'aventure épique, le lyrisme émouvant et les renversements romanesques. En outre, il est l'occasion d'une galerie de personnages contrastés et dont l'affrontement soulève des problématiques politiques, judiciaires et sociales - dont la pertinence ne se dément pas aujourd'hui.
La présente édition, établie à partir de l'unique manuscrit de conservation de la chanson, apporte de surcroît un éclairage linguistique sur les formes du lorrain médiéval.
Personnage inverse du roi fondateur Brutus, Leïr fait bien figure de « premier roi », malgré le onzième rang qu'il occupe dans la liste des souverains légendaires de Bretagne ; à sa mort, il sera d'ailleurs enseveli dans un hypogée voué au culte du dieu Janus, qui marque le début de l'année. Sous son règne se rejoue le partage initial du royaume, qui échoue d'abord par la faute d'un contresens commis par le roi, mais finit par assurer à la cadette déshéritée le triomphe de sa piété filiale.
Le corpus des textes rassemblés dans ce volume offre six variations sur le même thème, du récit fondateur de Geoffroy de Monmouth dans son Historia regum Britanniae jusqu'au détournement dans un « fabliau » contaminant l'exemplum royal avec un exemplum bourgeois, qui figure en appendice d'une traduction en vers de la Disciplina clericalis. Tous les textes appartiennent aux xiie et xiiie siècles et proviennent exclusivement de l'aire culturelle normande et anglo-normande. S'ils constituent les plus anciennes attestations de la légende du roi Leïr, qui puise sa matière dans un vieux mythe indo-européen du roi associant le partage de son royaume à une épreuve, ils préfigurent aussi les élaborations futures, dont la plus célèbre demeure Le Roi Lear de Shakespeare au début du xviie siècle.
Adam, Ève, la Figure et le Diable jouent la Création, la Faute et ses suites ; Caïn tue Abel ; les Prophètes défilent et annoncent la venue du Christ rédempteur. Mettant en scène quelques aspects majeurs de l'Histoire sainte, le Jeu d'Adam occupe une place importante dans l'histoire du théâtre européen en langue vernaculaire.
Considéré comme la première pièce de théâtre en français, il juxtapose des dialogues en anglonormand et des didascalies en latin, dans un dispositif complexe, qui le rattache étroitement à la liturgie. La présente édition, sa traduction et son commentaire interrogent le rapport de ce dispositif à la performance, et proposent de comprendre ses particularités formelles et linguistiques moins comme des failles que comme des indications de lecture ou de jeu. Didascalies, rimes et mètres sont alors les indices d'une liturgie récréative dont le Jeu d'Adam est, aux côtés d'autres textes du manuscrit 927 de la Bibliothèque municipale de Tours, le témoin le plus marquant.
La Manekine de Philippe de Remi est le premier texte français à combiner le conte de la fille aux mains coupées avec le motif de l'inceste, dans un roman en vers qui conserve des traces de ses sources orales. Par une géographie signifiante, qui mène le lecteur de Hongrie en Écosse et dans la Rome pontificale, ce roman aux multiples et violentes péripéties s'interroge sur les failles des sociétés féodale et courtoise ; il propose une leçon morale fondée sur une sagesse de nature supérieure, qui prend acte de la faiblesse des hommes et du monde et fait résider le salut dans l'Espérance et la confiance en la Vierge Marie.
A la fin du XIIIe siècle, un romancier du Nord de la France, Jakemès, métamorphose le trouvère historique qu'est le châtelain de Coucy et sa dame en un couple d'amants mythiques, dont l'histoire tragique, très vite rapprochée de celle de la châtelaine de Vergy et de son amant, aura une belle postérité jusqu'au XIXe siècle. Tout en composant le premier roman biographique en langue d'oïl qui soit consacré à un poète et à une mise en recueil de ses chansons, il s'approprie la légende cruelle mais fascinante du coeur mangé, qui nourrissait déjà la mémoire d'un troubadour, Guilhem de Cabestanh, et qui a joui d'une large diffusion, notamment dans les littératures italienne, Dante et la Vita Nuova, Boccace et allemande. L'écriture du roman, avec l'enchâssement des poèmes du châtelain et l'invention de sa vie sur le modèle des vidas et des razos occitanes, immortalise le trouvère qui, en retour, donne à Jakemés son identité de romancier. L'union originale du roman et du lyrisme courtois sert une célébration vibrante de l'idéal de la fin'amor, confronté aux épreuves des réalités familiales et sociales, et l'oeuvre se termine par la victoire posthume des amants adultères.
Composée vers 1170 en Angleterre par Guillaume de Berneville, La Vie de saint Gilles est la plus représentative des nombreuses " vies " de saints alors adaptées du latin en anglo-normand à l'intention d'un public laïque.
S'inspirant d'une Vita anonyme, l'auteur a su respecter la dimension édifiante de l'histoire tout en retravaillant de manière très personnelle et très concertée la trame héritée. Sans aller jusqu'à offrir une figure imitable de la sainteté, il a rapproché le plus possible son héros de l'humanité moyenne. Il a parallèlement inscrit le parcours très mouvementé du saint dans l'univers féodal et courtois du XIIe siècle, s'appropriant habilement des motifs et des techniques propres aux textes profanes.
Le motif arthurien de la chasse à la biche blanche s'allie au monde épique, autour de Charlemagne et de son " péché ", à l'évocation précise des tempêtes en mer et de la dure vie des marins, aux délices et tourments de la vie érémitique. Manière de diffuser avec subtilité le message religieux et de séduire le lecteur pour mieux le pénétrer de la douceur (mot clé de ce récit) de la leçon proposée. De la production littéraire du Moyen Age français, le lecteur moderne ne connaît guère que quelques noms et quelques oeuvres, la plupart justement célèbres.
Le pari de cette nouvelle collection est de leur donner une plus large diffusion en proposant des éditions remises à jour, assorties de traductions originales et de tout ce qui peut en faciliter la compréhension. Mais il a paru tout aussi important d'associer à ces valeurs établies des oeuvres moins connues, souvent peu accessibles, capables cependant de susciter à leur tour le plaisir de la découverte.
Le Conte du Papegau - plus connu sous le titre du Chevalier au Papegau - est un roman arthurien anonyme du Moyen Âge tardif. Durant une parenthèse d'un an, le jeune roi Arthur, devenu le temps du récit, le Chevalier au Papegau, rejoue les grandes aventures dévolues aux héros du maître Champenois, Lancelot, Erec, Yvain Le tour de force consiste à faire des " enfances " d'Arthur le prologue rétroactif des aventures déjà écrites depuis trois siècles par Chrétien de Troyes. Le roi est accompagné d'un papegau qui joue différents rôles : l'oiseau est à la fois le ménestrel portatif du chevalier et son historiographe qui consigne le récit des aventures dans une parole éphémère ; mais il est aussi l'emblème de la répétition qui est au coeur du processus de réécriture de ce tard -venu.
Ce récit léger et insolite, dont nous proposons la première édition bilingue, apporte un éclairage intéressant sur la réception du matériau arthurien à la fin du Moyen Âge.
Les fils laissés en suspens par Chrétien de Troyes dans Le Conte du Graal, puis par les premières Continuations en vers, sont ici repris et noués et les aventures enfin achevées.
Retrouvant la technique de l'entrelacement, inaugurée par Chrétien, l'auteur de la Troisième Continuation de Perceval, qui se nomme lui-même Manessier à la fin de son roman, relate alternativement les aventures de Gauvain et celles de Perceval. L'un et l'autre désirent ardemment connaître les mystères du Graal. Mais Gauvain, engagé malgré lui dans des actions vengeresses, ne dépasse pas la cour d'Arthur, tandis que Perceval continue sa progression chevaleresque puis spirituelle jusqu'à sa mort édifiante.
Son âme est emportée au paradis où le Graal la suit. Le Graal, qui a autrefois recueilli le sang du Christ, retourne au ciel et le cycle est ainsi clos.