Il est temps de séparer l'intelligence de Marx de son activisme révolutionnaire. Cet activisme a justifié assez de violence pour être renvoyé au passé qu'il mérite. En revanche, l'intelligence de Marx demeure l'un des seuls moyens de comprendre l'irréalité contemporaine. Il y a un parti de l'intelligence à l'oeuvre dans les analyses du Capital qu'aucune déviation historique ne peut faire oublier. Une fois délivrée des prophéties faciles, l'analyse marxienne retrouve sa place au milieu des grandes analyses du fait social, entre Aristote et Hegel. Elle en prolonge jusqu'à nous les lois les plus profondes car elle touche au lien entre Dieu et l'or, entre la religion et l'idolâtrie.
Ce Marx pris à rebours de ses interprétations communes ne pouvait être un Marx protégé derrière des prétextes érudits ou des raisons militantes. Il est celui des mythologies et des catastrophes annoncées, le Marx qui ne cesse de revenir au rythme de peurs qui n'ont pas encore de nom. Le Marx de notre temps vit au rythme des épreuves encourues par la terre et c'est pourquoi il est aussi troublant que clairvoyant.
Mais avec ses dialectiques engagées au plus près de la fièvre de l'or et des fétiches de la mondialisation, il poursuit le dessein totalisant de la philosophie, philosophie du clairobscur qui n'a plus rien de commun avec les exercices frileux et autoritaires qui revendiquent ce nom.
Cette étude a l'ambition de décrypter la philosophie implicite de L'Image-mouvement et L'Image-temps de Gilles Deleuze.
Elle apprivoise la fulgurance de sa pensée du cinéma en explicitant la genèse de sa construction et permet de mieux appréhender les enjeux de cette rencontre paradoxale entre la pensée singulière d'un philosophe et le cinéma, dans son infinie diversité. La lecture croisée de L'Image-mouvement, de L'image-temps et de quatre années de cours délivrés sur le cinéma par Deleuze, témoignent de l'édification de cette pensée vivante, avec ses sédimentations, ses repentirs et ses audaces.
Aux sources d'inspiration avouées de Deleuze - Bergson, Peirce -, nécessaires à la mise en place de son dispositif de recherche, s'adjoignent très rapidement celles, plus profondes, de Kant et de Spinoza, qui en guident la progression. Grâce au cinéma, Deleuze prolonge sa réflexion sur l'empirisme transcendantal, reconsidère la question de l'image et des signes, revisite secrètement l'éthique de Spinoza afin de nous proposer une nouvelle éthique, qui ne répond plus à la question "Que peut un corps ?" mais à sa généralisation "Que peut une image ?".
A la fois genèse de la sensibilité, cosmogonie, sémiotique et éthique, L'Image-mouvement et L'Image-temps construisent une génétique des puissances de l'image dont les oeuvres des cinéastes sont à la fois les jalons et les pierres de touche : la rencontre avec ces oeuvres permet à la philosophie de Deleuze de subir l'épreuve du réel et de la faire bifurquer au gré des rencontres avec les pensées des cinéastes.
Deleuze se sert du cinéma, qui devient la vérification expérimentale de sa philosophie, cependant que le cinéma "capture " Deleuze, et l'amène à tracer des cheminements de pensée inédits. Dans cette parade amoureuse, Deleuze est la guêpe, le cinéma l'orchidée. C'est en déterminant pourquoi ces livres sont des ouvrages de philosophie à part entière que l'on en appréciera la portée.
Comprendre leur armature philosophique complexe, c'est se donner les moyens de saisir plus profondément ce qu'ils apportent à la théorie du cinéma.
Deux philosophes, Jean-Luc Nancy et Federico Ferrari abordent la question de la fin dans un texte en trois actes où la pensée interroge son continuel sentiment d'achèvement. D'une part nous sommes depuis longtemps dans un climat de "fin de... l'art, la philosophie, la politique, le monde..." D'autre part, ce motif qui a tant marqué une génération - en très gros 1970-1990 - se trouve lui-même mis en cause par une génération plus jeune qui lui demande : en avez-vous fini avec vos fins ? "Peut-être n'y a-t-il aucun commencement ni aucune fin, et toujours un entre-deux, toujours un passage, un milieu qui n'est pas un lieu mais un élément où ça flotte entre un début et une fin qui n'ont jamais lieu.
Le commencement et la fin sont au milieu de tout, invisibles, rapides comme un double éclair obscur. Ni commencement ni fin n'existent. Ce sont chaque fois des artefacts, des projections d'un besoin de fixer des bornes, de tenir des points fixes. En réalité tout a toujours déjà commencé et tout continue toujours à finir."
La Science de la logique de Hegel comprend deux tomes : la Logique objective, avec les livres de l'Etre (versions de 1812 et de 1832) et de la Doctrine de l'essence (1813), et la Logique subjective ou Doctrine du concept (1816).
L'ouvrage que voici, qui est celui de la Doctrine de l'essence, correspond, écrit Hegel lui-même, à la " sphère de la médiation ", ce qui veut dire qu'il constitue " le passage de l'être dans le concept ".
"On ne cesse d'oublier d'aller jusqu'au fondement.
On ne pose pas assez profond les points d'interrogation", écrivait Wittgenstein. L'oeuvre de Francis Jacques est une franche réplique à cette "remarque". Aussi occupe-t-elle une place originale dans la philosophie de notre temps. L'entreprise était audacieuse ; et elle devait être innovante. Les obstacles philosophiques étaient nombreux ; il fallait les reconnaître et les interroger jusqu'à leurs plus profondes racines.
La démarche analytique, en l'occurrence, a fait merveille. Elle ne fut qu'un point de départ. Mais il était décisif parce qu'il conduisait à bouleverser l'échiquier sur lequel la tradition des siècles avait construit ses systèmes philosophiques. Sur le chemin ainsi frayé, l'espace logique de l'interlocution a supplanté le subjectivisme-roi des philosophies de la conscience. L'exploration du dialogisme communicationnel a été la voie d'un questionnement approfondi qui, d'un point de vue métaphysique, a découvert la relation comme source originaire et fondationnelle de la pensée.
À cette source pure puise l'exigence transcendantale qui, alliée aux structures formelles du travail de la pensée, commande l'érection du sens. En faisant du questionnement patiemment poursuivi l'activité génétique et critique de la pensée, l'interrogation radicale est devenue, en raison de sa portée ontologique, une élévation spirituelle. Aussi la sagesse peut-elle désormais défier les pathologies qui gangrènent les manifestations de l'existence.
L'horizon s'éclaire de la lumière divine : il est un lieu de confiance et d'espérance. Au processus de "dé-construction" généralisée que développent aujourd'hui tant d'ouvrages, l'oeuvre de Francis Jacques oppose le mouvement d'une reconstruction spirituelle que commande, outre l'alliance hardie de la logique et de la métaphysique, l'écoute de la théologie. En fouillant les puissances originaires de l'interrogativité dont l'intégralité et la radicalité font la noblesse de la pensée, elle trace l'itinéraire au long duquel elle propose, contre la désespérance d'un temps de crise, de philosopher autrement pour retrouver les repères effacés et reconquérir, sur le chemin de l'Absolu, l'humanité perdue de l'homme.
C'est un recommencement.
Comment penser l'homme aujourd'hui, dans une perspective matérialiste désormais imposée par les sciences ? Celui-ci est incontestablement soumis aux déterminismes de la biologie, de l'histoire et de la psychologie, lesquels ne font pas de place au libre arbitre traditionnel.
Mais il ne suffit pas d'en reconnaître l'efficience ; encore faut-il les articuler de manière fine et éviter de verser dans l'idée qu'une de ces instances l'emporterait fondamentalement sur les deux autres - comme le fait par exemple et sous une forme extrême le "biologisme" quand il prétend expliquer l'être humain pas ses seuls gènes.
Ce livre s'y efforce avec rigueur et bien des nuances, en tenant compte de nombreux acquis scientifiques.
Il privilégie cependant la conception radicalement nouvelle de Marx, centrée sur l'histoire et montrant comment l'homme se construit en elle et par elle ; mais il s'agit d'un Marx revisité, voire corrigé, dans lequel on découvrira une forme de "nature humaine" régulièrement occultée par ses partisans, et autorisant pleinement une liberté collective à l'humanité. Reste le cas de Freud, ce géant lui aussi : son anthropologie, inspirée de sa psychologie de l'inconscient et de sa théorie des pulsions (Eros et Thanatos) est, par son pessimisme relatif, en concurrence avec celle de Marx quand il s'agit de penser l'aventure historique de l'homme et la possibilité d'un progrès proprement moral de la société.
Cet ouvrage tente aussi de résoudre cette concurrence au profit de l'auteur du Capital.
La pensée de Pascal et des Messieurs de Port-Royal représente un moment particulièrement aigu dans l'histoire des conflits entre pouvoir religieux et pouvoir politique.
Sur le plan de l'existence quotidienne, la théologie janséniste se traduit dans des pratiques de contrôle du corps social et du corps individuel, alternatives à celles mises en place par le pouvoir politique. Ainsi la théologie et l'éthique de Port-Royal mènent jusqu'au bout, et de manière exemplaire pour l'ensemble des religions monothéistes, les contradictions qui déchirent la communauté religieuse qui se fait institution, toujours suspendue entre pastoral de l'âme et contrôle du corps.
Autrement dit, dans le conflit entre jansénisme et société civile se propose la question de l'appartenance de l'individu : on est d'abord fidèles et puis citoyens ? Ce sont les croyances religieuses qui priment sur les valeurs sociales ? Ou bien le domaine de la religion est essentiellement privé et l'espace public est gouverné par d'autres principes ? Ce sont des questions d'une grande actualité que cet ouvrage discute par le biais d'un retour à un des moments décisifs de la construction du rapport entre religion et politique des civilisations européennes.
La Science de la logique de Hegel comprend deux tomes : la Logique objective, avec les livres de l'Être (1812) et de la Doctrine de l'essence (1813), et la Logique subjective ou Doctrine du concept (1816).
En 1831, Hegel entreprit de réécrire, en l'amplifiant considérablement, le premier de ces ouvrages. Cette seconde version fut publiée en 1832, après la mort de son auteur, sous le titre La doctrine de l'être. C'est ce texte que l'on trouvera dans le présent volume. Il constitue le dernier état de l'écriture de Hegel sur ce premier moment de sa pensée logique.
Le meilleur moyen d'approcher la conception deleuzienne du désir est de suivre la lignede fuite du masochisme. La lecture de Deleuze de 1968 (dans la Présentation de la Vénus à la fourrure) n'est pas à l'époque antinomique avec celle de Lacan, au contraire. Le concept lacanien de "masochien" vient compléter heureusement les analyses deleuziennes et, réciproquement, les concept nouveaux d'espace lisse et de ligne de fuite (dans Mille Plateaux) apportent une avancée dans la compréhension du masochisme et du désir en général.
Le second essai, concerne l' esthétique de la peinture. Le concept d'espace lisse (espace nomade des lignes de fuite, par opposition à l'espace strié qui, par son striage, morcelle les devenirs et les lignes de fuite, les stoppe), ne convient pas seulement au commentaire de la peinture de Bacon. Une peinture classique aussi apparemment striée que celle, perspectiviste, du Lorrain, n'est pas sans faire place à du "lisse" qui se trouve au coeur de cette beauté. Nietzsche en voyant, « La Vue de Delphes avec procession » en a pleuré. Pourquoi verse-t-il des larmes ? Qu'a-t-il senti ? Comme un infini d'espace lisse et de déterritorialisation en tant que manifestation quasi pure du désir ? Sentiment du traçage d'un espace lisse nomade de liberté ? Les concepts Deleuziens, qui sont parfaitement appropriés à percevoir et faire sentir ce type de peinture, ont donc une portée beaucoup plus large et étendue que celle qui les restreindrait à la peinture contemporaine.
Les concepts d'espace lisse et strié ne sont pas sans avoir une porté politique (troisième essai). Il s'agit de montrer une autre facette de la politique deleuzienne que celle, habituelle, qui s'entend à l'intégrer de force sous des attentes marxistes. Le concept d'espace lisse prouve sa fécondité pour analyser l'espace politique propre à la démocratie. Pour faire ressortir la pertinence des concepts deleuziens du lisse et du strié, il faut partir de Machiavel et de la construction d'un espace perspectiviste et strié comme espace d'apparences, de simulacres. Cet espace (machiavelien) reste au fondement de l'espace démocratique (de son espace public). Deleuze n'est pas dupe du simulacre de l'espace démocratique et de ses "contrats". D'où ses réticences devant la démocratie parlementaire. Il y a une "apparence" semble-t-il constitutive du politique :
Comment faire avec ce simulacre ? Peut-on penser une autre forme d'espace lisse du politique ? Qui soit un espace à la fois politique et nomade ? Ces questions sont vitales pour nous aujourd'hui confrontés au renouvellement de la démocratie.
Enfin, le quatrième essai, concernant l'athéisme de Sade, montre l'existence d'un
Ce livre rompt avec tous ou presque tous les courants de pensée qui associent traditionnellement philosophie et mathématiques, surtout ceux d'inspiration analytique qui se centrent d'une façon ou d'une autre sur une théorie de la connaissance et finissent par assimiler, en fait sinon en droit, mathématiques et logique. Il s'agit ici tout d'abord d'explorer comment le tournant linguistique, entendu en un sens large, a induit ce qu'il n'est pas exagéré d'appeler un exil des mathématiques - celles que pratiquent quotidiennement les mathématiciens -, du cours de l' « histoire des idées », exil qui dure depuis déjà un bon siècle. Observer cette histoire au travers précisément de la lunette a priori déformante et réductrice des mathématiques permet de l'éclairer sous un angle étonnant et mène à des surprises sur des sujets aussi divers que l'opposition entre le langage et l'espace, certaines forclusions massives héritées du Nazisme, ou encore la promotion des `mathématiques', avec cette fois des guillemets obligés, au rôle de lieu-tenant du Symbolique face à un Imaginaire tenu par principe en suspicion. On rencontrera en chemin aussi bien Platon que Kant ou Hegel, Habermas comme Lacan ou Badiou, mais on se laissera également guider par André Weil et surtout Alexandre Grothendieck. C'est d'ailleurs auprès de ce dernier et dans ce que nous nommerons matière fonctorielle que nous commencerons de rechercher les outils et les rêves qui pourraient, dans l'avenir, contribuer à suturer un profond `clivage matriciel', le même qui, à l'intérieur des mathématiques, opposait jadis le `continu' au `discret' et dont nous attachons à dépister les traces, patentes et secrètes tout à la fois, dans notre histoire à tous, celle du vingtième siècle tout particulièrement.
L'éthique d'Aristote, si elle s'offre comme le premier volet supposé d'une philosophie relative aux affaires humaines, ne semble pas devoir se refermer sur une normativité assignable du juste et du vertueux. Et la phronèsis, invoquée par Aristote, au début du livre VI, comme ce qui devrait lever toutes les obscurités héritées des livres précédents, n'achève pas la détermination des conditions de la vertu ni celles de sa production. Il se peut en revanche que les livres VIII-IX, consacrés à la philia, qui pourrait n'être considérée que comme l'une des vertus particulières dont Aristote dresse les portraits, compensent ce risque d'inachèvement de l'éthique, en instaurant, à l'intérieur même d'une structure dyadique (puis communautaire) particulière, la solution substitutive, esquissée, mais aussi affective, d'un problème que l'approche théorique ne résout pas. Ce faisant, Aristote introduirait dans la philosophie les formes du rapport à l'autre, selon une double direction : celle de l'amitié - et de la nécessaire ouverture de la monade vertueuse à la présence de l'autre, perçu comme un parent familier (un oikeion), faisant ainsi de la philanthropie reconnue la source originaire d'une anthropologie, et celle, méthodologique, de la plasticité des discours, écritures, modalités épistémiques, de tout ce qui cherche à dire l'autre, pris entre l'étrange et le familier (seconde application de l'oikeion).
Une démarche qui légitimerait doublement le recours à l'affectivité, dans la constitution des modalités d'une éthique praticable et véritable, et dans la reconnaissance de l'affinité de tout discours, texte, écriture, à son objet, pour que soient conjointement pensés le flottement du monde et l'errance dans sa diversité.
Ce recueil rassemble les échanges de Maurice Blanchot avec, Johannes Hübner, l'un de ses traducteurs vers l'allemand. On peut y suivre le dialogue entre ces deux intellectuels particulièrement autour de la traduction de L'Attente l'oubli, texte paru en 1962 aux éditions Gallimard et en allemand aux éditions Suhrkamp en 1964. Ces propos aux accents philologiques sont régulièrement ponctués de considérations sur l'évolution politique des années 1960, entre la fin de la guerre d'Algérie et la.
Cette Lecture est un commentaire explicatif d'Ainsi parlait Zarathoustra.
Ce commentaire suit pas à pas ce livre dans lequel Nietzsche met en place tous les grands thèmes de sa pensée : surhomme, volonté de puissance, transmutation, éternel retour... L'auteur s'est appuyé sur la traduction rigoureuse qu'il a demandée à Hans Hildenbrand avec lequel il a travaillé en étroite collaboration. Sans autre ambition que de faciliter l'accès à ce livre capital mais de prime abord bien énigmatique, il a voulu aider à en déchiffrer les images poétiques, à en repérer la structure que cache son apparence chaotique.
Il a voulu permettre par là au lecteur d'Ainsi parlait Zarathoustra de saisir la philosophie - et bien mieux : la sagesse radicalement originale - que propose Nietzsche à la civilisation sans foi qu'il voit naître.
Cette Lecture est un commentaire explicatif d'Ainsi parlait Zarathoustra.
Ce commentaire suit pas à pas ce livre dans lequel Nietzsche met en place tous les grands thèmes de sa pensée : surhomme, volonté de puissance, transmutation, éternel retour... L'auteur s'est appuyé sur la traduction rigoureuse qu'il a demandée à Hans Hildenbrand avec lequel il a travaillé en étroite collaboration. Sans autre ambition que de faciliter l'accès à ce livre capital mais de prime abord bien énigmatique, il a voulu aider à en déchiffrer les images poétiques, à en repérer la structure que cache son apparence chaotique.
Il a voulu permettre par là au lecteur d'Ainsi parlait Zarathoustra de saisir la philosophie - et bien mieux : la sagesse radicalement originale - que propose Nietzsche à la civilisation sans foi qu'il voit naître.
Les pages que Husserl a consacrées à l'art et à la conscience esthétique sont rares et éparses.
Il n'en reste pas moins que la théorie qui y voit le jour fait preuve d'une grande systématicité. L'oeuvre d'art, comme elle le sera plus tard chez Sartre, y est invariablement désignée au titre d'objet irréel.
Non qu'elle ne possède une effectivité matérielle qui en assure la présence dans le champ de la perception et en constitue le soubassement physique, mais, bien plutôt, qu'elle soit illocalisable dans ce champ et irréductible à ce soubassement.
La raison en étant que l'objet d'art est un objet imaginaire qui ne trouve dans la réalité dont il est fait que le moyen de s'y objectiver et non celui de s'y individualiser. Son irréalité, il la reçoit du regard "désintéressé", au sens kantien du terme, qu'il appelle, de la visée intentionnelle particulière qui lui donne d'apparaître en tant que "néant" ou "rien", comme se plaît à le répéter Husserl.
C'est à retracer la genèse de cette conception dématérialisée de l'oeuvre artistique et du type de conscience qui l'appréhende que s'attache ce livre, non moins qu'à en cerner les enjeux théoriques. Deux voies d'investigation ont été privilégiées à cet égard. L'une, interne, s'efforce d'en dégager la provenance et d'en saisir le statut au sein même de la phénoménologie husserlienne. L'autre, externe, la confronte à des théories esthétiques rivales et à la production artistique dont elle a à rendre compte afin, par contraste, d'en faire jaillir et d'en apprécier la véritable portée heuristique.
Le résultat est que les catégories conceptuelles élaborées par Husserl pour fonder son approche du phénomène de l'art et de l'intention qui en prend acte s'avèrent, en définitive, sujettes à la critique.
Cette Lecture est un commentaire explicatif suivi d'Ainsi parlait Zarathoustra qu'il suit pas à pas sans autre ambition que de permettre l'accès à ce livre qu'on s'accorde à reconnaître comme à la fois capital et bien énigmatique.
S'appuyant sur une traduction rigoureuse l'auteur a voulu aider à en déchiffrer les images poétiques. Il a voulu faire voir la structure que cache son apparence chaotique. Il a voulu qu'ainsi le lecteur puisse saisir et juger par lui-même la philosophie - et bien mieux la sagesse radicalement originale - que propose Nietzsche à la civilisation sans foi qu'il voit naître.
Foucault, Wittgenstein : de possibles rencontres.
La tentation est grande en effet de confronter, comparer, faire jouer ensemble ces deux grandes références de la pensée contemporaine, même s'il ne saurait être question d'établir aucun rapport d'influence directe (Foucault a très peu lu Wittgenstein, il ne le cite que deux ou trois fois, et encore de manière allusive). Mais ces deux figures ont en commun de constituer, pour l'histoire philosophique du XXe siècle, des "icônes".
Par là on veut dire que, à la différence de beaucoup d'autres, Foucault et Wittgenstein, en plus de représenter un ensemble défini d'énoncés et un certain nombre de conceptions spécifiques, ce sont immédiatement des visages, des styles de pensée, des pratiques d'existence. D'autre part, on retrouverait assez facilement chez nos deux auteurs un rapport critique, implicite ou explicite, ou même simplement désinvolte à la philosophie traditionnelle (comme un ensemble de systèmes de connaissances qu'il conviendrait d'étudier, de commenter, de corriger...).
Mais ce dépassement d'une philosophie classique s'opère chez les deux au nom d'une dimension éthique.
Qu'est-ce que le badiolisme ? D'Alain Badiou, on ne dira pas qu'il n'est pas philosophe mais qu'il l'est chaque fois de loin et dans une situation d'exception dominante, mandarin arpenteur de tous les savoirs modernes, maître chez les intellectuels, guide inspirant chez les militants, roi platonicien chez les philosophes, finalement empereur céleste de la pensée. Badiou, c'est un empire, il tient sous son autorité à peu près tous les savoirs, leur assigne une place et un rang, fixe les hiérarchies, planifie son territoire. Mais sa grande oeuvre est encore ailleurs, il a voulu introduire le maoïsme de la "révolution culturelle" dans la philosophie la plus conceptuelle, la ré-éduquer par les mathématiques tout en l'élevant au rang stellaire de Doctrine officielle de la Vérité. C'est le Grand Epurateur de la pensée, le Grand manipulateur du vide. Entre empire platonicien et camp de redressement pour les cadres intellectuels, il mène un projet "culturel" dont on ne peut ignorer la force et le modèle politique qui l'inspire. Sa faiblesse fatale est de venir trop tard comme fait toujours la philosophie, comme réaction et chambre d'enregistrement de l'échec des révolutions historiques. Le maoïsme théorique est encore devant nous...comme une utopie mort-née ou un complot avorté. Il fallait examiner la logique de cette pensée conservatrice et autoritaire, démonter ses mécanismes et ses "roués rouages". Une telle tâche ne pouvait faire arbitrairement par humeur politique ou journalistique, par un philosophe ou un intellectuel déjà compromis. Nous devions disposer d'autres principes et d'une autre pratique de la philosophie, plus contemporaine et plus physiquement concrète que mathématiquement lointaine. Celle qui nous sert de microscope ou de dispositif optique pour sonder le badiolisme est ce que nous appelons la "non-philosophie" ou "philosophie non-standard" dont on trouvera ici quelques rudiments. Elle permet d'évaluer la nature régressive et violente de cette tentative et des dégâts qu'elle produit dans la pensée. Une philosophie de la terreur et de l'épuration... Badiou ou comment introduire le maoïsme dans la philosophie.
Conviction du caractère central, encore de nos jours, de la notion de sacrifice, pour archaïque voire désuète qu'elle puisse paraître à un esprit occidental - mais au sein même de l'Occident n'est-elle pas vivace dans les pratiques des monothéismes juif et musulman ? N'est-elle pas également centrale, au moins métaphoriquement et théologiquement, dans le christianisme ? Or ce sont les animaux qui en font les frais.
Est-ce juste ? Non ! Il convient d'autant plus de s'interroger sur l'éventuelle permanence d'un sacrificiel hors rituel, à la fois sourd, obscur et plat, dénué de toute opérativité positive, celui de l'abattage industriel et de la nourriture carnée, banalement et excessivement consommée aujourd'hui, voire revendiquée comme si la protéine animale faisait partie des Droits de l'homme. Conviction que la " question " des animaux n'est pas un " à côté " ou un " en dehors " de l'humain, mais lui est consubstantielle.
Ce n'est donc pas non plus un " hors politique ", et ce, à bien des titres. Rôle " fondateur " (dit-on) des sacrifices dans les cités antiques ou dans les sociétés sans écriture. Pratiques perverses et mortifères à court terme comme à long terme dans les économies modernes. Il faut poser le défi : quelle société voulons-nous pour vivre en paix et en équité non seulement entre humains mais entre " animaux humains " et " animaux non-humains " ? Conviction quant au rôle des artistes et des poètes pour franchir les barrières érigées par des philosophies étriquées, réductionnistes, arrogantes et cyniques (au sens trivial du terme), entre humain et animal, et pour nous donner quelque chose aussi bien de la familiarité que de l'énigme.
Elisabeth de Fontenay n'a-t-elle pas affirmé : " Il faut des artistes, virtuoses de la confusion, pour accorder aux animaux une compassion qui élargisse le coeur au point de faire vaciller le propre de l'homme ". Conviction que les animaux sont nos semblables et nos frères. Si la reconnaissance du visage animal, de la parole animale, de la dignité animale, rencontre l'argument de l'anthropomorphisme, elle en triomphe haut la patte.
La simple justice requiert pour les animaux leurs droits à vivre libres sur leurs indispensables territoires, à n'être ni chassés, ni pourchassés, ni capturés ni mangés ni appropriés ni exploités de quelque manière que ce soit. Telles sont les principales inspirations de cet ouvrage aux tonalités souvent malheureuses (d'indignation) et parfois heureuses (de jubilation), diverses comme le sont nos relations avec les animaux.
L'ouvrage examine trois problématiques centrales de la philosophie hégélienne : comment définir la nature et l'esprit et comment ces deux notions s'articulent-elles ? Comment la pensée - qu'elle soit naïve, savante ou philosophique - se rapporte-t-elle à son objet ? Dans quelle mesure le conflit du rationnel et de l'irrationnel peut-il être considéré comme le moteur de tout devenir ? L'étude repose sur une analyse globale de l'organisation et du fonctionnement de la pensée hégélienne de la pleine maturité, et propose une série d'hypothèses sur la visée et le principe de légitimation du discours "spéculatif". Elle accorde une large place au concept d'Aufhebung, à la pensée de l'altérité, et à la discussion menée par Hegel avec l'idée de finalisme. En outre, en insistant sur le thème de l'auto-manifestation du vrai et sur le statut du donné "immédiat" comme assise de tout processus et de tout agir, elle réévalue l'inscription de la pensée hégélienne dans l'héritage kantien et post-kantien.